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SIDIC Periodical XXX - 1997/2
Hommage aux pionniers du dialogue judéo-chrétien (Pages 02 - 09)

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Quelques pionniers connus et inconnus de l'Europe continentale
Hedwug Wahle

 

Ecrire un article sur les pionniers en Europe est un défi, puisqu'il y en a tant que l'on pourrait remplir plusieurs pages uniquement avec leur dénombrement. Il est donc nécessaire de faire un choix. Le mien est certes subjectif, dépendant de mon expérience personnelle. Cependant j'ai essayé de m'en tenir à quelques critères: Je voudrais présenter des pionniers d'autant de pays que possible, quoique je sois consciente d'avoir omis des pays aussi importants que la Belgique, le Luxembourg et la Suède. D'autre part, je voudrais présenter quelques uns des pionniers qui sont inconnus, et il y en a beaucoup. Mais aussi concernant ceux qui sont connus ce sont surtout les aspects oubliés, ou peu connus, que je voudrais rappeler.

PROPOSITIONS POUR VATICAN II

Pour l'Eglise catholique le dialogue officiel a commencé avec Jean XXIII et le Concile Vatican 11. Pourtant cette ouverture n'aurait pas été possible sans les initiatives qui avaient déjà été prises auparavant.

Mgr. Ramselaar (4.9.1899 - .2. 1.1981)

Un des pionniers des années cinquante était Mgr. Antonins C. Ramselaar, co-fondateur du SIDIC. Déjà en 1949 a paru un article de Amon Ramselaar sous le titre Le Mystère d'Israël. En 1951 sont parus d'autres articles, dont l'un sur l'importance d'Israël pour l'oecuménisme et son rôle permanent dans l'oeuvre de salut de Dieu. Antonius Cornelis Ramselaar est né le 4 septembre 1899 à Amersfoort. Après son ordination en 1922 et quelques années comme vicaire il étudia la musique à Rome où il habita chez les Chanoines de Sainte-Croix sur l'Aventin. C'était précisément l'époque où le Père Van Asseldonlk3 y résidait également. Est-ce qu'ils se sont rencontrés ? et est-ce que cela a eu une influence sur Mgr. Ramselaar ? Rentré en Hollande il était à nouveau vicaire, et, en 1936 il était nommé aumônier des scouts catholiques. De 1945 à 1964 il était président du petit Séminaire à Apeldoorn. Cc qui a caractérisé Toon Ramselaar, comme ses amis l'appelait, c'était d'être "pasteur", être là pour les autres.

Il cherchait toujours de nouveaux chemins dans l'Eglise. Il était ainsi une figure prophétique. Les derniers 20 ans de sa vie il les a consacrés entièrement au dialogue entre juifs et chrétiens. C'est ainsi que grâce à lui et avec l'appui du Professeur Willebrands, président de l'Association St Willibrord et d'Anna de Waal, qu'est né en 1951 à Appeldoorn le Katholieke Raad voor Israël des Pays Bas. En 1958 parut le premier numéro de l'organe du Raad, Christus en Israël dans lequel l'accent est mis sur la liturgie et la théologie. La même année, sur proposition de Ottilie Schwarz, A.Ramselaar convoqua un symposium catholique international à Apeldoorn.

Ottilie Schwarz, Autrichienne, fille d'un père juif mais baptisée dans l'Eglise réformée, s'était réfugiée en Hollande. Elle fut pendant des années secrétaire de Mgr. Willebrands. Dans un livre sur le Mystère d'Israël elle a montré que ce discours a ses racines dans les oeuvres de Jacques Maritain et Charles Péguy, qui avaient été influencés par Léon Bloy.

Les participants à la première rencontre d'Apeldoorn étaient, outre les organisateurs: le père Abbé Leo Rudloff (Jérusalem), F. Cantera Burgos (Espagne), Paul Démann des Pères de Sion (Paris), Karl Thieme et Gertrud Luckner (Freiburg), Irene Marinoff (Londres, comme représentante des Soeurs de Sion), John Oesterreicher (Seton Hall, USA). Au deuxième symposium s'est ajouté aussi le Père Jean Roger (Jérusalem). Le Symposium signifiait une percée mondiale envers une théologie nouvelle du judaïsme.

