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Revue SIDIC XIII - 1980/1
Rév. C.A.Rijk: In memoriam (Pag. 19 - 31)

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Le théologien: Les relations Judéo-Chrétiennes dans le pensée du Père Cornelis Rijk
Cornelis Rijk - Revue SIDIC Vol I (1968)

 

Une question se pose à l'esprit: quelles circonstances ont conduit le Père Rijk à consacrer sa vie aux relations judéo-chrétiennes? La réponse tient en un mot: la Bible. Son amour pour la parole de Dieu écrite, la pénétration qu'il avait de la mentalité du peuple qui a donné au monde la Révélation, l'ont inévitablement amené à l'amour du peuple juif et à l'action pour combler le fossé qui s'était creusé entre juifs et chrétiens depuis près de deux mille ans. Lire la Bible en priant, signifie, en effet, vivre en symbiose avec l'Esprit de Dieu qui inspira le Livre. Et la Bible, qu'enseigne-t-elle? Elle dévoile l'unité du plan de Dieu — unité que les hommes n'ont pas su voir; elle explique la mission spéciale du peuple choisi, sa vocation universelle de témoin de l'unique et vrai Dieu parmi tous les peuples de la terre, son rôle de médiateur dans la diffusion du message divin.
Il est significatif de noter que le premier article écrit pour SIDIC en 1968 était précisément sur ce sujet. Après avoir brièvement parlé du renouveau biblique dans l'Église catholique, le Père Arne par le de


La Bible, source, nourriture et règle de vie

« Je voudrais maintenant indiquer ce que signifie cette nouvelle prise de conscience de la Bible en tant que source, nourriture et norme de vie. Le contact familier et existentiel avec la Bible amène nécessairement le chrétien à rencontrer le "peuple du Livre", comme on appelle souvent les juifs. Il arrive encore que cela donne un choc aux chrétiens de découvrir que Jésus était vraiment un juif, qu'il travaillait, vivait, priait et souffrait comme un juif. Sans relever d'autres aspects du problème, ce seul phénomène montre à quel point les chrétiens sont étrangers à leur origine. En lisant et en étudiant la Bible, le lecteur chrétien est constamment mis en présence de juifs, puisque tous les auteurs, à l'exception de Luc, sont des juifs. Si le lecteur chrétienessayait de mieux comprendre et de vivre ce que le Seigneur veut dire par l'esprit de ces écrivains juifs, par les termes, les expressions littéraires qu'ils emploient, il deviendrait, d'une manière nouvelle et plus profonde, conscient du fait que Dieu a conclu son alliance avec un peuple bien déterminé et à un moment précis de l'histoire. Il comprendrait mieux aussi que Jésus, d'une manière unique, a frayé la route à l'humanité tout entière pour qu'elle participe à cette même alliance. Ceci, enfin, le rendrait capable de découvrir ou de redécouvrir — presque comme par surprise — que le même peuple juif vit toujours parmi nous. Cette découverte deviendrait le point de départ d'une rencontre, solidement établie sur la révélation des Écritures.

« La Bible parle encore de l'espérance des hommes et des promesses divines concernant la venue d'un royaume d'amour universel, de paix, de justice et de vie. Sur ce fond de tableau, apparaît, dans le nouveau Testament, la figure du Christ-Messie, encore attendu en tant que Messie glorieux. Puis, il est question des rapports entre ceux — juifs ou Gentils — qui reconnaissent en Jésus le Messie et les juifs qui ne le reconnaissent pas comme tel. Selon le nouveau Testament, ces rapports posaient déjà hien des problèmes à la communauté chrétienne primitive. Aux prises, pendant des années, avec la question, Paul appelle cette relation un mystère (Rm. 11,25), autrement dit un plan divin caché et secret regardant l'histoire du salut. Ainsi la Bible elle-même, fondement et norme de vie, met-elle non seulement le chrétien en présence de son origine juive, mais aussi des rapports constants entre Église et judaïsme. Vivre selon l'esprit de la Bible, veut dire assurément scruter ce mystère unique, en vue de la réalisation des promesses.

« En dernier lieu, je voudrais ajouter, qu'il a toujours été nécessaire de donner une interprétation à la Bible. Pour que la Parole de Dieu devienne vraiment parole vivante dans la communauté (cf. Dt. 30,14; Is. 55,10-11; l-lb. 4,12; etc.) elle a besoin non seulement d'un climat de réceptivité, mais aussi de traduction, d'explication, d'interprétation. Or il existe une corrélation remarquable entre interprétation de la Bible et contacts entre juifs et chrétiens. Une interprétation ouverte et existentielle de la Bible révélera les lignes de force du mystère judéo-chrétien et, comme il convient, stimulera les contacts entre juifs et chrétiens. Une lecture plus fermée, au contraire, empêchera même d'entrevoir le problème et de considérer les relations judéo-chrétiennes comme d'importance pour l'Église. Là où de sérieuses relations sont entretenues entre juifs et chrétiens, les aspects bibliques en sont soigneusement étudiés et ils deviennent une part essentielle de la pensée et de l'attitude chrétiennes. Au cours de l'histoire, les commentaires chrétiens de la Bible ont grandement nui aux rapports entre l'Église et le judaïsme. Une saine exégèse biblique vivifierait ces rapports et leur rendrait toute leur signification positive.

« Qu'une plus grande réceptivité aux valeurs de la Bible permette enfin aux chrétiens et aux juifs de collaborer dans un esprit d'ouverture, de compréhension mutuelle et d'amour afin de réaliser pleinement la parole que Dieu adressa à Abraham: "Par toi, seront bénies toutes les nations de la terre" (Gn. 12,3) ».

Vivre en se nourrissant réellement de la Bible et en en faisant une règle de vie signifie comprendre ce qu'est l'homme selon les Livres saints, sa place dans l'histoire et la manière dont Dieu s'y insère. Ceci est exposé dans un article du Père Rijk intitulé:

Importance des relations judéo-chrétiennes pour la liturgie chrétienne

« Que le dualisme n'existe pas dans la vie et la pensée biblique est un fait universellement connu. L'homme y est considéré dans sa totalité; il y vit dans le concret de son existence comme un Ganzheitliches Denken, un « ensemble pensant ». Cela signifie que les peuples de la Bible étaient unis entre eux, à la création et à l'histoire, par des liens intimes et fondamentaux, et qu'ils ne séparaient jamais ces éléments. Appelé à une foi explicite en un Dieu unique, ce peuple voyait en lui le créateur de toutes choses et le martre de l'histoire. Il n'y a qu'un seul Dieu, qu'une seule création, qu'une seule histoire et qu'un seul peuple de Dieu (lequel est nécessairement lié à l'humanité entière, car il n'y a qu'une humanité créée à l'image de Dieu, cf. Gn. I, 26-28; XII, 3-4). Ce Dieu unique agit dans la création et l'histoire, il se révèle lui-même et sauve son peuple dans et par les événements de la création et de l'histoire. La pensée biblique ne sépare pas la révélation de la création, la grâce de la nature, le naturel du surnaturel, parce que la Révélation, la rédemption et l'action salvifique de Dieu interviennent dans la nature,dans la création et dans l'histoire; la création elle-même est grâce et révélation de Dieu ».

En ce qui regarde la liturgie chrétienne, voici comment le Père Rijk formulait sa pensée:

« Les experts en histoire de la liturgie chrétienne ont démontré jusqu'à l'évidence que dans l'évolution du culte depuis le IVe siècle, et plus particulièrement depuis le VIIIe, un fossé toujours plus large s'est creusé entre la liturgie et la vie quotidienne, entre le clergé et le
Peuple.

