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Une théologie vivante
Les Editeurs
Pendant les deux dernières journées, les sessionnistes ont considéré le passé et l'avenir. Ils sont revenus sur certaines questions évoquées au cours des conférences, mais qui n'avaient pas été suffisamment discutées.
Au cours de la longue et vivante rencontre du samedi, le cri des pauvres et l'injustice du monde sont devenus des réalités bien vivantes pour tous: la souffrance du peuple juif qui a atteint son apogée dans l'horreur indicible de la Shoa, la souffrance terrible du peuple guatémaltais terrorisé, la pauvreté abjecte et les situations d'injustice dans la plupart des pays d'Amérique Latine... tout cela nous a vivement interpellés. La pauvreté du monde occidental peut paraître d'un autre ordre, mais il y a là aussi bien des souffrances qui sont un scandale pour notre société. Nous avons mieux compris les difficultés d'une théologie qui a été trop absolue dans son affirmation d'un salut dans le Christ et dans l'Eglise seulement, souvent trop sûre d'elle-même et triomphaliste, ce qui a eu des conséquences désastreuses pour les juifs, les croyants d'autres religions et bon nombre d'opprimés. Il devient urgent de reconnaître ces situations et de chercher des éléments de réponse.
Les participants de cette rencontre se sont montrés vraiment engagés, et ils ont fait l'expérience que Dieu était en quelque sorte présent parmi eux. La « solidarité dans la souffrance » était devenue comme tangible... et lors des petits déjeûners ou des discussions tardives, on a pu réellement s'écouter et se parler. C'est dans cette expérience, à travers ces rencontres, qu'une théologie s'élaborait. Il nous semblait que nos recherches à venir seraient différentes du fait que nos horizons s'étaient élargis et que nos convictions avaient évolué.
Rien d'étonnant à ce que la question de la « Rédemption » ait été à l'ordre du jour, avec le désir de retrouver le sens biblique et juif de cette réalité qui touche aussi de près à la Théologie de la libération. Le contexte de cette étude, c'est la souffrance du monde (du peuple juif, du pauvre, de l'humanité). Ainsi, espère-t-on, on verra plus clairement la tâche, ou la mission de l'Eglise et du peuple juif, après la Shoa, dans le monde contemporain. Il est clair, bien sûr, que celle-ci variera en fonction des situations particulières qui se font jour actuellement.
Pour les chrétiens, le rôle du Christ dans l'oeuvre de la Rédemption est essentiel: Jésus, cependant, a vécu et est mort en juif religieux. Il nous a semblé qu'une meilleure compréhension de la continuité existant entre Jésus et le judaïsme du Second Temple, et en même temps de ce que Celui-ci a d'unique, nous permettrait de tirer certaines conséquences en ce qui concerne l'identité et la mission, tant du judaïsme que du christianisme.
La manière absolue dont l'Eglise affirme le salut en Jésus et son insistance sur l'exclusivité de celui-ci demanderaient à être repensées..., et les questions que pose le monde pluraliste où nous vivons sont urgentes. Les notions théologiques dépendent de la manière dont la tradition est interprétée. Cette interprétation peut être conditionnée par des circonstances historiques. L'histoire de la théologie chrétienne nous montre qu'il y a eu une évolution dans la notion de salut et dans l'interprétation du fameux « Extra Ecclesiam nulla salus ». La spiritualisation de la notion de salut a pu conduire à utiliser certains éléments de la foi à des fins politiques.