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Discours de Benoît XVI à une délégation du judaïsme des Etats Unis
Benoît XVI, Pape (Ratzinger, Jospeh) 1927-
Saint-Siège (2009/02/12)
Chers amis,
Je suis heureux de vous accueillir tous aujourd’hui et je remercie le rabbin Arthur Schneier et M. Alan Solow des salutations qu’ils viennent de m’adresser de votre part. Je me souviens bien des différentes occasions où j’ai pu, au cours de ma visite aux Etats-Unis l’an dernier, rencontrer certains d’entre vous, à Washington D.C. et à New York. Rabbin Schneier, vous m’avez aimablement reçu à la synagogue de Park East quelques heures avant votre célébration de la Pâque. Je suis maintenant heureux d’avoir la possibilité de vous offrir l’hospitalité ici chez moi. Ces rencontres nous permettent de manifester notre respect mutuel. Je veux que vous sachiez que vous êtes très bienvenus ici aujourd’hui, dans la maison de Pierre, chez le pape.
Je me remémore avec gratitude les différentes occasions que j’ai eues pendant de nombreuses années de passer du temps en compagnie de mes amis juifs. Mes visites à vos communautés de Washington et New York, en dépit de leur brièveté, ont été des expériences d’estime fraternelle et d’amitié sincère. Il en fut de même de ma visite à la synagogue de Cologne, la première des visites de ce type pendant mon pontificat. Cela a été très émouvant pour moi de passer ces moments avec la communauté juive dans une ville que je connais si bien, une ville qui a été celle de la première présence juive en Allemagne, ses racines remontant à l’époque de l’empire romain.
Une année plus tard, le 26 mai 2006, j’ai visité le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Quelles paroles pourraient transcrire adéquatement une expérience si profondément émouvante ? En franchissant l’entrée de ce lieu d’horreur, scène de ces souffrances inénarrables, je méditai sur le nombre incalculable des prisonniers, dont de si nombreux juifs, qui ont foulé la même allée pour entrer en captivité à Auschwitz et dans tous les autres camps de prisonniers. Ces enfants d’Abraham, accablés de douleur et dégradés, avaient peu de choses pour les soutenir sinon la foi dans le Dieu de leurs pères, une foi que nous, chrétiens, nous partageons avec vous, qui êtes nos frères et sœurs. Comment seulement commencer à saisir l’énormité de ce qui a eu lieu dans ces prisons infâmes ? La race humaine tout entière ressent une honte profonde devant la sauvage brutalité qui a été faite à votre peuple à cette époque-là. Permettez-moi de rappeler ce que j’ai dit en cette sombre occasion : « Les potentats du Troisième Reich voulaient écraser le peuple juif tout entier ; l’éliminer du nombre des peuples de la terre. Alors, les paroles du Psaume : ‘On nous massacre tout le jour, on nous traite en moutons d’abattoir’ se vérifièrent de façon terrible ».
Notre rencontre a lieu aujourd’hui dans le cadre de votre visite en Italie, en lien avec votre Mission de leadership annuelle en Israël. Moi aussi, je me prépare à visiter Israël, un pays qui est saint pour les chrétiens comme pour les juifs, puisque les racines de notre foi se trouvent là-bas. En effet, l’Eglise tire sa nourriture de la racine de ce bon olivier, le peuple d’Israël, sur lequel ont été greffées les branches sauvages des gentils (cf. Rm 11, 17-24). Depuis les premiers jours du christianisme, notre identité et chaque aspect de notre vie et de notre prière ont été intimement liés avec l’antique religion de nos pères dans la foi.
Les deux mille ans d’histoire des relations entre le judaïsme et l’Eglise sont passés par beaucoup de phases différentes, certaines étant douloureuses à rappeler. Maintenant, alors que nous pouvons nous rencontrer dans un esprit de réconciliation, nous ne devons pas laisser les difficultés du passé nous empêcher de nous tendre une main amicale. En effet, quelle famille n’a pas été troublée par des tensions d’une ou l’autre sorte ? La déclaration du concile Vatican II, Nostra Aetate, a été une pierre miliaire dans la marche vers la réconciliation, et a souligné clairement les principes qui ont gouverné l’approche de l’Eglise pour les relations entre chrétiens et juifs depuis lors.
L’Eglise s’est engagée de façon profonde et sans équivoque à rejeter tout antisémitisme et elle continuera à construire des relations bonnes et durables entre les deux communautés. S’il y a une image particulière qui englobe cet engagement, c’est le moment où mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II, se tint devant le Mur Occidental de Jérusalem, suppliant Dieu de pardonner toutes les injustices que le peuple juif a dû souffrir. Je fais maintenant mienne cette prière :
« Dieu de nos pères,
tu as choisi Abraham et sa descendance
pour que ton Nom soit apporté aux peuples :
nous sommes profondément attristés
par le comportement de ceux qui,
au cours de l’histoire, les ont fait souffrir, eux qui sont tes fils,
et, en te demandant pardon, nous voulons nous engager
à vivre une fraternité authentique
avec le peuple de l’alliance » (26 mars 2000).
La haine et le mépris pour des hommes, des femmes et des enfants qui ont été manifestés dans la Shoah a été un crime contre Dieu et contre l’humanité. Cela doit être clair pour chacun, spécialement ceux qui se réclament de la tradition des Saintes Ecritures, selon lesquelles chaque être humain est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26-27). Il est indiscutable que toute négation ou toute minimisation de ce crime terrible est intolérable et en même temps inacceptable. Récemment, lors d’une audience publique, j’ai réaffirmé que la Shoah doit être « un avertissement pour tous contre l’oubli, la négation ou le réductionnisme, parce que la violence commise contre un seul être humain est une violence contre tous » (28 janvier 2009).
Ce terrible chapitre de notre histoire ne doit jamais être oublié. Le souvenir - on le dit à juste titre - est une mémoire du futur, un avertissement pour nous pour l’avenir, et une injonction à viser la réconciliation. Se souvenir, c’est faire tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher tout retour d’une telle catastrophe à l’intérieur de la famille humaine, en construisant des ponts d’amitié durable. Je prie avec ferveur pour que la mémoire de ce crime épouvantable fortifie notre détermination à guérir les blessures qui ont trop longtemps souillé les relations entre chrétiens et juifs. Je désire de tout cœur que l’amitié dont nous jouissons actuellement se fortifie encore davantage de façon à ce que l’engagement irrévocable de l’Eglise à des relations respectueuses et harmonieuses avec le peuple de l’Alliance porte des fruits en abondance.
© Copyright du Texte original en anglais : Librairie Editrice du Vatican - Traduction : Zenit