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Le Shabbat dans la tradition Juive
Isidoro Kahn
Le Seigneur dit à Moïse: Dans ma trésorerie se trouve en réserve un don magnifique. Il s'appelle « le Shabbat ». Vas, et fais-le connaître au peuple d'Israël. Telles sont les paroles que l'on peut lire dans le Talmud (Traité du Shabbat, 10b) lorsqu'il est question de la fête hébraïque du Shabbat, institution originale et unique en son genre.
Selon la tradition d'Israël, la consécration du septième jour de la semaine est aussi vieille que le monde. La Loi Mosaïque (Gn. 2, 2-3) enseigne que la distinction entre le Shabbat et les jours qui le précèdent, remonte au moment où l'Eternel, bénissant et sanctifiant la septième journée, mit un terme à la création. La mystique juive (Zohar, 1, 75) explique que les jours fériés n'existent qu'en fonction du Shabbat, même s'ils ont été institués avant. De plus, il est dit que l'homme et le Shabbat sont faits l'un pour l'autre, que dans la pensée de Dieu, l'un et l'autre ont précédé la création du monde et que l'un et l'autre la complètent; de fait, le monde existe en vertu de la création de l'homme et du Shabbat.
Dès lors, quelles valeurs le Shabbat représente-t-il dans la vie du peuple d'Israël? Le Shabbat renferme la quintessence de toutes les valeurs et de tous les idéaux exprimés et contenus dans la Torah. Ces valeurs et ces idéaux sont impérissables et susceptibles d'être vécus à chaque époque de l'histoire et dans toutes les situations. Les millénaires passent, les générations se succèdent, les conditions de vie changent, mais les principes énoncés par l'Eternel restent toujours les mêmes. L'institution du Shabbat en constitue une preuve irréfutable.
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De nos jours, le contrôle de la nature par l'homme atteint des points de puissance exceptionnels. Dans le domaine des découvertes scientifiques et des inventions technologiques, l'homme prend conscience chaque jour davantage de son pouvoir de réaliser des choses qui jusqu'alors demeuraient du domaine de la fiction. Mais ce progrès scientifique et technique éblouissant ne va pas de pair avec un progrès égal dans le domaine de la vie humaine et du sens de l'humanité. Il porte en soi des risques graves pour le présent et l'avenir.
Découvrant en lui-même la possibilité presque'illimitée de réaliser ce qu'il d'ésire, l'homme est inévitablement poussé à l'orgueil et son sens de l'humilité diminue. En substance, l'homme moderne renouvelle le drame du paradis perdu, le drame d'Adam dans le jardin de l'Eden. Il tend à considérer toute chose licite et à penser que nulle limite ni barrière ne doit être mise à son expérimentation. Ce sentiment accru d'orgueil porte, par la force des choses, à l'atrophie du sens religieux; conscient des résultats prodigieux obtenus par sa propre puissance, l'homme de notre siècle ne trouve plus l'espace psychologique nécessaire, ni le temps, pour écouter l'appel religieux. Il ne se sent plus le collaborateur de Dieu dans la conservation de l'ordre du Cosmos, ni dans l'oeuvre de la création qui se renouvelle chaque jour. Au contraire, il cherche à se soustraire à toute dépendance, se proclamant le seul et l'unique souverain de lui-même.
Si, jusqu'ici, les résultats du progrès scientifique et technique n'ont pas contribué à rendre le monde meilleur, c'est qu'ils n'ont pas été utilisés à des fins justes. On a oublié que tous les moyens dont disposait l'homme depuis des temps immémorables, et ceux qu'il a créés lui-même, doivent avoir pour fin le progrès authentique de cet être doué d'intelligence et de sens moral qu'est l'homme, faute de quoi sa puissance créatrice se transforme tôt ou tard en puissance destructrice. Dans ces conditions, le génie de l'homme ne sert plus à construire un sanctuaire, un Mishkan dans le désert, mais à transformer la terre, et tout ce qu'elle contient, en un désert.