« Je pense qu'il est exact de dire que le développement de la liturgie chrétienne était largement déterminé par l'évolution de la pensée théologique. Au moment où la théologie devenait plus dogmatique — elle consistait parfois uniquement en réflexion sur les dogmes de l'Église — et plus tard, plus abstraite, la liturgie fut nécessairement atteinte. Il y avait, évidemment, d'autres influences, mais citons surtout celles de la théologie toujours plus abstraite et intellectuelle, de la valeur décroissante accordée au caractère sacerdotal du peuple chrétien, de la manière statique de considérer la révélation et la foi, de la séparation entre la nature et la grâce et du regard dualiste que la science théologique jette sur l'homme. La liturgie et la vie se retranchèrent ainsi en deux mondes séparés, de même que la doctrine et la vie, le clergé et le laïcat ».

En vue de réunifier la vie chrétienne, de réunir la liturgie à la vie, où chercher un modèle sinon chez ceux qui n'ont jamais cessé de réaliser cette intégration?

Célébration de la présence active de Dieu parmi les hommes

« Dieu agit et se révèle lui-même dans l'histoire; son action salvifique rejoint l'ensemble de la vie et de l'histoire et trouve son point culminant dans la passion et la résurrection de Jésus. La célébration de la présence active de Dieu, spécialement dans les mystères de la vie de Jésus et dans les sacrements ne devrait pas être séparée de la réalité dans laquelle Dieu continue à agir et à se révéler.

« A cet égard il serait utile d'établir une comparaison avec la liturgie juive. Il ne s'agit pas d'abord d'une comparaison entre les textes liturgiques juifs et chrétiens, mais bien davantage d'une confrontation entre deux réalités asymétriques. Les termes du problème se présentent ainsi: parce que le christianisme est avant tout une religion, et une religion à caractère universel, il court le risque de séparer la doctrine de la vie; parce que le judaïsme, en revanche, est une réalité complexe qui englobe non seulement la religion, mais aussi le peuple et son lien avec la terre promise, il restera toujours plus proche des choses concrètes, de l'histoire, de tout ce qui est existentiel. Cette différence qui se manifeste dans de nombeux domaines de la pensée et de la vie juive et chrétienne, apparaît, d'une manière spéciale dans la liturgie.

Liturgie juive - Sa nature

«Ce n'est pas mon intention de parler de toutes les prières juives, ou même de toutes les fêtes liturgiques juives. J'aimerais seulement citer quelques exemples caractéristiques.

« Toutes les fêtes liturgiques juives sont avant tout des fêtes agricoles. Dans la tradition de la Bible et du judaïsme les fêtes de la moisson sont liées à l'action rédemptrice de Dieu dans l'histoire, parce que la création, la nature et la vie, le labeur quotidien sont dans les mains de Dieu et font partie de son action salvifique. La liturgie "rappelle" à Dieu (et au peuple) ses mer- veilles dans la création et dans l'histoire, et ceci non comme une commémoration statique, mais comme l'expression et la célébration d'une conviction, notamment que Dieu continue à agir de la même manière que dans le passé, et qu'il conduira finalement son peuple, et toutes les nations, à la rédemption plénière dans une terre et un ciel nouveaux.

« Quand on compare le christianisme et le judaïsme, en particulier la liturgie chrétienne et la liturgie juive, on a l'impression que le judaïsme est beaucoup plus incarné dans l'histoire et la réalité que le christianisme, lui qui professe sa foi en l'incarnation du Fils de Dieu. Il semble que la notion d'incarnation, dans le christianisme, se soit trop cantonnée dans le domaine de la doctrine, sans influencer suffisamment la vie quotidienne, au cours de l'histoire, et sans s'exprimer clairement dans la liturgie.

« Une confrontation entre la liturgie juive et la liturgie chrétienne pourrait faire comprendre aux chrétiens l'importance d'une "liturgie incarnée". Les liturgistes devraient en étudier les effets. Il est évident que l'on touche ici la question de l'adaptation de la liturgie aux différentes cultures, peuples et nations. Chaque pays et chaque peuple a sa propre culture. S'il est vrai que Dieu est le créateur de tout ce qui existe et que les peuples sont co-créateurs avec Dieu, alors la variété des cultures appelle une variété dans l'unité. Une sérieuse prise en considération de ce problème conduirait probablement à des conclusions du plus haut intérêt et à des suggestions pratiques. La visée constante devrait être de rendre laliturgie plus adaptée aux personnes telles qu'elles sont, c'est-à-dire dans leur situation quotidienne selon les circonstances spécifiques qui les rattachent à la création et à l'histoire. Des efforts ont été faits pour adapter la liturgie à la diversité des cultures, mais dans une très petite mesure seulement, et ceci, sans doute, pour diverses raisons. La question des liturgies domestiques devrait être considérée dans la même perspective.

« Une étude sérieuse de la liturgie juive pourrait aider les chrétiens à résoudre quelques-uns des problèmes de théologie liturgique qui ont leur origine dans la manière plutôt intellectuelle de traiter les questions liturgiques, manière inconnue des premiers chrétiens, habitués à vivre selon la conception plus globale et plus existentielle de la tradition juive. L'auteur bien connu, Louis Bouyer, donne l'exemple, pour ce qui regarde l'Eucharistie, de trois problèmes qui ont été une pomme de discorde depuis que les théologiens qui les posaient avaient perdu de vue les idées fondamentales de la pensée juive sur la berakbab. D'abord la question de savoir si la consécration eucharistique résulte de la récitation par le célébrant des mots de l'institution de ce sacrement, ou d'une épiclèse, invocation spéciale à l'Esprit — question débattue entre l'Orient et l'Occident; puis, en second lieu, la question de savoir si la célébration de l'Eucharistie doit être considérée comme un sacrifice, en soi, ou seulement comme un mémorial, du sacrifice de la croix —question débattue entre catholiques et protestants; et enfin, en troisième lieu, la question de la relation entre les symboles eucharistiques, la fraction du pain et la coupe, et la "présence", soit qu'il s'agisse simplement de la présence réelle du corps et du sang du Christ sous ces symboles, ou qu'il soit question de l'action du Christ (de son "mystère") sous-jacente à l'action liturgique — question examinée aujourd'hui par les théologiens catholiques eux-mêmes. Selon l'auteur, ces oppositions disparaissent quand l'Eucharistie est placée dans le contexte de la liturgie juive, d'où elle tire sa source. Les oppositions apparentes ne sont que les aspects d'une réalité indivisible » (Cf. Truc Worship (London, 1963: « Jewish and Christian Liturgies » p. 42.)

De quelque façon que l'on étudie la pensée du Père Rijk, on retrouve partout le fil conducteur du sens biblique de la vie. Par conséquent, ce qui a été dit jusqu'ici sur l'aspect existentiel de la vie quotidienne des juifs, de leurs relations avec Dieu et de la célébration de cette relation éclairera la position du Père vis-à-vis de l'oecuménisme en général et des relations judéo-chrétiennes en particulier.
Examinons, en premiers importante question du


Dialogue fraternel

« Quand la Déclaration Dosera Aetate de Vatican II a parlé des dialogues fraternels qui devraient surtout favoriser la compréhension mutuelle et le respect entre juifs et chrétiens, elle s'est située, ainsi que tous les catholiques, dans le climat des courants actuels concernant les relations humaines. Mais le dialogue ne se réalise pas facilement. Ce mot est devenu banal et semble recouvrir des réalités différentes.

« Lorsqu'on examine ce qui constitue l'arrière-plan du "mouvement de dialogue", trois facteurs au moins devraient être signalés.

