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Yom Ha-Choah et commémorations chrétiennes de l'holocauste
Sr. M. Noelle de Baillehache
Depuis quelques années, aux Etats Unis et au Canada surtout, des groupes de chrétiens engagés ont pris l'initiative de commémorations de l'Holocauste d'inspiration chrétienne, à l'époque même où la communauté juive, à travers le monde, se recueille dans le souvenir de l'extermination des juifs par les nazis: Yom 14a-choah (= jour de la catastrophe).
Quel est le sens de ces célébrations? On peut le résumer en trois mots: compassion, éducation, repentance.
— COM-PASSION: Souffrir avec ceux qui souffrent et l'exprimer tant en paroles qu'en gestes concrets, n'est-ce pas le premier besoin de qui veut témoigner son amour au frère dans la peine?
— EDUCATION du peuple chrétien: Mieux que des conférences, films ou articles de journaux, une para-liturgie où lectures des Ecritures et de textes relatifs à l'Holocauste, chants de psaumes et invocations alternent avec des moments de silence et de musique appropriée, est susceptible de pénétrer l'âme en profondeur et d'éveiller une volonté d'action pour prévenir le retour de pareille aberration. Elle appelle à porter une attention vigilante à tout ce qui pourrait menacer l'existence non seulement du peuple juif, mais de toute minorité ethnique ou raciale, de tout peuple, en quelque point du monde.
— REPENTANCE: L'Holocauste a été conçu et réalisé par des baptisés, au sein de nations officiellement chrétiennes depuis des siècles, et à la suite d'une longue histoire de persécution des juifs en chrétienté.
« S'il n'est pas coupable des actes perpétrésau cours des âges, le chrétien d'aujourd'hui ne peut nier que ces actes ont été commis par ses frères en religion et, la plupart du temps, au nom du christianisme. Il faut reconnaître que la conséquence de ces actes fut — est — un antisémitisme tenace qui a comme imbibé notre substance... le chrétien doit comprendre que le peuple juif a terriblement souffert de la part des chrétiens, que non frère juif a le droit d'avoir un réel ressentiment, d'éprouver peut-être une certaine méfiance vis-à-vis du christianisme. Et s'il rejette la croix du Christ c'est... aussi et surtout parce que cette croix présidait toujours au supplice de ses ancêtres. Un chrétien qui aime cette croix du Christ, sans être "culpabilisé" doit ressentir toute l'horreur de cette abomination... Nous devons réparer. »2
IMPACT sur la COMMUNAUTE JUIVE
Les quelques juifs qui en ont eu connaissance et qui sont venus assister à ces célébrations en ont emporté, avec un véritable réconfort, la conviction que le peuple chrétien a sérieusement commencé à reviser son attitude séculaire à l'endroit du peuple juif, et y ont vu un gage de la sincérité du dialogue engagé depuis peu entre chrétiens et juifs.
Ces commémorations chrétiennes de l'Holocauste 3 constituent ainsi, à leur manière, un important élément dans la transformation du « regard chrétien » sur les juifs et le judaïsme et un progrès dans le dialogue judéo-chrétien.
Notes
1. Un certain nombre de juifs expriment leur regret que le terme « Holocauste » soit devenu la désignation courante de l'extermination des juifs par les nazis. Dans la Bible ce mot a une connotation sacrificielle et religieuse, l'utiliser pour désigner un crime contre l'humanité est pour le moins impropre. Le terme hébreu «Choah» est plus approprié, mais est-il vraiment traduisible?
2. Art. du Père Roger Braun, S.J., dans la revue « RENCONTRE: chrétiens et juifs », num. 63 (1979), intitulé «Pour une repentance chrétienne ». Numéro publié en commun avec la revue SENS, organe de l'Amitié judéo-chrétienne de France.
3. Nous reproduisons ici, à titre d'exemple, un rite de pénitence qui se trouve dans la brochure publiée par la « National Conference of Christians and Jews » aux U.S.A. Pour plus d'informations, se reporter à la revue Sens 1, 1982 qui offre un excellent article de C. Huchet-Bishop sur «Juifs et chrétiens aux Etats-Unis, 1980-1982.