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SIDIC Periodical XXVIII - 1995/3
La Femme et les chances du dialogue (Pages 07 - 08)

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Exemple de deux femmes faisant un travail d'éducation pour le dialogue et le changement des mentalités
Audrey Doetzel

 

Au cours des dernières décades, des femmes juives et chrétiennes ont apporté en Amérique du Nord une contribution importante, remarquable même, dans les secteurs intellectuel et professionnel. Il n'est donc pas étonnant de constater que les femmes ont de plus en plus d'influence sur le dialogue interreligieux nord - américain. En tant que féministes, elles se demandent quelles nouvelles vues ou formes le dialogue juifs/chrétiens doit adopter s'il veut entrer dans le 21e siècle avec vitalité et efficacité.

Aux Etats-Unis, deux femmes mettent actuellement toute leur énergie à trouver une réponse à une question si actuelle. Il y a dix ans, Mary C. Boys, SNJM, qui était alors professeur de théologie et d'éducation religieuse au Boston college,1 rencontrait Sara S. Lee, directrice de l'école "Rhea Hirsch" d'éducation, au Hebrew Union College (Institut juif de Religion) de Los Angelès. Leur amitié s'approfondissant et leur collaboration devenant plus étroite, elles entreprirent ensemble une action pour engager les éducateurs religieux dans le dialogue juifs/chrétiens. Ayant pour fondement le "Lilly Endowment. Inc. "et prise en charge par l'Institut d'Etudes chrétiennes et juives de Baltimore, leur initiative intitulée "the Catholic - Jewish Colloquium", représente une entreprise pleine de créativité pour la connaissance interreligieuse.

Il y a cinq ans que ce Colloquium a débuté et, depuis, Mary et Sara ont passé littéralement des milliers d'heures dans cette entreprise. Au coeur de leur projet, il y a cette conviction que la connaissance interreligieuse exige une étude soutenue en présence les uns des autres. L'étude commune et les conversations mutuelles qui sont les caractéristiques de ce Colloquium contribuent, pensent-elles, non seulement à transformer l'idée qu'on a de l'Autre, mais aussi celle que l'on a de soi-même en tant que catholique ou que juif.

En février 1992, ces deux femmes organisaient la première de cinq sessions intensives pour 22 éducateurs ayant un rôle de leaders (11 de chaque communauté, juive et catholique) dans le Nord-Est des Etats-Unis. Ce premier week-end de travail était centré sur l'Ecriture, afin de permettre aux participants de comprendre l'Ecriture et de l'expérimenter en tant que source commune des juifs et des chrétiens, mais ausi en tant que source de leur division. Au cours des trois week- ends intensifs de travail qui suivirent, on étudia la "séparation des voies" entre les deux communautés au cours des premier et second siècles, chacun étant appelé à se ré- approprier sa propre histoire comme catholique ou comme juif en présence de l'autre, et à compléter son travail historique par une mise au point sociologique, examinant le catholicisme et le judaïsme dans le contexte nord-américain. Pendant la cinquième session, en mai 1994, les participants étudièrent les implications, au plan de l'éducation, de l'étude mutuelle faite pendant les 28 mois précédents, et ils mirent au point une stratégie d'action.

En novembre 1995, le même groupe d'éducateurs se réunira de nouveau avec Mary et Sara pour faire une évaluation commune des nouveaux programmes et nouvelles initiatives élaborés en mai 1995. Durant cette seconde phase du colloquium, un réseau de collaborations plus larges a commencé à se créer. Les participants font des projets pour réélaborer les programmes et éduquer les professeurs, et ils ont aussi exprimé le grand désir de faire ensemble un voyage d'étude en Israël.

Lorsque Mary et Sara décrivent le processus qu'elles suivent et leur manière de travailler l'une avec l'autre et avec les participants, on retrouve dans leurs paroles beaucoup de ce que dit Elizabeth Schussler Fiorenza:

"Les théologiens féministes maintiennent que la théologie doit redevenir commune et comme un tout (wholistic). La théologie féministe ne s'exprime pas seulement dans une analyse abstraite et une discussion intellectuelle, mais elle fait appel à tout l'éventail des expressions humaines par ex. rites, symboles, drame, musique, mouvement ou peinture."2

Prenant extrêmement au sérieux la nature même du dialogue, elles mettent l'accent sur l'étude, avec une triple intéraction: en soi-même, avec les autres et avec les textes ou traditions. Stimulant un engagement bien informé, elles complètent les connaissances intellectuelles, l'étude rigoureuse et l'analyse des textes par des moments de partage personnel, de création de liens communautaires, de ritualisation et de célébration. Elles choisissent d'avoir 5 sessions étagées sur dix-huit mois plutôt qu'une seule, condensée en 10 jours, afin de donner du temps pour réfléchir, assimiler et intégrer. Elles témoignent d'une grande qualité de relation dans leur enseignement d'équipe qui est à la fois bien structuré et soigneusement organisé, mais laissant une certaine liberté pour des changements en fonction de leur intuition et pour des transitions spontanées. Mettant l'accent sur la connaissance précise et la compréhension de sa propre histoire et tradition, ainsi que celles de l'Autre, elles sont attentives aussi aux mouvements affectifs des participants; et ceux-ci sont inévitables lorsque des concepts de foi sont mis en question ou lorsque des conceptions nouvelles et enthousiasmantes se découvrent.

Les termes employés par Mary et Sara pour décrire le Colloquium sont à la fois ceux de "rassemblement (une synagogue, une ekklesia), forum, session d'étude intensive, rencontre, atelier professionnel, laboratoire" pour une intégration des connaissances judéo-chrétiennes dans les relations personnelles. Ces images montrent qu'il s'agit d'engager les fonctions cognitives, rationnelles et linéaires associées traditionnellement aux études masculines, aussi bien que les fonctions intuitives, émotionnelles et relationnelles, associées traditionnellement au sexe féminin. Elles reflètent aussi les qualités relationnelles et prophétiques de deux femmes à la fois courageuses et intelligentes, qui travaillent de manière responsable et interdépendante pour éduquer au dialogue en Amérique du Nord.


Audrey Doetzel est une soeur de N. Dame de Sion qui travaille au dialogue entre juifs et chrétiens à Brooklyn (New York). Elle joint à une longue expérience de l'enseignement religieux à divers niveaux une solide formation théologique, et elle travaille actuellement, entre autres, avec le American Jewish Committee de New York à l'élaboration de programmes de cours sur l'ébraïcité de Jésus, la relation entre les deux Testaments et les racines juives de la liturgie chrétienne. - Texte traduit de l'anglais.
1. Depuis juillet 1994, Mary C. Boys est professeur "Skinner and McAlpin" de théologie pratique à l'Union Theological Seminary de New York.
2. Elizabeth Schussler Fiorenza: "Feministe Theology as a critical Theology of Liberation", in Women: New Dimensions, ed. Walter Burkhardt (New York: Paulist Press,1977), P.40.

 

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