« L'homme est un être de dialogue. Il a une profonde tendance à communiquer, à partager, à être avec l'autre. Dans son expérience avec Dieu, Israël apprit que cela s'accordait avec le plan créateur de Dieu. Dans l'Écriture, cette conviction est exprimée en plusieurs endroits: "Il n'est pas bon que l'homme soit seul" (Gn. 2,18, voir aussi Q0. 4,9-10 etc.). Ce contact de dialogue entre les hommes devrait être l'expression des relations de l'homme avec Dieu lui-même. A chaque page, la Bible témoigne de ce double contact du dialogue entre l'homme et l'homme, et entre Dieu et l'homme. Elle montre également les difficultés énormes qui surgissent pour établir et vivre un réel dialogue. Mais le principe de cette relation interpersonnelle est donné par la révélation divine.

« Le monde se faisant de plus en plus petit, et les rencontres étant plus faciles à travers pays et continents de cultures et religions diverses, le besoin d'établir de meilleures relations humaines entre les peuples de différentes races, cultures et religions se fait de plus en plus sentir. Les premières rencontres de ce genre ont été souvent accompagnées de luttes et de heurts. Lentement, l'humanité prend conscience de la nécessité, et aussi de la fécondité, des relations humaines positives, et se rend compte qu'il faut établir de nouvelles relations dans le monde. Le principe profond de cette prise de conscience est donné dans Genèse 1,27-28: "Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur dit: Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la". Tout homme participe à la gloire de cette vocation (voir également Ps. 8). A tous les niveaux, les moyens modernes de communication peuvent essentiellement faciliter la réalisation de ce dessein de Dieu.

On a dernièrement remarqué une nouvelle impulsion dans la pensée philosophique et théologique, au moins parmi les chrétiens, mouvement qui semble exercerune forte empreinte sur les relations humaines, et en particulier sur les relations religieuses. Un changement s'opère, allant d'une étude objective à une étude plus subjective des choses. Plusieurs circonstances ont fait réaliser une réelle découverte à ce sujet. Au cours des siècles précédents, on mettait un accent unilatéral sur la vérité objective, alors que les convictions personnelles étaient plus ou moins négligées. De nos jours, on insiste beaucoup plus sur la subjectivité, de façon trop unilatérale parfois. Ce qui en résulte, c'est au moins un grand respect de la personne et de ses convictions. Les relations humaines et les rapports entre l'homme et Dieu sont de plus en plus envisagés dans le contexte des relations entre personnes, soit individuellement, soit en communauté. Dans ce sens, une véritable théologie relationnelle personnelle est en train de se développer. C'est en même temps une théologie plus réaliste parce que la personne concrète est le centre de la réalité quotidienne. Evidemment, ce développement ne résout pas tous les problèmes; il peut même créer de nouvelles et sérieuses tensions: tensions entre vérité objective et conviction personnelle, tensions également de personne à personne. Mais dans ce climat, la voie vers un réel dialogue sera plus facilement ouverte.

Climat nouveau

« Lorsque nous considérons cet arrière-plan du mouvement du dialogue actuel, nous pouvons comprendre la nouvelle tendance au dialogue qui se fait jour entre juifs et chrétiens. Dans ce domaine, également, nous commençons à vivre dans un nouveau climat. Ici, le retour aux sources du "peuple du Livre" devrait ouvrir l'esprit des chrétiens à une nouvelle compréhension, une nouvelle estime des juifs et du judaïsme. H.J. Schoeps et d'autres ont montré qu'à peu d'exceptions près, un vrai dialogue entre juifs et chrétiens ne s'était jamais produit en l'espace de 2.000 ans. Le fameux Dialogue avec Tryphon de Justin (II` siècle) n'était pas un dialogue, mais une explication apologétique de la foi de Justin. Il est évident que nous sommes encore tout au début d'une ère nouvelle, et qu'il y a encore bien des difficultés à surmonter des deux côtés.

e Certains disent: Les chrétiens ont besoin des juifs; l'existence du judaïsme leur est essentielle, mais les juifs n'ont pas besoin des chrétiens. D'autres disent: Un commencement de dialogue entre juifs et chrétiens peut se faire, mais pas encore entre le judaïsme et l'Église. Les juifs orthodoxes, en particulier, envisagent avec réserve tout ce qui dépasse les relations sociales avec les chrétiens. Beaucoup de chrétiens, et même la plupart d'entre eux, ne comprennent pas encore le vrai sens du dialogue avec les juifs et l'importance réelle des relations judéo chrétiennes. La confiance est une condition nécessaire, mais il nous faudra prouver par des actes que nous sommes dignes de confiance ».

Au début de son article « oecuménisme et dialogue », le Père Rijk explique combien le dialogue judéo-chrétien favorise la marche vers l'unité.

Relations judéo-chrétiennes et unité des chrétiens

« Sans discuter le fait de savoir si les contacts et les colloques existant entre juifs et chrétiens peuvent être réellement appelés dialogues, je voudrais souligner le sens des relations judéo-chrétiennes en vue de la réalisation de l'unité des chrétiens en indiquant quelques lignes générales et quelques possibilités virtuelles.

« Le développement actuel des relations judéo-chrétiennes met souvent les chrétiens d'Églises et de confessions différentes en contact avec les juifs. L'expérience tirée de ce genre de rencontres prouve que les chrétiens divisés redécouvrent lentement en ces occasions, un nombre croissant de points d'unité entre eux. Ce fait, qui peut être observé dans plusieurs pays, est un signe de l'influence que le dialogue avec les juifs pourrait exercer sur le mouvement vers l'unité des chrétiens.

« Mais analysons ce phénomène dans un sens plus théologique. Deux mouvements semblent prédominer dans la vie et la pensée des Églises et des communautés ecclésiales aujourd'hui: une adaptation plus existentielle au monde et aux circonstances, et par ailleurs, un retour aux vraies sources de la vie chrétienne, afin de présenter la foi chrétienne de la manière la plus authentique. Ces deux mouvements poussent les chrétiens à rechercher l'unité. Actuellement, le but immédiat de l'esprit et des activités oecuméniques des chrétiens est l'établissement de l'unité visible de l'Église. S'il m'était permis de dire cela en d'autres mots, j'exprimerais alors ainsi l'intention profonde de cet effort oecuménique: l'Église veut connaître et veut vivre la révélation divine totale et entière, telle qu'elle lui est parvenue dans l'ancien et le nouveau Testament. Il est notoire qu'une certaine tendance à limiter la révélation divine au nouveau Testament a survécu dans le christianisme, en dépit de la condamnation de Marcion qui, le premier, défendit cette position en l'an 144. A côté de cette tendance, l'interprétation de l'ancien Testament (Tanach) reste une question difficile pour les chrétiens.

« Lorsque, conformément à la doctrine de l'Église, nous considérons la Bible tout entière comme la source et la base de la foi et de la vie chrétiennes, nous pouvons affirmer que l'Église veut vivre la révélation divine totaleet entière. Mais alors, ses rapports avec le judaïsme qui s'enracine profondément dans le Tanach, partie essentielle de la Bible, peuvent être très importants pour une découverte plus pure et plus renouvelée des sources.

