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Cornelis Adriaan Rijk
Les editeurs
Cette édition du Bulletin du SIDIC est affectueusement dédiée à la mémoire de
Cornelis Adriaan Rijk
Le Père Rijk est mort le 29 Août 1979. Il avait consacré les treize années précédentes à un travail exclusif, celui des relations judéo-chrétiennes, d'abord comme responsable des relations judéo-catholiques au Secrétariat pour l'Unité des Chrétiens, de 1966 à 1972, puis comme Directeur du SIDIC, de 1973 à sa mort. Cependant, l'intérêt profond qu'il portait à la question, remonte beaucoup plus loin dans le passé, au temps où, jeune prêtre, il était en Hollande Pro{esseur d'Écriture sainte au Séminaire philosophique (au « Philosophicum ») de Warmond.
Dans les pages qui suivent nous offrons à nos lecteurs une synthèse de sa pensée et de son enseignement au sujet des relations entre juifs et chrétiens. Ses écrits, mais plus encore sa personne, prouvaient à l'évidence que ce travail, tout en exigeant une longue préparation préalable, était en fait accompli bien plus par le coeur que par la tête. Ses nombreux amis, juifs et chrétiens, ont apprécié et la finesse de son esprit et la chaleur et la sincérité de son amitié. Nous avons demandé à quelques-uns d'entre eux de partager avec nous leurs souvenirs et leurs impressions, de nous parler du travail qu'ils firent ensemble et des dialogues qu'ils échangèrent.
Reportons-nous en Hollande, au moment où le Père Rijk commençait à s'intéresser aux relations judéo-chrétiennes, et tournons-nous vers celui qui était son ami depuis plusieurs années et se trouvait lui-même au premier rang de ce dialogue: Mgr. A.C. Ramselaar. Nous apprenons de lui comment le Père Rijk se trouva engagé dans ce travail de la plus haute importance qui allait devenir bientôt sa vocation toute spéciale. Très significatif est le fait que cette vocation a sa racine dans la Parole de Dieu - la Bible. Tous ceux qui l'ont connu, en Hollande, à Rome, en quelque endroit que le portaient ses fréquents voyages, tous savent à quel degré de profondeur il aimait cette Parole, comment elle était la source vivante de sa prière, de ses homélies, conférences et écrits, comment elle était le fondement de toute son approche du dialogue. Il avait conduit cette approche biblique à sa conclusion logique en accordant au peuple juif la place qui est de droit la sienne dans le dessein de Dieu; en raison de quoi il fut appelé à Rome pour prendre la responsabilité de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, créée en vue de commencer à mettre en oeuvre les principes énoncés dans la Déclaration conciliaire Nostra Aetate. Mgr. forge Mejìa, Secrétaire actuel de la Commision, parle de cette période importante en rendant hommage au travail pionnier qui lut celui du Père Rijk et aux fondations par lui posées.
A la fin de 1972, le Père Rijk quitta le Secrétariat pour l'Unité des Chrétiens et devint Directeur du SIDIC au début de l'année suivante. Nul n'est plus qualifié pour évoquer cette époque que Sr. Edward Berkeley, des Soeurs de Sion qui fonda le SIDIC immédiatement après le Concile. Le Père Rijk et elle travaillèrent ensemble pour la cause qui leur était si chère à tous deux jusqu'à ce qu'elle se retire, en Septembre 1978, juste avant que le Père Rijk luimême ne devienne sérieusement malade. Parallèlement au témoignage de Soeur Edward, nous présentons celui du Dr. Renzo Fabris, Président de l'Association SIDIC depuis les commencements, en 1971, jusqu'à sa démission en Février 1979.
Le SIDIC ayant été fondé par la Congrégation Notre Dame de Sion, nous avons demandé à la Supérieure Générale, Sr. Katherine MacDonald, de nous dire quelque chose de l'engagement du Père Rijk, non seulement vis-à-vis du SIDIC en tant que tel, mais aussi vis-à-vis de toute la Congrégation; le rôle, par exemple, qu'il a joué pour l'aider à devenir dans l'Église un rappel constant de la mission d'Israël par rapport aux nations; nations auxquelles Israël est mystérieusement lié dans la pensée d'amour de Dieu envers le Monde.
L'une des personnes qui connut le mieux le Père Rijk fut le Professeur Augusto Segre. Son témoignage prouve à quel point d'intimité il était arrivé et combien il l'appréciait, non seulement pour ses qualités intellectulles, mais aussi pour la richesse de sa personnalité.
