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SIDIC Periodical XXX - 1997/3
La sainteté: (Pages 20 - 24)

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Icônes, rebelles, étoiles et saints: la sainteté dans la tradition Catholique
Joan Chittister, OSB

 

"La sainteté est également une tentation", écrit Jean Anouilh dans Becket. La vérité de cette intuition mijote au fond de l'âme. Ou peut être, devrait-elle le faire. Le penchant grinçant de simuler la sainteté par des gestes de piété, la possibilité d'être séduits par des formes erronées de sainteté, l'attirance des saints de plastique qui paradent sur la scène de nos vie, enveloppés d'encens et de vêtements sacrés, tandis que le monde demeure plongé dans la douleur, montre l'horreur de la "tentation de sainteté".

La tradition catholique donne un avertissement clair, elle présente des modèles forts, d'une sainteté située bien au delà de la présentation éthérée ou ascétique du moi. La sainteté chrétienne exige une conversion à la volonté de Dieu, une immersion dans l'esprit de Jésus et un engagement dans la communauté humaine. Elle nous appelle à combattre le moi, à assumer l'audace fulgurante du Christ et à nous donner nous-mêmes pour l'amour du monde qui nous entoure. La sainteté chrétienne c'est vivre la vie de Jésus, qui marchait le long des routes de Galilée, nourrissant, soignant, guérissant et proclamant partout qu'Il était venu pour apporter le Royaume de Dieu. Le modèle de la sainteté est le Jésus qui répondait à la question de Jean: "Etes-vous celui qui doit venir?", par: "Dites à Jean ce que vous entendez et voyez: les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres (Mt 11,4-6). Certainement, le chrétien ne va pas tout seul au ciel. Lorsque la sainteté de quelques uns d'entre nous est bâtie sur la 'non-visibilité' du reste des gens, une bonne faute honnête, centrée sur un moi sans artifice, semble meilleure qu'une pseudo-sainteté.

La tradition chrétienne présente cela d'une façon douloureusement claire. Nous n'allons pas au ciel par nos propres mérites. Nous ne parvenons pas à la hauteur du développement spirituel en bichonnant nos âmes par des rites, et en nous tenant au dessus de la mêlée de la condition humaine. Bien au contraire. Le saint chrétien est celui qui a revêtu l'esprit du Christ et également le coeur brisé du monde. Tels sont les personnes dont la sainteté met au défi les vies de tout le reste d'entre nous.

Tentation de fausse sainteté
L'idée nous vient que ce que nous pourrions être tentés de passer notre vie à faire, au nom de la sainteté, peut ne pas du tout en valoir la peine. Nous pourrions nous décider à être précisément ce dont le monde n'a pas besoin, et ce que Jésus mépriserait comme la marque d'un "sépulcre blanchi". Cette sorte de sainteté est une "attrape" aux proportions immenses, à la fois pour celui qui est sincère et pour l'escroc. A celui qui est sincère, il présente le spectre d'une vie gâchée; quant à l'escroc elle le menace de scandale. D'une part, rechercher la sainteté à la mauvaise place, c'est risquer le vide de l'âme. Présumer que la régularité des dévotions et la rigueur de la discipline sont l'étoffe de la sainteté, c'est présumer que nous pouvons faire des dieux de nous mêmes, pour nous mêmes, et par nous mêmes. Ceci est une sainteté "non prouvée". D'autre part, prétendre à la sainteté pour de mauvaises raisons, c'est la garantie d'une âme déviée. Se présenter face à la race humaine, sans substance, sans l'avantage de la modération, sans la monnaie de l'importance humaine comme base d'échange, c'est emmêler les fibres de nos vies dans une tapisserie de néant. Aussi sincère qu'elle puisse être dans ses excès, aussi attrayante qu'elle puisse être dans sa séduction publique, la fausse sainteté - la sainteté basée sur le moi - n'est pas chrétienne. La sainteté doit avoir pour but quelque chose situé au delà de la satisfaction du moi, au delà d'une sorte de piété protectrice ou d'un appel à l'approbation publique.

Lorsque nos nous mettons à la recherche de la sainteté dans la tradition chrétienne, qu'est ce que nous décidons de faire, exactement, et comment saurons nous que nous nous y mettons ?

