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LITUANIE – LETTRE DES ÉVÊQUES DE LITUANIE SUR LES FAUTES DE L’EGLISE, EN LA JOURNÉE DE PÉNITENCE ET DE DEMANDE DE PARDON
15 AVRIL 2000
Le monde célèbre l’an 2000, la naissance de Jésus Christ. C’est l’année du grand Jubilé, un temps de grâce particulière. Mais cette grâce de Rédemption nous est accessible seulement après un repentir sincère et la volonté de ne pas retomber dans les mêmes erreurs.
L’Eglise est fidèle à la mission confiée par son Seigneur ; néanmoins, à cause de la faiblesse de ses membres, elle n’a pu éviter les fautes. C’est pour ces fautes qu’elle veut exprimer sa repentance, et par ce moyen purifier sa mémoire.
Le Saint-Père, le premier, nous a donné l’exemple le 12 mars dernier et, à travers une célébration de repentance, a demandé pardon pour les fautes des catholiques dans le passé.
Nous, évêques de Lituanie, en communion avec le Saint-Père et toute l’Eglise, profitant de la grâce, don de Dieu, pour l’année du Jubilé, nous décrétons la journée de repentir et de pardon. A cette occasion nous aimerions mentionner certaines fautes du passé.
Nous exprimons le regret que les enfants de l’Eglise, pour défendre la foi et son expansion, ont usé parfois de moyens indignes, oubliant que Dieu est Amour et que c’est uniquement à travers l’amour qu’on peut guider les nations vers la vérité. On a usé dans le passé de force et de haine, en contradiction avec les enseignements de l’Evangile, et en chargeant ainsi la mémoire de l’Eglise.
Nous regrettons que dans les siècles passés, l’Eglise se permettait l’ingérence dans les conflits nationaux, et qu’elle ne réagissait pas de manière adéquate quand l’orgueil national était placé avant les valeurs évangéliques. La mémoire de l’Eglise est chargée par des militants nationalistes qui se servaient des sentiments religieux pour se détruire mutuellement.
Nous exprimons notre souffrance que, durant la deuxième Guerre mondiale, une partie des enfants de l’Eglise ont manqué à leur devoir d’amour envers les juifs persécutés, qu’on n’a pas épuisé toutes les possibilités pour les défendre, et surtout qu’on n’a pas eu la détermination d’empêcher ceux qui aidaient les hitlériens. La mémoire de l’Eglise est chargée par toutes les manifestations d’antisémitisme dans le passé et dans le présent que tentent de susciter des gens irresponsables et dénués d’amour chrétien.
Nous regrettons que des enfants de l’Eglise, à cause de leur faiblesse, de leur peur ou par désir de gains, aient adhéré à des régimes criminels d’occupation. Ils ont renié leurs devoirs religieux, moraux, patriotiques. Ils ont aidé les oppresseurs. La mémoire de l’Eglise est chargée par ces laïcs et ces ecclésiastiques qui ont collaboré avec l’occupant, l’oppresseur de l’Eglise et de la patrie.
Nous demandons pardon pour ces enfants de l’Eglise qui, malgré l’appel de l’Evangile pour servir et partager avec les plus pauvres, ont manqué de sensibilité devant le dénuement et la misère, le manque de justice sociale. La mémoire de l’Eglise est lourde de toutes les larmes que personne n’a essuyées.
Nous regrettons aussi que des enfants de l’Eglise aient manqué au respect de la vie humaine, avant la naissance, causant ainsi un grand dommage à la nation et à l’Eglise. Ce sang qui a coulé avec le consentement et par les mains des enfants de l’Eglise.
Que la confession de toutes ces fautes éveille notre conscience chrétienne. Nous devons éviter de nouvelles fautes dans le monde contemporain où les gens sont sollicités pour toujours plus de compromissions.
En demandant pardon pour les fautes des enfants de l’Eglise, nous leur pardonnons. Regrettant les fautes commises par le passé et le présent, nous espérons que l’année jubilaire sera une année de renouveau et de sanctification.
