Other articles from this issue | Version in English | Version in French
Recensions de livres
Different Authors
CRHISTIAN RELIEFS AND ANTISEMITISM, Charles Y. Glock et Rodney Stark, Harper and Row, New York - Londres, 1966, 266 pp.
Cet ouvrage se présente comme une étude sociologique objective, scientifique, sur les causes et la diffusion des idées et des attitudes antisémites aux Etats-Unis. L'étude est menée à partir d'un long questionnaire dont le texte intégral est donné à la fin de l'ouvrage et auquel 2 338 protestants de toutes les dénominations et 545 catholiques ont répondu ; elle est complétée par des interviews et par des chiffres donnés par d'autres enquêtes.
En s'appuyant sur les réponses obtenues, interprétées d'une manière qui nous semble parfois arbitraire, les auteurs affirment que l'orthodoxie et la ferveur religieuse sont directement proportionnelles à l'étroitesse de vues, à un chauvinisme facilement hostile aux autres. La foi chrétienne comme telle, et dans la mesure même où elle est fervente, engendrerait l'antisémitisme, tandis que l'affaiblissement de cette foi, le relâchement de l'orthodoxie produiraient ipso-facto une attitude plus humaine envers les ''autres" en général et les juifs en particulier. En conclusion, les auteurs demandent aux Eglises de modigier sinon leur foi, du moins la formation religieuse de leurs membres.
Nois sommes bien d'accord avec cette conclusion générale du livre, mais nous ne pouvons pas l'être avec le détail de son contenu. En effet, s'il est bien vrai -comme Jules Isaac et d'autres après lui l'ont démontré-que l'enseignement religieux traditionnel des Eglises chrétiennes a été une cause déterminante dans la genèse de l'antisémitisme depuis des siècles, il est faux que celui-ci soit le fruit normal de l'attachement à l'Eglise et à la foi orthodoxe. D'ailleurs, le second Concile du Vatican, l'Assemblée de Delhi et la plupart des Assemblées des Eglises protestantes ces dernières années ont montré que toutes les confessions chrétiennes sentent la nécessité d'améliorer l'enseignement de la religion de manière à éviter que dans la pratique il continue à véhiculer des idées fausses et génératrices de préjugés antisémites à propos de la Crucifixion eu du refus de la foi chrétienne par la majorité des juifs.
Nous sommes bien d'accord avec MM. Ch. Glock et R. Stark sur l'utilité d'employer les méthodes scientifiques de la sociologie moderne pour faire la lumière sur cd fait socio-religieux qu'est l'antisémitisme et nous désirons autant qu'eux combattrd cette plaie ; le principal reproche que nous adressons à leur ouvrage est qu'il atteint mal ce but à cause d'un manque deobjectivité au départ qui se reflète aussi bien dans la formulation du questionnaire que dans son interprétation.
Nous recommandons par contre l'enquête sur l'Antisémitisme en France effectuée par RolandSADOUN, (lui-mime juif), directeur de l'Institut Français d'Opinion Publique et publiée dans le numéro de décembre 1966 de la revue Adam.
Il en ressort nettement que si l'antisémitisme reste très virulent en France, il n'est nullement proportionnel à l'orthodoxie religieuse des milieux chrétiens : "L'on constate peu de différences entre les hommes et les femmes et selon les critères d'âge et de pratique religieuse, sauf pour ce dernier cas lorsqu'il s'agit de relations personnelles et notamment familiales". A moins de preuves plus concluantes que celles fournies pnr "Christian beliefs and antisemitism", il ne nous semble pas que la situation réelle doive titre très différente en ce qui concerne l'antisémitisme des milieux chrétiens -ou déchristianisés- des Etats-Unis. Ce qui ressort nettement des statistiques publiées aussi bien par R. Sadoun que celles de Ch. Glock et R. Stark, c'est que l'antisémitisme est plus fort dans les milieux peu instruits à la fois sur le plan profane et sur le plan religieux.