Rome étant une ville internationale et le SIDIC, un Centre international, on peut s'attendre à ce que l'influence du Père Rijk se soit largement étendue. Nous pensons tout d'abord à Israël où il se rendit maintes et maintes
fois comme directeur de pélerinages et où il contracta des amitiés profondes et durables. Avec, entre autres, le Professeur Uriel Tal qui occupe la chaire d'histoire juive contemporaine à l'Université de Tel-Aviv. Ses souvenirs du Père Rijk nous aident à voir comment celui-ci était capable d'intégrer son amour pour Israël, Terre et État.
Un ami d'outre-mer qui collabora avec le Père Rijk en Italie et aux États-Unis, est le Professeur Manfred Vogel du Département Histoire et Littérature des Religions d la North Western University d'Evanston. Tous deux furent engagés profondément dans un dialogue judéo-chrétien très sincère qui trouva une expression typique lors d'une con férence tenue à Nemi en 1968 et dont l'esprit est très bien évoqué pour nous dans le témoignage écrit par le Professeur. Toujours dans la ligne du dialogue international, il faut situer les relations du Père Rijk avec le Conseil International des Chrétiens et des Juifs (ICCJ). William W. Simpson, qui en fut le Secrétaire Général depuis les débuts, il y a plus de 33 ans, jusqu'à sa retraite récente, nous dit le rôle très actif qu'y joua Rijk en tant qu'observateur.
Son activité de conférencier à Rome constitue un aspect différent de son engagement international. Celui-ci comprenait, entre autres, ses contacts avec deux groupes de religieuses, l'ARC (Communautés Religieuses Apostoliques) et l'Institut Regina Mundi. Le Père Paul Molinari et Sr. Mary Elaine Tarpy nous donnent quelques aperçus de son tra vail auprès des religieuses venues de tous les horizons, spécialement en ce qui touche à la longue préparation de leur pélerinage en Terre Sainte. Soeur Irène Mary Breslin, Directrice de Regina Mundi, dépeint à grand traits l'activité que le Père Rijk déploya selon les lignes de sa vocation profonde.
L'une des personnes responsables de son appel à Rome, avait été le Cardinal Johannes Willebrands. Celui-ci était Recteur du Séminaire de Warmond quand le Père Rijk commença à y enseigner. Il connaissait sa compétence en ce qui regardait les études bibliques; il savait aussi comment ces études avaient naturellemnt débouché pour lui sur une vraie compréhension des relations qui devraient exister entre juifs et chrétiens; et c'étaient là des qualités qu'il appréciait. C'est pourquoi, lorsque le SIDIC décida, deux mois après la mort du Père Rijk, de faire célébrer pour lui à Rome une liturgie des défunts, le cardinal Willebrands demanda d'en être l'officiant. Le résumé de l'homélie qu'il donna à cette occasion constitue l'hommage qu'il a rendu au Père Rijk.
Il y eut un moment très émouvant à la fin de la cérémonie, lorsque, juste avant la bénédiction finale, Rabbi Elio Toaf, f, Grand Rabbin de Rome, rendit un magnifique hommage à la mémoire de son ami en ces termes:
« La Communauté juive italienne a pris part, avec une profonde émotion, au deuil causé par la mort de Cornelis Rijk; ces dernières années, en effet, elle l'avait bien connu et avait pu apprécier ses dons extraordinaires d'esprit et de coeur.
L'abnégation avec laquelle il s'était consacré à la noble tâche de combattre les préjugés contre les juifs, l'honnêteté avec laquelle il poursuivait son but - instaurer un climat de compréhension, d'amitié et de collaboration avec les juifs dans le domaine de la foi, de l'étude et de l'éducation - en ont fait un juste en ce monde. Un de ces justes par le mérite desquels la collectivité se sauve et envers lesquels elle a une dette infinie de reconnaissance.
Un noble exemple est une lumière vive qui éclaire les ténèbres de ce monde étouffé par l'égoïsme et par la violence.
Je ne veux pas continuer à énumérer les mérites du disparu parce que je l'ai bien connu, et je sais que cela ne lui ferait aucun plaisir, et que je suis convaincu, d'autre part, qu'il y a un verset du Psaume qui s'applique bien à lui: Lechà dumijà tehillà, « Pour toi, silence est louange ».
Seigneur de tous les hommes, nous te prions de bien vouloir accueillir près de Toi l'âme élue de Cornelis Rijk et de lui donner le repos éternel réservé aux justes de ce monde.
Qu'il repose en paix jusqu'au jour de la Résurrection, quand les morts se lèveront de leurs sépulcres pour jouir d'une vie éternelle dans un monde enfin pacifié, fraternel et rempli de la connaissance du Seigneur « comme les eaux remplissent la mer », en ce jour où « un sera le Seigneur et un sera son nom ». Amen! »