Que les 100 ans qui viennent soient un siècle de paix, d’unité, de responsabilité collective et d’amour chrétien !
Mgr Sigitas Tamkevicius, Archevêque de Kaunas,
Président de la Conférence des évêques de Lituanie
Mgr Jonas Boruta,
Secrétaire Général de la Conférence
Kaunas, 14 avril 2000
[Traduit à partir du polonais par Sidic]
POLOGNE – LETTRE DES ÉVÊQUES POLONAIS
SUR LE PARDON ET LA RÉCONCILIATION AVEC LES JUIFS,
LES CROYANTS DES RELIGIONS NON-CHRÉTIENNES ET LES NON CROYANTS
JASNA GORA – 25 AOÛT 2000
Lors de sa 307e assemblée plénière, la Conférence des évêques polonais a approuvé et adopté la lettre du Conseil épiscopal pour le dialogue avec les religions. Nous en publions ci-après les passages qui concernent les juifs et le judaïsme. 1
1. En célébrant le grand Jubilé de la Rédemption, l’Eglise catholique en Pologne, unie à l’Eglise universelle, se réjouit de la Rédemption du monde et invite au partage de cette joie.
Une des premières exigences de notre temps est notre propre conversion dont découle notre réconciliation avec Dieu et les autres. La réconciliation et la fraternité sont particulièrement nécessaires là où ont eu lieu des divisions pénibles et douloureuses, des disputes, voire des tensions dramatiques, des conflits et même des combats. En lien avec la préparation au Grand Jubilé, l’Eglise universelle a entrepris l’effort de purifier sa mémoire. L’Eglise catholique en Pologne participe, elle aussi, à ce processus. En cette Année sainte, qui est un temps de réconciliation et de grâces, une fois encore nous nous tournons vers le passé pour annoncer de manière plus efficace et plus féconde la réconciliation de Dieu avec les hommes, cette grâce que nous avons reçue par le Christ. Dans l’esprit de l’Evangile, nous désirons que le présent et l’avenir en soient imprégnés. Les évêques de l’Eglise catholique en Pologne se sentent très particulièrement concernés par ce thème de la purification de la mémoire. C’est l’un des devoirs de l’Eglise de reprendre toujours et partout le dialogue avec toute personne et de souligner qu’il n’est pas une attitude facultative, mais un devoir évangélique pour tous les disciples du Christ. Le dialogue est la langue maternelle de l’humanité. « Le dialogue est avant tout un style d’action, une attitude et un esprit qui inspirent le comportement. Il comporte attention, respect et accueil de l’autre, à qui on laisse l’espace nécessaire à son identité, à son expression propres et à ses valeurs. Un tel dialogue est la norme et le style indispensables de toute mission chrétienne et de chacune de ses formes, qu’il s’agisse de la simple présence et du témoignage, ou du service ou d’annonce directe. Une mission qui ne serait pas imprégnée de l’esprit de dialogue serait contraire aux exigences de la nature humaine et aux enseignements de l’Evangile. » (Déclaration du Secrétariat pour les religions non-chrétiennes, 10.6.1984, 29)2. Il est important que nous puissions vivre de ce message, et le veuillons, non seulement entre nous, mais aussi – tout en gardant notre propre identité et dans l’estime mutuelle – avec ceux qui professent d’autres croyances.
