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Ecoute Israël: Temoigner du Dieu un
Pinhas Hacohen Peli
Nous présentons ici, avec l'aimable permission de l'auteur, un extrait de la conférence donnée récemment par Rabbi P. Peli à la Fraternité Oecuménique de Recherche Théologique, à Jérusalem. Nous regrettons de n'avoir pu, faute de place, reproduire cette si belle conférence en son entier, conférence qui a gardé par ailleurs le caractère oral de la causerie.
Foi et tradition
Je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur ce qui caractérise la foi d'un juif, et cela non pas en remontant à Maïmonide par Crescas ou en passant de Franz Rosenzweig à Herman Cohen et à J. Albo; non, je désire m'exprimer en tant qu'homme juif vivant à Jérusalem. Je dois avouer et bien préciser que, tout en étant un rabbin orthodoxe, je suis de ceux qui, dans leur manière de s'exprimer, ne représentent nullement le point de vue officiel, qu'il soit orthodoxe ou autre (si tant est est qu'il existe!). Comme vous le savez, il n'y a pas dans le judaïsme contemporain d'autorité suprême qui donne du Credo juif une formule à laquelle tous soient tenus d'adhérer.
Je voudrais essayer de préciser avec vous le sens de l'Unicité de Dieu en utilisant les paroles du chant de Moïse, chanté par les Enfants d'Israël lors du passage de la Mer. Un des grands moments de la foi fut quand, nous dit la Thora: «le peuple vit et crut » — vayar ha'am vaya'aminu (Ex 14,31). Et un autre grand moment, de foi et de vérité, fut celui où le peuple déclara: « Il est mon Dieu, je le célèbre, le Dieu de mon père et je t'exalte » — Zeh Eli v'anvehtt, Elohe avi va'aromemehu (Ex 15,2). La foi comporte les deux aspects: « mon Dieu », l'aspect personnel, et « le Dieu de mon père », c'est-à-dire le Dieu de ma tradition. Cette tradition que vous essayez de partager, à ce que je crois, en tant que chrétiens, vous ne la trouvez pas dans les livres de philosophie systématique du Moyen Age ou de l'époque moderne; ils sont, pour la plupart, de nature apologétique. Vous la trouverez plutôt dans le grand courant, ininterrompu, de la vie et de la pensée juives incorporées dans la littérature talmudique et midrashique, comme aussi dans la liturgie synagogale.
La philosophie des rabbins du Talmud et du Midrash, aussi bien dans la Halakha (Loi) que dans la Aggada (Narration) attend encore une formulation systématique. Et cependant ces rabbins n'étaient pas, soyez-en sûrs, aussi naïfs que certains voudraient le croire, ni aussi fanatiques, légalistes et fermés que d'autres aiment à les représenter. Ils out eu à débattre de questions essentielles pour la foi, et ils l'ont fait à leur manière. Ils n'ont pas écrit de traités de théologie mais leurs formules concises, leurs aphorismes, donnent une vue complète de la manière dont les juifs conçoivent Dieu et vivent en relation avec Lui, cela au temps de Jésus déjà et depuis lors, sans interruption jusqu'à nos jours. Aussi cette tradition est-elle la source vers laquelle il nous faut nous tourner quand nous cherchons à préciser quelle est la manière juive de concevoir l'Unicité de Dieu.
Traduire l'Intraduisible
L'Unicité de Dieu est proclamée au moins deux fois par jour, parfois quatre ou cinq fois dans le cours de la journée, par tout juif qui prie selon la Halakha établie par les rabbins de la Mishna dans les tout premiers siècles. Je pense ici, bien sûr, à la lecture du Shema dont on traduit généralement ainsi le début: « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur » (Dt 6,4). Cette affirmation pose en elle-même bien des problèmes, comme en témoignent les diverses tentatives faites pour en donner une traduction. Pourquoi le mot « le Seigneur » est-il répété deux fois? Une traduction meilleure, celle qui est calquée sur le grec, découpe cette affirmation en deux éléments: « Ecoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est Un ». Cette version paraît plus logique. Il y a aussi la traduction anglicane: « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est un seul Seigneur », traduction qu'on trouve aussi dans certaines sources juives, mais qui n'a pas été acceptée car lorsqu'on dit: a Le Seigneur notre Dieu est un seul Dieu », cela peut signifier un seul Dieu parmi beaucoup d'autres. L. Zunz, l'un des pères de l'étude scientifique moderne du judaïsme, donne dans sa traduction de la Bible la version suivante: « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est un être unique, éternel ». Quant au grand commentateur juif Ibn Ezra, il traduit ainsi: « Ecoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur seul »; mais cela encore ne correspond pas à l'original hébreu, car pour le sens de « seul » l'hébreu aurait employé levado et non pas ehad. Dans sa traduction anglaise, Mof fait s'éloigne de l'original: « Ecoute, Israël, le Seigneur seul est notre Dieu », ce qui est peut-être un bon commentaire mais que j'hésiterais à considérer comme une traduction. En fait, il existe d'innombrables traductions et nous pourrions passer des heures à seulement les énumérer. Les Hassidim proposent une autre interprétation: Quand ils disent que le Seigneur est Un —Adonaï ehad, cela signifie pour eux que le Seigneur est le seul et unique être vivant qui existe, qu'Il est la substance et l'essence de l'existence. Nous pouvons lire dans le Talmud que si tout juif a l'obligation de réciter le Shema chaque jour, l'esclave est exempté de cette obligation. Et pourquoi n'a-t-il pas cette obligation? Parce qu'il ne peut vraiment dire Adonaï ehad; il ne peut dire qu'il n'a qu'un seul Seigneur: il n'est pas libre, il a un autre maître et ehad doit pouvoir signifier le seul seigneur qu'il ait. Le mot ehad implique donc fondamentalement la liberté.