LE SHABBAT, CÉLÉBRATION DE LA PUISSANCE DE DIEU
Or l'esprit prophétique de la Bible anticipe les temps et offre aux hommes les moyens de réaliser, en l'homme et par l'homme, un progrès authentique. Le Shabbat est là pour indiquer aux hommes l'orientation juste et la manière équitable d'utiliser les conquêtes de la science et de la technique. Il constitue une réponse aux interrogations inquiétantes que pose l'homme: A quoi sert de créer la vie dans les laboratoires, si elle vient à être foulée aux pieds, opprimée, profanée et anéantie dans les rues? A quoi sert de fabriquer des instruments et toutes sortes de moyens qui ont pour but de soulager l'homme dans sa peine, si l'on continue à exploiter, jusqu'à des limites invraisemblables, le travail de beaucoup pour en enrichir sans mesure quelques-uns? Et si, malgré toutes les conquêtes de la civilisation thermonucléaire, l'harmonie entre les hommes manque ainsi que la sérénité dans les coeurs?
La signification première, et peut-être la plus authentique, de l'obligation prescrite par la Torah (Ex. 20, 8-12; Deut. 5, 12-16), de s'abstenir du travail le jour du Shabbat, est probablement celle-ci: offrir à l'homme une occasion de méditer sur lui-même, de réfléchir sur le sens de la vie, sur les limites de l'homme dans le temps et l'espace, limites auxquelles il ne pourra jamais se soustraire. A l'instar du récit de la Genèse, le Shabbat se présente, dans la vie du Juif, ponctuellement toutes les semaines, comme un lieu de rendez-vous et de rencontre avec Dieu. Le croyant qui, le jour du Seigneur, renonce à l'utilisation — pour plus de commodité —des instruments et des produits de sa propre créativité, accomplit non seulement un acte de dévotion envers Dieu, reconnaissant en lui le souverain absolu de l'univers, mais s'acquitte d'un acte d'humilité, retrouvant ainsi une dimension plus humaine.
Le jour du Shabbat, le Juif pratiquant s'arrête et contemple la création; le temps acquiert pour lui une valeur différente et dans cette attitude il est difficile qu'il ne rencontre pas le Seigneur.
Observer le septième jour, signifie avant tout chercher Dieu, célébrer sa gloire, sa puissance, son amour et sa miséricorde. Le samedi, tout travail cesse. Il s'agit de revivre l'étonnement qu'éprouva le premier homme devant les merveilles du ciel et de la terre et de découvrir dans chaque oeuvre de la création l'empreinte de la main de Dieu.
LA SIGNIFICATION SOCIALE DU SHABBAT
Les hommes de la civilisation technique courent un grand risque si le travail devient leur seule préoccupation et s'ils n'arrivent plus à se passer des produits de ce type de civilisation.
« Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour sera un shabbat pour le Seigneur, ton Dieu. Tu n'y feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta famille, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l'étranger qui réside chez toi (Ex. 20, 8) ».
A la base de l'institution du Shabbat on trouve ainsi l'idée fondamentale du droit naturel et sacré au travail; mais les six jours de labeur assidu sont suivis d'une interruption obligatoire, la journée de repos.
La Loi Mosaïque avait proclamé, bien des siècles avant notre ère, le droit de tous les hommes, sans distinction, au repos hebdomadaire. On ne connaît que trop l'exploitation à laquelle étaient soumises certaines catégories de personnes dans l'Antiquité. Pour la première fois, dans l'histoire de la civilisation, quelqu'un se dresse contre l'exploitation de l'homme par l'homme. Moïse, dans sa législation, érige en principe le devoir de traiter avec humanité et compréhension tous les êtres vivants y compris les animaux. Pendant le Shabbat, l'ouvrier, le serviteur, l'homme qui dépend d'un autre, ne sont plus liés et soumis à leur maître et à leur travail. Ce jour là, ils deviennent les maîtres de leur propre personne et reconquièrent leur dignité de créature libre. Celui qui empêche, ou qui refuse le repos habdomadaire par intérêt matériel, porte avant tout offense à sa propre dignité; c'est comme s'il refusait de libérer les autres ou d'être libéré lui-même de l'esclavage auquel avait été assujettie la postérité d'Isaac en Egypte.
Celui qui crée des obstacles à la célébration du Shabbat ou qui refuse de vivre ce repos hebdomadaire dans l'esprit prescrit par l'éternelle loi divine, augmente les disparités sociales, accentue le manque d'harmonie entre les hommes, alimente les courants de pensée matérialistes et souligne ainsi la suprématie de la matière sur l'esprit.
