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Documents sur les Rélations juifs-chrétiens

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Synode 1977 - Catéchèse et Judaïsme

Cardinal Willebrands
Saint-Siège (1977/10/18)

 

Le 18 octobre 1977, au cours des débats synodaux sur la catéchèse en notre temps, le cardinal Willebrands, Président du Secrétariat pour l'Unité des chrétiens, a présenté une intervention écrite sur la question « Catéchèse et Judaïsme ».

Pour beaucoup de chrétiens le Synode de 1977 devait être une porte ouverte qui permettrait à la catéchèse de déboucher sur les grandes voies tracées par le Concile, entre autres celle de l'approfondissement scripturaire par les chrétiens et de la reprise du dialogue avec les juifs. «Le Nouveau Testament est profondément marqué par sa relation à l'Ancien » disent les « Orientations » de décembre 1974 et « il importe que les chrétiens cherchent à mieux connaître les composantes fondamentales de la tradition religieuse du judaïsme et qu'ils apprennent par quels traits essentiels les juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité religieuse vécue ».

Or, à cet égard, le Synode fut décevant, car aucune allusion ne fut faite à la nécessité de réintroduire dans la catéchèse la Bible avec son dynamisme et dans sa globalité.

Dans ce contexte, l'intervention du cardinal Willebrands est importante: elle a le mérite de rappeler les points élémentaires des « Orientations » et d'alerter les Pasteurs du danger provenant de ce silence officiel.


Il semble important que, dans un débat sur la catéchèse qui concerne spécialement les jeunes et les enfants, soit posée la question de l'image du judaïsme dans l'enseignement catéchètique. La raison en est double: d'une part, il est impossible — sur le plan théologique aussi bien que pratique —, de présenter le christianisme sans se référer au judaïsme, du moins tel qu'on le trouve dans les pages de l'Ancien Testament, et aussi tel qu'il était réellement à l'époque du Nouveau Testament. Et, d'autre part, l'image du judaïsme utilisée pour illustrer le christianisme dans l'enseignement chrétien est rarement exacte, fidèle et respectueuse de la réalité théologique et historique du judaïsme.

Pour ces raisons, il semble à propos de présenter quelques réflexions tirées des documents officiels de l'Eglise, sur la manière d'aborder le judaïsme dans notre catéchèse.

Vatican II, après une présentation générale des relations entre le christianisme et le judaïsme déclare: « Que tous aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Evangile et à l'esprit du Christ. » (Nostra aetate, n. 4.)

Ce principe apparaît comme la conclusion du développement qui précède, et dont émergent quelques pointspratiques, repris également par les récentes « Orientations et suggestions pour l'application de la Déclaration conciliaire Nostra aetate, n. 4 », publiées par la Commission pour les relations religieuses avec les juifs le ler décembre 1974.

La continuité des deux Testaments

1. Un premier point de la plus haute importance est la relation des deux Testaments entre eux. Une catéchèse qui ne fonderait pas la révélation du Nouveau Testament sur la révélation de l'Ancien serait fausse. On courrait même le grave danger de tomber dans l'hérésie marcionite. En effet, comme le dit le Concile du Vatican II, « l'Eglise du Christ reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes ». Les « Orientations » disent nommément: « L'Ancien Testament et la tradition juive fondée sur celui-ci ne doivent pas être opposés au Nouveau Testament de telle façon qu'ils semblent n'offrir qu'une religion de la justice seule, de la crainte et du légalisme, sans appel à l'amour de Dieu et du prochain. » (Cf. Dt. 6, 5; Lv. 19, 18; Mt. 22, 34-40.) En fait, « le Nouveau Testament est profondément marqué par sa relation avec l'Ancien ». La continuité des deux Testaments dans le plan de Dieu, avec tout le respect qui est dû à la plénitude du Nouveau Testament, doit être un principe directeur de la catéchèse.

