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Perspective: Jérusalem, ville sainte, ville des diverses religions
Israel Lippel
Jérusalem, ville « sainte » pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, a beaucoup gagné en importance depuis sa réunification en 1967. Même si elle passe actuellement par un moment politique difficile, elle ne cesse d'attirer touristes et pèlerins en grand nombre. Mr Israël Lippel, ancien Secrétaire général du Ministère pour les Affaires religieuses°, et fondateur et directeur de l'Institut de Jérusalem pour les relations et les recherches inter-religieuses, a une connaissance approfondie de la situation. Son article nous donne une vue objective de la Ville, de ses diverses composantes religieuses, de leur évolution et d'une certaine x convivialité », finalement assez unique au monde, telle qu'elle existait du moins jusqu'à ces derniers mois.
La signification universelle de Jérusalem
Selon la tradition juive, la sainteté de Jérusalem est une sainteté pour le temps et pour l'éternité. Elle existe depuis la création du monde et demeurera jusqu'au dernier jour. Conformément à cette tradition, non seulement la ville renferme la pierre de fondation sur laquelle le monde fut créé, mais elle est aussi l'une des sept réalités que Dieu a appelées à l'existence avant même la création du monde. A propos du Psaume 3 (y. 51: « J'ai élevé la voix vers le Seigneur, et il m'a répondu de sa montagne sainte — Sela! », le Midrash explique (faisant un jeu de mots sur Sela = Rocher) que même si c'est une montagne et un lieu dévasté, Dieu s'y tient dans toute sa sainteté.
Le roi Salomon fut, en réalité, le premier à jeter les bases de cette signification universelle de Jérusalem lorsque, dans sa fameuse prière au moment de la dédicace du 1er Temple, il supplia Dieu d'exaucer en ce lieu a toute prière, toute supplication de tout homme de tout ton peuple Israël... et aussi de tout étranger qui n'est pas de ton peuple Israël» l'IR 8,37-43). Plus que tous les autres témoins bibliques, le prophète Zacharie prophétise qu'à la fin des temps des non-juifs se joindront aux habitants juifs de Jérusalem, et cela non seulement pour être l'un de ces dix hommes (non-juifs) « qui saisiront un juif par le pan de son vêtement (Za 823). mais parce qu'il y aura un moment où tous les survivants, de toutes les nations qui auront marché contre Jérusalem, monteront ici d'année en année, pour célébrer la fête des Tentes' (ib. 14,16). Et il y a encore beaucoup d'autres récits prophétiques ou événements qui. dans la Bible, mettent en relief la signification unique et universelle de Jérusalem.
Les habitants de Jérusalem et leur appartenance religieuse
...D'après le dernier recensement, effectué en 1983, Jérusalem compte 428.000 habitants dont 306.000 juifs, 108.000 musulmans et un peu moins de 14.000 chrétiens. Entre temps. le nombre total semble avoir augmenté, s'élevant à 460.000 personnes. A titre de comparaison, voici les résultats de 1967, année de la réunification de Jérusalem: 268.000 habitants, dont 196.000 juifs. 60.000 musulmans et 11.500 chrétiens. Le nombre des chrétiens a donc régressé, de 25.000 à la tin du Mandat britannique, en 1948, à moins de 12.000 en 1967.
On peut expliquer la variation du nombre des juifs et des musulmans par les circonstances politiques et par l'état des relations entre Israël et les pays arabes. Mais les études démographiques indiquent un changement particulièrement sensible en ce qui concerne le nombre des chrétiens de Jérusalem depuis la période du Mandat. A la fin de ce Mandat, il y avait environ 25.000 chrétiens et, au moment de l'unification de la ville en 1967. moins de 12.000, c'est-à-dire moins de la moite. Le nombre a augmenté entre 1967 et 1983, mais très peu. Cela est dû avant tout au fait de l'émigration, lente mais sûre, des Arabes chrétiens du pays depuis la guerre d'Indépendance (les chrétiens de Jérusalem sont en majorité des Arabes). Les émigrés chrétiens vont surtout dans les pays d'Amérique Latine, aux U.S.A. ou en Europe, quelquefois dans des pays voisins du Moyen Orient. Il est le plus souvent difficile, pour un chrétien arabe, de vivre au Moyen Orient dans les circostances actuelles, sauf s'il réside dans un environnement totalement chrétien...