Néanmoins, celui qui considérerait le Shabbat comme une journée instituée uniquement pour permettre de récupérer les forces physiques et pour reprendre le travail de la semaine avec une énergie nouvelle, serait aussi dans l'erreur. Le travail se situe implicitement dans l'idée du Shabbat seulement dans la mesure où il permet de mieux vivre et d'apprécier davantage le contenu religieux, social et humain de cette journée. Ce n'est donc pas le Shabbat qui existe en fonction du travail, mais le travail en fonction du Shabbat.
LE SHABBAT JOURNÉE DE JOIE ET DE DÉLICES
Que le Shabbat offre à l'humanité la possibilité d'arrêter pour un jour le travail afin que l'activité humaine ne se transforme pas en usure physique, cause d'aliénation et de névrose, est dejà, en soi, un fait très positif. Que le Shabbat empêche l'utilisation d'une grande partie des produits mécaniques fabriqués dans le contexte de la civilisation technique et qu'il réussisse à créer une atmosphère authentique de tranquillité, d'élévation de l'esprit et de détente, est également, en soi, une chose importante du point de vue psycho-physique. Que le Shabbat garantisse, dans une societé qui s'inspire de la Torah, une journée de vrai repos à tout le monde sans exception, constitue une conquête sociale remarquable. Mais le Shabbat signifie pour Israël beaucoup plus.
Pour arriver à comprendre le vrai sens du Shabbat, il est nécessaire de connaître l'histoire du peuple d'Israël, ses péripéties, ses attentes, ses douleurs, ses espoirs. Mais qui les connaît vraiment? A l'aube de ses origines, ou peut-être plus tard, mais certainement à un moment précis de son histoire trois fois millénaire, le peuple d'Israël a institué à son usage un jour différent des autres, une joyeuse oasis spirituelle, qui devait si fréquemment rester en contraste avec la triste réalité extérieure. A partir de ce jour, le peuple d'Israël et le Shabbat ont commencé à cheminer ensemble et leurs destins se sont confondus. Les anciens sages disaient: « Plutôt qu'Israël ait conservé le Shabbat, c'est le Shabbat qui a conservé Israël ». La vérité est que l'un existe en vertu de l'autre.
Malgré les observances scrupuleuses qu'il impose, le Shabbat est conçu comme un espace de temps dans la semaine qui doit être vécu dans la joie, dans l'harmonie et l'amour. C'est une journée de délices que le Seigneur procure et qui doit être goûtée en Lui. D'ailleurs non seulement en Dieu et pour Dieu, mais aussi pour le contentement de l'homme. La joie, l'allégresse, la satisfaction doivent embrasser tout l'homme. On a comparé le Shabbat a une épouse et le peuple d'Israël à l'époux, son compagnon. L'union des époux est contresignée par la joie et la félécité; de même la rencontre entre le Juif croyant et le Shabbat.
Cependant, dit la tradition, la joie ne peut s'épanouir là où existent dissensions, égoïsmes, vexations, misères et mécontentements. Il est donc nécessaire que celui qui désire vivre le Shabbat dans sa dimension spirituelle authentique se libère, en ce jour, des inquiétudes et des préoccupations personnelles, des peines et des désillusions de tous les jours ainsi que de l'esclavage qu'impliquent les exigences pressantes de la vie quotidienne.
Sans aucun doute, vivre le Shabbat selon les normes et l'esprit indiqués, n'est pas chose facile. Néanmoins, des générations entières d'Israélites ont su le faire, entre autres celles qui ont connu la ségrégation dans les ghettos pendant les siècles obscurs de la dispersion d'Israël.
Le poète Juif Allemand, Henri Heine, a composé, vers 1851, un poème intitulé « La Princesse Shabbat ». Dans les sept strophes de ce chant, le poète décrit d'une manière suggestive la merveilleuse transformation qui s'accomplit chez un misérable chiffonnier juif à l'approche du vendredi soir. Pendant toute la semaine il a mené la vie d'un pauvre gueux affamé et triste, anxieux et maltraité, mais à présent, le jour du Shabbat, il se sent réconforté et heureux de vivre. Il trouve chez lui les lampes du Shabbat allumées, la table couverte d'une nappe blanche, et il peut se mettre à table et consommer la traditionnelle soupe à l'ail avec sa femme et sa fille, qui, certes, ne sont pas des beautés, mais qui représentent tout ce qu'il possède.
