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SIDIC Periodical IV - 1971/3
Le rôle du judaïsme dans la civilisation (Pages 02 - 03)

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Les influences juives sur la culture moderne
La rédaction

 

Le thème de ce numéro de Sidic est extrêmement complexe et vaste. Décrire adéquatement la contribution d'un peuple à la civilisation humaine est presque impossible. Cette tâche devient encore plus délicate quand il s'agit du peuple juif. Cela pour plusieurs raisons.
Le peuple juif existe depuis quatre mille ans, il a survécu à beaucoup d'autres peuples. Il fonde son existence sur une expérience religieuse tout
à fait spéciale; une expérience qui est liée à une histoire dans un pays promis, qui est resté le centre de son aspiration séculaire.
En outre, ce peuple a vécu des vicissitudes extraordinaires pendant de longs siècles. Dispersé dans le monde entier, voyageant d'un pays à un autre, il a connu dans l'ère chrétienne une histoire souvent marquée par la souffrance et par la discrimination. Un fossé s'est creusé, une aliénation presque complète est créée entre Chrétiens et juifs, si bien que le peuple juif post-biblique ne trouve plus une place dans la pensée théologique chrétienne. D'après la vue chrétienne « traditionnelle » le peuple juif ne joue plus de rôle dans l'économie du salut. Un manuel de théologie assez répandu jusqu'après la deuxième guerre mondiale l'exprimait de la façon suivante: Question: « pourquoi les premiers chrétiens continuaient-ils à suivre les coutumes et les pratiques religieuses des juifs? ». Réponse: « ut mortua synagoga debito cum honore sepeliretur » (afin que la synagogue morte soit honnêtement enterée; traduction de G.v. Moort, De Ecclesia). Ainsi pour la pensée théologique la synagogue est morte, ou selon les différentes opinions, condamnée, punie, etc.
Néanmoins le peuple juif continue à exister, avec son riche patrimoine religieux et culturel. On ne peut pas nier la réalité pour toujours. De nos jours un changement d'attitude chrétienne est en train de se faire, avec beaucoup de peine. Une nouvelle ouverture à la réalité en est la première
condition et il faudra beaucoup de temps avant qu'on découvre l'extension, la richesse et l'importance de la réalité juive. Connaître et réaliser la contribution du judaïsme à la civilisation est une tâche encore plus exigeante. Comme l'a dit Louis Finkelstein dans l'introduction aux trois excellents volumes The Jews: Their History; The Jews; Their Religion and Culture; The Jews: Their Role in Civilization (Fourth edition, Schocken Books, New York, 1971): « Pour comprendre entièrement la place du judaïsme dans la civilisation il serait nécessaire d'avoir une connaissance approfondie des philosophies et des attitudes mentales de cultures aussi variées que celles des anciens Canaanites, de l'Egypte des Pharaons, de la Mésopotamie des Assyriens, des Babyloniens et des Perses, des empires des Seleucides et des Ptolémées, des Arabes de l'Europe pré-chrétienne et chrétienne, ainsi que du monde chaotique et complexe de nos jours. D'autre part la foi et la tradition des juifs ont laissé une marque indélébile sur la musique, l'art, les mathématiques, la médecine, la, philosophie, la littérature, l'éducation, la philantropie, le droit, l'administration publique, les coutumes, la morale et la religion de l'Occident. L'extension de cette influence n'est pas encore entièrement comprise » (p. xi-xü).
Les trois volumes de Finkelstein donnent beaucoup de matière et un aperçu très riche de ce patrimoine juif dans la civilisation occidentale. Quand la déclaration du concile Nostra Aetate parle d'une connaissance et d'une estime mutuelles entre Chrétiens et juifs, la citation de Finkelstein rend plus concrète la signification de cette exhortation conciliaire. Elle souligne en même temps l'énorme travail à faire.
Pour ne pas être découragé devant cette tâche difficile mais fascinante de la découverte des autres, il est peut-être utile de se rappeler quel ques-uns des nombreux éléments de la religion et
de la culture juive qui se trouvent dans l'histoire du Christianisme lui-même. En étudiant et en analysant notre propre histoire de l'Eglise, on peut déjà découvrir maints aspects de l'influence du judaïsme, ce qu'en général on ne réalise pas.
D'abord tout le Nouveau Testament est imprégné de l'esprit des catégories de pensée et d'expression de la culture religieuse juive et des livres de la Bible hébraïque. Et la Bible hébraïque elle-même, toujours vénérée par l'Eglise, est le plus grand monument de la pensée et de la culture juive. Ensuite toute la liturgie chrétienne est modelée sur les formes et les structures de la liturgie juive et elle a conservée cette structure fondamentale, malgré les transformations apportées par la foi en jésus le Messie. (Voir p.e. L. Bouyer, L'Eucharistie; S. Cavaletti, La spiritualità cristiana e la liturgia ebraica; R. Le Déaut, Le Nouveau Testament et la liturgie chrétienne). Les prières de l'Eglise, et surtout le bréviaire, sont aussi pleins de textes bibliques, et d'expressions juives. Ils trouvent leur inspiration fondamentale dans la tradition juive, formée par les livres de la Bible. En outre les dogmes principaux de la foi chrétienne, comme l'unité de Dieu, Dieu Créateur, Dieu Révélateur, le sens de la vie humaine, etc., sont basés sur la tradition biblique, vécue dans le judaïsme. Les autres dogmes
ne peuvent pas être compris sans référence à cette tradition, qui porte la révélation divine et dans laquelle jésus lui-même a vécu.
Cette relation intime est bien compréhensible, quand on réalise la signification des paroles de Paul: « toi (le chrétien d'origine païenne), tu as été retranché de l'olivier sauvage auquel tu appartenais par nature, et greffé contre nature, sur l'olivier franc » (Rm 11, 24). Malgré le fait que la majorité des Chrétiens ne réalise pas (encore) ces rapports étroits et cette influence profonde, il y a donc un patrimoine très riche commun aux juifs et aux Chrétiens (cf. Arthur A. Cohen, The Myth of Judeo-Christian Tradition).
Ce numéro de Sidic veut contribuer à la connaissance du Judaïsme et de sa contribution à la civilisation. Vue l'extension énorme de ce domaine et l'impossibilité de le traiter d'une manière adéquate Sidic veut plutôt donner une impression de l'importance de la question et un stimulant à une recherche ultérieure. La rédaction est particulièrement reconnaissante au Docteur Renzo Fabris, qui bien a voulu aimablement adapter le texte de sa conférence, donnée au centre Sidic de Rome pour la publication dans notre revue.

 

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