2. Notre première démarche concerne le peuple juif auquel des liens nombreux et profonds nous unissent (Nostra Aetate, 4). « La religion juive ne nous est pas ‘extrinsèque’ mais, d’une certaine manière, elle est ‘intrinsèque’ à notre religion » (Jean Paul II, Allocution dans la grande Synagogue de Rome, le 13.4.1986)3. L’Eglise catholique en Pologne s’efforce depuis des années de trouver des chemins de réconciliation avec le peuple d’Israël, choisi par Dieu par « un appel sans repentance » et qui reste « très cher à Dieu » (Rom. 11, 28-29). Cette fidélité de Dieu est la garantie et le signe visible de l’amour de Dieu pour tout homme qui a toujours besoin de pardon et de renouveau intérieur. De cet amour fidèle de Dieu, nous chrétiens bénéficions également, car nous aussi nous manquons de fidélité et nous commettons des fautes qui demandent repentir et conversion. Conscients de l’amour miséricordieux de Dieu et de la grâce dont peut bénéficier chaque personne durant le grand Jubilé, nous nous joignons à l’examen de conscience de l’Eglise de Pologne qui à travers son Primat a demandé pardon à Dieu pour ceux d’entre nous qui ont manqué de respect aux personnes d’autres religions ou qui ont toléré l’antisémitisme. Nous croyons que les filles et les fils de l’Eglise catholique en Pologne ratifieront cet acte particulier dans leur conscience individuelle et, collectivement, dans leurs communautés.
L’histoire du judaïsme contemporain a été marqué par le drame de la Shoa : l’extermination de plusieurs millions de juifs, hommes, femmes et enfants, programmée par le national-socialisme, et perpétrée en grande partie sur le territoire de la Pologne occupée, dans les territoires administrés par les Allemands. Avec le recul des années, nous réalisons encore davantage le drame innommable vécu alors par le peuple juif. A cette occasion, nous rappelons une fois de plus la lettre de l’Episcopat polonais pour le 25e anniversaire de Nostra Aetate lue dans les églises de notre pays le 20 janvier 1991. La génération des témoins et des contemporains de la IIe Guerre mondiale et de la Shoa disparaît inexorablement. Il convient donc de graver fidèlement et respectueusement dans les mémoires ce qui a eu lieu et de le transmettre aux générations futures. Nous devons bien nous rendre compte, dans un esprit de pénitence qui est celui du Jubilé, qu’à côté de nombreux gestes généreux de Polonais qui ont sauvé des vies juives, il y a aussi nos péchés de ce temps-là : l’indifférence et même l’hostilité envers les juifs. Il faut donc tout faire pour restaurer et approfondir la solidarité chrétienne avec le peuple d’Israël, pour qu’une tragédie pareille ne puisse plus jamais se reproduire. Nous devons également combattre toutes les manifestations d’antijudaïté et d’antijudaïsme qui dérivent d’une interprétation erronée de l’enseignement de l’Eglise, et de l’antisémitisme, sentiment de haine provenant d’idées nationalistes ou raciales, qui existent toujours encore chez les chrétiens. Nous attendons que l’anti-polonisme soit surmonté avec la même détermination.
L’antisémitisme – comme les sentiments anti-chrétiens – est un péché, et l’enseignement de l’Eglise catholique le rejette ainsi que toutes les autres formes de racisme. Ces perspectives et ces possibilités nous ont été ouvertes en particulier par le pèlerinage de l’année du Jubilé par Jean Paul II en Terre sainte. La signification profonde de ce pèlerinage nous permet d’espérer que les uns et les autres, juifs et chrétiens, nous suivrons courageusement le chemin que Jean Paul II nous y a indiqué, particulièrement dans son discours à Yad Vashem : « Construisons un avenir dans lequel il n’y ait plus de sentiment antijuif parmi les chrétiens ou anti-chrétien parmi les juifs, mais plutôt le respect mutuel exigé de ceux qui adorent l’unique Créateur et Seigneur et regardent Abraham comme notre père commun dans la foi ». (Cf. aussi le document : « Nous nous souvenons : Réflexions sur la Shoa »). Nous espérons que les filles et les fils de l’Eglise en Pologne ratifieront chacun dans leur conscience l’acte spécial du Primat de Pologne accompli le 20 mai 2000 4. Il doit servir « à nous purifier, ainsi qu’à nous rendre attentifs à tout ce qui peut être agréable à Dieu, et ainsi préparer les voies d’une prière mutuelle ».
(….)