M. K.
EBRAISMO.E SPIRITUALITA CRISTIANA, S. Cavalletti, "Collana dell'Orsa", n° 18, Ed. Studium, Rome, 1966, 204 pp.
Dans le climat post-conciliaire et au moment où s'actualise la programmation de la Déclaration sur les Religions non-chrétiennes, qui nous invite en ce que concerne les juifs, à des "études théologiques" et à des "colloques fraternels", le travail de Sofia Cavalletti, spécialiste en cette matière, propose de nouveau d'une manière opportune une série de thèmes théologiques sur les rapports originels et générateurs entre Isrel et l'Eglise, entre les juifs du temps du Christ et les chrétiens, entre les rites liturgiques juifs et chrétiens. Ecartant toute apologétique, l'auteur souligne une série de faits décisifs, en particulier dans le domaine liturgique, et surtout dans les derniers chapitres, dédiés au banquet pascal juif et à la Cène, où elle arrive à nous donner des images très évocatrices. On y trouve une grande richesse de thèmes et aussi de textes, juifs aussi bien que chrétiens, qu'elle cite avec leurs références, précieuses pour des approfondissements ultérieurs.
Dans le renouveau de la catéchèse en Italid, parmi le petit nombre d'oeuvres vraiment satisfaisantes en ce qui concerne les rapports entre l'Eglise et Israel selon l'esprit conciliaire, nous trouvons maintenant les deux volumes de Sofia Cavalletti : L'HISTOIRE DU SALUT (LA slœn EFTTA SALVEZZA), de la Création à la Rédemption : I - l'Ancien Testament ; II - le Nouveau Testament ; la Morale, Ed. Coletti, Rome, 1967, 166 et 104 pp. L'auteur est connu pour•ses études bibliques et rabbiniques : elle a publié des livres et des articles dans plusieurs revues ; de plus elle travaille pour la réforme de la catéchèse avec le Vicariat de Rome.
Dans l'Ancien Testament, le plan divin du Salut est présenté comme une rencontre entre Dieu-Protagoniste et l'homme co-protagoniste. Les textes y sont expliqués à travers les "genres littéraires", que nous, modernes, commençons enfin à découvrir.
Dans le second volume, les différents récits néotestamentaires sont replacés dans leur contexte complexe de l'histoire de l'époque de Jésus. Ainsi nous découvrons l'oeuvre des Apôtres mais aussi eelle des scribes et des Pharisiens, indispensable pour comprendre une grande partie du Nouveau Testament. Il en est de môme pour le culte synagogal et pour le culte familial juif indispensable pour découvrir les sources de la Liturgie chrétienne.
La valeur essentielle de l'oeuvre, qui est rapide, sèche mais profonde est la connaissance du Peuple de Dieu dans l'Histoire du Salut, la prise de conscience de l'appel particulier que Dieu adressa en premier et d'une façon irréversible à Israil, et ensuite à la communauté chrétienne, la découverte des valeurs fondamentales qui unissent, bon gré, mal gré, sans solution de continuité, les chrétiens et les juifs. Le tout selon l'esprit de Vatican II, avec équilibre et loyauté, à la lumière des principes de la fidélité à Dieu dans la vérité.
T. F.
LES SYMBOLES CHRETIENS PRIMITIFS, Jean Daniélou, Ed. du Seuil, 1961, 160 pp. PRIMITIVE CHRISTIAN SYMBOLS, Jean Daniélou, Compass Books, Londres, 1964, 152 pp. traduit du français par Donald Attwater.
