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SIDIC Periodical XXI - 1988/2
Le Miracle (Pages 27)

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Les dix miracles de l'Evangile de Matthieu et la tradition juive du miracle
Louise M. Niesz

 

A l'époque de Jésus, les attitudes différaient vis-à-vis du miracle, entre les gens du peuple et les classes dirigeantes. Le peuple était peu critique: dans un monde peuplé d'anges et de démons intervenant directement sur les choses et les gens, tout était possible; l'émerveillement ne demandait qu'à être quotidien. Il en allait différemment de l'élite religieuse, moins portée à l'admiration facile: le grand miracle était celui de la Loi donnée par Dieu, et le grand précepte, celui de son observance; devant un faiseur de prodiges, on s'interrogeait gravement sur l'origine et la signification de son pouvoir.

Quoi qu'il en soit de ces divergences, pour l'ensemble de la Tradition juive, le miracle s'inscrit dans le plan de Dieu sur le monde. Dans Sa Sagesse qui est Providence. Dieu a prévu le miracle, non comme une dérogation aux lois qui régissent le monde, mais comme une adaptation de ces lois à son projet de salut. En ce sens, l'épisode des cailles dans le désert (Ex 16) constitue un miracle. C'est un fait bien connu des ornithologues que, au printemps, des bandes d'oiseaux migrateurs quittent les pays chauds du sud de l'Afrique et remontent vers le nord en survolant le désert où ils se reposent durant la nuit. Le miracle consiste en ceci que les oiseaux apparurent précisément quand le peuple eut faim (ou que le peuple campa là où les oiseaux se posèrent). Il s'agit d'une sorte de «connivence » de Dieu pour mettre la création au service de l'homme, au service du salut de l'humanité.

Le miracle est donc un signe, un rappel, une manifestation de la Présence et de la Puissance de Dieu. Ainsi des miracles bibliques, « signes » du Dieu de l'Alliance en faveur d'Israël (sortie d'Egypte, Révélation du Sinaï), « signes » de Dieu présent au milieu de son peuple; « signes » et non preuves, sinon comment expliquer les doutes et les murmures d'Israël après le passage de la Mer Rouge! Si le miracle est preuve, il exclut la foi. Le « signe », lui, s'il aide la foi, comporte une exigence d'obéissance et de fidélité à la sollicitude et à la miséricorde de Dieu: il appelle une réponse de l'homme.

Dans l'Evangile comme dans l'ensemble de la Tradition l'essentiel du miracle n'est pas l'événement plus ou moins spectaculaire, mais l'action globale de Dieu en faveur de l'homme. La Providence divine, grâce à laquelle le monde subsiste, constitue un miracle permanent; c'est ce que proclame la première bénédiction avant le Shéma: tout est miracle, c'est-à-dire que tout est don gratuit de la bonté de Dieu. Tout est miracle: il y a dans cette section de Matthieu (ch. 8 et 9) dix miracles, dix, le chiffre de l'agir de l'homme (les dix doigts de la main), autant de signes faits aux hommes pour que, dans la foi, ils consentent à suivre Jésus, ce que fera Matthieu lui-même (Mt 9,9-15).

Article paru dans La Bible et son message N. 158. déc. 1981, p. 22.

 

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