5. Nous écrivons ces lignes, en nous référant à la longue tradition séculaire en Pologne d’édifier dans notre pays la tolérance et aussi le souci les uns des autres, que l’Eglise a toujours soutenus. Néanmoins comme dans un passé proche et aussi plus récemment, cette tradition a été soumise à beaucoup d’épreuves, nous devons demander pardon à ceux qui, dans n’importe quelle circonstance, ont eu à souffrir de notre part : incompréhension, rejet, indifférence et injustice. C’était la conséquence de l’oubli d’une vérité fondamentale : tous, nous sommes les enfants du même Dieu. En disant cela, nous ne sommes pas motivés par des raisons politiques, ou pour d’autres raisons, mais uniquement à cause d’un besoin profond de notre coeur et de l’Evangile. Nous le faisons aussi pour répondre à l’appel de Jean Paul II, afin « qu’en cette année de miséricorde, l’Eglise, forte de la sainteté qu’elle reçoit de son Seigneur, s’agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils ». (Bulle Incarnationis Mysterium, 11).
Nous espérons que notre attitude et nos gestes seront compris en vérité et acceptés comme un appel adressé à Dieu et aux hommes pour une réconciliation et une coopération qui unissent tous les hommes de bonne volonté.
Jasna Gora, 25 août 2000.
ARGENTINE – RÉCONCILIATION DES BAPTISÉS : CONFESSION DES FAUTES, REPENTIR ET DEMANDE DE PARDON DE L’EGLISE EN ARGENTINE
CORDOBA, 8 SEPTEMBRE 2000
Dans ce document, rendu public lors d’un congrès eucharistique à Cordoba, l’Eglise catholique en Argentine demande pardon pour les péchés contre l’unité de l’Eglise, contre le service de la vérité, contre l’Evangile de la vie, contre la dignité humaine, les droits de l’homme, contre l’intégrité des personnes dans le contexte social [sous la dictature militaire de 1976 à 1983], contre le respect des cultures et des ethnies, et contre l’esprit de renouveau du Concile Vatican II.
On trouvera ici, la première de ces demandes de pardon. [Traduit de l’espagnol par M.Th. Croville]
1. Confession des péchés contre l’unité voulue par Dieu pour son peuple
Monition
Pour avoir omis souvent une action plus intense de recherche de la communion au service de tous les hommes
Pour ne pas avoir veillé attentivement à la communion avec tous les chrétiens
Pour ne pas avoir manifesté l’unité dans l’Eglise comme il se devait
Pour ne pas avoir aimé suffisamment le peuple de l’Alliance éternelle, Israël, dont la foi est la racine sainte de l’Eglise :
Implorons Dieu : Père, Fils et Saint Esprit, qu’Il reçoive le cœur contrit de son peuple.
Prière silencieuse
Père, Ton peuple Te demande pardon
Pour le manque d’effort pour comprendre les raisons de ceux qui ne croient pas et pour ne pas interpréter le sens de leur recherche
Pour avoir omis une action plus intense pour promouvoir des chemins communs avec les hommes et les femmes de bonne volonté
Pour ne pas avoir rejeté de manière adéquate l’antisémitisme
Pour avoir négligé la prière et les gestes qui favoriseraient l’élan oecuménique
Pour le manque de témoignage dans la manière de vivre la communion entre les évêques, les membres du clergé, les religieux, les consacrés et les laïcs dans nos communautés
Pour toutes les fois où, nous catholiques, nous avons été responsables de l’éloignement de beaucoup de nos frères, à cause de notre manière d’agir
Dieu, Père des hommes, à la veille de la Passion, Ton Fils nous a confié le défi de l’Unité pour que le monde croie
Toi qui nous veux protagonistes et constructeurs de l’histoire, accorde nous de vivre le don de l’unité, pour être signes et instruments de Ton Amour en servant et en étant ferment du Royaume.
Chant/Geste
ETATS-UNIS – PROPOSITION NATIONALE [AMÉRICAINE] DE SAVANTS JUIFS.