En 1959, après l'annonce du Concile et la demande de Jean XXIII d'une déclaration sur les relations entre l'Église catholique et le judaïsme, les membres du Raad ont réfléchi sur la possibilité d'envoyer un mémorandum au cardinal Tisserand, afin qu'on n'oublie pas Israël au Concile. Mgr. Ramselaar voyagea à travers l'Europe et en Israël afin de réunir (e plus d'informations possibles pour la préparation d'une déclaration conciliaire. Au cours du deuxième symposium international à Apeldoorn du 20 août au 1 septembre 1960, les participants préparèrent un document détaillé sur les rapports judéo-chrétiens pour le cardinal Bea' et la commission préparatoire. Ce texte contenait 11 points en vue de la prédication et la catéchèse au sujet du judaïsme. Malgré que ces thèses n'ont pas été intégrées dans le texte conciliaire on en retrouve beaucoup d'éléments dans les Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de 1985.
En 1967 Mgr. Ramselaar, qui avait été pentus au Concile, a convoqué un troisième symposium, cette fois-ci à Strasbourg. Les échanges de vues et différentes activités lors des symposia d'Apeldoorn ont stimulé la coordination des études et l'intérêt; sans aucun doute ils ont aussi fortement contribué à la prise de conscience nouvelle des liens profonds que le dialogue entre juifs et chrétiens pourrait nouer. Ils étaient également l'occasion d'une rencontre de pionniers dans le dialogue tels que: Mgr. John Oesterreicher, Karl Thieme, Paul Démann, Bruno Hussar et Josef Stiassny.

En 1972 Mgr. Ramselaar a reçu la Médaille Buber-Rosenzweig en reconnaissance de son oeuvre. La même année il est devenu président de l'ICCJ (International Council for Christians and Jews) pour deux ans et a remis la présidence du Katholieke Raad voor Israël dans les mains de son successeur Theo de Kruijf. 11 est décédé en Hollande le 2 janvier 1981, après une vie tout entière consacrée à promouvoir une véritable amitié entre juifs et chrétiens.

Jules Isaac

Mgr. Ramselaar n'était pas le seul à présenter un document au Concile Vatican II. Mieux connues sont probablement les thèses de Jules Isaac pour "le redressement nécessaire de l'enseignement chrétien".

Mais qui était Jules Isaac ? Né en 1877, Agrégé d'histoire et de géographie en 1902, il fut professeur pendant plus de trente ans'. Il avait un esprit affamé de Vérité, et un tempérament de lutteur. Dès leur première rencontre en 1897 il avait été marqué par Péguy. C'est par amour de la justice et de la vérité et non pas parce que Dreyfus était juif qu'il a combattu les accusateurs de Dreyfus. En 1936 il fut nommé inspecteur général de l'Instruction publique. Mais ce qui l'a fait connaître ce sont ses manuels d'histoire.

A la fin de 1942 il commença à s'intéresser au problème historique de l'antisémitisme chrétien. En octobre 1943 la Gestapo arrêta sa fille, son gendre, l'un de ses fils, et sa femme. Lui seul, par un hasard extraordinaire, y échappa. Le fils réussit à s'évader mais les trois autres ne revinrent jamais. Cependant sa femme avait réussi à lui faire parvenir un dernier message: "Finis ton oeuvre, que le monde attend". Il s'agissait de la rédaction de son livre Jésus et Israël à laquelle sa femme s'était dès le début beaucoup intéressée.

Malgré le fait qu'il a dû fuir de village en village, caché dans les presbytères de campagne il a continué le travail sur cet ouvrage, qu'il a achevé en 1947 et qui a paru en 1948.6 En été 1947 a eu lieu à Seelisberg en Suisse une "Conférence internationale extraordinaire pour combattre l'antisémitisme convoguée par un comité anglo-américain. Au cours de cette conférence les participants chrétiens de la commission "La tâche des Eglises dans la lutte contre l'antisémitisme" ont formulé les fameux 10 points de Seelisberg. Leur point de départ a été les 18 thèses de Jules Isaac, que celui-ci, ensemble avec le Rabbin Jacob Kaplan, a proposées aux membres de la commission comme base de discussion.