Le Shabbat est une journée de joie et l'homme doit y participer tout entier, corps et âme.
LE SHABBAT, SYMBOLE DES JOURS MESSIANIQUES
C'est ainsi que le Shabbat a toujours réussi à imprégner la vie de l'Israélite d'un parfum particulier dû à une manière de vivre et de concevoir la vie originale et distincte. C'est le parfum d'un monde qui se trouve à mi-chemin entre la réalité des choses et celle de l'esprit.
Car le Shabbat devient pour l'Israélite le lieu de rencontre entre le présent et l'avenir, entre la vie actuelle avec ses rivalités, ses horreurs, ses anxiétés, ses contrastes et ses contradictions et les temps messianiques fondés sur la paix, l'amour et l'harmonie des choses.
Le Shabbat est en quelque sorte une veillée dans l'attente du Shabbat éternel, un moyen concret de vivre l'espérance messianique, et cela dans la mesure où l'observance de ce jour (qui constitue un septième de sa vie) réussit à réveiller en l'homme le sentiment religieux, à renforcer ses liens familiaux et à renouveler son engagement dans la lutte contre les maux de la société: injustice, intolérance, discrimination.
Le jour du Shabbat, l'ancienne foi d'Israël en un jour messianique universel prend corps à nouveau. Avec elle renaît l'optimisme habituel de ce peuple qui reconnaît en l'homme la capacité de vouloir et de pouvoir s'entendre avec ses semblables. Dans les premiers chapitres de la Genèse les hommes sont applés « Bené Adam », fils d'un unique Adam. Cette appellation ne signifie-t-elle pas que les hommes ont le devoir de considérer leurs semblables comme frères? L'idée de fraternité est bien le fondement de la pensée messianique et c'est avec cette attitude que le Juif croyant accueille le Shabbat dans sa vie et dans sa maison.
LE SHABBAT VÉCU AUJOURD'HUI
Les valeurs dont le Shabbat se fait l'ambassadeur doivent en effet être traduites dans la vie. Comment le sont-elles chez le Juif pratiquant d'aujourd'hui? En d'autres termes, comment célèbre-t-on le Shabbat dans une maison israélite authentique?
Le Shabbat commence, comme on le sait, le vendredi avant le coucher du soleil et finit le soir du samedi à l'apparition des premières étoiles. Mais les préparatifs en vue du Shabbat commencent bien avant, dans la matinée du vendredi, le jour précédent ou même dès le début de la semaine, car on règle le rythme des occupations et l'on répartit les heures de travail de façon que le samedi soit libre.
C'est en famille, à la maison, que l'on célèbre le Shabbat. Depuis les premières heures du matin, une agitation fébrile y règne, une sorte d'empressement impatient à l'approche de cet événement hebdomadaire, unique en son genre et inéluctable. On s'efforce de rendre la maison aussi accueillante que possible, on fait le grand ménage, on inaugure des objets nouveaux, on prépare des plats typiques et des mets que la famille apprécie particulièrement. Même si l'on dispose de serviteurs, la loi juive (Maïmonides, Mishné Torà Ilchot Shabbat, ch. 30, 7) recommande vivement que chacun s'occupe personnellement des préparatifs. On attribue, par exemple, une valeur proprement religieuse à l'acte de la femme qui pétrit et cuit les deux pains sabbatiques, le Khallet, qui orne sa maison de fleurs et prépare des pâtisseries et autres friandises.
Il est interdit de jeûner le jour du Shabbat, au contraire il y a obligation de faire trois repas. Il faut aussi pourvoir aux besoins des pauvres, secourir les étrangerset les voyageurs. Assister les pauvres s'exprime en Hébreu par la parole Tsedaqà qui, avant de signifier « aumône », exprime l'idée d'un acte de justice sociale. Si la Tsedaqà est d'habitude un geste individuel qui dépend de la générosité de chacun, le jour du Shabbat, elle devient un devoir précis auquel nul ne peut se soustraire.