L'auteur essaie de remonter aux origines de quelques symboles chrétiens dont certains nous sont familiers, parce que nous les avons tous vus sur un monument ou l'autre, d'autres moins. Il s'agit de : la palme et la couronne, la vigne et l'arbre de vie, l'eau vive et le poisson, le navire de l'Eglise, le char d'Elfe, la charrue et la hache, l'étoile de Jacob, les 12 apôtres et le zodiaque, le signe du tav. Les citations des Pères sont abondantes. Les références à quelques monuments de l'archéologie sont illustrées. Malheureusement, les hypothèses restent souvent à vérifier et le lecteur averti peut se permettre d'hésiter devant certaines d'entre elles. L'esprit du livre est excellent. L'auteur nous montre comment le symbolisme chrétien s'enracine dans l'Ancien Testament, le judaïsme rabbinique contemporain du Christ et les milieux judéo-chrétiens de Palestine. Le livre de Goodenough, "Jewish Symbols in Greco-Roman Period" est utilisé avec bonheur. On pourrait souhaiter que l'auteur fournisse un mot d'explication quand il cite certains textes des Pères et autres auteurs chrétiens des premiers siècles qui peuvent facilement prôter flanc à l'antisémitisme comme : ''la fallacieuse espérance" des juifs (Jérôme) et "la Synagogue qui produisit du verjus" (Zénon de Vérone) !
J. M.
APOSTOLIC RENEWAL IN THE SEMINARY IN THE LIGHT OF VATICAN COUNCIL II, James Keller et Richard Armstrong (éditeurs), New York, The Christophers, 1964, 305 pp., prix : 50 '.
JUDAISM AND THE CHRISTIAN SEMINARY CURRICULUM, J. Bruce Long (éditeur), Chicago, Loyola University Press, 1966, X et 166 pp.
La seconde semaine d'études Christopher (20-24 juillet 1964) sur "le renouveau apostolique dans les séminaires" â été une tentative précoce et complète pour la ré-évaluation de l'enseignement des séminaires à la lumière du second Concile du Vatican. Un groupe international de savants et d'éducateurs catholiques discuta de la formation spirituelle des futurs pretres et des programmes de théologie. Ceux qui traitaient de la "Révélation" et de "l'Ecriture Sainte" ont insisté à juste titre sur la nécessité d'orienter les étudiants vers une connaissance appropriée de notre foi dans le contexte de l'Histoire du Salut.
Les 24 et 25 mars 1966, un groupe de théologiens protestants, catholiques et juifs, et d'autres spécialistes intéressés à la question s'est réuni à Chicago sous les auspices de la Ligue anti-diffamatoire de B'nai B'rith. Un petit recueil intitulé "Le judarsme et les programmes des Séminaires chrétiens" présente le texte des conférences et discussions dans le but d'analyser la formation théologique chrétienne au sujet du judaïsme et du peuple juif.
Le Professeur W. D. DAWES présente "l'héritage juif de la chrétienté", à la lumière de recherches récentes et de son propre travail dans l'étude du "judarsme post-biblique". A la suite de trois exposés sur l'antisémitisme et le monde américain, il y a des"réflexions sur le Concile oecuménique': et un aperçu historique des relations entre le Conseil mondial des Eglises et le judaïsme.
Tous les professeurs de théologie devraient lire les courtes allocutions prononcées par des théologiens compétents en Etudes biblique, Patristique, Morale chrétienne et Théologie systématique. On ne peut pas etre d'accord avec toutes les déclarations présentées, mais un enseignant chrétien sincère ne peut pas négliger les idées et questions discutées.
Il y a beaucoup à faire, non seulement pour qu'une juste compréhension du judaïsme des premiers siècles puisse passer dans les cours d'Ecriture Sainte et d'histoire de l'Eglise primitive, mais aussi pour donner un aperçu de la vitalité et de la diversité du judaïsme moderne. A mesure que les chrétiens s'initieront à l'expérience et à la sagesse d'Israël, les incompréhensions du passé feront place à l'estime. Souhaitons que ce dialogue entre savants se répète et s'approfondisse et que les résultats soient portés à l'attention du public intéressé à ces problèmes.