«De ce retour aux sources et de ces relations avec le judaïsme, plusieurs points de la doctrine chrétienne recevront sans aucun doute une lumière nouvelle. Permettez-moi d'énumérer certains points concrets, en commençant par ceux qui concernent indirectement l'oecuménisme, et en complétant par d'autres qui regardent directement la croissance de l'unité des chrétiens.

a) L'explication du mystère de la Trinité, généralement exprimée en termes de philosophie aristotélicienne et thomiste, donne parfois l'impression d'un enseignement polythéiste, notamment pour les profanes. Les chrétiens parlent souvent de ce plus profond des mystères d'une façon si superficielle et avec une telle facilité qu'il semble presque polythéiste. La forte insistance mise sur le monothéisme dans l'ancien Testament et le judaïsme pourrait nous protéger de déviations dangereuses. "Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est un" (Dt. 6,5). Ceci est vrai pour les chrétiens aussi. Tout en acceptant l'Incarnation, ce profond mystère de l'immanence de Dieu parmi les hommes, nous ne devons pas oublier, ni minimiser, l'infinie transcendance de Dieu. Il y aura toujours une extrême tension entre la transcendance de Dieu et son immanence, et l'on sera toujours tenté de vivre l'un des aspects aux dépens de l'autre. Une étude nouvelle de ces mystères pourrait bénéficier de la pensée juive.

b) En ce qui concerne le messianisme, le judaïsme oblige constamment les chrétiens à purifier leur foi en Jésus-Christ en tant que Messie, à la lumière de la Révélation dans sa totalité. D'une façon générale, on parle trop facilement du Messie. Losqu'on parle des prophéties messianiques, on agit comme si l'ancien Testament avait une conception claire et bien définie du Messie. En lisant des textes tels qu'Isaïe 52 et 53, et d'autres, on les applique simplement à Jésus, oubliant que ces textes ont un sens bien plus complexe, qu'ils s'adressent beaucoup plus au peuple souffrant en tant que serviteur de Dieu qu'à un seul homme. Ces textes ne sont pas exclusifs mais plutôt inclusifs. En outre, l'ancien Testament parle bien plus souvent du royaume messianique, ou mieux encore, du royaume final de Dieu, que d'un Messie personnel. Dans la vision eschatologique, les prophètes prévoient un royaume de paix universelle, de justice, d'amour et de vie. Quand nous parlons de la venue de Jésus comme l'accomplissement parfait de l'ancien Testament, nous oublions, bien que ce soit vrai dans la personne et la vie de Jésus, que de nombreuses prophéties attendent toujours leur accomplissement. Le judaïsme peut aider à ce que cette attente et cette tâche eschatologique de l'Église restent vivantes. Il est clair également que l'ancien Testament ne peut être considéré uniquement comme une préparation et une figure du nouveau. Voir pour cela, la Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Dei Verbum, de Vatican II, paragraphe 15; de même, l'allocution du pape Paul VI à un rassemblement de spécialistes de l'ancien Testament — juifs, protestants, catholiques — le 19 avril 1968, dans laquelle il déclara, entre autres choses: "Les richesses de la Révélation contenues dans les pages de l'ancien Testament sont telles qu'il semble qu'on ne pourra jamais les épuiser".

c) Le contact avec le judaïsme pourrait être également utile dans la question de la sécularisation. Une dangereuse séparation entre vie et foi s'est produite. Il est évident qu'un enseignement trop théorique et trop abstrait de la doctrine et de la foi a créé un abîme entre la religion et la vie quotidienne. Plus encore, une spiritualisation excessive a contribué à approfondir cet abîme. Ainsi la religion a-t-elle trop tendu à devenir une superstructure, laquelle est actuellement rejetée par de nombreux chrétiens. Le judaïsme a une conception différente du rapport existant entre foi et vie. Pour le judaïsme la réalité et la vie sont premières, et cette réalité elle-même est sacrée parce que créée par Dieu et parce que l'homme est l'image de Dieu. Cette profonde conviction, cette vie, s'exprime de diverses façons: dans les prières, la liturgie — au foyer ou à la synagogue — et également dans ce que nous appellerions des actions d'ordre profane. Dans un sens, le judaïsme a toujours été très temporel, mais ce côté-là ne fait pas opposition à la foi. Les contacts avec le judaïsme pourraient aider le mouvement oecuménique à surmonter le danger de devenir une question d'ordre théorique, réservée à un groupe d'experts. Cela obligerait à être réalistes, à mettre l'activité oecuménique au service réel de l'humanité.

Églises et judaïsme

Un contact vivant avec le judaïsme est important pour éclairer certains points de la doctrine. Mais qu'en est-il des relations des Églises entre elles? Qu'en est-il des séparations douloureuses qui ont maintenu les diverses Églises chrétiennes éloignées les unes des autres, causant un scandale d l'intérieur des Églises et à l'extérieur?

« Dans les débats en cours entre Églises et confessions chrétiennes, il y a plusieurs domaines où le contact avec le judaïsme pourrait aider à surmonter des vues unilatérales et de perpétuelles difficultés.

«a) Le rapport entre la foi et les oeuvres a soulevéde sérieuses difficultés entre chrétiens, et continue à le faire. Trop d'insistance sur l'un de ces aspects signifie qu'on néglige l'autre. La tension, vaguement présente, entre l'Épître aux Romains et celle de Jacques a dégénéré en dispute entre les différentes Églises et confessions chrétiennes, depuis le Vie siècle notamment. Le retour aux sources vives et au judaïsme pourrait rendre les chrétiens plus conscients de l'unité dont la foi et les oeuvres sont les aspects. Ces deux dimensions s'appartiennent mutuellement et ne devraient pas être séparées.

« b) La question de l'Écriture et de la Tradition reste aussi un problème difficile. Certaines Églises proclament l'Écriture — sala Scriptura — seule source de la foi chrétienne; d'autres acceptent l'Écriture et la Tradition, et, en conséquence, la question des rapports entre les deux surgit. Dans le judaïsme cette question se pose différemment, en raison de la manière plus réaliste de concevoir la Révélation. L'Écriture est le reflet et l'expres. sion de la vie, et donc de l'histoire et de la Tradition. Réfléchir sur cette manière de voir et de vivre favoriserait la compréhension et l'entente entre chrétiens.

Il y a d'autres points qui pourraient être mentionnés ici, tels que le caractère sacerdotal du peuple de Dieu. Mais ces quelques exemples suffisent pour éclairer le point suivan: Le christianisme divisé, en recherche d'une plus grande unité ne se préoccupe pas seulement de l'unité institutionnelle, mais de la réalisation complète et entière du message biblique; l'unité désirée par Jésus doit toujours être comprise en fonction de l'aspect réaliste de la Révélation, du milieu dans lequel Jésus vécut, souffrit et accomplit -sa mission. Et alors le contact avec la réalité vivante du judaïsme parait indispensable aux chrétiens et à l'oecuménisme, non pas parce que le judaïsme devrait posséder la clé de toutes les solutions, mais parce qu'il vit les valeurs du Tanach; il a une manière différente d'aborder de nombreuses questions, et il constitue, en un certain sens, la base sous-jacente de la recherche chrétienne de l'unité. Ainsi nous pouvons comprendre la parole de Karl Barth: "Il y a actuellement de nombreux contacts bienfaisants, entre l'Église catholique et plusieurs Église protestantes, entre le Secrétariat pour l'Unité des chrétiens et le Conseil mondial des Églises... Le mouvement oecuménique est poussé par l'Esprit de Dieu; mais n'oubliez pas, il n'y a qu'une seule question importante et profonde: nos relations avec Israël" ».

Il n'y a qu'une seule importante et profonde question, c'est notre- relation d Israël.
Paroles de défi! Il est significatif de remarquer que Vatican II n'a pas placé, comme on s'y attendrait à première vue, la Commission des relations judéo-chrétiennes sous les auspices du Secrétariat pour les religions non-chrétiennes, mais du Secrétariat pour l'Unité des chrétiens. Ce choix s'explique d plusieurs titres, le plus important étant d'ordre théologique.