Communautaire et sociale ou personnelle et privée
Des styles de sainteté marquent chaque période de l'histoire chrétienne, quelques uns sont terriblement simples, d'autres sont à la frange de la névrose. La sainteté chrétienne s'étend, à la fois à la négation totale de la vie et à la proclamation totale de la parole. Choisir l'un ou l'autre est le défi spirituel principal de chaque époque. Elle a, à la fois, une signification personnelle et publique. Quelque soit sa forme particulière dans une culture donnée, le vrai saint a toujours été considéré autant comme un témoin public, que comme un dévot privé. Ceux-là étaient des saints qui touchèrent la vie des autres de manière significative aussi bien que concentrés sur leur propre vie.

Le Saint chrétien devient la Face de Dieu au point central de la vie, rappelant à chacun de nous que nous sommes appelés à faire davantage que d'exister, et à être plus qu'un souffle perdu dans la nuit des temps. Ce que nous prenons pour modèles de nos vies, non seulement nous transforme alors, mais fait tourner notre univers entier d'un degré à la fois. La sainteté n'est pas une dévotion privée. L'appel à la sainteté est une invitation à choisir soigneusement la manière que nous dépensons nos âmes, de choisir l'Evangile, plutôt que le sentiment de notre perfection personnelle, ou la sauvegarde d'une institution parfaite, ou même la sécurité d'un salut très ordinaire.

La sainteté chrétienne est plus importante que le moi, plus grande que la piété privée, plus significative que la religion pour son propre intérêt. Il ne se limite pas à un état de vie, ni à un travail, ni à aucun ensemble particulier de circonstances. Elle est aussi diversifiée qu'un désert de Judée, une fête de noces à Cana, un temple à Jérusalem. La meilleure des traditions chrétiennes trouve ses saints au milieu de la foule aussi bien que dans les ermitages, aussi bien au sommet des montagnes que dans les caves, à la résurrection comme au pied de la Croix, dans le bruit comme dans le silence, chez les femmes qui mettent le système au défi de bâtir un monde meilleur, et chez des hommes qui donnent leur vie, afin que d'autres puissent avoir la vie "et l'avoir plus abondamment".

Un souvenir pour la grandeur de l'esprit
Ce que le monde appelle saints, ce que les "saints" appellent sainteté, dit quelque chose au reste d'entre nous, au sujet de ce que nos propres vies peuvent être; tous font prendre conscience de la notion qu'il peut y avoir bien davantage à la vie que ce que nous y voyons. Il peut y avoir beaucoup plus à la vie, que ce que nous avons réussi d'acquérir. Il peut y avoir beaucoup plus, que la vie exige de nous, que ce que nous consentons à donner. La sainteté chrétienne est clairement davantage un concept communautaire qu'un concept privé, davantage un processus social que personnel. Ce que je suis, le reste du monde a le droit de l'être également. Ce que je suis devient aussi bien un repère pour le reste de la société. Je porte sur le dos, l'obligation d'être ce que le monde a besoin que je sois, et je regarde avec espérance ceux qui ont porté cette même obligation avant moi. La vie chrétienne exige un engagement à la suite de la vie du Christ, qui fréquentait les pécheurs, guérissait les lépreux, ressuscitait des femmes de la mort, discutait avec les officiels et lançait un défi à l'état. C'est une vie de présence prophétique et de service généreux dans un monde à l'âme desséchée.

Les saints ont donc toujours fait partie de l'histoire chrétienne. Ce sont eux qui, à l'âme pure et au regard sincère, fondent leurs vies en se rappelant sa signification. Les saints montrent le chemin à ceux qui viennent après eux. Ce sont des découvreurs de voies, des modèles, des étoiles au sein des ténèbres de chaque génération, qui nous rendent capables de nous souvenir de la gloire de l'humanité tout comme du magnétisme de la divinité. Ils nous offrent la promesse de possibilités au plus profond du désespoir, et de l'espérance au milieu du monde. Ils apportent une nouvelle lumière à ces franges de vies devenus ternes parce que négligées. Ils nous rappellent dans les pires moments ce que l'humanité peut avoir de meilleur. Ils nous donnent des aperçus nouveaux de vérités anciennes, un nouveau regard sur le Dieu qui est parmi nous, qui demeure parmi nous, afin que "les aveugles puissent voir et les sourds entendre et que les pauvres puissent avoir une preuve de libération".

