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Revue SIDIC XXVI - 1993/1
Le sens de la bénédiction dans le judaïsme et le christianisme (Pag. 20 - 21)

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Eucharistie et bénédiction
Max Thurian

 

Le rapport entre Eucharistie et Bénédiction juive est complexe, comme le montre le livre bien connu de L. Bouyer (Eucharistie, éd. Desclée 1966). Seuls quelques aspects importants sont abordés dans le passage du livre de Max Thurian cité ci-dessous qui, tout en mettant en lumière certains aspects communs, souligne nettement la spécificité chrétienne.

C'est dans l'esprit d'une bénédiction pour les merveilles de Dieu et d'un sacrifice de louange que Jésus a célébré la première eucharistie au cours du repas pascal. L'Eglise l'a toujours compris ainsi puisque les liturgies les plus anciennes placent au début de la prière eucharistique une solennelle bénédiction pour les merveilles de la création et de la rédemption, qui met en évidence que l'eucharistie est un sacrifice de louange et d'action de grâce:
«Vraiment il est juste
et bon
de te rendre gloire,
de t'offrir notre action
de grâce..
. »

La quatrième prière eucharistique de l'actuel Missel romain est un des exemples les plus clairs de ce sacrifice de louange et d'action de grâce. Mais toutes les Eglises commencent leur prière eucharistique dans le style de la bénédiction (berakah) et du sacrifice de louange (tôdah).

L'eucharistie est également une supplication et une intercession, fondées sur le rappel du sacrifice du Christ. C'est parce que Jésus s'est donné au Père et à nous dans le sacrifice de la croix, c'est parce qu'il intercède pour nous devant le Père, que nous pouvons, forts de ce sacrifice et de cette intercession, offrir la prière eucharistique de l'Eglise comme notre supplication et notre intercession. C'est ce que la Bible appelle le mémorial: rappeler devant Dieu ce qu'il a déjà fait pour son peuple, afin qu'il nous en accorde aujourd'hui tous les bienfaits. Le mémorial, c'est l'actualisation de l'oeuvre de Dieu, et c'est en même temps le rappel en prière au Père de ce qu'il a fait, pour qu'il pousuive aujourd'hui son oeuvre.

Le repas pascal est le mémorial par excellence, où le peuple de Dieu actualise la délivrance historique dans une liturgie et rappelle à Dieu ce qu'il a fait une fois, pour qu'il le continue aujourd'hui: « Notre Dieu et Dieu de nos Pères, dit la prière pascale juive, qu'il monte... le mémorial de nos personnes, le mémorial de nos pères, le mémorial du Messie... Souviens-toi de nous... ». Que de gestes liturgiques de l'Ancien Testament sont appelés ainsi « mémorial » parce qu'ils sont une façon symbolique de dire à Dieu: « Souviens-toi de nous en raison de ta fidélité, manifestée autrefois par la délivrance de l'esclavage et par l'alliance avec ton peuple! »

Ainsi, lorsque le Christ a dit à la sainte cène, au cours du repas pascal, ces mots riches de sens pour les juifs: « Faites cela en mémoire de moi », les apôtres ont compris très clairement que Jésus leur demandait de célébrer l'eucharistie à la manière d'un sacrifice de supplication et d'intercession, pour présenter au Père le mémorial du sacrifice de la croix comme une prière pleine de promesses pour tous les hommes. C'est ainsi qu'un grand exégète a pu traduire la parole du Christ â la sainte cène: « Faites cela afin que le Père se souvienne de moi » (J. Jeremias). Pour reprendre les ternies de la liturgie pascale juive, on pourrait commenter ainsi la prière de Jésus: « Notre Seigneur et Dieu de nos pères, que s'élève devant ta face le mémorial du Messie, le fils de David, ton serviteur, le mémorial de son sacrifice... Souviens-toi de nous! »

La liturgie juive du repas pascal, au cours de laquelle Jésus a célébré la sainte cène, nous fait comprendre que l'euchairistie est une bénédiction pour les merveilles de Dieu, un sacrifice de louange et d'action de grâce, un mémorial, c'est-à-dire une actualisation de la passion, de la résurrection et de l'intercession du Christ, mémorial qui se dresse devant le Père comme l'offrande de prière de l'Eglise, qui rappelle au souvenir de Dieu tous les besoins des hommes: Souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise et de tous ceux pour qui nous te présentons le sacrifice.

Comme le dit une très belle prière de la liturgie catholique: « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Eglise, et daigne y reconnaître celui de ton Fils qui nous a rétablis dans ton Alliance... » (Prière eucharistique III).

LITURGIE ROMAINE: PRIERE EUCHARISTIQUE IV

Vraiment, il est bon de te rendre grâce, il est juste et bon de te glorifier, Père très saint, car tu es le seul Dieu, le Dieu vivant et vrai: tu étais avant tous les siècles, tu demeures éternellement, lumière au-delà de toute lumière. Toi, le Dieu de bonté, la source de la vie, tu as fait le monde pour que toute créature soit comblée de tes bénédictions, et que beaucoup se réjouissent de ta lumière. Ainsi, les anges innombrables qui te servent jour et nuit se tiennent devant toi, et contemplant la splendeur de ta face, n'interrompent jamais leur louange...
(Début de la Préface)


* Max Thurian, prêtre catholique, est l'un des membres fondateurs de la Communauté oecuménique de Taizé. Il est connu pour ses oeuvres théologiques et liturgiques. Le texte cité ici est un extrait de son livre: Le mystère de l'Eucharistie, éd. du Centurion, 1981, pp. 18-21.

 

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