La situation de la population musulmane est différente. Tous les musulmans vivant à Jérusalem suivent la tradition sunnite...
Il existe de notables divisions parmi les juifs résidant à Jérusalem, mais on ne peut actuellement utiliser ici la classification en usage aux Etats-Unis: orthodoxes, conservateurs, réformés. Sur un millier environ de synagogues, à peine quinze relèvent de communautés non orthodoxes. Il existe aussi une petite communauté karaite, mais elle est minuscule, comptant à peine quelques dizaines de membres; elle dispose néanmoins d'une synagogue. qui porte le nom du fondateur du mouvement, Anan ben David (8e-9e siècle).
LA SOCIETE JUIVE RELIGIEUSE DE JERUSALEM: SON EVOLUTION
Même si la plupart des juifs religieux de Jérusalem se disent orthodoxes, ils sont très différents les uns des autres et appartiennent à des tendances très diverses. Nulle part ailleurs, on ne pourrait trouver une telle mosaïque de groupements ou mouvements juifs, religieux ou ultra-orthodoxes, depuis les Neturei Omis (« gardiens de la ville », ultraorthodoxes, qui ne reconnaissent pas l'Etat d'Israël), en passant par l'Agûdat Israël et le Parti du Shas, jusqu'aux membres religieux du parti Travailliste et du Li/Md qui se sont groupés, à l'intérieur de ces deux grands partis, sous le nom de Po'alei Agûdat Israël et Merde et cela sans parler des divers mouvements hassidiques (Hassidim de Braslav et de Karlin, de Gur et de .Belz), ou des membres du Habad (c'est-à-dire Hassidim de Loubavitchl, des institutions et académies talmudiques d'origine lithuanienne et séfarade, des multiples tribunaux rabbiniques, des commissions du surveillance de la Kashrût (pureté rituelle des aliments) etc…
Environ un tiers des 31 membres du Conseil municipal de Jérusalem sont les représentants de partis religieux et ultra-orthodoxes, ou bien des personnalités religieuses appartenant à d'autres partis politiques. Et nous appelons ici « religieux des gens qui, pour le moins, observent le Shabbat et les lois de la Kashrüt. Il ne fait pas de doute que le pourcentage de Vêlement religieux, au sein de la population juive de Jérusalem, est plus élevé encore qu'au sein du Conseil municipal. Et il est évident que le fort pourcentage de juifs observants, aussi bien au sein de la population que dans le Conseil municipal, exerce une influence sensible sur le caractère et la configuration de la ville, cela outre le fait que Jérusalem est déjà en elle-même la Ville sainte. Ce qui peut être toléré ailleurs dans le pays (films ou spectacles pornographiques dans les cinémas et les théâtres, ou initiatives entraînant une désacralisation du Shabbat) est inacceptable à Jérusalem.
Si nous considérons l'évolution de la société religieuse de Jérusalem, depuis la libération et la réunification, en 1967, jusqu'à nos Murs, nous pouvons constater un mouvement très net dans le sens de l'orthodoxie. On peut voir un indice, entre autres, de ce phénomène dans la grande estime accordée aux Basie' Teshùvah (ceux qui reviennent à une vie observante) par les ultra-orthodoxes... Par ailleurs, l'équilibre entre les milieux non-religieux et les orthodoxes semble devenir le plus en plus difficile. La voix des groupes religieux modérés qui, autrefois, constituaient une sorte de pont entre les diverses fractions de la population (tels le Maldal, les Benei 'Aqiba etc....), ne peut pratiquement plus se faire entendre dans ce domaine délicat. En revanche, on peut enregistrer à Jérusalem, depuis la réunification, — et peut-être comme une conséquence de celle-ci —, un renforcement de la conscience nationale juive, particulièrement dans les milieux religieux, phénomène qui a porté préjudice, ces derniers temps, à la coexistence entre juifs et non juifs dans la ville.