On a usé et abusé des saints; on les a dévalués et oubliés, méprisés et surestimés au cours de chaque génération; certains ont été appelés saints, au cours d'une génération et oubliés à la génération suivante; quelques uns ont été sous-estimés pendant une période et surestimés pendant une autre. Mais la plupart ont été simplement la mémoire de la race humaine pour la grandeur de l'esprit. La plupart ont été des gens simples qui placés dans des situations d'importance publique, répondaient avec une spiritualité personnelle profonde. Le Sufi raconte l'histoire du disciple interrogeant son aîné:
"Y-a-t-il quelque chose que je puisse faire pour être éclairé?"
"Aussi peu que tu peux faire pour faire lever le soleil le matin."
"Alors, à quoi servent les exercices spirituels que vous nous prescrivez?"
"Pour être sûr que tu n'est pas endormi lorsque le soleil commence à se lever."1

La dévotion chrétienne n'est rien de plus que la préparation à la sainteté chrétienne. Elle prépare l'âme afin que le moment où survient de façon impérative la divine présence, nous ayons été préparés à l'étreindre, à l'empoigner, à la saisir. La sainteté chrétienne est beaucoup plus que la "dévotion chrétienne". La sainteté chrétienne exige que nous devenions ce que nous cherchons, afin que d'autres à leur moment personnel de combat spirituel, puissent y trouver le réconfort, également.

Notre besoin de héros
A ceux qui demandent alors, "Pourquoi avoir des saints?" la réponse est: "Pourquoi ne pas avoir de saints?" Chaque génération a besoin de héros. Ce n'est pas que les saints soient des humains devenus divins. C'est que les saints sont des humains qui sont devenus pleinement humains, aussi pleinement humains qu'un humain puisse l'être, totalement harmonisés à la vie dans son sens le plus significatif. Les saints sont ceux qui, autour de nous, dans un environnement minuscule ou dans des bureaux spacieux, nous confrontent quotidiennement aux graves questions de la vie et y apportent eux-mêmes comme une réponse.

Nous recherchons les signes du meilleur de nous-mêmes dans tous les temps et dans tous les lieux. Nous nous mesurons nous-mêmes à la mesure de ceux qui ont combattu avec les mêmes anges, qui ont vécu dans les mêmes ténèbres, supportés la même chaleur du jour et qui sont parvenus au triomphe, à la lumière, à la nouvelle conscience de la vérité de vie en dépit des pressions et des luttes qui les entouraient. Nous recherchons ceux qui, autour de nous, ont fait de l'histoire de la vie de Jésus quelque chose de réel et vrai. Nous attendons ceux qui ont touché Jésus et en ont été renouvelés, afin que nous mêmes nous puissions découvrir le but en nous efforçant de l'atteindre.

Le problème pour définir la sainteté
Le problème pour définir les saints est le problème de définir des modèles. Qui peut dire ce qu'est réellement la sainteté? En fait, qui peut,si ce n'est moi-même, commencer à savoir par où j'ai passé dans la vie, par quels honneurs, quels abîmes, quelle noblesse? Qui peut savoir si j'ai survécu avec plus ou moins de vaillance, plus ou moins de foi? Qui peut savoir ce que j'ai enduré pour être au mieux de ma forme? Et qui peut le faire réellement sans lutte? Ce sont des questions d'importance primordiale. Ste Thérèse de Lisieux dont les écrits ont été édulcorés par sa communauté en vue d'une publication, a été décrite au monde comme une pâte dans les mains de Dieu. Au cours des derniers jours de sa vie elle écrit cependant dans son journal personnel "Je suis assaillie par les pires tentations d'athéisme".2 Evidemment, l'absence de combat n'est pas l'essence de la sainteté. C'est le combat qui porte à la sainteté.

Pendant des siècles, l'Eglise a confronté la communauté humaine aux modèles de grandeur. Nous les nommons saints alors que ce que nous voulons réellement dire est "icône", "étoile", "héros", ceux qui sont tellement possédés par une vision intérieure de la bonté divine qu'ils nous présentent un éclat fugitif de la Face de Dieu, au centre de l'humain. Ils nous offrent un avant goût des possibilités de grandeur latentes en nous mêmes.

Malheureusement, deux choses sont arrivées à la notion moderne de saint: d'abord les saints sont devenus officiels, ensuite ils sont devenus suaves.

Au 14e siècle, après des centaines d'années où les saints étaient proclamés par la voix populaire, le Vatican institua un processus et des critères pour déterminer si les personnes vénérées par la population locale, étaient dignes d'une imitation générale. Le processus de canonisation possède, pour la plus grande partie, à la fois la matière et le mérite. La prolifération de saints locaux suscitée par des personnes qui les connaissaient ou qui avaient été impressionnés par les fruits de leur spiritualité ou par la valeur de leurs oeuvres, a été un geste solennel et perceptible. Si il n'avait rien de plus à nous dire, il pourrait nous apprendre quelque chose sur le fait de prendre conscience de ceux qui nous entourent, de ceux qui sont là aujourd'hui à côté de nous, apportant la chaleur lumineuse de l'Evangile dans l'ordinaire des situations. Cependant cette surabondance du bien a servi autant à brouiller le caractère de grandeur qu'à préserver son image. Des "saints" ont surgi de partout, chaque territoire, chaque région, chaque ville, chaque village se bousculant pour avoir des reliques et des patrons.