« DABRU EMET ». DÉCLARATION JUIVE SUR LES CHRÉTIENS ET LE CHRISTIANISME
PUBLIÉE LE 10 SEPTEMBRE 2000
Cette déclaration, fruit d’un dialogue entre savants qui a commencé il y a cinq ans, a été signée par 172 savants juifs : 159 des Etats-Unis, 13 du Royaume-Uni, du Canada et d’Israël. Parmi eux se trouvent des penseurs et des personnalités issus des quatre courants du judaïsme : orthodoxe, conservative, réformé et reconstructioniste. La déclaration est co-signée par le Dr Michael A. Signer, University of Notre Dame ; le Dr Tikva Frymer-Kensky, University of Chicago Divinity School ; le Dr David Novak University of Toronto ; le Dr Peter W. Ochs, University of Virginia. L’Institute for Christian and Jewish Studies de Baltimore a offert le cadre où le travail pour ces propositions a pu se mener à bien. Les mots « Dabru emet » font allusion à une citation du prophète Zacharie 8, 16 : « Voici les choses que vous devez pratiquer :dites-vous mutuellement la vérité ; à vos portes rendez la justice qui engendre la paix ».
Cette déclaration a été publiée le dimanche 10 septembre 2000 en pleine page publicitaire dans le New York Times et The Sun of Baltimore. 5
Ces dernières années, s’est produit un changement spectaculaire et sans précédent dans les relations entre juifs et chrétiens. Durant les quelque deux millénaire d’exil juif, les chrétiens ont eu tendance à définir le judaïsme comme une religion défaillante ou, au mieux, une religion qui a préparé la voie au christianisme et trouve en lui son accomplissement. Cependant, dans les décennies qui ont suivi l’Holocauste, le christianisme a changé de manière spectaculaire. Un nombre croissant d’instances officielles de l’Eglise, tant catholiques que protestantes ont exprimé publiquement leur remords pour le tort que les chrétiens ont causé aux juifs et au judaïsme. Ces déclarations ont affirmé, en outre, que la prédication et l’enseignement chrétiens peuvent et doivent être réformés en sorte qu’ils reconnaissent l’alliance éternelle de Dieu avec le peuple juif et rendent hommage à la contribution du judaïsme à la civilisation mondiale et à la foi chrétienne elle-même.
Nous croyons que ces changements méritent une réponse juive approfondie. Parlant uniquement en notre nom propre, en tant que groupe intercommunautaire de savants juifs, nous croyons qu’il est temps pour les juifs d’être au courant des efforts que font les chrétiens pour rendre honneur au judaïsme. Nous croyons qu’il est temps pour les juifs de réfléchir à ce que le judaïsme peut dire au christianisme à présent. A titre de premier pas, nous présentons huit brèves propositions concernant la manière dont juifs et chrétiens peuvent être en relation les uns avec les autres.
JUIFS ET CHRETIENS ADORENT LE MEME DIEU. Avant la montée du christianisme, les juifs étaient les seuls adorateurs du Dieu d’Israël. Mais les chrétiens adorent aussi le Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob, créateur du ciel et de la terre. Bien que le culte chrétien ne soit pas un choix religieux viable pour les juifs, nous nous réjouissons en tant que théologiens juifs, de ce que, par l’intermédiaire du christianisme, des centaines de millions de gens sont entrés en relation avec le Dieu d’Israël.
JUIFS ET CHRETIENS S’EN REMETTENT A L’AUTORITE DU MEME LIVRE – LA BIBLE (QUE LES JUIFS APPELLENT « TANAKH »6 ET LES CHRETIENS « ANCIEN TESTAMENT »). Nous référant à elle pour notre orientation religieuse, notre enrichissement spirituel, et notre éducation communautaire, chacun de nous en dégage des leçons similaires : Dieu a créé et soutient l’univers ; Dieu a établi une alliance avec le peuple d’Israël, la parole de Dieu révélée guide Israël vers une vie d’intégrité ; et, en fin de compte, Dieu rachètera Israël et le monde entier. Cependant, juifs et chrétiens interprètent la Bible de manière différente sur bien des points. Des différences de cette nature doivent toujours être respectées.