L'arrière-plan judaïque du Nouveau Testament

2. Un autre point de grande valeur pratique concerne la présentation du judaïsme à l'époque du Nouveau Testament, en tant qu'arrière-plan nécessaire pour l'interprétation des Evangiles. Sur ces points, les « Orientations » déclarent: « Le judaïsme du temps du Christ et des apôtres était une réalité complexe, englobant un monde de tendances, de valeurs spirituelles, religieuses, sociales et culturelles. » Et c'est pourquoi, toute simplification dans les faits, groupes et personnes mentionnés dans le Nouveau Testament doit être soigneusement évitée. Les « Orientations » disent à un autre endroit: « En ce qui concerne les lectures liturgiques, on prendra soin d'en donner, dans l'homélie, une interprétation juste, surtout quand il s'agit de passages qui semblent placer le peuple juif en tant que tel sous un jour défavorable. » Dans une note on donne deux exemples importants: « C'est ainsi que la formule "les juifs" dans saint Jean désigne parfois, suivant le contexte, les chefs des juifs » ou les adversaires de Jésus, expressions qui expriment mieux la pensée de l'évangéliste et évitent de paraître mettre en cause le peuple juif comme tel. Un autre exemple est l'usage des mots « pharisien » et « pharisaïsme » qui ont acquis une nuance surtout péjorative. A propos de la dernière question, les spécialistes distinguent au moins sept sortes de pharisiens à l'époque du Nouveau Testament.

La responsabilité de la mort de Jésus

3. Il y a encore un autre point délicat qui concerne l'interprétation du Nouveau Testament et a été repris par le Concile et les « Orientations ». C'est la responsabilité de la mort de Jésus. Ce point est nécessairement soulevé dans toute catéchèse sur la vie de Notre-Seigneur ou sur l'histoire de la Rédemption. Voici ce qu'en dit le Concile: « Encore que les autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa Passion, ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. » Et il poursuit: « D'ailleurs, comme l'Eglise l'a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense amour, s'est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut », donnant ainsi la signification exacte de la mort de Notre-Seigneur. Les « Orientations » répètent la première citation comme l'un des faits qui « méritent d'être rappelés ».

L'image des juifs chez les chrétiens

4. Au sujet du dernier point, une autre référence faite par le Concile mérite fort d'être rappelée ici à l'usage des catéchètes. Il s'agit de la question de l'image des juifs chez les chrétiens. Le texte dit: « S'il est vrai que l'Eglise est le nouveau peuple de Dieu, les juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. » Déjà la Constitution dogmatique sur l'Eglise Lumen Gentium avait dit: « En premier lieu, ce peuple qui reçut les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair (cf. Rm. 11, 2829), peuple très aimé de Dieu du point de vue de l'élection, à cause des pères, car Dieu ne regrette rien de ses dons ni de son appel (cf. Rm. 11, 28-29) ». Les « Orientations » en donnent ce commentaire approprié: « L'histoire du judaïsme ne finit pas avec la destruction de Jérusalem, mais elle s'est poursuivie en développant une tradition religieuse dont la portée devenue, croyons-nous, d'une signification profondément différente après le Christ, demeure cependant riche de valeurs religieuses. » Le judaïsme ne doit donc pas être présenté comme une religion morte ou inutile.

Parlant de ces faits, la Commission pour les relations religieuses avec les juifs, créée par le Saint-Père en novembre 1974, essaie d'établir des liens avec les Conférences épiscopales dans le but de les aider dans le problème important de la mise en oeuvre de la Déclaration conciliaire Nostra aetate (n. 4). Mais elle a aussi essayé d'entrer en contact avec le judaïsme d'une manière officielle dans l'intention de hâter la réconciliation entre deux religions qui ont tant de choses en commun. A cette fin, un Comité de liaison a été créé, même avant l'existence de la Commission elle-même, avec les principales organisations juives, et il en est déjà à sa sixième session. De nombreuses questions d'importance y ont été discutées dans un esprit de franchise et de fraternité. Il vaut la peine de signaler ici que la prochaine rencontre, prévue pour l'an prochain, sera principalement consacrée à l'image de chaque religion dans le système d'enseignement de l'autre.

Nous espérons sincèrement, avec l'aide de Notre-Seigneur, que ces faits et ces idées favoriseront une meilleure image du judaïsme dans l'enseignement catéchétique de l'Eglise catholique, ainsi que des relations plus étroites et plus fraternelles entre tous les « fils d'Abraham » (cf. Rm. 4, 11-12).



(*) Texte original anglais. Traduction et sous-titres de la Documentation catholique N. 21, 4 XII, 1977.

 

 

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