Le fait que l'esplanade du Temple soit entre les mains des musulmans peut, en certaines circonstances, donner lieu à des explosions de fanatisme. Il y a eu, en fait, récemment certaines tentatives et certaines actions, de la part de groupes fanatiques, pour essayer de «conquérir» le Mont du Temple. Le mouvement des « Fidèles du Mont du Temple » a trouvé là aussi un champ d'action privilégié. Les souhaits exprimés dans ce sens à Jérusalem, durant les dernières années, prouve que l'exigence manifestée par certains juifs de pouvoir prier sur le Mont du Temple trouve actuellement plus d'écho parmi les religieux. Ce sont uniquement les décisions halakhiques de la plupart des rabbins, et à leur tète des grands rabbins d'Israël, interdisant de pénétrer actuellement sur l'esplanade du Temple, qui empêchent de répondre à cette exigence; si on le faisait, beaucoup pensent que cela aurait des conséquences catastrophiques dans le domaine politique et dans celui de la sécurité. Les meurtres abjects commis récemment dans le quartier musulman de la Vieille Ville (et dont les victimes furent des juifs), les actes de violence perpétrés à la suite de cela par des juifs extrémistes, et aussi le fait que des yeshlvot aient été établies en plein quartier musulman, le mouvement pour « la récupération des biens juifs » sis au quartier musulman, tout cela rend la coexistence de plus en plus problématique.
Un autre changement, dans la Jérusalem juive, qui est à mettre en rapport avec la réunification de la ville, est le déplacement du centre cutuel (prières, visites aux lieux saints etc....) du tombeau de David, sur le Mont Sion, à son emplacement naturel, le Mur occidental. L'esplanade devant le Kotel (le 'Mur occidental, appelé aussi Mur des lamentations) ne désemplit jamais: on y vient prier à toute heure du jour et de la nuit. Elle est devenue l'emplacement par excellence pour les événements de la vie nationale, sociale et personnelle: C'est ici, par exemple, qu'aboutissent les pèlerinages à l'occasion des grandes fêtes, ici qu'ont lieu les cérémonies pour le Jour de Jérusalem, ici qu'onallume d'abord les lumières de Hanukkah (fête de la Dédicace), ici que les soldats de l'armée israélienne prêtent serment, que se font les visites officielles de chefs d'Etats, les manifestations en faveur des juifs de Russie. les cérémonies de Bar Mitzvah (majorité religieuse), la clôture des compétitions sportives des Macchabiades etc.... Compte tenu de tout cela, la question se pose du caractère qu'aura le Kotel après sa restauration. Devra-t-il conserver son caractère historique de Mur des lamentations, de mémorial de la destruction du Temple, ou devra-t-il plutôt demeurer le symbole des miracles qui se sont produits de nos jours, le symbole de la joie et de l'indépendance? Les fouilles dans le secteur du Mur occidental approchent cependant de leur fin; celui-ci sera bientôt dégagé sur toute sa longueur (on a déjà dégagé 440 mètres sur un ensemble de 486). Lorsque les travaux seront terminés et que le tunnel sera accessible au public, l'intérêt de ce lieu sera encore plus grand.
A la suite de la réunification de Jérusalem, d'autre modifications .territoriales» ont été envisagées pour les années à venir: la restauration de la synagogue de R. Vehuda he-Hassid, toujours en ruines, et peut-être aussi celle de la grande synagogue Tifèret Israël de Nissim Beck, situées toutes deux dans le quartier juif de la Vieille Ville. le choix définitif aussi d'un emplacement pour un cimetière juif central, vu qu'on ne dispose plus que de très peu de place sur le Mont des Oliviers et sur le Har ha-Menuhah.