LES CHRETIENS PEUVENT RESPECTER LE DROIT DES JUIFS A LA TERRE D’ISRAËL. L’événement le plus important pour les juifs depuis l’Holocauste a été le rétablissement d’un Etat juif dans la Terre promise. En tant que membres d’une religion basée sur la Bible, les chrétiens apprécient que [la terre d’]Israël ait été promise – et donnée – aux juifs comme le centre physique de l’alliance entre eux et Dieu. Beaucoup de chrétiens soutiennent l’Etat d’Israël pour des raisons beaucoup plus profondes que purement politiques. En tant que juifs, nous applaudissons à ce soutien. Nous reconnaissons aussi que la tradition juive exige la justice pour tous les non-juifs qui résident dans un Etat juif.
JUIFS ET CHRETIENS ACCEPTENT LES PRINCIPES MORAUX DE LA TORA. La sainteté inaliénable et la dignité de chaque être humain sont au centre des principes moraux de la Tora. Nous avons tous été créés à l’image de Dieu. Cet accent mis sur ce qui nous est commun peut être la base d’une amélioration des rapports entre nos deux communautés. Ce peut être aussi la base d’une amélioration d’un puissant témoignage face au monde entier pour que s’améliore la vie de nos compagnons d’humanité et pour que soient combattues l’immoralité et l’idolâtrie qui nous nuisent et nous dégradent. Un tel témoignage est nécessaire, surtout après les horreurs sans précédent du siècle passé.
LE NAZISME N’ETAIT PAS UN PHENOMENE CHRETIEN. [Toutefois], sans la longue histoire de violence et d’antijudaïsme des chrétiens contre les juifs, l’idéologie nazie n’aurait pu prendre de l’influence ni parvenir à ses fins. Trop de chrétiens ont participé aux atrocités nazies contre les juifs, ou les ont approuvées. D’autres n’ont pas suffisamment protesté contre elles. Mais le nazisme n’était pas la conséquence obligée du christianisme. Si l’extermination nazie des juifs avait été entièrement couronnée de succès, elle aurait tourné plus directement sa rage meurtrière contre les chrétiens. Nous exprimons notre reconnaissance envers ceux des chrétiens qui ont risqué ou sacrifié leur vie pour sauver des juifs sous le régime nazi. Ayant cela présent à l’esprit, nous encourageons à la continuation des efforts récents de la théologie chrétienne pour répudier sans équivoque le mépris du judaïsme et du peuple juif. Nous félicitons les chrétiens qui repoussent cet enseignement du mépris, et nous ne leur reprochons pas les fautes commises par leurs ancêtres.
LA DIFFERENCE HUMAINEMENT INCONCILIABLE ENTRE JUIFS ET CHRETIENS NE SERA PAS ABOLIE JUSQU'A CE QUE DIEU AIT RACHETE LE MONDE ENTIER COMME PROMIS DANS L’ECRITURE SAINTE. Les chrétiens connaissent et servent Dieu par l’intermédiaire de Jésus Christ et de la tradition chrétienne. Les juifs connaissent et servent Dieu par l’intermédiaire de la Tora et de la tradition juive. Cette différence ne sera pas abolie par une communauté qui soutient avoir interprété l’Ecriture sainte plus correctement que l’autre, ni par l’exercice du pouvoir politique de l’une sur l’autre. Les juifs peuvent respecter la fidélité des chrétiens à leur révélation exactement de la même manière que nous attendons des chrétiens qu’ils respectent notre fidélité à notre révélation. Ni le juif ni le chrétien ne doivent être poussés à confirmer l’enseignement de l’autre communauté.