Relation unique

« Le travail des rapports entre l'Église et le judaïsme, quoique placé pat le Saint Père sous la direction du président du Secrétariat pour l'Unité des Chrétiens, était spécifique et occupait une place propre, dans le contexte de ce Secrétariat. Les juifs n'étant pas des chrétiens, le contact avec eux n'appartient pas au domaine de l'unité des chrétiens. D'autre part il y a une relation spéciale entre les juifs et tous les chrétiens et c'est pourquoi il y a un lien étroit entre la question de l'unité des chrétiens et les rapports avec le judaïsme. En fait, on peut alléguer plusieurs raisons qui justifient la position de ce travail dans le contexte de l'unité des chrétiens. Outre les arguments pratiques et administratifs, outre les raisons psychologiques et historiques qui doivent reconnaître la spécificité et la situation historique du judaïsme, il y a surtout l'argument théologique: tant que l'Église continuera à considérer l'ancien Testament comme livre saint, inspiré de Dieu et l'un des éléments de base de sa foi, il existera un lien essentiel et particulier entre tous les chrétiens et ceux qui reconnaissent ce livre comme base de leur existence, c'est-à-dire entre l'Église et le judaïsme. L'expérience semble d'ailleurs montrer que la recherche de l'unité des chrétiens peut être favorablement influencée par le contact avec le judaïsme ».

D'après la Déclaration conciliaire Nostra Aetate, les principes d'action de la Commission étaient l'application pratique des enseignements du Concile au sujet des rapports entre l'Église et le peuple fuit

« La tâche est double: établir de nouvelles relations avec les juifs, relations marquées par le respect et l'amour; éliminer de la mentalité des chrétiens les préjugés traditionnels. Il faut créer un climat de compréhension qui mène à une plus profonde intelligence de l'histoire du salut ».

Une partie importante de l'enseignement du Père Rijk, ainsi que l'expression du sentiment profond qu'il nourrissait pour le peuple juif, se trouvent exprimés dans l'article intitulé in quelques re- marques au sujet d'une théologie chrétienne du judaïsme ».

« Le titre de cet article me confronte à une tâche àpeu près impossible à accomplir. Selon le Professeur Kurt Hruby de Paris, nous sommes, en ce domaine, "en face d'une totale absence dans l'Église d'une réelle théologie d'Israël qui soit fidèle à la vision biblique des choses". Nous connaissons tous l'histoire des rapports entre chrétiens et juifs: beaucoup de pages sombres avec quelques rares exceptions de vie commune harmonieuse. Bien qu'il y ait eu "dialogue", discussions théologiques et éventuelles conversations amicales, il y a rarement eu place pour une réflexion théologique sérieuse et directe sur ces relations ».

« Les manuels de théologie parlent de l'ancien Testament mais jamais du judaïsme après la venue de Jésus. Il semble que l'opinion la plus largement répandue soit que les juifs font partie de l'Église mais refusent d'admettre cette appartenance. Les paroles du cardinal Willebrands prononcées au cours d'une récente réunion du Secrétariat pour l'Unité contiennent les éléments d'un programme ardu et à long terme: "En genéral, les chrétiens considèrent les juifs soit comme des fossiles du passé, soit comme de futurs chrétiens, mais nous devons les considérer tels qu'ils sont". Elles indiquent non seulement un nouveau type de relations nourries de respect et élimination de préjugés, conscients ou inconscients, qui existent encore, mais la nécessité de découvrir, à la lumière de la révélation divine, la signification et l'importance actuelles du peuple juif et de sa religion, de son rôle spécifique dans l'histoire du salut, et de ses liens avec l'Église ».

L'homme - Collaborateur du Seigneur

Cherchant dans la pensée chrétienne moderne les éléments qui favoriseraient une véritable théologie chrétienne du judaïsme, le Père Rijk note le renouveau biblique dans l'Église et ajoute quelques remarques sur la valeur permanente du Tanach.

« C'est toute la Bible qui peut être appelée "Évangile" — Bonne Nouvelle — car c'est toute la Bible qui projette la lumière de l'Esprit divin sur l'histoire humaine; c'est toute la Bible qui est révélation de Dieu et de l'homme, des intentions divines et de la réponse humaine. Selon l'exégèse moderne, plus anthropocentrique dans son approche, nous pouvons dire que Dieu s'est révélé lui-même à Abraham et à ses descendants, ou qu'Abraham et sa tribu, grave à la présence inspiratrice du Seigneur, ont acquis une conscience claire d'être conduits à travers leur histoire par le seul vrai Dieu. Dans leur relation d'alliance avec Dieu, ils ont découvert de plus en plus ce qu'est Dieu, comment il agit, et ce qu'est l'homme. C'est à travers et dans une expérience historique quotidienne que se sont développées leur intelligence et leur compréhension. Ainsi, ils apprirent que l'homme était créé par Dieu à son image et qu'il a été constitué le maître de la création. Ils apprirent que cette création et cette histoire de l'homme étaient inachevées, mais que l'homme avait reçu mission de mener à terme, de compléter création et histoire, toujours en tant que collaborateur du Seigneur, qui doit être respecté comme Dieu et qui dévoile toujours de nouvelles perspectives. La tâche de l'homme est alors celle de recréer, de racheter. L'exode d'Égypte et de Babylone devient un symbole pour toute l'histoire humaine: selon la foi d'Israël, l'humanité est en marche vers le paradis, vers de nouveaux cieux et une nouvelle terre; l'homme est toujours sous le regard de Dieu à qui il s'agit d'être fidèle en accomplissant les mitzvoth, les commandements. L'infidélité est punie: l'exil est une punition. Mais la parole ultime est toujours une parole de consolation qui annonce un avenir nouveau. En ce sens, le peuple a toujours un rôle messianique à jouer pour le salut du monde entier.

« Selon la foi chrétienne, Jésus est venu accomplir la Loi et les prophètes, et ses disciples ont reçu la mission d'achever son oeuvre dans le monde et dans l'histoire, en suivant son exemple d'amour inconditionné pour Dieu et de fidélité envers lui par son action inspirée, toujours de l'Esprit divin. Dans une telle perspective il est évident que c'est bien toute la Bible qui garde une valeur essentielle et permanente pour les chrétiens, et cette perspective exercera nécessairement un effet favorable sur les relations judéo-chrétiennes, et sur la pensée chrétienne concernant le judaïsme ».

Un second élément est pris en considération par le Père Rijk en fait de possibilités pour un travail théologique sur le judaïsme. Il s'agit de la nouvelle prise de conscience de l'Église par rapport aux religions non-chrétiennes.

« Le Concile s'est positivement engagé en déclarant: "La Providence de Dieu, les manifestations de sa bonté et son dessein de salut s'étendent à tous les hommes, jusqu'au jour où les élus seront réunis dans la Cité sainte resplendissante de la gloire de Dieu, où toutes les nations marcheront dans sa lumière". "Depuis les temps anciens jusqu'à maintenant, il y a toujours eu parmi les divers peuples une certaine perception de cette puissance cachée qui domine le cours des choses et les événements de la vie humaine; parfois, même, on peut déceler une reconnaissance de la divinité suprême et même du Père suprême. Une telle aperception et une telle reconnaissance pénètrent la vie de ces peuples d'un profond sens religieux". Et le Concile continue: "l'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dansces religions. Elle considère avec un respect sincère ces façons de se conduire et de vivre, ces règles et enseignements qui, bien que différents en bien des points particuliers de ce qu'elle tient et propose, n'en réfléchissent pas moins un rayon de cette vérité qui éclaire tout homme". "C'est pourquoi l'Église lance cette invitation à ses fils: avec prudence et amour, par un dialogue et une coopération avec les fidèles d'autres religions, et en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, reconnaissez, préservez et développez les biens spirituels et moraux ainsi que les valeurs socio-culturelles qui se trouvent parmi ces hommes" (Nostra Aetate, 2).