Les membres de cette commission étaient: le père Calliste Lopinot (Rome), Miroslav Novak, évêque de l'Eglise tchèque, Dr.E.L.Allen, le professeur E.Bickel, Mlle Madeleine Davy, le père Paul Démann, le pasteur M.A.Frcudenberg, le professeur Jules Isaac, l'abbé Journet, Mie rabbin Kaplan, le père De Ménasce, M.A.Newlin, Mie rabbin W. Rosenblum, le Rév.Robert Smith et Mie Rabbin Zwi Taubes. Parmi les 60 participants à la conférence se trouvaient aussi le Grand Rabbin Alexandre Safran de Roumanie et Bill Simpson (Angleterre). Jacques Maritain, ambassadeur de France auprès du Vatican, envoya une lettre dans laquelle il désavoua l'antisémitisme au nom de la foi chrétienne.

Jules Isaac était un homme d'action et il luttait pour la vérité. En 1960 il alla voir le Pape Jean XXIII pour lui présenter son livre. Il avait déjà été reçu par Pie XII en 1949 et à cette occasion avait attiré l'attention du Pape sur l'oraison du Vendredi Saint. Dans ses notes personnelles' il décrit son séjour à Rome et l'accueil très chaleureux qu'il reçut du Pape Jean XXIII le 13 juin 1960.
Il suggéra au Pape de créer "une sous-commission annexe chargée d'étudier la question" des corrections nécessaires de l'enseignement chrétien.

Encouragé par l'accueil très positif du Pape, il eut, le surlendemain, un entretien avec le Cardinal Bea qui a confirmé son espoir, et, comme nous le savons, la sous-commission a en effet vu le jour.
Jules Isaac s'est aussi beaucoup investi au plan international, dans le domaine de l'éducation religieuse des chrétiens, afin de développer entre chrétiens et juifs un intérêt pour une compréhension mutuelle. Dans ce but il fonda le premier groupe d'Amitié judéo-chrétienne à Aix-en-Provence, tandis qu'Edmond Fleg créait le groupe de Paris. Ce fut également Jules Isaac qui rédigea les statuts de l'Amitié Jurieu-Chrétienne de France dont il fut le président pendant de nombreuses années.

C'est aussi grâce à son inspiration qu'en 1950 l'Amicizia Ebraieo-cristiana di Firenze a vu le jour. Parmi les personnalités de la fondation: Aldo Neppi Modona, Giorgio La l'ira, Ives Zilli Gay, Angelo Orvieto, Arrigo Levasti, Raffaele Ciampini, Giacomo Devoto, Raffaello Del Re et Lina Trigona. A partir de 1951 l'Amicizia a publié un Bollettino. Le 3 mai 1964 elle organisait une grande célébration commémorative en honneur de Jules Isaac mort le 5 septembre 1963 à Aix-en-Provence.

Franz Rödel

Contrairement à Jules Isaac, Franz Rödel n'est probablement connu par presque personne. Pourtant, lui aussi a présenté un mémorandum au pape en vue d'une déclaration du Concile. Franz Rôdel est né en 1891, il a été ordonné prêtre en 1918, il mourut en 1969.
Les courants politiques antisémites des années vingt l'ont touché profondément. En 1922, il devint membre du Verein zur Abwehr des Antisemitismus in Deutschland (Association pour lutter contre l'antisémitisme en Allemagne), et, à partir de ce moment, fut actif dans la lutte contre l'antisémitisme par des conférences et des articles. C'est à cette époque qu'il a commencé à collectionner des publications antisémites aussi bien que bienveillantes envers les juifs. Celles-ci sont devenues la bibliothèque de l'Institution Judaologicum Catholicum fondée en 1959 à Jetzendorf (Allemagne).

