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SOUVENIR DE SOEUR ADA JANES (1936-2015) (by Massimo Giuliani)27/05/2015: General House - Rome MassiMo Giuliani SOUVENIR DE SOEUR ADA JANES (1936-2015) Au moment où nous mettons sous presse ce numéro de «Humanitas» sur le dialogue judéo-chrétien, à cinquante ans de la promulgation de Nostra Aetate arrive la triste nouvelle de la mort de sœur Ada Janes qui a consacré à ce dialogue sa vie entière. Une femme extraordinaire, dont l'humilité n'a d'égal que sa volonté efficace et créatrice de témoigner du «merveilleux charisme», suivant ses propres termes, de la congrégation religieuse à laquelle elle appartenait «non pas par hasard mais par vocation», la congrégation des sœurs de Notre-Dame de Sion. Ada définissait ce charisme comme «la responsabilité [chrétienne] de promouvoir compréhension et justice à l'égard de la communauté juive et de garder vivante la conscience que de façon mystérieuse, le christianisme est lié au peuple juif dès ses origines et jusqu'à son destin final»1. Née le 31 mars 1936 à Dovena di Castelfondo, dans le haut Val di Non dans le Trentin, Ada grandit dans une famille nombreuse (neuf enfants) avec de solides principes humains. Encore adolescente, elle se rend à Trieste pour ses études et rencontre cette congrégation fleurissante. A dix-neuf ans, elle commence son noviciat et vit, en tant que jeune religieuse, la saison du renouvellement apporté par le Concile. C'est le moment où les sœurs de Sion, nées en France en 1843 sur l'initiative de Théodore Ratisbonne, juif converti, revoient et ré-élaborent leur raison d’être: ordre religieux se consacrant à prier pour la conversion des juifs au catholicisme, il devient une congrégation de sœurs vouées à «témoigner par leur vie, dans l’Église, la fidélité de Dieu pour le peuple juif» et à promouvoir ainsi une réparation des préjugés et des souffrances causés aux juifs au cours de l'histoire par les chrétiens, ainsi qu'une meilleure connaissance du judaïsme même, grâce à des initiatives d'étude, de dialogue et de rencontres personnelles. C'est là le message et la mission que leur confie le 15 janvier 1964 celui qui, à la demande de Jean XXIII deviendra l'organisateur, patient mais déterminé, de Nostra Aetate, le card. Agostino Bea. Ada apporte à cette mission son interprétation douce et marquante, au cours des années Soixante à Rome, où elle étudie la théologieet fait partie du Conseil Général de son ordre; puis à partir de 1972 à Milan, où elle crée cette petite communauté de sœurs, au 24 de la Via Machiavelli, qui devient peut-être, au cours du temps, le lieu le plus stable, le plus spontané et le plus confortable de dialogue entre juifs et chrétiens (catholiques mais aussi vaudois et luthériens) de la métropole lombarde. Jetant les bases d'une ouverture inédite de l’Église envers le monde juif, cette première décennie constitue pour Ada une période où elle achève sa formation: elle passe un an en Israël, où les sœurs de Sion ont une maison à Karem et à Ecce Homo, à Jérusalem, dans la vieille ville; elle fréquente l’Université Catholique et obtient en 1981 sa maîtrise en psychologie; elle sert sa congrégation en tant que Provinciale pour l’Italie.
C'est justement pendant un séjour à Ein Karem, en Israël, qu'elle connaît personnellement le recteur de l'époque de l'Université Grégorienne, le père jésuite Carlo Maria Martini, qui sera peu après envoyé à Milan, dans la chaire d'Ambroise et de Charles Borromée. Martini donne aux sœurs de Sion un cours d'exercices spirituels sur la figure de Moise, «ce fut une expérience de celle que l'on n'oublie pas», commente sœur Ada. Dès le début des années Quatre-vingts Ada et ses sœurs Luigia Nardon e Maria Luisa Gasperi, ouvrent leur maison aux amis juifs et chrétiens pour des rencontres d'approfondissement (avec un cycle annuel, qui désormais dure depuis trente ans, intitulé Pour connaître Israël) et d'étude de l'hébreu. Les principaux animateurs en sont tout d'abord Paolo De Benedetti, qui est resté lié à sœur Ada par une profonde amitié et une collaboration étroite, le rabbin Elia Kopciowski (à la tête de la communauté juive milanaise jusqu'en 1980) et sa femme Clara, puis Renzo et Franca Fabris, Pietro Anselmi et bien d'autres. Pour tous, Ada était un point d'appui et l'incarnation du charisme de son ordre: une oreille toujours attentive à l'écoute et un mot sage pour encourager ou apaiser. Elle a enseigné la religion dans les Collèges et en même temps elle participe activement et avec compétence à la vie institutionnelle de l’Église. En effet, au milieu des années Quatre-vingts, elle est appelée à faire partie du Secrétariat pour l’Œcuménisme et le Dialogue (parmi des évêques et des théologiens célèbres) de la Conférence Épiscopale Italienne et, naturellement, de la commission analogue du diocèse milanais. Ces organismes la voient au premier rang de la bataille pour l'institution du 17 janvier comme journée ecclésiale pour l’approfondissement du judaïsme et des racines hébraïques de la foi chrétienne. Au cours des années Soixante, elle est également appelée à faire partie du comité préparatoire de la seconde assemblée œcuménique européenne (Graz 1997), au cours de laquelle elle parvient à faire adopter cette journée à toutes les autres églises d'Europe. Le card. Martini, fréquemment coprésident de ces assises œcuméniques, fut souvent et personnellement en contact avec sœur Ada, qui entre autres, avait été parmi les membres fondateurs du Groupe interconfessionnel Techouva, animé pendant de nombreuses années par don Gianfranco Bottoni. Ses rapports avec Martini étaient discrets mais opérationnels, faits d'estime et de partage profond, des rapports qui au cours des années s'ouvrirent à des contacts de plus en plus fréquents avec le Grand Rabbin de Milan, Giuseppe Laras et ses collaborateurs. Où qu'elle siégeât, (souvent à côté de Paolo De Benedetti), que ce soit le groupe Techouva ou une commission, à Milan ou à Rome, sœur Ada écoutait, donnait son avis, mais surtout “traduisait” en moments pédagogiques et en occasion de rencontre les idées et les initiatives visant à soutenir la nouvelle saison des rapports entre chrétiens et juifs, et l'enseignement du respect et de l'estime envers le judaïsme qui doit prendre la place de cet<<enseignement du mépris» (Jules Isaac) que le Concile, a abandonné une fois pour toutes en 1965, justement avec Nostra Aetate. Relisant sa parabole humaine et religieuse, sœur Ada écrit: « Après être entrée dans la congrégation des sœurs de Sion, je n'ai jamais eu de regrets. [...] Nous tous, institutions ou non, religieux et laïcs, même si nos motivations sont différentes, nous devons nous engager pour la justice et l'amour envers nos frères juifs dont nous avons reçu et recevons beaucoup, car sans justice et sans amour, il ne pourra jamais y avoir shalom, jamais de paix»2. Travailler pour ce shalom, qui est la paix en tant que fruit de techouva [conversion et repentir], de justice et de réconciliation, est l'engagement le plus significatif que cette femme humble et grande nous laisse en héritage, une tâche à mener à bien. Soeur Ada Janes s'est éteinte à Borgo in Valsugana le 19 mai 2015, après quelques années d'une maladie lente et progressive chez les Sœurs de Marie Enfant à Telve. Elle repose au cimetière municipal de Trente et comme on dit dans la tradition juive, zikronà livrakhà, que son souvenir soit béni.
2 Ibi, p. 97.
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