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SIDIC Periodical III - 1970/3
La question de l’identité juive (Pages 21 - 22)

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Bâtiment nouveau sur Anciennes et solides fondations
Elsa Pariente

 

« Un premier problème souvent évoqué, est celui de ce que l'on appelle parfois la sclérose du judaïsme religieux ». C'est ainsi que le Rabbin Josy Eisenberg dans son article: « Le Judaïsme à réinventer? » (L'Arche n° 144, juin-juillet 1969) commençait à exposer sa préoccupation sur la situation du judaïsme. C'était ce que les chrétiens avaient aussi malheureusement soutenu pendant des siècles: judaïsme: religion légaliste, figée, sclérosée, etc.... Un Rabbin de la valeur de Josy Eisenberg allait-il apporter de l'eau à ce vieux moulin partisan? La suite de l'article détrompe rapidement. Josy Eisenberg montre, en effet, combien le judaïsme, au cours de son histoire multiséculaire, a su être « dynamique et inventif » jusqu'à la clôture du Talmud, environ au Sème siècle de l'ère chrétienne. Puis le système de « haies » qui devait protéger la Torah, devint tellement complexe et minutieux que le judaïsme traditionnel (à dessein le mot « orthodoxe » n'est pas employé) devait inexorablement couper les juifs d'un monde qui évoluait et les maintenir dans un mode de vie moyenâgeux malgré les bouleversements scientifiques, sociologiques, politiques et culturels des derniers siècles.

Les problèmes qui se sont posés dans la Diaspora ont cependant suscité des mouvements de réforme. Le plus en pointe, actuellement, est le Mouvement Libéral juif qui a débuté il y a 150 ans. Le plan de ce mouvement, exposé par le Rabbin André Zaoui dans le n° 19 des Nouveaux Cahiers, suscite de grands enthousiasmes mais aussi de grandes polémiques avec le judaïsme orthodoxe. La dernière affaire, celle de la conversion, en Israël, de Madame Helen Zeidman, a failli déclencher une crise ministérielle. Pour l'éviter à un moment difficile de l'histoire d'Israël, Mme Zeidman, convertie une première fois au judaïsme libéral, s'est reconvertie au judaïsme orthodoxe, le Grand Rabbinat de Jérusalem ayant déclaré invalides les conversions si elles ne se font pas suivant la Halacha, loi orthodoxe juive.

Sans aller jusqu'à ces extrêmes, une tension existe au sein du judaïsme orthodoxe lui-même où se dessinent deux tendances: l'une intégriste exigeant le maintien de chaque iota des pratiques tal mudiques; l'autre, dont se sont faits les interprètes, en Italie, le Rabbin Elia Samuele Arton (« 1887-1965: La vie nouvelle d'Israël »), en France, Georges Hertz (« Pour un 'Aggiornamento' du judaïsme »: L'Arche - n° 131 et n° 135, 1968) et le Rabbin Josy Eisenberg (article cité plus haut et « Plaidoyer pour le Talmud »: L'Arche - n° 147, 1969). Tous trois demandent une rénovation du judaïsme et pour cela remettent en question la législation talmudique. Le Rabbin Josy Eisenberg précise d'ailleurs qu'il veut parler de la législation talmudique telle que l'expose le Choulh'ane Aroukh, code établi par Rabbi Joseph Caro au 16ème siècle. Il ne s'agit pas, en effet, de « contester la légitimité ni l'authenticité des valeurs et des modes de pensée du Talmud », source de sagesse juive à laquelle il ne faut cesser de puiser. Seulement il constate que le monde a changé et ne cesse de changer, encore et toujours: des problèmes se posent donc aujourd'hui pour les juifs, qui ne se posaient pas au moment où s'est clôturé le Talmud et que, partant, celui-ci ne peut les résoudre.

Trois attitudes sont alors possibles devant ce monde moderne: passer outre, ignorer ou nier les problèmes, autrement dit vivre encore dans un ghetto délibérément choisi et voulu en risquant un formalisme, un gauchissement et pour tout dire un fanatisme qui tue le sentiment religieux proprement dit. Ou bien abandonner en bloctoute pratique juive et du même coup perdre le goût des Mitsvot et arriver à l'agnosticisme pur et simple, dernier degré d'une déjudaïsation progressive. Josy Eisenberg croit « indispensable de choisir une nouvelle voie », et c'est sur le Talmud lui-même qu'il fonde sa proposition d'innovation. Le Talmud, en effet, est une Tradition et non un recueil de dogmes. Or « la Tradition juive a permis à toutes les opinions minoritaires de s'exprimer... Bien plus: lorsque deux écoles célèbres ont porté sur d'innombrables sujets des jugements radicalement opposés, le Talmud... [a proclamé]: 'Les unes et les autres sont les paroles du Dieu vivant'... ». Voilà, conclut plus loin le Rabbin J. Eisenberg, ce que le Talmud « n'aurait jamais dû cesser d'être: une parole vivante, ouverte, dynamique ». Dans cette perspective, la « nouvelle voie » choisie par J. Eisenberg ne sera certainement pas celle de la facilité pure et simple. Il écarte autant les « tolérances délétères » que les « exigences abusives » et, voudrait que cette rénovation du judaïsme ne se fasse pas dans l'anarchie, mais toujours selon les principes du Talmud, c'est-à-dire au sein d'un Sanhédrin. Les recherches porteraient à la fois sur une clarification des concepts fondamentaux de la théologie du judaïsme et sur une harmonisation des Mitsvot. Cela rendrait au judaïsme son véritable visage dans l'unité retrouvée.

 

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