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Message de Pâques
Michel Sabbah, Patriarche
Israël (2006/04/16)
Le Christ est Ressuscité. Oui, il est vraiment ressuscité.
Bonne et sainte fête de Pâques.
1. Toute fête nous porte à réfléchir sur le sens de notre foi. Elle renouvelle notre courage afin de faire face aux défis de la vie, privée et publique, et à toutes les difficultés que nous rencontrons dans tous nos pays où se trouvent nos diocèses : Jordanie, Palestine, Israël et Chypre. La fête nous invite à renouveler notre foi en Dieu et notre confiance en nous-mêmes, afin de mieux contribuer à l’édification de notre société, dans laquelle nous sommes appelés à porter l’amour pour tous, sans distinction aucune et au-delà de toutes les barrières confessionnelles ou nationales. Le Christ Ressuscité, le triomphe sur la mort, le retour à la vie, tout cela nous dit : Premièrement, Dieu est parmi les hommes. « Il a habité parmi nous » (Jn 1,14) ; deuxièmement, «il est amour » (1 Jn 4,8), et troisièmement, il nous a rendus capables d’aimer comme lui : « Il nous a donné de son Esprit, dit Saint Jean. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli » (1Jn 4, 13.12). Par sa mort et sa Résurrection, Jésus a fait de nous une créature nouvelle et un Homme Nouveau « dans la justice, la sainteté et la vérité » (Eph 4,23-24). Il nous a rempli de son Esprit, et « le fruit de l’Esprit, nous dit Saint Paul, est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22-23).
2. Notre vie quotidienne semble être bien loin de cette vision du Dieu-avecnous, de son amour pour tous et des fruits de l’Esprit en nous. Dans notre vie quotidienne, il peut nous sembler que la vie de l’Esprit, qui produit la charité, la joie et la paix, est un projet impossible, surtout dans notre Terre Sainte, livrée depuis des années et des années à la haine, au refus mutuel et à la mort. Et, l’action des chefs, et la vie des personnes et des groupes ne font que se développer selon cette logique. Il faut tuer pour vivre. Il faut tuer parce qu’on est tué. Il faut haïr parce qu’on a peur ou parce qu’on est opprimé. Voilà les critères de gouvernement et de vie dans une terre sainte, une terre de la Résurrection, une terre dans laquelle Dieu a parlé, dans laquelle les trois religions disent croire en Dieu et écouter Sa parole.
3. Malgré cette dure réalité, nous devons proclamer et dire que la terre où Dieu a parlé, où il a fait connaître son amour pour tous les hommes, peut rester terre de la Parole de Dieu, et non seulement terre de la parole des hommes qui remplace celle de Dieu par des attitudes de mort et de haine. Il faut croire dans notre capacité d’aimer, nous tous, Israéliens et Palestiniens. Nous sommes capables d’aimer et de faire justice pour nous-mêmes et pour les autres. Il faut repartir sur de nouveaux principes, sur une nouvelle vision de la vie en cette Terre Sainte. Nous sommes capables de nous libérer de la mort qui nous a été imposée jusqu’aujourd’hui. Nous, Israéliens et Palestiniens, nous sommes capables de nous libérer de la peur née dans la violence et le terrorisme, de l’occupation imposée par la loi du plus fort, et de la logique de la mort et de la haine. Vous qui tuez, cessez de tuer. Vous qui haïssez, arrêter de haïr. Vous qui occupez la terre, rendez-la à ses propriétaires. L’amour et la confiance sont plus efficaces pour réacquérir la liberté perdue, la sécurité perdue et l’indépendance désirée. Certes, ce langage est étrange à tous ceux qui détiennent en leurs mains le pouvoir. Mais à vous aussi, gouvernements, nous disons : Vous, gouvernements, qui ne croyez pas à ce langage, vous aussi, vous êtes capables d’aimer, de vivre et de transformer en termes de vie et de paix les rapports entre les deux peuples dans cette terre sainte.
4. Frères et Soeurs, qui célébrez la Résurrection du Seigneur dans notre diocèse et dans le monde entier, nous vous souhaitons une heureuse et sainte fête de Pâques. A tous les habitants de cette Terre Sainte, chrétiens, juifs, musulmans et druzes, nous souhaitons toutes les bénédictions du Seigneur. Aux Juifs, qui célébrez votre Pâque en ces jours, nous souhaitons que la fête soit une source de bénédiction, d’amour et de justice pour vous et pour tous les habitants de la Terre Sainte.
Le prophète Isaïe dit : « Voici qu’un roi règnera avec justice, et des princes gouverneront selon le droit » (Is 32,1). Nous souhaitons que cette prophétie puisse se réaliser dans notre terre. Pour le moment « les messagers de paix pleurent amèrement » (Is 33,7), comme le dit Isaïe aussi. Nous prions et nous espérons que nos chefs puissent se laisser guider par de nouvelles visions et un nouveau courage capables de changer la face de cette terre et de remplir les esprits et les coeurs de sécurité, de justice et de tranquillité.
Heureuse et sainte fête de Pâques.
+ Michel Sabbah, Patriarche
Jérusalem, 11.4.2006