Pendant l'époque hitlérienne Franz Rôdel a continué ses recherches et, immédiatement après, a de nouveau pris la parole en faveur des juifs et édité un périodique Wahrheit und Liebe (Vérité et Amour). Service d'information sur le judaïsme et la question juive pour éducateurs et éducatrices de tout genre d'école. Franz Rôdel a également rédigé et adressé au Pape et aux pères du concile un mémorandum de 10 pages "comme contribution à la constitution 'Eglise et Judaïsme' dans le cadre du second Concile du Vatican". Ce mémorandum contient des passages montrant ce que chrétiens et juifs ont en commun, et exposant l'antisémitisme qui a découlé de la façon dont les récits de la passion ont été interprétés. Le texte se termine avec des propositions pratiques.

En 1966 l'Institut a déménagé à Munich et après la mort de Franz Rôdel en 1969 jusqu'à sa dissolution en 1977 a été dirigé par Ingeborg von Werthern. La plus grande partie de la bibliothèque est allée alors au Martin-Buber-House à Heppenheim, une autre, plus petite chez les Jésuites à Cracovie. II y a environ un an qu'un Institut d'études juives a été érigé à l'Université de Munich qui continue la tradition de l'Institut de Franz Rôdel.

PUBLICATIONS

Les publications ont joué un rôle important pour changer "l'enseignement du mépris" en un enseignement d'estime et pour faire avancer le dialogue. Dans ce contexte, plusieurs entreprises catholiques pour propager une meilleure compréhension du judaïsme sont à signaler.

Amici Israel

Un essai très intéressant fut l'association des Amici Israel (Amis d'Israël) qui n'a duré que deux ans, de 1926 à 1928. Elle fut fondée à Rome en 1926 par Anton Van Asseldonk (1892-1973), procureur général des Chanoines de Sainte-Croix,' et Francisca (Sophie) van Leer (1892-1953), juive hollandaise devenue chrétienne.

Née en 1892 Sophie a eu une vie turbulente. Elle était une révolutionnaire de l'absolu. Au cours des années elle était sioniste, communiste, ensuite elle a fait un essai comme religieuse et finalement elle s'est mariée et a eu une fille. Elle a été baptisé dans l'Eglise catholique le 15 juin 1919 à Munich, et prit alors le nom de Francisca. Après un voyage en Palestine, elle est venue à Rome, où elle rencontra le Père Van Asseldonk. Ensemble avec lui elle lutta contre les préjugés anti-juifs, pour une meilleure conception d'Israël et pour la reconnaissance du rôle que, selon l'Ecriture, le peuple juif a encore jouer.

Bien qu'ayant un fondement missionnaire, la prière pour la conversion des juifs, l'Amici offrait néanmoins un programme unique qui fut expliqué dans une série de brochures appelées Pax super Israel. Il touche les problèmes fondamentaux de l'antisémitisme théologique'. Cependant l'Église n'était pas encore mure pour cette initiative et, malgré son développement rapide, comptant bientôt dans ses rangs 19 cardinaux, 278 évêques et 3000 prêtres de toutes les parties du monde. l'Amici a été jugée erronée et condamnée par un décret du 25 mars 1928 qui toute fois condamna également l'antisémitisme.

Après la dissolution de l'Amici le Père Van Asseldonk a été envoyé par ses supérieurs à Java où il a écrit l'histoire de son ordre. En 1966 il rencontra à Vienne Ottilie Schwarz, qui y était revenue en 1958. Il est mort à Vienne en 1973 tandis que Francisca van Leer est retournée en Hollande où elle est morte en 1953.

Freiburger Rundbrief

Pour la première génération de pionniers après 1945 le point de départ de leurs liens avec le peuple juif était leur propre expérience des années de la Choah et la renaissance de l'Etat d'Israël.
Ceci est bien le cas de Dr.Gertrud Luckner de Freiburg (Allemagne) qui compte parmi les sauveteurs les plus célèbres de cette époque. Gertrud Luckner est née le 26 septembre 1900. Après des études économiques et sociales elle a travaillé pour la Caritas Allemande à partir de 1938. D'abord sur initiative personnelle puis avec mandat des évêques Allemands sa sollicitude se portait sur les juifs persécutés par les nationaux-socialistes.

