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Présentation
Le quatrième évangile est un des livres les plus importants du canon chrétien. Il a été et il continue à être un lieu théologique, en particulier pour la christologie – c’est à dire pour la compréhension qu’a la théologie chrétienne de la personne de Jésus. Sa façon de parler du rôle de Jésus, de son identité se situe à un des niveaux de compréhension parmi les plus profonds du Nouveau Testament. La tradition chrétienne l’appelle volontiers, à la suite de Clément d’Alexandrie (2e siècle), « l’évangile spirituel », à cause de sa grande signification aussi bien pour la spiritualité chrétienne collective que pour l’expérience religieuse chrétienne individuelle. « Le lecteur [chrétien], dit Jean Radermakers, perçoit d’emblée qu’il est placé, en lisant ce texte, devant un mystère, et même devant le Mystère par excellence : celui du Verbe fait chair, de l’incarnation de Dieu dans notre fragilité mortelle. … Ce que les trois autres évangélistes disent de la personne et de l’identité de Jésus, le quatrième l’exprime avec une profondeur nouvelle. C’est comme un chemin sur lequel se trouve entraîné « tout disciple que Jésus aime ». … C’est une marche … vers celui qui se présente comme la Porte, le Berger, la Vigne, la Lumière, la Vie, le Pain Vivant, la Résurrection, et tout ensemble le Fils bien-aimé et l’Envoyé du Père ». (1)
Cet évangile si profond contient aussi des traits d’anti-judaïsme. Celui qui affirme que « le salut vient des juifs » (Jn 4, 22), qui ne passe pas à côté de la judéité de Jésus, de Marie, des apôtres et des disciples, est aussi celui qui contient les accusations les plus péjoratives contre « les Juifs », hoi Ioudaioi, notamment dans le récit de la Passion.
De nombreuses études sont faites actuellement pour tenter d’expliquer ces trais anti-juifs, en les replaçant dans les contextes à la fois historiques et rédactionnels complexes qu’on connaît mieux maintenant. Au début du 2e siècle de notre ère, - époque de la dernière rédaction de l’évangile de Jean, - les conflits étaient devenus aigus à l’intérieur de la communauté juive elle-même, entre juifs fidèles à la Tora et juifs suivant la « voie » de Jésus. Cela peut expliquer l’aspect polémique des traits anti-juifs. Le sachant, il faut essayer d’en amoindrir les conséquences pouvant faire naître, aujourd’hui encore, de l’anti-judaïsme voire de l’antisémitisme chez les chrétiens ; il n’a que trop existé dans le passé de l’histoire de l’Eglise ! Les efforts tentés, réalisés, veulent être fidèles aux orientations théologiques et pastorales de l’Eglise catholique dans son attitude nouvelle à l’égard du judaïsme, partagées aussi par la majorité des Eglises chrétiennes depuis cinquante ans.
Ce numéro double de SIDIC publie quelques exemples de ces efforts.
Deux articles d’amis jésuites européens, les PP. J. Beutler (Rome) et Y. Simoens (Paris), font droit à des études exégétiques et théologiques actuelles.
Des Etats-Unis, nous viennent une série d’articles où des intellectuels juifs et chrétiens font part de leur souci pastoral concernant la lecture traditionnelle et annuelle du récit de la Passion selon saint Jean, le jour du Vendredi Saint. D’autres, dans leurs discussions fraternelles entre savants, essaient d’entendre les messages de la Shoa en les confrontant avec des passages polémiques de Jean. On devra se rapporter à l’édition anglaise de Sidic pour lire des pages consacrées aux efforts déployés dans le domaine de la musique : « When the Words hurt : the Gospel of John, Bach’s Music, and Religious Intolerance ». Elles sont des contributions données lors d’un symposium public dû à l’initiative de l’Institute for Christian and Jewish Studies à Baltimore, en novembre 2000. A cette occasion, la Passion selon saint Jean de Jean-Sebastian Bach a été interprétée, précédée d’explications et suivie de discussions.
Dans la section Documentation, on trouvera les pages sur « les juifs dans l’évangile selon Jean » dans le récent document publié par la Commission biblique pontificale, ainsi qu’un extrait d’un important document « Eglise et Israël » de la communion ecclésiale de Leuenberg (Eglises protestantes en Europe). En outre, nous publions la version française de la méditation du cardinal J. Ratzinger parue en italien dans l’Osservatore Romano du 29 décembre 2000 : « l’Héritage d’Abraham ».
Enfin dans la section Recensions, nous signalons, entre autres, la parution (en anglais) des Actes du colloque de Leuven consacré à « l’Antijudaïsme et le quatrième évangile ».
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1. Jean Radermakers sj, « L’évangile de Jean, étude et contemplation », cours du soir. Bruxelles, Institut d’Etudes théologiques.