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Revue SIDIC II - 1969/2
Les juifs dans la litérature (Pag. 09)

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Un poète catholique et un compositeur juif
Sr. Isabelle Marie

 

Le texte principal de ce numéro de Sidic essaie de faire ressortir la façon dont les juifs ont été présentés par des écrivains non-juifs, et les effets que cela a exercé sur la mentalité des chrétiens. Il est peut-être également intéressant de noter l'influence réciproque d'un poète catholique, Paul Claudel et d'un compositeur juif, Darius Milhaud.

La collaboration de ces deux artistes, le catholique traditionnel et le juif libéral, a inspiré certains éléments de leur travail, actuellement considérés comme dignes d'intérêt. Bien que Claudel ait partagé les idées plutôt antisémites de son temps, le contact pris avec Milhaud, outre les événements de la Seconde Guerre Mondiale et son expérience personnelle, l'a beaucoup aidé à changer d'esprit.

Ambassadeur au Japon, Claudel avait été très intéressé par la présence, sur le théâtre, de personnages destinés à traduire en rythmes sonores, l'émotion des assistants. De retour en Europe, il demande à un jeune musicien qui l'admire avec ferveur, D. Milhaud, de l'aider à réaliser son rêve « d'une musique sortant de la poésie comme la poésie naît de la prose, et la prose du silence et du gromellement intérieur ». Plus tard, s'adressant à un groupe d'étudiants de l'Université de Yale, Claudel dit: « Milhaud et moi, nous avons voulu montrer comment l'âme arrive peu à peu à la musique, comment la phrasejaillit du rythme, la mélodie de la parole, la poésie de la réalité la plus grossière, et comment tous les moyens de l'expression sonore, depuis le discours, le dialogue et le débat soutenus par de simples batteries, jusqu'à l'éruption de toutes les richesses vocales, lyriques et orchestrales, se réunissent en un seul torrent à la fois divers et ininterrompu ».

A mesure que leur amitié s'approfondissait, un changement progressif se faisait. En 1928, Claudel avait écrit à Milhaud: « Quel dommage que vous ne soyez pas catholique! Nous ferions de grandes choses ensemble ». Et en 1930, se rapportant à l'histoire du Peuple Elu comme base d'un oratorio, il avait noté: « ... pour l'écrire il faudrait que vous soyez catholique, puisqu'il n'y a qu'un catholique qui puisse se rendre compte de la grandeur et du pathétique poignant de cette sublime histoire ». Mais, plus tard, au cours de la même année, l'Affaire Dreyfus l'incita à répondre de la manière suivante: « Maintenant la vérité est établie dans un jour aveuglant qui ne laisse pas de me remplir d'une confusion rétrospective ». Apprenant la mort du père de Milhaud en 1942, Claudel dit à son ami: « C'est une goutte d'amertume de plus dans le calice que vous et les vôtres êtes obligés de boire en ce moment ».

Quant aux sentiments de Milhaud, celui-ci se ralliait aux désirs de son ami catholique allant même jusqu'à composer des chants pour une cérémonie de Première Communion ou accompagner les premières lignes d'un commencement d'oratorio: « Au nom du Père et du Fils et du St Esprit, c'est lui Christophe Colomb qui a réuni la Terre catholique et en a fait un seul globe au-dessous de la Croix ».

Ces deux hommes ont su se rencontrer, au-dessus de tous les obstacles sur lesquels butent les êtres ordinaires. Voyons-les selon une formule claudélienne comme « deux âmes pareilles à des Séraphins dont les ailes se rejoignent par les extrémités les plus hautes ».

 

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