Depuis 1967, on observe aussi à Jérusalem un enracinement et un développement très nets du judaïsme réformé et conservateur. L'introduction ici de la Réforme (selon le modèle américain libéral) est étroitement liée au nom du professeur Nelson Gluck et à l'Institut biblique et archéologique où il travaillait, même si la synagogue de type conservateur Emet we-Emunah existait déjà auparavant. Toutefois, quiconque se rappelle la lutte épique que les milieux religieux et ultra-orthodoxes ont menée, au début des années 1960, contre l'établissement de ce centre d'études du judaïsme libéral devra reconnaitre que la deuxième et la troisième étapes, en vue d'une consolidation de la Réforme à Jérusalem, ont rencontré nettement moins d'opposition. A tout cela se rattache également la fondation d'une académie du judaïsme conservateur, qui porte le nom du professeur Hayyim Schechter, ainsi que de diverses autres synagogues conservatrices et libérales. Cela ne signifie cependant nullement que nous ne pourrions pas être témoins, dans un avenir plus ou moins rappoché, de nouvelles difficultés et manifestations à ce propos encore.
LA JERUSALEM MUSULMANE
Au moment de la réunification de Jérusalem, en 1967, la ville disposait d'une Cour de justice régionale de Chari'a, c'est-à-dire un tribunal prenant des décisions, plus particulièrement dans les affaires civiles, en se basant sur la législation religieuse du Coran), présidée par un Kadi.
Traditionnellement, Jérusalem était aussi le siege d'une Cour suprême d'appel de Chari'a qui, avant 1967, avait compétence dans toute affaire de droit pour l'ensemble de la Jordanie, et qui siégeait tantôt à Jérusalem, tantôt à Amman. A cette Cour siégeait aussi le Mufti, faisant autorité pour la loi religieuse, ainsi que l'instance régionale pour les propriétés religieuses, le Waqf.
Les autorités religieuses musulmanes ayant refusé de reconnaître l'annexion de Jérusalem-Est et la mise en place d'une juridiction et d'une administration israéliennes sur cette partie de la ville, la compétence du Kadi régional a été annulée du fait qu'il avait été nommé en vertu de la loi jordanienne. Quant à la compétence de la Cour d'appel, elle s'est trouvée limitée à la seule région de Judée et Samarie ne s'appliquant plus à la région de Jérusalem (totalement intégrée dans l'Etat d'Israël). Cependant, pour permettre que les affaires des Arabes de Jérusalem puissent être réglées, la Kadi de Jaffa a été autorisé par le gouvernement à rendre la justice pour les musulmans de Jérusalem, et l'administration religieuse a continué, sous son autorité, à s'occuper des propriétés religieuses (Ware). Toutefois, l'administration de Jérusalem-Est a annoncé la création d'un Conseil suprême musulman, tel celui qui avait été créé, après 1917, par le gouvernement du Mandat britannique. Ceui-ci avait pour tâche de coordonner les activités de toutes les institutions religieuses musulmanes de la ville (en accord avec la Jordanie) et de veiller à leur fonctionnement. On se rappelle qu'à la tête du Conseil suprême musulman se trovait, du temps des Anglais, le grand Mufti de Jérusalem, Hadi Amine el-Husseini. La Jordanie donne naturellement son appui, aussi bien politique que financier, aux institutions dont nous venons de faire état.
Ces institutions musulmanes gèrent, en fait, les lieux saints et les mosquées du Mont du Temple d'une manière absolument autonome, excepté pour les mesures de sécurité qui incombent au gouvernement israélien. Une tentative faite pour empêcher les habitants de Jérusalem-Est de s'adresser à la Cour de Chari'a de Jaffa s'est soldée par un échec, le tribunal jordanien de Jérusalem-Est n'ayant aucun moyen de faire appliquer ses sentences. De toutes manières, il ne faut pas oublier que la plupart des habitants musulmans de la Vieille Ville ont préféré conserver la nationalité jordanienne: ils ne participent pas aux élections pour la Knesset (le Parlement israélien), seule une toute petite minorité d'entre eux se rend aux urnes à l'occasion des élections communales, et ils ne sont toujours pas disposés à envoyer des délégués au Conseil municipal.