La bibliographie critique de 10 pages en appendice à ce livre est d'un intéret pratique aussi bien pour les bibliothécaires que pour les professeurs de théologie. Les professeurs d'Ecriture Sainte, de Liturgie, d'histoire et de théologie morale trouveront des études plus approfondies et détaillées dans "Tokiah and Gospel, Jewish and Catholic Theology in Dialogue" (édité par P. Scharper, New York, Sheed and Ward, 1966), volume dont la critique a été présentée daes le premier numéro du S. I. D. I. C.
L. F.
En causant avec quelques-uns des interlocuteurs juifs de la série de dialogues du Rev. de CORNEILLE, il apparut au Dr RIJK que les motivations de la participation à ce mouvement étaient plutôt variées : le désir de comprendre son prochain, d'élargir le cercle de ses amis, de connaître une autre foi. Mais tout à la base, il y avait toujours l'espoir d'éliminer les idées antisémites et ainsi de construire une société meilleure basée sur de meilleures relations humaines. En même temps les participants ont acquis une connaissance et une conscience plus profondes de leur propre foi.
CHRISTIANS AND JEWS : THE TRAGIC PAST AND THE HOPEFUL FUTURE, Roland de Corneille, New Yotk, Harper and Row, Chapel book 30; 1966; 181 pp.
On peut considérer ae livre broché comme l'initiation à une compréhension juste du peuple juif et on doit le recommander avec insistance au chrétien désireux d'un exposé sommaire de la relation entre sa foi et le judaïsme. C'est aussi un manuel éclairé pour ceux qui cherchent à développer des contacts respectueux et féconds entre les chrétiens et les juifs.
Le Père Roland de Corneille, prêtre du diocèse anglican de Toronto, travaille depuis plusieurs années dans le domaine des relations judéo-chrétiennes et a coopéré à réussir un dialogue entre des lares des deux religions. Une grande partie de son livre est basée sur cette expérience personnelle décrite dans un style simple et collane. Après une remarque préliminaire demandant : "QuIest-ce qu'un juif ?" et une discussion sur la nature de l'antisémitisme parmi les chrétiens, il rappelle l'histoire passée de la chrétienté vis-à-vis des juifs. Sa manière d'aborder la philosophie du dialogue est naturellement basée sur la pensée de Martin BUBER Il expose aussi les règles de base de ce dialogue et donne des suggestions pratiques de sujets à partir desquels les chrétiens pourraient apprendre à apprécier le judaïsme ainsi que leurs propres croyances. En appendice, il décrit une présentation du Seder de la Pâque et il termine le livre par une courte liste de livres vulgarisant les sujets mentionnés.
La postface du Rabbin Balfour BRICKNER, directeur de la Commission des Activités inter-religieuses de l'Union des communautés hébraïques américaines, est une caractéristique importante de ce livre, Le Rabbin mentionne l'attitude juive envers la chrétienté dans les temps passés, et donne les raisons pour lesquelles un dialogue est maintenant profitable, aussi bien pour les chrétiens que pour les juifs. "La dimension spirituelle de l'homme est maintenant sérieusement menacée en plusieurs endroits. Les juifs et les chrétiens doivent au moins exprimer une responsabilité et... témoigner par la parole et les actes que le fait d'être juifs ou chrétiens les distingue tout à fait de ceux pour qui la religion n'est qu'un embarras sans signification. Le dialogue peut nous aider à découvrir l'essentiel àe eetie différence. Il peut nous aider à démontrer la vitalité et la nécessité de la religion".
L. F.
DECLARATION ON THE RELATION OF THE CHURCH TO NON-CHRISTIAN RELIGIONS OF VATICAN CO1NCIL II, Commentaire de Réné Laurentin et Joseph Neuner, S. J. (Vatican II documents, Study Club edition 1966, Paulist Press, Paulist Fathers, Glen Rock, New Jersey).
L'EGLISE ET LES JUIFS A VATICAN II, René Laurentin, 1967, Casterman, Tournai Coll. Eglise vivante).