UNE NOUVELLE RELATION ENTRE JUIFS ET CHRETIENS N’AFFAIBLIRA PAS LA PRATIQUE JUIVE. L’amélioration de cette relation n’accélérera pas l’assimilation culturelle et religieuse que craignent les juifs à juste titre. Elle ne changera pas les formes traditionnelles du culte rendu à Dieu par les juifs ; elle n’accroîtra pas le nombre de mariages mixtes entre juifs et non-juifs, ni n’incitera davantage de juifs à se convertir au christianisme. Nous respectons le christianisme en tant que confession de foi issue du judaïsme et ayant encore des points de contact importants avec lui. Nous ne le voyons pas comme une extension du judaïsme. Ce n’est qu’en aimant nos propres traditions que nous pouvons poursuivre cette relation en toute loyauté.
JUIFS ET CHRETIENS DOIVENT OEUVRER ENSEMBLE POUR LA JUSTICE ET LA PAIX. Juifs et chrétiens, chacun à leur manière reconnaissent l’état de non-Rédemption du monde, qu’illustre la persistance de la persécution, de la pauvreté, de la déchéance et de la misère humaines. Bien que la justice et la paix soient finalement l’œuvre de Dieu, nos efforts, conjugués à ceux d’autres communautés de foi, aideront à l’instauration du royaume de Dieu dans lequel nous espérons et que nous désirons ardemment. Séparés et ensemble, nous devons travailler à apporter justice et paix à notre monde. Dans cette entreprise, nous sommes guidés par la vision des prophètes d’Israël : « Il arrivera, à la fin des jours, que la montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes et s’élèvera plus haut que les collines. Toutes les nations y afflueront, des peuples nombreux s’y rendront et diront : « Venez à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob, qu’il nous enseigne ses voies et que nous suivions ses sentiers » (Isaïe 2, 2-3).
PORTUGAL – DEMANDE DE PARDON DU PATRIARCHE DE LISBONNE
LISBONNE, 26 SEPTEMBRE 2000
Lors de la cérémonie de clôture du rassemblement international « Religions et cultures en dialogue » organisé par la communauté de Sant’ Egidio (Rome) à Lisbonne dans l’esprit d’Assise, et auquel prirent part 300 personnalités de 50 pays, le patriarche de Lisbonne, Dom José da Cruz Policarpo, déclara au Largo San Domingos :
Nous ne devons pas oublier, en ce lieu, le triste sort des marranes [« nouveaux chrétiens »] : les pressions pour qu’ils se convertissent ; les révoltes, les suspicions, les délations, les procès de l’Inquisition.
En tant que communauté majoritaire dans cette ville depuis plus de mille ans, l’Eglise catholique reconnaît que sa mémoire est profondément souillée par ces gestes et ces paroles tant de fois pratiquées en son nom, indignes de la personne humaine et de l’Evangile qu’elle annonce. En attitude de conversion personnelle et communautaire, je veux reprendre aujourd’hui, solennellement, et devant vous tous, l’avertissement du Concile Vatican II : l’Eglise catholique de Lisbonne « réprouve comme contraire à l’esprit du Christ toute discrimination ou persécution faite pour une question de race ou de couleur, de condition de vie ou de religion.
Suivit alors l’accolade entre le patriarche et les représentants juifs.
[Traduit du portugais par R. Gagnon]
__________________
1 [Traduit du polonais par Sidic]
2 DC n° 1880, 2.9.1984
3 DC n° 1917, 4.6.1986).
4 Au cours d’une célébration, le cardinal Glemp avait prié ainsi : « Nous demandons aussi pardon pour avoir perdu le véritable sens de l’amour de l’autre, en ne prenant pas en compte « nos différences » ; cela s’est manifesté parfois par le mépris de personnes d’autres confessions ainsi que par la tolérance de manifestations d’antisémitisme ».
5 [Traduit de l'anglais par M. Macina, copyright jce]
6 NDT. Acronyme de Tora – Loi/Pentateuque, Nevi’im – Prophètes, et Ktouvim – Ecrits.