Le nombre des mosquées et lieux de prière musulmans, dans le périmètre de Jérusalem, s'élève actuellement à environ soixante-dix, dont la moitié dans la Vieille Ville. La Cour d'appel, c'est-à-dire le tribunal supérieur de Chari'a ayant compétence pour l'ensemble de l'Etat d'Israël, siège également à Jérusalem, conformément à la loi.
Ce ne sont pas seulement les mosquées de l'esplanade du Temple qui ont une signification religieuse pour l'Islam mais aussi, à différents degrés, d'autres lieux saints, tels le Mont des Oliviers, le tombeau de David, la fontaine de Siloé et d'autres. A la base des relations de l'Islam avec Jérusalem, se trouve évidemment le récit de l'ascension (mérap de Mahomet, que l'on dit avoir eu lieu à partir du roc sacré (es-salira) du Mont du Temple, selon la tradition musulmane qui se fonde sur le début de la Sourate 17 (« Fils d'Israël »).
LE CHRISTIANISME A JERUSALEM
La présence chrétienne
Môme si les quelque 14.000 chrétiens constituent actuellement une faible minorité à Jérusalem, l'influence chrétienne y est néanmoins très grande. On peut môme dire que leur présence contribue, plus que toutes les autres, à doner à la ville son caractère général, universel, du fait que bon nombre de chrétiens, ici, sont en quelque sorte les représentants des grands centres chrétiens du monde.
Jérusalem comptait le plus grand nombre de chrétiens (entre 60.000 et 70.000), à la fin de la période byzantine. A la fin des croisades, ils étaient environ 25.000, et ce nombre était à peu près le même à la fin du Mandat britannique. Le tait que le nombre des chrétiens ait diminué est sans doute attribuable, entre autres, à leur relation particulière avec la Ville sainte. Certains savants modernes ont parlé, à cet égard, d'une relation ambivalente. Les chrétiens, en effet, n'ont pas l'obligation d'habiter à Jérusalem, et ils n'ont même pas le devoir de s'y rendre en pèlerinage. Au Ve siècle, il y eut mème une querelle entre les Pères de l'Eglise sur la question de savoir s'il fallait encourager les fidèles à entreprendre le pèlerinage, Jérôme, l'un des Pères les plus importants, disait, à ce sujet, que les portes du ciel étaient tout aussi bien ouvertes au-dessus de l'Angleterre qu'au-dessus de Jérusalem. Et même si, plus tard il se décida en faveur de ce qu'il avait refusé auparavant (à savoir visiter Israel et s'y installer), l'attitude théologique de principe du christianisme, en ce qui concerne Jérusalem, est restée néanmoins problématique, et cela jusqu'à nos jours.
La juridiction chrétienne — au moins en ce qui concerne la représentation — est entre les mains de trois Patriarches: le grec-catholique, l'arménien et le latin (catholique romain), A part cela, il existe dans la Ville toute une série d'autres évêchés, communautés et délégations (par ex. une représentation russe et roumaine), dirigés par des dignitaires ayant, souvent, un rang inférieur à celui d'évêque.
Il existe ici environ 25 confessions chrétiennes différentes. Dix d'entre elles sont reconnues par la loi et disposent d'une autonomie juridique dans le domaine du statut personnel. Rappelons, à titre de curiosité, que l'Eglise anglicane n'a été reconnue officiellement qu'en 1970 par le gouvernement israélien. Elle est d'ailleurs la seule dénomination protestante (si les Anglicans peuvent être considérés comme protestants) à bénéficier d'une telle reconnaissance. A part les Anglicans, — et bien avant eux — les communautés chrétiennes suivantes bénéficiaient d'une reconnaissance officielle: grecque-orthodoxe, latine (catholique-romaine), arménienne, grecque-catholique, maronite, syrienne, arménienne-catholique et chaldéenne-catholique.