Quand les préparatifs sont terminés et que les verres à vin et les deux pains du Qiddush sont disposés sur une table recouverte d'une fraîche nappe blanche, la maîtresse de maison inaugure la journée du Shabbat en allumant les bougies et en chantant la bénédiction appropriée.
La famille se rend ensuite au temple et s'unit à la Communauté pour saluer la Fête avec l'antique hymne de Shelomb Ha-Lewi Alkabetz: « Viens, mon bien-aimé, à la rencontre de l'épouse, accueillons le Shabbat qui est source de toute bénédiction ».
Le monde extérieur n'apporte pas la paix. Les peuples s'entre déchirent dans des luttes intestines et manifestent leur exaspération par rapport aux injustices sociales. La Haggadah nous dit qu'il n'y pas eu d'époque où l'on n'ait pratiqué l'antisémitisme gratuit pour masquer les maux de la société. Ainsi, pendant la semaine, le Juif ne peut en quelque sorte que rêver à la rédemption du monde; mais quand vient le Shabbat, comme l'enseignent les maîtres du Talmud (Beza, 16), une autre âme s'ajoute à la sienne et lui apporte le parfum d'un monde déjà sauvé par l'oeuvre des hommes eux-mêmes.
Au terme de la prière du soir, on s'empresse de retourner chez soi pour le Qiddush. Devant la table apprêtée, on chante une ancienne cantilène « Shalom alechem malaché ha-sharet » pour saluer les Anges du Très-Haut qui, selon une légende (Talmud de Babylone, Shabbat 119), entrent le Shabbat dans la maison, reçoivent le salut et souhaitent à la famille que la célébration du Shabbat suivant soit aussi heureuse.
Après cet hymne, le père ou le mari entonne le dernier chapitre du Livre des Proverbes et chante les paroles: « Une femme parfaite qui la trouvera? Elle a bien plus de prix que les perles ». Dans le Livre des Proverbes ce chant veut exalter la femme riche en vertus domestiques, mais la veille du Shabbat, alors que toute la famille est réunie autour de la table, il ne vise qu'à exprimer l'amour de l'époux (indépendamment de son âge) pour la compagne de sa vie, à magnifier le sentiment qui les unit et qui est capable de transfigurer toutes les autres attitudes humaines.
On remplit ensuite le calice et on récite la prière de bénédiction du vin; puis on verse à boire à tous, par ordre d'âge. On soulève la petite nappe brodée qui couvre les pains sabbatiques, symbole de la manne, et de la providence divine. On récite les prières de la bénédiction du pain et on en distribue à chacun une parcelle. Pour terminer, le père de famille bénit tout le monde.
A partir de ce moment la vie se déroule dans une atmosphère de sérénité et chacun s'efforce d'éviter toute attitude qui pourrait provoquer la passion ou l'impatience. On cause, on chante, on est content d'être ensemble, parents et enfants, au sein de cette oasis de paix et de repos religieux introuvable ailleurs et tellement nécessaire dans la vie quotidienne tourmentée du monde d'aujourd'hui.
Le lendemain, le samedi matin, on se rend à la synagogue pour participer aux fonctions religieuses du jour, après quoi, ou plutôt, après le repas, il est vivement recommandé de visiter les infirmes et les personnes seules et de leur porter une parole de consolation et une présence amicale.
Les heures passent inéluctablement et cette journée enchanteresse arrive trop vite à sa fin. Aux premières lueurs du soir on entend comme une plainte de regret dans la bénédiction de l'Avdalà, la même avec laquelle on avait commencé le Shabbat.
Une nouvelle journée est déjà en route; c'est le premier jour de travail. Mais le souvenir du Shabbat doit donner de l'inspiration aux activités de la semaine. Car la sanctification du Shabbat aurait été inutile si elle ne servait pas à mieux découvrir des visages de frères chez les personnes que l'on rencontre. La sanctification du septièeme jour serait vaine si elle ne renforçait pas, chez le Juif croyant, la conviction que l'on est ici-bas pour s'entr'aider, se respecter mutuellement, et pour cheminer ensemble au long des sentiers de cette terre.