Dans ce petit livre, la Déclaration sur les religions non-chrétiennes est présentée avec les notes primitives incorporées dans le texte par le Père R. F. STRANSKY, C. S. membre du Secrétariat pour l'Unité chrétienne. Des notes explicatives y ont également été ajoutées.
Dans son commentaire, l'Abbé Laurentin passe en revue les tribulations du texte, de session en intersession, jusqu'à l'angoissant problème de conscience posé à de nombreux Pères au vote de la session finale. Il mentionne, aussi, les avantages que l'on trouve dans le projet final et établit clairement les modifications de 1965. L'auteur traite également du problème du "déicide" et de l'emploi de l'expression "les juifs" dans les Evangiles. Le Père NEINER délibère sur la significatiln de la Déclaration, sur la tache de l'Eglise dans la société moderne, sur le destin commun de la race humaine et sur le point de départ commun de compréhension mutuelle. Il ajoute aussi un résumé utile de la religion lindoue, du bouddhisme et de l'islam. Ce livre excellent propose aussi 25 questions pour des réflexions du groupes d'études.
Dans l'édition française,l'Abbé Laurentin a ajouté quelques suppléments utiles à son commentaire anglais sur la Déclaration sur les Relations de l'Eglise avec les religions non chrétiennes. Il présente la Déclaration en latin et en français, en deux colonnes parallèles : l'appendice comprend, entre autres documents, la. Bulle du Pape Grégoire X de 1272 condamnant le mythe du meurtre rituel et ses conséquences, et la condamnation de l'antisémitisme par le Saint Office en 1928.
Les deux commentaires, anglais et français, sont inestimables par les lumières claires et justes qu'ils jettent sur cette déclaration si discutée.
M. Y.
L'EGLISE ET LES RELIGIONS NON-CHRETIENNES, J. P. Lichtenberg, Edi Salvador, Mulhouse, 1967, 109 pp.
L'auteur nous est déjà connu par son article dans la N. R. T. (Nouvelle Revue Zhéolozigue), mars 1966, recensé dans le premier numéro de S.D.I.C. Dans ce petit livre, nous est présentée la Déclaration sur les Religions non-chrétiennes, placée dans son cadre historique, ce qui nous permet de pénétrer davantage le commentaire de la seconde partie.
Il s'agit d'un document bref mais capital (p. 20), étroitement lié à la "Déclaration sur la liberté religieuse", et d'un ton pastoral plutôt que dogmatique, C'est la charte pour le dialogue avec les religions non-chrétiennes, amorcé officiellement pour la première fois dans l'Eglise.
Le contenu doctrinal répète l'engagement de l'Eglise d'annoncer le Christ qui est "la Voie, la Vérité et la Vie", mais sans rejeter la Vérité qui illumine tous les hommes. Dieu veut donc le salut de tous les hommes de bonne volonté. Le point de départ est la Constitution "Lumen Gentium". Et "c'est dans cette vision foncièrement optimiste de la doctrine officielle de l'Eglise, qu'on pourra saisir et accepter avec joie la Déclaration sur les religions non-chrétiennes. Mais cela demande peut-étre de notre part une véritable conversion de notre mentalité" (p. 31).
On reconnatt toute la portée de la Déclaration, si l'on considère le dépassement d'une position simpliste qui ne condamnait pas les religions comme inventions diaboliques mais les réduisait à l'état de "religions naturelles" qui ne pouvaient exercer sur leurs adeptes aucune "influence surnaturelle". Tandis qu'à présent, par le dialogue et la connaissance des religions, on considère tout oc qui se trouve de vérité et de grâce chez les nations comme une secrète présence de Dieu. Cette nouvelle attitude vis-à-vis des autres religions est la grande innovation introduite par la Déclaration.