Les Patriarcats de Jérusalem détiennent la plupart des droits sur les lieux saints chrétiens, particulièrement dans la mesure où s'y applique le Statu quo (règlement habituel en vigueur depuis la période ottomane). Pour quelques-uns de ces lieux saints, plus particulièrement pour le Saint Sépulcre, il existe des tensions quant à ces droits entre diverses communautés chrétiennes. C'est le cas, par exeemple, du Deir es-Sultan, le monastère installé sur le toit de la basilique du St Sépulcre, que se disputent les Ethiopiens et les Coptes, ou celui de la chapelle de St Joseph d'Arimathie, réclamée par les Syriens et les Arméniens. Jérusalem est aussi un centre important pour certains ordres religieux, particulièrement pour les Franciscains que se sont établis en Terre Sainte depuis que le Pape les a chargés, au XVe siècle, de réimplanter le christianisme catholique (occidental)dans le pays d'Israël, d'où il avait pratiquement disparu après le départ des croisés.
Un autre aspect important de la présence chrétienne à Jérusalem (et en Israël) est celui des pèlerinages. ta plupart des touristes qui visitent le pays, en effet, même si tous ne se considèrent pas comme des pèlerins au sens restreint du terme, sont des chrétiens. En 1985, plus d'un million de personnes ont visité le pays. Cependant, les pèlerinages orthodoxes sont devenus moins nombreux depuis la Révolution communiste de Russie. Si, dans la seconde moitié du XIXe siècle, les orthodoxes constituaient un contingent important des pèlerins chrétiens, ils ne sont plus actuellement qu'un petit nombre par rapport aux catholiques et aux protestants. Il existe, dans la Ville, une centaine de lieux de culte chrétiens, d'églises et de monastères. Ils ne sont pas fréquentés seulement par les fidèles autochtones, mais aussi par des groupes de pélerins, en fonction de leurs confessions.
Problèmes actuels
Les problèmes auxquels doivent faire face les Eglises, à Jérusalem, sont d'ordre à la fois interne et externe, et il semble parfois que certains d'en-. tre eux, qu'ils soient d'ordre interne ou externe, soient attribuables à des causes similaires. Il y a lieu de distinguer, d'abord. entre les Eglises qui peuvent compter sur l'appui d'un Etat, et celles qui ne le peuvent pas. Le sort de ces dernières n'est pas enviable, car les autres Eglises, y compris les Eglises-soeurs, uniront leurs efforts pour les déposséder. Tel fut, par exemple, le cas des Syriens, qui ont perdu la plupart des droits qu'ils avaient autrefois; et aussi des Ethiopiens, qui n'ont joui que d'un faibe appui de la part de leur gouvernement. On ne peut comparer non plus la situation de l'Eglise grecque-orthodoxe qui, dans le pays, est autochtone et indépendante, à celle de l'Eglise latine (catholique romaine) qui, même si elle n'est pas indépendante, peut compter sur un appui substantiel de la part du Vatican.
Un autre problème que les Eglises doivent affronter est celui de l'arabisation de leurs cadres. C'est un fait que les organismes dirigeants sont composés presque uniquement d'éléments européens et occidentaux tandis que, d'autre part, les fidèles se recrutent parmi la population arabe locale. Cela provoque de fortes tensions dans les communautés, même si, depuis 1975, l'arabisation des Eglises s'est accélérée. Les Luthériens et les Anglicans, par exemple, ont été les premiers à nommer récemment des évêques arabes. (Chez les Anglicans, fait remarquable, le premier évêque à exercer ses fonctions fut un juif converti, Salomon Alexandre). Dans d'autres Eglises aussi, les affaires sont réglées actuellement en tenant daventage compte de la majorité des fidèles. (En décembre 1987, le Pape Jean Paul H nommait à son tour, pour la première fois, un Arabe palestinien comme Patriarche latin de Jérusalem - N. de l'Ed.).
