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Une dimension mal connue
Rijk, Cornelis A.

Le présent numéro de Sidic essaye de comprendre la question du lien entre le peuple de l'Alliance et la terre de ses Pères. Pour tous les fidèles des religions historiques et monothéistes un fait est fondamental et en même temps choquant: la Révélation de Dieu n'est pas simplement une doctrine mais elle est une histoire de salut. Il y a en effet un salut qui veut se réaliser, qui se réalise dans une histoire; et l'histoire est concrète, liée à des personnes et à des endroits concrets. Les implications de cette constatation sont nombreuses. S'il est vrai que Dieu s'est adressé à un peuple déterminé dans un lieu déterminé, alors le salut du monde et de l'humanité se transmet d'un peuple aux autres et crée, par le fait même, un lien entre les hommes. Ceux-ci sont engagés dans une histoire du salut; ils reçoivent de ce fait une vocation et une responsabilité hors de l'ordinaire. L'histoire de ces hommes, de ce peuple, devient partie intégrante du développement historique du salut. Dieu a finalement besoin des hommes, tout en restant transcendant et suprêmement libre. Il reste encore que, désormais, on ne peut plus parler du salut révélé sans toucher à l'histoire concrète des partenaires de ce processus salutaire; le salut ne se comprend que dans et par le déroulement des événements de l'histoire humaine, dans lequel se situent les signes révélateurs de Dieu.
Si la Révélation spéciale de Dieu s'est terminée à la mort du dernier apôtre, l'histoire du peuple qui vit avec et dans la révélation continue, et elle est importante pour la compréhension de la parole révélée. L'Ancien Testament est le bien commun des juifs et des chrétiens. Le Pape Paul VI, s'adressant aux participants du congrès de l'Organisation Internationale pour l'Etude de l'Ancien Testament, disait le 19 avril 1968: « Les trois familles, juive, protestante et catholique, le tiennent également en honneur. Elles peuvent donc étudier et vénérer ensemble ces saints Livres... Il est heureux, que l'initiative ait été prise de cette étude en commun... Voilà une forme authentique et féconde de travail oecuménique » (Osservatore Romano, 20 avril 1968). Une telle étude présuppose une attitude respectueuse et ouverte à la Bible, au sens du texte, et un empressement à apprendre, à écouter l'opinion de l'autre pour mieux pouvoir découvrir la profondeur de la Révélation. Il y a pourtant plus. La vie et l'expérience du peuple qui a reçu cette Révélation, et particulièrement celui dans lequel la Révélation du salut s'est formée et a trouvé son expression inspirée, sont de grande importance. Les interprètes de la conscience de ce peuple, profondément touchée par cette histoire du salut, doivent être écoutés à côte des exégètes. Il est possible qu'ils apportent des éléments nécessaires à une pleine compréhension de cette histoire.
Juifs et chrétiens reconnaissent que la Révélation de Dieu est une histoire de salut. L'endroit où cette histoire s'est déroulée est appelé Terre Sainte. Ce lieu est, d'une manière spéciale, touché par Dieu, le créateur du ciel et de la terre. Dans la conscience juive et chrétienne ce pays occupe une place spéciale; on parle de Lieux Saints juifs, chrétiens et mahométans. Un lien existe donc entre ce pays et les croyants monothéistes. Cela ne veut pourtant pas dire que tous lui attribuent la même valeur. Les interprétations de la majorité des chrétiens et de la majorité des juifs sont bien différentes. Bien que l'on constate un ressourcement biblique et existentiel, pour la majorité des chrétiens le lien avec le pays de la Révélation est un aspect accidentel de la foi, tandis que pour la majorité des juifs ce lien avec la terre des Pères forme un aspect essentiel de leur existence comme peuple.
Il n'est nullement dans l'intention de ce numéro du Sidic de se mêler de questions politiques. Ce qu'il veut, c'est suivre les directives du Concile Vatican II, qui encourage et recommande la connaissance et l'estime mutuelles entre chrétiens et juifs. L'étude du lien entre le peuple juif et la
terre des Pères pourrait nous révéler une dimension essentielle de leur vie, une dimension mal connue, mais à reconnaître en tout respect. Que la meilleure connaissance de l'autre nous soit également une réflexion fructueuse sur notre propre foi en cette merveilleuse Révélation historique.