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Présentation
Les Editeurs
Je crois en Jésus Christ... né de la vierge Marie,
qui a souffert sous Ponce Pilate,
a été crucifié, est mort, a été enseveli...
La foi chrétienne s'enracine dans l'histoire. Jésus de Nazareth, celui qu'elle reconnaît comme Christ, a vécu un certain nombre d'années, dans un espace géographique précis. Même si les recherches faites au cours des derniers siècles ont abouti à des résultats très limités, il est clair cependant que Jésus est un juif palestinien qui a vécu au premier siècle, sous l'occupation romaine. C'est un homme de son temps et de sa terre. Les étonnantes découvertes faites ces cinquante dernières années, et particulièrement les Rouleaux de la Mer Morte, et certaines découvertes archéologiques ont projeté sur ce passé une lumière nouvelle et ont fait naître, sur Jésus et son "background", des questions qui intéressent à la fois juifs et chrétiens.
Jésus, en effet, s'insère dans une histoire qui est à la fois celle des communautés juive et chrétienne, même s'il a une place fort différente en chacune d'elles. Les savants ont coutume de se communiquer leurs recherches et de s'en faire profiter mutuellement, mais celles-ci devraient être mises aussi à la por tée d'un public plus large, moins spécialisé; elles devraient informer et éclairer l'éducation religieuse, et il faudrait en tirer et en expliquer les conséquences pour l'interprétation des Evangiles. On a vu grandir, ces derniers temps, chez les juifs l'intérêt pour la personne de Jésus, qu'on l'ait considéré comme "un juif parmi des juifs" (Leo Baeck), un proto-rabbi (P. Sigal), un bon juif de son temps (D. Flusser), un Hassid galiléen (G. Vermès), "mon frère aîné" (Sh. Ben Chorin), un juif partageant le sort de son peuple (M. Chagall) etc... Une conscience plus claire de la judaïcité de Jésus et une connaissance meilleure de son époque, marquée par une multiplicité de tendances et une prodigieuse vitalité spirituelle, font que juifs et chrétiens portent sur Jésus juif un regard renouvelé.
Le professeur James H. Charlesworth est un spécialiste de premier plan en ce genre de recherches, et nous lui sommes reconnaissants de rendre accessible à un public plus large certaines sources antérieures à l'année 70. Jésus apparaît comme "un homme de son temps", partageant les idées et les problèmes de ses contemporains; et cependant l'originalité de son enseignement commence aussi à se faire jour. Comme l'a écrit J. Charlesworth:
On est saisi de constater combien il est vrai que la genèse et le génie particulier du christianisme primitif, et aussi le seul motif qui nous ait permis de distinguer celui-ci du judaïsme, se découvrent d'abord dans une vie particulière.
Cependant, comme le professeur Schwartz le dit bien, et comme les exemples concrets donnés par David Daube nous le font toucher du doigt, la tradition rabbinique est encore essentielle pour éclairer l'enseignement de Jésus et les questions posées par les Evangiles. Même si ces textes ont été mis par écrit
à une date plus tardive, l'étude des formes et la critique rédactionnelle montrent bien que ceux-ci (tout comme les Evangiles) ont conservé des traditions antérieures à 70. Que nous soyons juifs ou chrétiens, il nous faut actuellement reconnaître non seulement que le judaïsme rabbinique et le christianisme sont enracinés dans un même humus, mais aussi qu'il existe entre les Evangiles et les textes rabbiniques une certaine continuité des traditions. Comprendre cela pourrait influencer, actuellement, les relations mutuelles entre nos deux communautés.
Il faut continuer les recherches pour mieux comprendre le Jésus de l'histoire, et certainement juifs et chrétiens prennent une part importante à ce travail. Même si l'objet de la théologie est au-delà de l'histoire, celle-ci part en fait de l'expérience historique, et la personne de Jésus joue là un rôle central: un Jésus qui, en tant que juif palestinien du ler siècle, se sentait bien "chez lui" dans le judaïsme du Second Temple, si complexe aux points de vue religieux et politique. Si cette réalité était prise au sérieux, tout danger d'antijudaïsme serait sans doute écarté! Aussi pensons-nous que nos lecteurs seront heureux de mieux connaître et d'encourager ce genre de recherches.