Après le déclenchement de la guerre, elle aida les juifs non seulement à Freiburg, mais aussi à Munich et elle collabora en cela avec le rabbin Leo Baeck et l'assistante sociale Else Rosenfeld. Sa réussite tenait en partie à sa personnalité et aussi au fait qu'elle n'avait pas une organisation derrière elle. Elle était ainsi une énigme pour la Gestapo. Malgré cela, le 24 mars 1943, au cours de l'un de ses nombreux voyages d'affaires à Berlin, la Gestapo l'arrêta dans le train et après plusieurs mois de détention l'envoya dans le camp de concentration de Ravensbrück.

A peine libérée du camp en 1945 elle s'est mise à travailler pour les relations avec le judaisme en prenant en charge dans la Caritas Allemande le bureau pour les réfugiés, victimes du national-socialisme. À partir de 1948 elle publia le Freiburger Rundbrief Belo-âge zur christlich-jiidischen Verstandigimg (Lettres circulaires de Freiburg. Contributions à la compréhension mutuelle entre chrétiens et juifs) qui contenait un puits d'informations. Car elle participa elle-même à beaucoup de conférences, les enregistrant pour pouvoir par la suite les publier in extenso".

Elle fut la première femme allemande à être invitée officiellement par l'État d'Israël. Son appel dans le Rundbrief en octobre 1957 pour des dons en faveur des aliénés mentaux en Israël témoigne également de son grand amour pour ce pays. Quelques années plus tard, Gertrud Luckner participa activement à la fondation d'une maison pour personnes âgées en Israël. Elle mourut à Freiburg le 31 août 1995.

Un des co-fondateurs du Freiburger Rundbrief fut Karl Thieme. 11 parla au Katholikentag Allemand en 1948 sur la question juive et publia un livre en 1961 en collaboration avec Wolf-Dieter Marsch: Christen und Juden. Ihr Gegentiber vom Apostelkonzil bis heure (Chrétiens et juifs. Leur confrontation du concile des apôtres jusqu'à aujourd'hui) avec des articles de juifs, protestants et catholiques.

Parmi les collaborateurs du Freiburger Rund brief il y avait aussi Hans Lamm et le rabbin Robert R.Geis. Hans Lamm'2 est né le 8 juin 1913 à Munich. Il émigra aux USA mais retourna en Allemagne après la guerre. Il a beaucoup écrit et enseigné. Il fut pendant des années président de la Communauté Juive de Munich mais aussi membre de l'exécutif du Deutscher Koordinierungsrat. En 1967, il reçut le prix Joseph-E.-Drexel pour ses actions au service de la meilleure connaissance mutuelle entre juifs et chrétiens. Il est mort à Munich le 23.4.1985.

Le Rabbin Robert Raphael Geis (4.7.190618.5.1972)° a étudié à Breslau, puis il a enseigné à Munich et Kassel. En 1939 il est allé en Palestine, puis il est retourné en Europe en 1946 d'abord en Hollande puis en Suisse à Zurich. Enfin en 1952 il a accepté de retourner en Allemagne pour être rabbin à Baden, ce qu'il a été jusqu'en 1956. Il a donné comme raison de ce retour: ce sont mes amis chrétiens qui m'ont poussé à retourner, parce que je ne voulais pas les laisser seuls. Il me semble que c'est quand même important que le Judaïsme soit vécu en Allemagne par quelques personnes..." Il a été extrêmement actif dans le dialogue surtout à l'occasion des Kirchentage de l'Église protestante. Mais il a donné aussi des conférences et des cours et a parlé aux étudiants des écoles et universités. Ses publications étaient également des pas vers une meilleure compréhension du judaïsme.

Cahiers Sioniens
Parmi les autres publications qu'il faudrait mentionner rappelons seulement les Cahiers Sioniens (1947-1955) avec Renée Bloch et Paul Démann des pères de Sion et dans la continuation l'oeuvre de Kurt Hruby".