Un autre aspect, qui ne concerne cependant qu'un nombre relativement restreint crEglises appartenant aux milieux protestants fondamentalistes, est l'activité missionnaire. On doit dire que si au cours du XIXe siècle la majorité des Eglises, à Jérusalem, s'occupait d'activités missionnaires, la situation est bien différente de nos jours. Les Eglises établies ne s'engagent pas dans ce domaine délicat, et seuls quelques groupes nouveaux-venus refusent de tenir compte de la sensibilité juive. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler la lutte que certains milieux juifs orthodoxes ont menée, assez récemment, contre la fondation d'un Centre mormon sur le Mont Scopus. cela précisément parce qu'ils craignaient qu'on ne s'y livre à des activités missionnaires. Il nous faut mentionner, d'autre part, un groupe de fidèles tout différents: il s'agit des adeptes du mouvement japonais Makuya. S'il existe de véritables « justes » parmi les nations, ce sont bien les membres de ce groupe, fondé après la 2e Guerre mondiale par le professeur Abraham Tushima, de mémoire bénie. L'objectif de ce mouvement est de recevoir, du judaïsme et d'Israël, une inspiration spirituelle. Des centaines de membres de ce groupe viennent dans le pays pour étudier ou approfondir divers aspects du judaïsme et de la Bible hébraïque, mais non pas pour faire la chasse aux âmes ou pour propager parmi tous des idées étrangères. Les Makuya ont été aussi les premiers à célébrer avec nous, récemment, le 20e anniversaire de la réunification de la ville.
Un autre point important concernant la présence chrétienne à Jérusalem est celui de la sécurité des religieux et des prêtres, dans les églises et les couvents qui sont situés loin du centre de la ville, et la sécurité de ceux qui viennent visiter ces lieux. Certains religieux ou religieuses se sont plaints, à diverses reprises, d'attaques ou d'attitudes hostiles de la part de la population installée dans le voisinage. Dans la plupart des cas, il s'agissait deplaintes contre des voisins arabes, mais il y en a eu aussi pour des exactions commises par des juifs. Les Eglises ne sont pas organisées pour prendre en ces lieux des mesures de sécurité, comme par exemple de poster des gardes armées (ce qui serait d'ailleurs considéré comme contraire à leurs idées pacifistes); et il est impossible de prévoir pour chacun de ces lieux des forces de sécurité, comme cela est tout naturellement le cas pour les lieux importants, comme la basilique du Saint Sépulcre, par exemple, où la police israélienne assure une présence permanente.
Après vingt ans d'administration de Jérusalem par le gouvernement israélien, en tant que capitale réunifiée du pays, nous pouvons constater que, malgré toutes les difficultés, et des difficultés souvent objectivement inextricables, il existe une certaine « convivialité » entre les membres des diverses communautés religieuses, et une relative sécurité aussi bien pour les fidèles que pour les visiteurs. Ce qui a permis cela, c'est la volonté d'une majorité des habitants de Jérusalem, modérés et animés d'un esprit constructif, aussi bien juifs que chrétiens et musulmans, et aussi le fait que le gouvernement et la municipalité ont su tenir compte du caractère particulier de la ville, dans son développement et à travers des situations diverses. Beaucoup d'éléments ne dépendent évidemment pas de nous, juifs, en tant qu'individus ou en tant que peuple. Il est cependant clair que la permanence du caractère particulier, universel, d'une Jérusalem réunifiée sous administration juive relève, en grande partie, de notre responsabilité, de notre reconnaissance des autres et du respect que nous aurons pour leurs droits et pour leur présence parmi nous, Il est sans doute d'un intérêt vital pour nous de continuer à maintenir un équilibre, à maintenir la paix et les droits des différentes communautés religieuses, et de ne pas nous laisser entraîner par des provocations ou des réactions qui s'y opposent, qu'elles soient le fait d'extrémistes arabes ou juifs.