En même temps, un processus de canonisation officiellement établi, sépara les personnes en recherche de modèles, des personnalités et forces mêmes qui avaient donné à leurs vies, un esprit, dans ce lieu et à cette époque. Dans la plupart des cas, seules les réputations qui se sont maintenues bien au delà de la vie des personnes proposées pour la canonisation furent considérées, par la Congrégation de la cause de Saints. A ce moment, naturellement, leur réputation spirituelle était souvent en déclin, et leur influence sociale mise en veilleuse.

Le processus de canonisation recherchait l'héroïsme dans le bien, séparait ceux qui étaient simplement pieux de ceux qui étaient puissamment saints, demandait des miracles autant que la preuve d'une vie droite, pour décréter la canonisation d'une personne, il se concentrait sur des figures professionnellement religieuses au détriment des laïcs, sur des hommes au préjudice des femmes, sur des riches plutôt que sur des pauvres, sur l'obéissance ecclésiastique comme signe de sainteté, et jugeait les cas d'après les lumières des siècles quelquefois lointains.3

De nos jours, le processus empêche l'hystérie populaire de devenir la norme de sainteté. Il court également le risque cependant, de réduire une sainte passion au niveau d'une piété prosaïque; il se hasarde à sanctifier l'insipide; il risque de transformer la bonté en caricature. Il disqualifie de considération les personnes qui tombent en s'efforçant de s'élever vers de nouvelles hauteurs humaines; il coupe la sainteté d'une étoffe commune: ce qui est théologiquement exact, ecclésiastiquement docile, moralement sûr. Il en résulte, qu'il élimine de la considération, un groupe entier de personnes qui ont été cause de l'élévation de l'âme même du monde, mais qui peuvent ne pas avoir été en synchronisation avec les idées courantes de l'Eglise, qui peuvent même ne pas être catholiques, et qui peuvent ne pas être exempts de défauts et de luttes: cela conduit imperceptiblement, mais presque invariablement, à une théologie de désillusion, la notion que seul le parfait, le Chrétien, nous donne des aperçus de la Face de Dieu, mais pas Moïse et Abraham, la Samaritaine et Pierre, David et Samson.

Un signe pour toutes les générations
Evidemment, chacun qui nous montre le chemin vers Dieu n'est pas nécessairement parfait lui-même. Il y a des personnalités resplendissantes dans leurs causes saintes, et maladroites dans leur vie personnelle; parfois confuses comme nous, souvent en conflit avec elles mêmes, comme nous. Elles sont vertueuses au delà de toute expression par certains côtés, et faibles au point de pécher par certains côtés. En même temps, elles maintiennent dans leur coeur un feu assez brillant pour éclairer la route de multitudes. Elles sont poussées par la volonté de Dieu, pour le bien de l'humanité mais n'en souffriront pas moins. Elles se dressent sur des échasses dorées au dessus du reste de leur génération, de leurs amis, de leurs proches et deviennent un signe pour toutes les générations. Elles sont une preuve des possibilités des siècles passés et un symbole d'espérance pour les siècles à venir. Elles se dressent en condamnation muette du siècle dans lequel elles vivent, et nous mettent au défi d'agir de même. Plus que tout, elles sont importantes pour nous, maintenant. "On n'aide pas seulement sa propre génération" enseignent les Hassidim. "Génération après génération David répand l'enthousiasme dans les âmes sombres, génération après génération Samson arme les âmes faibles, avec la force des héros.4"

La sainteté dans la tradition chrétienne exige alors bien davantage qu'une piété personnelle. Elle suppose une vie tellement enracinée dans la volonté de Dieu, tellement engagée au service des autres, si large quant à l'étendue de ses préoccupations, qu'elle suscite dans le coeur du reste d'entre nous, des questions sur la qualité de nos âmes, la profondeur de nos vies, la valeur de nos choix. Le saint nous confronte au coeur de Jésus et à l'esprit de Dieu. Le saint nous coupe le souffle. Nous voyons en eux, ce que nous savons que nous devrions être et nous baissons la tête, non de honte, mais dans la contemplation. Le saint ne prêche pas des lieux communs: le saint crie justice et sert jusqu'à ce que justice soit rendue.