Révélation générale

« Il me semble que ces textes sont importants pour mieux comprendre les relations entre l'Église et le judaïsme. En fait, cette attitude de l'Église consiste à reconnaître les valeurs des autres religions qu'elle désire également promouvoir, car elles reflètent souvent des rayons de la lumière divine. Cette attitude donc doit s'exprimer en dialogue concret et en coopération. Ici les points suivants doivent être notés:

1. Au Concile du Vatican, l'Église, sans la dénommer explicitement, a exprimé cette idée que l'on désigne par le nom de "révélation générale" au "révélation cosmique" et qui est une idée biblique. Le Tanach tout autant que le nouveau Testament proclame le Dieu, Père et Créateur de tous les hommes. Mais la création est une activité continue; la "conservation" de la création implique en fait une présence permanente, active et dynamique du Seigneur à tous les hommes qui sont appelés, en tant qu'images de Dieu, à transformer et à recréer le monde et l'histoire. Cette activité divine et créative inclut nécessairement la révélation et même elle est révélation. (G. Moran, Theology of Revelation, London, 1967.) Cette révélation, perçue vaguement par les nations et les peuples, comprend l'action divine, aimante, adjuvante et salutaire, à travers les événements, le cours des saisons naturelles et une illumination intérieure des esprits et des coeurs. Les religions du monde sont cette réponse humaine, partielle et souvent confuse, à la présence active du Seigneur (Cf. J. Daniélou, Les Saints Païens de l'ancien Testament, Paris, 1955). Les fidèles de ces religions sont sauvés, non en dépit de, mais à travers et à cause des valeurs de leur religion.

2. Dans cette perspective, la "religion révélée" dans le judaïsme et le christianisme est, parmi les autres religions du monde et en liaison avec elles, la réponse la plus explicite de ceux que Dieu a choisis pour entendre sa révélation la plus explicite et la plus élaborée. On remarquera que cette façon de voit les choses ne minimise en aucune façon le caractère unique de la révélation divine dans le judaïsme et le christianisme. Il en résulte que la Révélation dans le judaïsme et le christianisme doit être considérée comme l'expression explicite, c'est-à-dire la révélation du Dieu unique qui, comme créateur tout-puissant, est vaguement perçu par toute l'humanité. Ceci a naturellement des conséquences immédiates sur la prise en considération de la valeur authentique et légitime du judaïsme. Je ne dis pas que nous avons ici l'accès le meilleur ou le plus direct au rapport entre le judaïsme et l'Église, mais je veux dire que cette composante de la pensée chrétienne pourrait, après plusieurs siècles de blocage, favoriser le développement d'une théologie chrétienne du judaïsme. Il est intéressant de noter que l'Église rappelle son lien positif avec le judaïsme au moment où elle est confrontée de façon nouvelle avec les religions du monde et où elle essaie de définir encore de façon plus claire sa propre attitude à leur égard. Il pourrait y avoir là le signe d'un kairos, d'un temps de grâce donné par Dieu pour qu'elle comprenne mieux sa propre nature et se prépare mieux au royaume définitif de Dieu ».

Suivent ensuite quelques remarques plus précises sur la validité permanente du judaïsme:

Avènement du royaume

« Si, comme je l'ai déjà noté, conformément à la théologie chrétienne, les religions du monde constituent une voie de salut pour les peuples, la religion juive l'est encore davantage. On ne peut douter que les livres du Tanach et toute la tradition judaïque ouvrent la perspective de la venue d'un âge messianique, le royaume de Dieu. Et, si la foi chrétienne et la théologie proclament la venue de Jésus comme Messie et celle du Royaume de Dieu, elles affirment avec force que l'âge messianique n'est pleinement accompli que dans la personne de Jésus. Cet âge messianique a son commencement dans l'Église mais il y a beaucoup d'espace pour l'attente et la préparation du Royaume définitif. Il est bien connu que l'attitude chrétienne fondamentale, en tant qu'exprimée dans les livres du nouveau Testament, est caractérisée par une tension eschatologique se rapportant non seulement au retour de Jésus dans la gloire, mais aussi au réel engagement des disciples de Jésus dans l'histoireafin de préparer le Royaume. Les paroles de Pierre, par exemple, sont très claires à cet égard, quand il exhorte les chrétiens à vivre "en sainteté et..., attendant et hâtant la venue du jour de Dieu".5 La tradition juive et sa religion fondée sur le Tanach regardent explicitement vers cette réalisation finale du Royaume de Dieu. A travers la Bible et la liturgie, Dieu continue à s'adresser au peuple juif, à lui dire sa parole, parole qui est toujours active et salutaire.

Ainsi le judaïsme est, considéré en lui-même, une réponse à la présence permanente du Seigneur; c'est, sans aucun doute, une religion du monde qui est légitime et qui a une valeur pour la totalité du monde ».

Dans la troisième partie du même article, le Père Rijk livre ses réflexions personnelles sur la théologie du judaïsme.

« Tout d'abord, nous devrions garder à l'esprit que cette relation entre l'Église et le judaïsme est située par Paul dans le cadre large du salut des Gentils, elle est alors appelée myslerion ce qui signifie: dimension encore cachée de l'histoire du salut. Mais c'est un mystère avec lequel il faudrait vivre, qui devrait pénétrer la pensée et l'action chrétiennes. En fait ce mystère a été simplement négligé. Il n'a joué aucun rôle dans la pensée et l'attitude chrétienne. Nous pouvons peut-être dire qu'on l'a traduit par "conversion". Mais c'est là une traduction plutôt mauvaise de mysterion.

Plénitude de la révélation

« Bien que l'Église trouve son origine historique directe dans le peuple juif du premier siècle et son expression fondamentale dans les livres du nouveau Testament, elle sait qu'elle est essentiellement liée à toute l'expérience du peuple de l'alliance. Cette conviction se reflète dans le fait que les livres de la Bible hébraïque furent officiellement honorés comme Parole de Dieu inspirée. Ceci signifie que l'Église veut être fidèle à la totalité de la révélation divine telle qu'elle est exprimée dans la totalité de la Bible. Jésus est reconnu comme Messie et fils de Dieu, mais non pas séparément de la tradition biblique et du peuple biblique. Ceci indique aussi qu'au cours de l'histoire, à cause d'oppositions, de controverses et d'attitudes apologétiques, les valeurs de la Bible hébraïque ont été négligées dans la pensée et dans la vie chrétienne.

« Jésus, selon la foi chrétienne, est le vrai Messie, mais, mises à part les formules nécessairement unilatérales dans l'histoire de cette fonction messianique, Jésus lui-même a insisté sur le fait qu'il y avait encore beaucoup à faire, et beaucoup à révéler: "Le Conseiller, l'Esprit, que le Père vous enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses". "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez actuellement les accueillir; quand l'Esprit de vérité viendra, il vous introduira à toute vérité" (Jn 14,26; 16,12).

« Ces paroles de Jésus, et de Jean qui les a transmises, témoignent, me semble-t-il, de leur conviction que les dimensions messianiques de Jésus n'avaient pas été toutes révélées, que cette Révélation était en cours et continuerait à se manifester dans l'avenir, comme l'a justement observé Gabriel Moran, puisqu'il existait une relation permanente entre le Dieu transcendant et la personne humaine ainsi que la communauté. La relation entre l'Église et le judaïsme devait donc être considérée à la lumière de la révélation définitive et du Royaume messianique achevé.