Encounter Today

Sr.Marie-Thérèse Hoch fut l'une des premières à publier des revues en vue du dialogue entre juifs et chrétiens. Elle est née en Alsace en 1906 et a ainsi ressenti dès son enfance les changements politiques de la région qui était territoire allemand à sa naissance puis est retournée à la France. Elle est entrée chez les Soeurs de Sion à Paris en 1927 après des études universitaires à Strasbourg et deux ans en Angleterre pour se perfectionner en Anglais. Son activité principale jusqu'en 1954 fut l'enseignement.

Alors commença une nouvelle époque dans sa vie. En 1954 elle fonda à Londres un centre catholique pour les relations entre juifs et chrétiens, offrant un cours par correspondance de trois ans sur A Catholic Study of Judaism. À partir de 1955 jusqu'en 1979 elle a édité des revues en Anglais. D'abord c'était le Sionian Digest qui deux années plus tard est devenu The Jews and Ourselves. Le changement de nom montre aussi le changement de perspective. Ceci se remarque encore plus quand en 1966 le bulletin devient Encounter Today. Marie-Thérèse explique ce changement de nom en lien avec le changement suscité dans l'Église par Vatican II. Ainsi "Today" rappelle l'aggiornamento inauguré par le pape Jean XXIII.

En 1958 elle retourna à Paris d'où elle continua à éditer ses publications. Elle participa à beaucoup de réunions nationales et internationales et publia dans de nombreuses revues. En outre, au cours des années elle collectionna énormément de matériaux: articles, informations, revues et livres et pouvait ainsi donner des informations sur maints sujets en lien avec les relations entre juifs et chrétiens. En collaboration avec le père Bernard Dupuy elle publia les documents des églises chrétiennes sur les relations avec le judaïsme'. Elle mourut à Paris en 1994.

Rencontre

Le Père Roger Braun (24.6.1910-1.4.1981)16 était d'origine alsacienne. À l'âge de quatorze ans il avait visité le musée historique de Strasbourg. Un tableau dépeignant des juifs jetés dans les flammes d'un bûcher pour avoir refusé d'abjurer le judaïsme, avait fait sur lui une telle impression qu'il décida "de tout faire pour réparer, pour que cela ne se renouvelle pas", et de travailler en tant que chrétien à réparer l'injustice commise. En 1929 il entra au noviciat des Jésuites et depuis son ordination en 1940, il consacra sa vie à aider les juifs persécutés et à réveiller un grand nombre de chrétiens à une meilleure compréhension de la situation religieuse du judaïsme et à leur devoir de réparation vis-à-vis des juifs.

Comme aumônier adjoint des camps d'internement du sud de la France à partir de septembre 1942 il réussit à sauver environ 40 enfants de la déportation. C'est dans cette charge d'aumônier qu'il apporta au Grand Rabbin Deutsch, interné dans le camp, son tallith et ses tefilines. Devant le réveil de l'antisémitisme dans les années soixante, il décida de fonder une revue, dans le but de réfuter les préjugés contre les Juifs, et de faire connaître le Judaïsme tel qu'il est. En même temps, il voulait développer entre Chrétiens et Juifs l'amitié et la compréhension réciproques. Il était soutenu dans cette entreprise par son ami le Grand Rabbin Schilli (1906-1975), directeur du Séminaire Israélite de France de 1951 à 1975.

C'est que la revue Rencontre a paru de 1967 à 1986. A la fin de son témoignage sur le père Braun après sa mort: Mgr. Elchinger disait: "Je souhaite que nous restions fidèles aux intuitions doctrinales du Père Braun et à son action courageuse, et que les liens qu'il a su tisser entre juifs et chrétiens se développent et portent des fruits de réconciliation, de paix et d'amour".

