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Mots de bienvenue au symposium
Edward I. Cardinal Cassidy
Après avoir salué les organisateurs et les personnes présentes, le Cardinal Edward Cassidy dit combien il est heureux de la tenue de ce symposium. A maintes occasions, et récemment encore, il a pressé les catholiques et les juifs d’aborder de nouveaux sujets de discussion: nos deux communautés de foi doivent réfléchir notamment comment témoigner ensemble de valeurs bibliques dans un monde qui tend de plus en plus à ignorer l’existence même d’un Etre transcendant. Ainsi en est-il de tout ce qui touche aux questions que chacun se pose, avec plus d’acuité encore «après Auschwitz»: qu’est-ce qui est bien ? qu’est-ce qui est mal ? pourquoi la souffrance ?
Pour tous ceux qui naissent en ce monde, la question du bien et du mal se présente comme un éternel défi. Qu’est-ce qui est bien ? Qu’est-ce qui est mal ? Pourquoi ce bien et ce mal ? Quel est le rapport entre le Créateur qui a jugé que tout ce qu’il avait créé était vraiment bon (Gn 1, 31) et le mal qui fait si intrinsèquement partie de la vie de toute créature ? Comment un Dieu qui est la Bonté même permet-il cette atteinte à la beauté qu’il a créée, ce défi aux lois qu’il a établies, cette intolérance et cette violence entre les enfants qu’il a créés à son image et ressemblance (Gn 1, 27) ? Nous nous trouvons devant ce paradoxe: la présence du mal est la conséquence de la liberté que Dieu nous a donnée et grâce à laquelle nous pouvons choisir le bien! Chacun de nous est appelé à opérer le choix que Dieu a offert à son peuple, par l’entremise du prophète Moïse : «Vois: je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur... Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix, vous attachant à lui» (Dt 30, 15-19).
En lien étroit avec ces questions, on rencontre le grand mystère de la souffrance, qui présente un intérêt particulier pour le présent symposium. Ni le juif, ni le chrétien, ni aucun autre croyant ou non croyant n’échappe à cette réalité. La souffrance est souvent considérée comme un mal. Mais en est-il vraiment ainsi ? En cette heure où nous sommes réunis ici, chrétiens et juifs, ne devons-nous pas affirmer que, dès le début de notre relation particulière à Dieu, la souffrance n’a cessé de nous accompagner ? Comment ce fait nous permet-il de comprendre notre vocation et notre souffrance ?
Que de fois dans nos deux histoires la question ne s’est-elle pas posée avec acuité : où était Dieu à tel moment ? Il est facile de répondre qu’il n’était pas là - nous savons pourtant qu’il est toujours là, qu’il est le Seigneur de l’histoire, qu’il est bon et miséricordieux, plein d’amour et de compassion pour nous, ses enfants. Notre symposium nous renverra au passage du livre d’Isaïe concernant le Serviteur souffrant de Dieu (Isaïe 49-57). C’est que la souffrance doit avoir une signification plus profonde aux yeux de Dieu, s’agissant de nos communautés et de chacun d’entre nous et nous espérons vivement recueillir de nouvelles lumières sur tout cela au cours du programme élaboré pour notre symposium.
Le thème de notre symposium nous demande d’examiner ces «après Auschwitz». Il est triste de devoir reconnaître qu’une large part des progrès accomplis dans les relations entre juifs et chrétiens est advenue «après Auschwitz» et à cause d’Auschwitz. C’est l’immense tragédie d’Auschwitz qui a obligé des hommes et des femmes à rechercher de nouvelles orientations à suivre en matière philosophique, anthropologique, éthique et théologique - qui nous a tous rendus sensibles au mal qui peut exister quand est bafouée la dignité de toute personne, de tout enfant de Dieu né en ce monde.
Le Cardinal Edward I. Cassidy est président du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et de la Commission pour les relations religieuses avec les juifs. [Texte traduit de l’anglais par C. Le Paire].