S'il existe tant de traductions, cela prouve seulement une chose: qu'il n'y en a pas une qui soit totalement satisfaisante, pas une seule que nous puissions accepter en nous disant: « C'est exactement ce que signifie ce verset ». Le verset doit rester ouvert, et quand un passage de la Bible doit rester ouvert, cela signifie l'ouverture aux diverses interprétations des rabbins et des sages, l'ouverture à ce qui, je crois, exprime le mieux l'âme du judaïsme à travers les siècles, la méthode d'interprétation connue sous le nom de Midrash: à partir d'un texte donné, découvrir des applications nouvelles, des interprétations nouvelles. Dans les débuts de la littérature rabbinique, à l'époque des premiers Tannaïm, nous trouvons déjà un midrash sur les mots: « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est Un » -Shema Israël... Les rabbins se trouvent en effet devant une contradiction: « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu » -Adonaï Elobenu- est notre Dieu, un Dieu particulier; et «Le Seigneur est Un » signifie que Dieu est universel. Alors, Dieu est-il particulier ou universel? S'agit-il de notre Dieu -Elohenu- ou d'un seul Dieu pour tous -ehad? Conscients de cette contradiction, les rabbins cités dans le midrash tannaïtique connu sous le nom de Sifré (Ve'ethanan 4,6) commentent ce verset en suggérant deuxexplications: l'une, c'est que même si Dieu est le Dieu de l'univers entier, son Nom repose tout particulièrement sur Israël. C'est ce dernier qui, par son existence même, garde vivante la notion de Dieu. Maintenant, si l'on inverse l'ordre des mots dans le verset, on lit: « Ecoute, Israël, le Seigneur est Un », c'est-à-dire: Dieu est un Dieu universel, mais Israel est celui qui Le reconnaît comme tel, qui témoigne de Lui; il a cette responsabilité particulière de reconnaître et de proclamer devant le monde l'Unicité de Dieu.
Une seconde explication donnée par les rabbins est la suivante: Même si, en ce monde, Dieu n'est reconnu que par Israël seul -Shema Israël Adonaï Elohenu = maintenant Il est seulement notre Dieu — c'est l'humanité entière qui L'adorera et Le servira dans les temps messianiques -Adonaï ehad. «Le Seigneur est notre Dieu » en ce monde, le Seigneur est « Un » dans le monde à venir. Et les rabbins complètent leur explication en citant dans le midrash le verset de Zacharie (14,9): « En ce jour le Seigneur sera Un et son Nom Un ro, verset qui exprime à la fois la réalité présente et l'espérance pour l'avenir: Dieu est dès maintenant un Dieu universel, mais seul Israël Le reconnaît actuellement; dans le temps à venir, le même Dieu deviendra le Dieu de l'univers entier, comme le prophétise Zacharie: « Le Seigneur sera Un et son Nom Un ».
Le Shema dans la liturgie
Si nous voulons avoir une idée de l'importance du Shema dans la tradition juive, nous n'avons pas à chercher comment il a été situé originellement dans la Bible, mais bien plutôt à considérer la position qu'il occupe dans le livre des prières (Siddur) et dans la liturgie.