ORGANISATIONS

Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF)


L'une des plus anciennes organisations de dialogue juif-chrétien est celle de France, dont les racines se trouvent dans l'Amitié chrétienne qui est née dans les derniers mois de 1941 à Lyon. L'idée est venue d'un protestant: Gilbert Beaujolin, d'un adventiste hollandais: John Weidner, et d'un libre penseur: Olivier de Pierrebourg. En 1942 l'association a sauvé la vie à des centaines de juifs. Etaient membres du comité directeur aussi le Père Chaillet, jésuite, l'abbé Ginsberg, un prêtre catholique d'origine ukrainienne juive, qui avait réussi à faire diriger sur la zone non occupée un train entier de juifs alsaciens, et le pasteur Roland de Pury. On demanda au Cardinal Gerlier et au pasteur Marc Boegner d'en accepter la co-présidence d'honneur.

En 1947 les organisateurs de la conférence de Seelisberg avaient pris contact avec des personnages à Paris en vue de créer en France un Comité interconfessionel. C'est ainsi qu'en 1948 l'Amitié Judéo-chrétienne a été fondée. Parmi les membres: le célèbre philosophe Jacques Maritain, Edmond Fleg et Jules Isaac.

Jacob Kaplan (7.11.1885 - 5.12.1994)1tl faisait partie du Comité d'Honneur de l'AJCF. Quand il était rabbin à Mulhouse de 1922 à 1928 il était en contact avec le groupe des "amis de Charles Péguy" qui a beaucoup contribué à un changement de mentalité de la part des Chrétiens à l'égard des Juifs. En novembre 1950 il est élu Grand Rabbin de Paris et en janvier 1955 nommé Grand Rabbin de France. Pour son oeuvre persévérante et prophétique pour la réconciliation entre Juifs et Chrétiens il a reçu le prix de l'Amitié judéo-chrétienne de France.

C'est dans le bulletin de L'AJCF, devenu une revue mensuelle sous le nom de Sens, qu'on trouve des informations sur beaucoup d'autres pionniers. Parmi eux Claire Huchet-Bishop (18981993) qui a suivi Jacques Madaule comme Présidente de l'Amitié de 1975 à 1981 et était Présidente de l'ICCJ de 1974 à 1976. Elle a commencé sa carrière comme conteuse, plus tard elle à écrit elle-même des histoires et publié une trentaine de livres. Une de ses oeuvres les plus importantes était: How Catholics Look at Jews; Inquiries into Italian, Spanish and French Teaching Materials.' Lors d'une audience auprès du pape Jean-Paul H en juillet 1984, elle lui a dit qu'il devait reconnaître l'État d'Israël.

Aktion gegen den Antisemitismus in ijsterreich (Action contre l'antisémitisme en Autriche)

Parmi les personnes décisives pour le dialogue juif-chrétien il y en avait aussi qui venaient de la base. Ainsi Kurt Pordes (1922-1990), protestant d'origine juive, qui était revenu à Vienne après l'émigration en Angleterre a mis tout son savoir politique et journalistique au service du rétablissement spirituel de l'Autriche. Grâce à lui et à d'autres tels que le pasteur Propper, des cultes liés à des légendes de meurtre rituel ont été supprimés. Le pasteur Propper a même écrit des lettres aux papes Pie XII et Jean XXIII à ce sujet avec un certain succès.

Kurt Pordes voyait l'avenir et mettait ses forces dans le recrutement de jeunes. C'est pourquoi il organisa des conférences de jeunes, en partie en coopération avec l'ICCJ, dont il était un des premiers présidents de 1964 à 1968. En tant que vice-président de l'Aktion, râle qu'il avait exercé de 1956 jusqu'à sa mort, il contribua à l'organisation d'expositions dans les salles de l'Institut Pédagogique de Vienne. Il a aussi encouragé des séminaires pour les enseignants et était rédacteur du Mitteilungshlatt, le bulletin de l'Aktion.