La sainteté chrétienne demande un engagement public plus qu'une piété personnelle, aussi importante que soit la piété pour le développement de l'âme chrétienne. La sainteté chrétienne va au delà de l'incarnation jusqu'à la crucifixion, au delà de la présence à l'autre, jusqu'au point de consentir à souffrir pour l'autre. La sainteté chrétienne propose à tous de voir les modèles de l'Evangile dans un monde qui préfère la charité à la justice. La sainteté chrétienne met chacun d'entre nous à genoux devant les problèmes de l'âme, met chacun d'entre nous au défi de se mesurer selon une règle plus élevée que la sienne propre, indique à chacun d'entre nous la voie du dépassement de nous-mêmes pour les autres, au delà de la bonté jusqu'à l'Evangile, au delà des soucis personnels et paroissiaux jusqu'à l'engagement cosmique. Le saint voit le monde comme Dieu le voit, et répond là où il se trouve, de quelque manière qu'il le doit afin que Jésus qui vit en lui puisse vivre par lui.

Montrer la gloire de Dieu latente dans l'ordinaire
C'est une route sombre et dangereuse, qui suppose plus que la fidélité à un dogme, plus que la préservation d'une doctrine, plus que l'obéissance à la loi. Elle demande un être de grande valeur et de foi profonde. Elle vit cachée parfois, comme Charles de Foucauld vivait avec les Arabes, simplement pour établir un pont spécial entre l'Islam et la Chrétienté. Elle se révèle parfois terriblement publique comme de Las Cases dans sa défense de l'humanité des Indiens Américains. Elle mène là où elle ne devait pas conduire, et fait ce qu'elle ne devrait pas faire, comme le fit Catherine de Sienne dans son engagement dans la politique de l'Eglise et sa critique du pape. Elle vit une vie terriblement renoncée parfois, comme le fit Franz Jägerstätter qui, seul de son village, refusa l'incorporation dans l'armée d'Hitler et fut exécuté. Mais elle vit toujours davantage d'après le principe, que d'après la piété. Elle se dresse au dessus et au delà des normes naturelles pour montrer encore la gloire de Dieu en attente dans l'ordinaire. Elle vit le quotidien d'une manière qui nous met tous au défi. Et elle n'est en aucune façon soumise aux modèles officiels du jour. François d'Assise élargit l'esprit de l'Eglise au problème de la richesse. Thérèse d'Avila éclaira la vision de l'Eglise sur le sujet de la spiritualité personnelle. Harriet Tubman apprit à l'Eglise par sa courageuse supercherie, ce qui pouvait être face à la peur. Monseigneur Hugh O'Flaherty au Vatican, pendant la 2ème guerre mondiale, donna la preuve en protégeant les réfugiés juifs, que l'Eglise était encore capable de sainteté au milieu d'un monde rempli de péchés.

Quelques uns entendent l'appel à l'exigence du quotidien. D'autres, au contraire, font du quotidien une excuse pour ne pas écouter les demandes qu'il réclame réellement, de choisir la piété plutôt que la sainteté. En vérité, "la sainteté est également une tentation". La sainteté peut être son propre péché, dans ce cas, nous devons apprendre à nous repentir d'avoir bâti, pour nous mêmes, nos petits nids personnels, au nom même de la vie spirituelle. Nous devons recommencer à marcher sur les routes de Galilée avec Celui qui nous fait rentrer en nous-mêmes pour combattre les démons destinés à nous garder là, au delà de nous-mêmes dans un monde dans le besoin, et au dessus de nous-mêmes pour voir le monde comme Dieu le voit. Il nous faut devenir ce que nous pensons tous que nous ne pouvons pas être, si nous devons jamais devenir ce que nous sommes appelés à devenir: "icônes", "rebelles", "étoiles" et "saints".


Joan Chittister, une soeur bénédictine d'Erie, PA, est directrice de BENETVISION: A Resource Center for Contemporary Spirituality. Auteur de nombreuses publications et conférencière réputée internationallement elle a reçu le 1992 U.S. Catholic Award pour son travail pour justice, paix et égalité dans l'église et la société.
1. Anthony de Mello, SJ., One Minute Wisdom,Anand, India, Anand Press, 1985, p.17.
2. The Genuine Texts of St. Therese of Lisieux, Herder Korrespondenz 7 (1962/63) cité en Joseph Ratzinger, Introduction to Christianity, translated by J.R.Foster, New York, Herder and Herder, 1970, p.18.
3. Kenneth L.Woodward, Making Saints, New York, Simon and Schuster, 1990, pp. 50-86.
4. Martin Buber, Tales of the Hasidim: Later Masters, New York, Schoken Books, 1948, p.147.

 

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