« Les relations entre l'Église et le judaïsme doivent être étudiées et vécues dans un esprit réellement oecuménique et profondément respectueux. Ceci ressort très clairement de la Déclaration conciliaire et des structures dans lesquelles se développent actuellement les relations judéo-chrétiennes. Il est clair également que l'Église désire que l'on développe cette relation dans une perspective eschatologique. Regardant vers le futur, le document conciliaire déclare: "Dans la compagnie des prophètes et du même apôtre (Paul), l'Église attend ce jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples s'adresseront à Dieu d'une seule voix et le serviront d'un commun accord" (Nostra Aetate, 4.)

Après ces remarques, et dans le cadre de ce qui a été dit, le Père Rijk essaie de développer sa pensée sur la relation entre l'Église et le judaïsme:

« Le nouveau Testament ne donne pas de réponse claire. Nous trouvons là, en fait, trois vues différentes sur cette relation: a) d'une manière spéciale l'Église est une continuation du luddisme; b) l'Église est un rupture d'avec le judaïsme et s'oppose à lui; c) l'Église est l'accomplissement du judaïsme, particulièrement en Matthieu, Hébreux, et en grande partie, Paul.

Continuité – Discontinuité

«De là découle que nous ne pouvons parler simplement en termes de continuité ou de discontinuité. Les deux sont vraies. Il y a continuité, il y a rupture, et il y a accomplissement. Mais tout cela exprime des aspects de l'histoire continue du salut. Aussi longtemps que le royaume final de Dieu n'a pas été établi sur la terre, Dieu agit d'une façon explicite en Israël et dans l'Église. La parole de Dieu est encore adressée à Israël; Israël reçoit encore les dons de Dieu, puisque "les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables".a Et bien que la majorité des juifs n'aient pas reconnu Jésus comme le Messie, ce peuple reste non seulement chéri de Dieu — à cause de son élection, aimé per Dieu — mais son attitude négative, sa non-reconnaissance de Jésus comme Messie "signifie des richesses pour le monde et pour les Gentils".° Si la Bible est réellement une source permanente de foi et de vie, si le message de la Bible garde une actualité quotidienne, alors les relations entre l'Église et le judaïsme devront être considérées dans ce cadre plus large, dans cette perspective profonde de salut total de la totalité de l'humanité. L'Église des juifs et des Gentils, en reconnaissant Jésus comme le Messie, est très consciente d'être encore sur le chemin de la réalisation finale du royaume. Elle sait qu'en Jésus le royaume est réellement arrivé, s'est en effet réalisé, mais cette réalisation, cette nouveauté, en un sens, cette nouveauté absolue, n'est pas le terme final, mais une dimension nouvelle, insondable, de l'action divine permanente dans l'histoire humaine.

« Ainsi, dans les relations entre l'Église et le judaïsme, nous rencontrons toujours trois éléments: continuité, accomplissement et discontinuité, mais chacun joue un rôle dans la préparation du royaume de Dieu définitif dans de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Il me semble alors que Dieu agit à travers la valeur permanente de la Bible hébraïque et de la tradition juive, aussi bien dans l'ancien Testament, le nouveau Testament et la tradition chrétienne, en vue d'établir pleinement son royaume.

Travailler, dans une perspective eschatologique, selon la ligne de continuité et d'accomplissement, n'est pas nier la différence, même la discontinuité, entre le judaïsme et l'Église.

« Mais cela implique que, pour un chrétien qui réfléchit sur le judaïsme, il n'est pas permis, sur la base de l'Écriture et de la révélation divine, de faire comme si la signification du judaïsme et de la religion juive s'était achevée avec la venue de Jésus et comme si le judaïsme était un vestige du passé.

« On peut faire ici plusieurs remarques. Le judaïsme et le christianisme, se sont développés chacun de leur côté, souvent en opposition et dans une attitude apologétique l'un par rapport à l'autre. Après la séparation de la fin du premier siècle, judaïsme et christianisme devinrent deux religions séparées, mais les deux testèrent basées sur la révélation divine et continuèrent à se développer chacune selon son style, sa pensée et sa vie propres. A une époque où nous redécouvrons les liens essentiels par lesquels le Seigneur de l'histoire nous a unis, nous devenons aussi plus conscients du fondement biblique de notre existence et de notre attente commune pour ce qui regarde l'action eschatologique de Dieu dans l'histoire.

« De plus, il vaut la peine de réfléchir un instant sur la façon dont Vatican II a affronté la question du peuple de Dieu. Comme chacun le sait, le Concile a utilisé une fois de plus le concept de peuple de Dieu pour exprimer la réalité de l'Église. Ceci fit nécessairement apparaître la question des relations entre Israël comme peuple de Dieu et l'Église comme tel peuple. L'Église est appelée "le nouveau peuple de Dieu"." Mais alors qu'en est-il de l'ancien? Le nouveau prend-il la place de l'ancien? Y a-t-il deux peuples de Dieu? Les textes ne donnent pas d'éclaircissement à ce sujet. Mais la constitution dogmatique sur l'Église, en parlant des juifs d'aujourd'hui, déclare: "ceux qui n'ont pas encore reçu l'Évangile, sont rattachés de différentes manières au peuple de Dieu (c'est à dire à l'Église). A la première place se trouve le peuple à qui l'Alliance et les promesse ont été données et de qui le Christ est né selon la chair", En raison de ses pères, quant à l'élection, ce peuple reste très cher à Dieu, car Dieu ne se repent pas de ses dons ni de ses appels." La déclaration sur les relations de l'Église avec les religions non-chrétiennes parle, (après la venue du Christ) des "juifs" et non "du peuple juif" ou du "peuple de Dieu". Mais dans l'expensio modorum il est clairement établi que le Secrétariat pour l'unité des Chrétiens en agissant ainsi "ne vise en aucune manière à trancher dans quel sens le peuple juif, selon les mots de la constitution dogmatique De Ecclesia N° 16, reste le peuple bien-aimé par élection, en raison de ses pères". Cela veut dire, selon Vatican II, qu'il reste le peuple choisi, mais la signification exacte de cette expression doit encore être approfondie.

« Nous ne pouvons pas parler précisement d'un schisme, les juifs aussi bien que les chrétiens étant peuple de Dieu; mais la différence se trouve fondamentalement dans l'eschatologie réalisée dans le Christ, ce qui a instauré une situation unique. Les chrétiens sont liés, sont baptisés dans cet événement eschatologique, mais, en même temps, ils doivent en étendre la signification et les dimensions historiques à l'histoire humaine tout entière, dans le temps et l'espace. Les juifs, d'autre part, en restant fidèles à leur héritage révélé et en étant ainsi une bénédiction pour l'humanité, témoignent du "pas encore" de l'âge messianique global, et forcent les chrétiens, à devenir plus conscients des dimensions finales de l'événement eschatologique. Si, dans ce sens, le judaïsme et l'Église jouent un rôle dans l'histoire des rapports de Dieu et de l'humanité, une nécessaire tension existe entre eux: la tension qui existe entre le "pas encore" et le "déjà", mais l'un et l'autre sont en route dans la perspective de l'accomplissement final. Dans ce sens, il y a, d'autre part, un urgent besoin de relations positives entre le judaïsme et l'Église, sur la base de la révélation divine elle-même, relations dans lesquelles, à travers un réel respect, une connaissance et une étude mutuelles, un dynamisme eschatologique, mais véritablement historique, fait avancer l'histoire vers son accomplisement.

Particularisme – Universalisme

« Un point essentiel dans la dialectique de ces relations est le fait que le judaïsme est, en premier lieu, un peuple: un peuple avec une religion révélée, avec un lien à un pays, et que la chrétienté est une religion qui n'est reliée ni à un pays ni à un groupe ethnique. Ici intervient, naturellement, une tension entre le particularisme et l'universalisme. Mais, depuis le début, le judaïsme a toujours eu une tendance universelle; le particularisme ne doit pas nécessairement exclure l'universalisme, les deux appartiennent essentiellement à l'histoire du salut. Dieu ne sauve pas l'humanité en général; il sauve cet homme, ce peuple, et à travers cet homme, ce peuple, il atteint les autres. Cela signifie qu'il y a une histoire du salut. L'histoire est toujours concrète. Cette histoire du salut et cette révélation divine prennent place dans le monde concret, à travers et dans les événements.