Koordinierungsausschuft fuir christlich-jiidische Zusammenarbeit (Comité de co-ordination pour la co-operation entre juifs et chrétiens)

Otto Herz (1912-1981) était un commerçant qui avait survécu à la Choah d'abord en France puis en Suisse et qui est retourné à Vienne après 1945. Il a investi toute son énergie dans la lutte contre l'antisémitisme. Il était membre et président de l'Antidejamation League du Binai B'rit et un des fondateurs en 1964 du Koordinierungsausschuil fini christlich-jildische Zusammenarbeit à Vienne dont il était le co-président pendant de nombreuses années. C'est sur son initiative que tous les livres de religion catholique utilisés dans les écoles en Autriche ont été revus et des propositions pour leur amélioration faites: une entreprise qui a été encouragée par le Cardinal Kiinig. Otto Herz a été aussi parmi les initiateurs, en collaboration avec Dr.Eltriede Kreuzeder de l'église Vieille-catholique, d'émissions radiophoniques juives-chrétiennes. En 1968 il a écrit une thèse sur le judaïsme et la position oecuménique.

Christlich-jüdische A rbeitsgemeinschaft in der Schweiz (Groupe de travail chrétien et juif en Suisse)

C'est dans l'aide aux persécutés au cours de la guerre que nous devons chercher les racines du dialogue en Suisse. Malgré les lois restrictives touchant l'immigration des juifs pendant les années de guerre, la Suisse a hébergé un grand nombre de réfugiés. Le pasteur Paul Vogt a été exemplaire en cela, ouvrant son foyer social Sonneblick aux réfugiés y inclus ceux d'origine juive et en particulier aux juifs orthodoxes et introduisant une "Flüchtlingsbatzen", une obole mensuelle en faveur des réfugiés.

Du 19 au 26 novembre 1945 a eut lieu une semaine d'étude pour chrétiens et juifs sur Germanisme et Judaïsme. Le pasteur Vogt écrivit que c'était le but des 34 juifs et chrétiens assemblés "de réfléchir ensemble et de se demander quel devait être lefruit de la détresse soufferte ensemble et de la délivrance éprouvée ensemble et quelle devait être la conséquence pour juifs et chrétiens en Suisse de l'expérience affreuse du 20° siècle". Alors a été fondé le Christlich-jiidische Arbeitsgemeinschaft in der Schweiz pour promouvoir une meilleure compréhension mutuelle entre juifs et chrétiens et pour lutter contre l'antisémitisme. La proposition avait été faite par Dr.Hans Ornstein qui fut élu comme secrétaire à l'assemblée constituante le 28 avril 1946.1[1 garda cette fonction jusqu'à sa mort en 1953 et consacra toutes ses forces aux objectifs de l'Arbeitsgemeinschaji. Le Prof.Erich Bickel était le premier président de l'association et l'est resté plusieurs années. Il a participé à la Conférence de Seelisberg.

Het Leerhuis - La maison d'études

Le 20 octobre 1966 fut fondée à Amsterdam dans la maison d'Anne Frank "Het Leerhuis" à l'exemple de la maison d'études de Stuttgart où Martin Buber et Karl Ludwig Schmid se sont rencontrés
en 1933 pour discuter sur: Eglise, Etat, Nationalité, Judaïsme. Elle était conçue comme un lieu où juifs et chrétiens se rencontreraient et étudieraient ensemble. Parmi les initateurs il y avait le rabbin
Jacob Soetendorp, Henri van Praag qui était président de la maison d'Anne Frank, et Cornelius
Rijk.

Le concept du "Leerhuis" a été repris à Duisburg en Allemagne par Dr.Heinz Kremers, un professeur protestant. 11 entreprit en 1972 un projet de recherche pour la révision non seulement des manuels de religion, mais également de tous les autres manuels utilisés dans les écoles allemandes.

Ce survol de pionniers a laissé sous silence un nombre de personnes encore plus importantes que celles mentionnées. En outre l'importance de tous ceux qui ont collaboré d'une manière ou d'une autre ne devrait pas être oubliés. Ils nous sont un exemple et un défi pour continuer dans le chemin qu'ils nous ont tracé. Hedwig Wahle NDS'


Hedwig Wahle est Soeur de Sion et membre de l'équipe du SIDIC. Elle a fondé le Centre d'Information juifs-chrétiens (IDCIV) de Vienne et a été active dans le dialogue judéo-chrétien en Autriche pendant 30 ans.

 

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