Cette manière plus profonde de se situer à l'égard des représentants des religions non-chrétiennes nous amène aux conséquences pratiques suivantes : l'obligation de ne rien enseigner au sujet des juifs qui ne soit conforme à l'esprit de Dieu et de reconnaître, préserver et faire progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent dans les autres religions, sans aucun motif que celui de l'amour : "L'attitude de l'homme envers Dieu et l'attitude de l'homme envers ses semblables sont tellement liées que l'Ecriture nous dit : 'Qui n'aime pas ne donnait pas Dieu' (1 Jn 4, 8)".
Dans la seconde partie, un commentaire bref et essentiel termine le petit livre que nous trouvons précieux par le juste relief donné aux nouvelles directions de l'Eglise en cette matière si actuelle.
G. R.
SWEETER THAN HONEY, Peter Schneider (Sam Press, Londres,1966, 196 p.)
Ce petit livre, écrit dans l'intention de faciliter la compréhension mutuelle entre juifs et chrétiens, surtout dans l'Etat d'Israël, apportera beaucoup au lecteur chrétien. L'auteur, qui représente l'Eglise anglicane de Jérusalem (Israël), connaît bien le pays avec ses réussites et ses problèmes ; son regard est aussi sympathique qu'objectif. En tant que chrétien, il réprouve fermement l'antisémitisme dont il rappelle l'histoire, depuis l'époque apostolique jusqu'à nos jours. Il souligne la responsabilité des chrétiens dans la longue suite des souffrances juives, depuis les persécutions du Moyen Age jusqu'à l'holocauste hitlérien.
Dans le second chapitre, utile mise au point en ce qui concerne les Pharisiens, la pratique de la Loi dans le judaïsme, le procès du Christ et la continuité entre l'Ancien Testament et le Nouveau. Il termine en citant les dix points de Seelisberg, dont le rappel est toujours utile.
Plus loin, un excellent chapitre appelé "Le Message du Judaïsme" où sont expliquées quelques-unes de ses notions fondamentales, comme la Shekinah, le "Royaume des Cieux", le contenu spirituel du "Schema Israël". Grande compréhension pour les valeurs profondes de la spirituPlité juive ; la plupart des chrétiens gagneraient beaucoup à le lire avec attention.
Par contre, nous sommes moins d'accord avec l'inclusion dans cet ouvrage, écrit par un chrétien et destiné à favoriser le dialogue avec le judaïsme israélien essentiellement orthodoxe, du chapitre intitulé "La question de Jésus". L'interlocuteur chrétien aurait dl traiter avec plus de délicatesse ce sujet, dnnt les juifs ont le droit de ne pas vouloir parler, sinon, éventuellement, pour répondre à une question qui leur serait posée. Il semble aussi peu conforme au principe du dialogue judéo-chrétien de dédier un chapitre à la citation de textes juifs favorables au Christ, dans le but avoué d'amener l'interlocuteur juif à reconsidérer son attitude envers le Christ. C'est la méthode même qui fut essayée au début de la Disputation de Tortose (1413), de sinistre mémoire. Le Dialogue, tel que nous l'entendons, consiste d'une part à interroger notre interlocuteur afin d'apprendre ce qu'il a à nous apporter afin de l'estimer davantage et, d'autre part, à répondre à ses demandes d'informations, tout en respectant ses convictions. Il ne s'agit pas de s'unir dans un compromis, mais de connaître et d'aimer l'autre tel qu'il est dans l'intégrité de sa foi.
D'autre part, nous doutons qu'un interlocuteur juif orthodoxe apprécie des arguments en faveur du Christ émis par Shalom Ash ou Claude Montefiore.
Pour cette même raison, nous ne pouvons pas être d'accord avec les souhaits exprimés dans le dernier chapitre : "Chrétiens et juifs". D'une part, nous ne sommes pas prêts à faire des concessions en ce qui concerne la divinité du Christ et, d'autre part, nous ne pensons pas avoir le droit de demander aux juifs de reconsidérer leur orthodoxie. Pour ces raisons, nous pensons que ce livre sera plus utile au chrétien, pour l'aider à mieux connaître et aimer les juifs, qu'au dialogue judéo-chrétien proprement dit, en particulier en Israel.