« Dans le christianisme, la religion et la foi sont parfois considérées d'abord comme une doctrine, mais alors il y a un risque de trop séparer la foi, de la vie; la foi risque de devenir un ensemble de vérités abstraites. Or elle est avant tout l'expression d'une alliance réelle et existentielle entre Dieu et l'homme: elle englobe la vie entière, individuelle et communautaire. A une époque où les chrétiens deviennent plus réalistes, plus sérieusement impliqués dans l'histoire, nous sommes confrontés à une expression nouvelle du peuple juif du fait qu'il a un État à lui ».

Le Père Rijk aborde enfin une question d'importance majeure pour les relations judéo-chrétiennes: celle de l'Etat d'Israël, de la terre de la Bible. Il vaut la peine ici de répéter les paroles des Orientations déjà citées plus haut: Les chrétiens doivent s'efforcer d'apprendre par quels traits essentiels les juifs se décrivent eux-mêmes d la lumière de leur propre expérience religieuse.
Il n'est nullement exagéré de dire que chaque juif, chaque membre de ce peuple, regarde comme partie intégrale de son expérience religieuse et culturelle la relation à la terre, notamment à celle que Dieu lui a donnée par l'alliance conclue avec son père, Abraham.
D'autre part, personne ne niera la difficulté que présente l'étude de ce problème étant donné que les Occidentaux ont tendance d séparer, du moins en théorie, la politique de la religion, alors que les juifs ne connaissent aucune séparation de ce genre vu la place qu'occupe la terre dans la réalité de leur histoire et la dimension religieuse de cette terre. Mais laissons le Père Rijk s'expliquer à ce sujet:


Lien entre le peuple et la terre

« On a beaucoup parlé du lien qui unit le peuple juif au pays des patriarches et des dimensions religieuses de ce lien; toutefois, il reste encore beaucoup à dire. Ce n'est pas mon intention de débattre longuement cette question, mais plutôt de réaffirmer un fait bien établi: le lien entre le peuple et la terre appartient à la conscience propre du peuple juif. Si nous voulons engager des relations sérieuses avec ce peuple, ce lien doit être étudié à fond." Nous devons nous demander ce que signifie, dans les desseins de Dieu, ce lien enraciné dans la révélation du Tanach, et ce qu'il signifie, par conséquent, pour nous chrétiens. Cette question effleure d'autres questions, nombreuses et difficiles, d'ordre social, politique et historique, mais elles ne doivent pas nous empêcher d'examiner avec application le problème central.

« L'étude franche, entreprise du point de vue religieux, de cet événement temporel, pourrait aider les chrétiens à mieux comprendre le caractère réaliste et historique de la révélation divine et à remédier à la séparation qui s'est produite entre la vie et la foi. La théologie moderne, qui tend à souligner l'importance de l'engagement des fidèles dans la vie sociale et politique," aurait la possibilité de devenir un lieu de rencontre de la pensée chrétienne et de la pensée juive et de favoriser un effort commun pour la construction du Royaume de Dieu sur cette terre.

« Bien plus, cette étude sur l'incarnation du salut dans l'histoire exercerait une influence sur plusieurs domaines de la théologie chrétienne, entre autres sur les concepts de rédemption et de messianisme dont certains aspects, bien mis en évidence dans l'Écriture, ont été négligés du fait d'une spiritualisation excessive.

«Il n'y a pas de doute que plus on souligne les aspects terrestres de la révélation et surtout de l'histoire du salut, plus on met en évidence les aspects humains et horizontaux de la religion révélée, se rapprochant ainsi des tendances modernes à la sécularisation (dont le but honorable est généralement de rendre la foi plus proche des gens). Mais il ne faudrait pas abuser de ce procédé et négliger le caractère divin de la révélation, en minimiser les richesses extraordinaires et incommensurables qui ont atteint leur point culminant dans le Christ. Il s'agit, dans cette étude, beaucoup plus d'un accent différent, ou, mieux, d'une recherche plus complète, d'une compréhension plus globale de la révélation divine et de la manière dont elle s'est exprimée dans l'histoire des hommes. En fin de compte, il s'agit de percevoir mieux, dans les valeurs fondamentales de la terre et des hommes, le dynamisme de la présence divine ».

Peuple de Dieu

Le Père Rijk est mort avant d'avoir terminé l'oeuvre de sa vie. Lorsqu'il écrivait les lignes suivantes, il ne lui restait que peu de temps; mais il a laissé un programme qui pourrait occuper de nombreux spécialistes pendant de nombreuses années:

« Je vous ai livré quelques-unes de mes pensées sut la façon dont une théologie chrétienne du judaïsme pourrait être développée. Il faut encore beaucoup travailler, étudier et dialoguer; il me semble toutefois que notre époque est favorable à la recherche, au renouveau,
l'ouverture et qu'elle offre ainsi un point de départ très important à une entente réelle et profonde entre l'Église et le judaïsme.

Les théologiens, les exégètes, les historiens et les sociologues devront entreprendre un grand travail. Il faudra affronter de multiples difficultés; difficultés provenant d'une manière traditionnelle de voir les choses, d'une certaine résistance qu'opposent les théologiens, d'un manque de souplesse de leur part, mais aussi de la réalité profonde des relations judéo-chrétiennes elles-mêmes. On a cependant l'impression que la nouvelle ouverture que l'on constate dans les documents officielset chez un nombre croissant de penseurs chrétiens engagés dans l'étude de la signification d'un monde en mutation rapide, offre de nouvelles possibilités pour élaborer une théologie chrétienne du judaïsme. Ce sera la première dans l'histoire du christianisme ».

(D'après SIDIC Vol. I, N° 1-1968; N° 3-1968; vol. V, N° 1-1972; vol. VI, N° 1-1973; numéro spécial: Cardinal Bea).



... Il y a plus de vingt ans que nous connaissons le Professeur Rijk, et il avait l'habitude de nous rendre visite au moins une fois par an à notre kibboutz. Les lettres qu'il nous envoyait étaient remplies de foi et de conviction quant à son important travail si lourd de responsabilités... Il était convaincu que de bonnes relations... entre l'église catholique et la religion de la nation juive conduiraient à la compréhension et à une pensée commune... Nous avons perdu un membre de notre famille qui a partagé tous les grands événements de notre vie. Point d'anniversaires, parmi nos enfants et petits-enfants sans qu'il envoie ses félicitations. SIDIC était l'oeuvre de sa vie; nous espérons et nous prions que SIDIC puisse continuer sa tâche et en devienne le plus beau monument.
Bella et Naftali Meiri - Kibboutz Ein-Herod (Ichud) Israël

Cornelis Rijk ... ne plus l'avoir avec nous, ne plus pouvoir le consulter, ne plus bénéficier de ses conseils et de son amitié, de son hospitalité et de sa sagesse c'est chose difficile, pour ne pas dire impossible à imaginer-.
Il est avec Dieu, et qui sommes-nous pour questionner la sagesse de Dieu? Puisse-t-il vous fortifier et vous donner la sagesse voulue pour continuer votre important travail, aussi activement et lucidement qu'auparavant, et pour trouver à Cornelis un successeur qui marchera dans la même direction.
Dr. Franz Hammerstein - Conseil international des juifs et Chrétiens Martin Buber – Haus Heppenheim

 

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