M. K.
CHRISTIANS AND JEWS, Jacob Jocz, Londres (S. P. C. K.) 1966, viii et 55 PP.
L'auteur présente cet ouvrage comme "un effort pour réexaminer la rencontre judéo-chrétienne telle qu'elle est basée sur l'orientation missionnaire de l'Eglise". Quelques passages montrent qu'un tel procédé pourrait porter des fruits pour "une nouvelle définition théologique des missions chrétiennes", mais la partialité avec laquelle l'auteur aborde la question est telle qu'elle ne sert ni la théologie missionnaire ni la rencontre judéo-chrétienne (vue ici exclusivement sous le jour d'une rencontre missionnaire). Pour défendre son point de vue, le Professeur Jocz ne présente à ses lecteurs qu'une sorte de caricature du judaïsme.
E. T. K.
TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE - EPITRE AUX ROMAINS, l'Alliance biblique Internationale, les Editions dj Cerf, Paris, 1967, 112 pp.
La Lettre aux Romains est un texte "oecuménique" parce qu'il marque le point division-union entre les confessions chrétiennes de l'occident qui interprètent différemment certains passages centraux (la justification par la foi et non par les oeuvres) et en font la base de leur théologie ; mais l'EpTtre aux Romains contient aussi la pensée authentique de l'Eglise sur les rapports existentiels, à l'intérieur meme de l'unique peuple de Dieu, entre juifs et chrétiens. Et meme s'il n'est pas exact de parler d'"oecuménisme" à propos des juifs, les chrétiens voient la nécessité de repenser leurs rapports avec les juifs sur la base de la bible.
La "Traduction oecuménique"est une version "concordée" : une nombreuse commission de spécialistes a traduit verset par verset et a rédigé et contr8lé une à une les notes si riches insérées sous la version donnée. Texte traduit et notes, avec une explication sur !l'esprit et la méthode", et brève intvoduction deviennent ainsi le patrimoine commun des protestants, des catholiques et des orthodoxes de langue française (et pas d'eux seuls certainement), dans le monde entier.
En ce qui concerne les juifs aussi, nous remarquons surtout deux points. Avant tout on rappelle plusieurs "plans" des chapitres "dogmatiques" de la lettre (1-11) dans lesquels on veut retrouver la structure primitive. Plusieurs de ces plans sont hypothétiques -on note justement que Paul n'est pas réductible à des schémas préconçus.
Pour les chapitres 9-11 en particulier, voici les sous-titres donnés dans le texte : Election et péché d'Israël (9, 1-18) ; Souveraine liberté de Dieu (9, 19-33) ; Juifs et paTens ont'le même Seigneur (10,1-21) ; Dieu n'a pas rejeté Israël (11, 1-24) ; La conversion d'Israël (11, 25-36). Ce dernier mot (conversion) n'est pas de Paul : la note 26a renvoie deux fois à la "conversion'', v. 11 (où cependant le texte grec dit : "Pour les péchés est arrivée la es8teriat, salut des paTens"), et v. 31 (où le texte grec dit : "Afin qu'eux aussi teleethosint, soient pris en compassion par Dieu"). Donc Paul se met sur le plan de Dieu, qui donne gratuitement et toujours de sa propre initiative, et non sur le plan de l'homme qui se "convertit", c'est-à-dire qui pose ses propres oeuvres de salut. Donc, "conversion" est un langage néo-chrétien, qu'il aurait mieux valu éviter dans le texte et dans les notes : dela d'autant plus que la note 28a insiste avec raison sur le don gratuit de Dieu.
L'oeuvre en soi recherche scrupuleusement Le meilleur texte et la version qui puisse rendre la pensée non facile du chef-d'oeuvre paulinien. Nous pensons que l'équipe de travail a bien réussi ces deux points.
T. F.