Le Shema, passage de la Bible qui proclame l'unicité de Dieu, est peut-être, selon les historiens qui ont étudié la liturgie juive, le noyau originel, le coeur du Siddur juif. Cette prière a subi différentes phases de développement depuis ses débuts jusqu'à nos jours, son noyau restant toujours le Shema, avec tout ce qui est venu s'ajouter, se développer, autour de lui. Lorsque nous considérons le Siddur, particulièrement la prière du Shema, nous découvrons un élément intéressant qui carac. térise la liturgie juive, c'est que la prière doit toujours avoir la forme d'une Berakha (Bénédiction). Le livre de prières est, en fait, une collection de Berakhot (bénédictions), débutant toutes par la même formule: « Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, Roi du monde... » -Barukh atab Adonaï Elohenu, melekh ha-olam. Toutes les prières juives reprennent cette formule. Lorsqu'un passage de la Bible est incorporé dans le Siddur, il ne devient une prière, une part de la liturgie, que s'il est enchâssé entre deux bénédictions, l'une qui le précède et l'autre qui suit. C'est seulement lorsqu'un homme peut s'adresser à Dieu comme à une Présence, à un Tu, lorsqu'il peut dire: « Béni sois-tu » -Barukb atah, qu'il peut alors réciter un chapitre ou citer un passage de la Bible, en transformant les paroles bibliques adressées par Dieu â l'homme en une prière de l'homme à Dieu. Cela change complètement le sens de ces paroles. Nous avons, par exemple, jusqu'à cinquante psaumes dans le Siddur, et au moins deux cent quarante citations de la Bible, mais ce ne sont plus des citations: Ce n'est plus Dieu qui prononce ces paroles mais c'est moi, être humain, qui m'adresse à Dieu. Ainsi, pour transformer les paroles bibliques en prière, les fait-on précéder des paroles de la Bénédiction: « Béni sois-tu, Seigneur » -Barukh atah.
Nous savons qu'il est fait référence, dans la Mishna, à la récitation du Shema comme à une coutume déjà ancienne. La Mishna a été rédigée à la fin du second siècle, mais les traditions qu'elle véhicule remontent certainement à une époque beaucoup plus reculée. Aussi, lorsqu'elle mentionne la récitation du Shema comme une coutume déjà ancienne, je peux présumer que le Shema était lu de la même manière au temps de Jésus. Dans la Mishna Berakhot (1,4) nous lisons ces mots: « Le matin, quand on récite le Shema, on doit dire deux bénédictions avant et une à la fin. Quans on le lit le soir, il y a deux bénédictions qui le précèdent et deux qui le suivent ». C'est ainsi que le Shema a été introduit dans la tradition juive, non en tant que paroles bibliques mais comme partie intégrale de la liturgie journalière, et qu'il est récité au moins deux fois par jour par tout juif, au long des générations. Il est récité aussi au cours d'une circoncision, (lorsqu'un enfant juif devient mem• bre de la communauté juive), et il est de coutume, au moment de la mort, de le prononcer sur la personne qui est en train de mourir. Les derniers mots prononcés sur elle ou qu'elle prononce elle-même si elle en est capable sont: « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu, le Seigneur est Un ».
Voyons maintenant les bénédictions qui accompagnent le Shema, et comment elles nous permettent de mieux comprendre «l'Unicité» de Dieu affirmée par le Shema: de quelle sorte de Dieu, de »Dieu unique » s'agit-il, qui est à la fois universel et particulier? Ce Dieu « Unique » est-il partagé par toute l'humanité?
La première bénédiction récitée le matin loue Dieu comme Créateur de l'univers et comme Celui qui renouvelle chaque jour la création. D'après cette prière, la création n'a pas eu lieu une fois pour toutes, elle est un processus continuel par lequel Dieu crée et recrée chaque jour l'univers; c'est l'idée de « Dieu dans le Cosmos » de »Dieu Créateur ».
La deuxième bénédiction (récitée matin et soir) présente la même idée sous différents mots. Dans cette bénédiction, Dieu nous parle, ou se manifeste à nous, par la révélation (non seulement par la création, mais par la révélation et une révélation spécifique), et Dieuest présenté là comme un Maître, comme Celui qui nous a donné les enseignements de la Thora. Il est intéressant de remarquer que chacune de ces deux bénédictions présente la création ou la révélation comme des actes d'amour de la part de Dieu: « D'un immense amour Tu nous as aimés, Seigneur notre Dieu; d'une grande, abondante pitié Tu as eu pitié de nous, notre Père et notre Roi » -Abram rabba ahatdbanu... Comment se manifeste cet amour de Dieu envers les créatures humaines? En ce qu'Il fait se lever chaque matin le soleil, qu'Il renouvelle chaque jour pour nous l'oeuvre de la création et qu'Il nous enseigne un chemin de vie. En cela se manifeste l'amour de Dieu pour nous. Et le fait que cela soir exprimé dans les deux bénédiction a permis à bon nombre de commentateurs de répondre aux questions que pose le deuxième verset du Shema. En effet, après le « Ecoute, Israël...» du premier verset, on trouve: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur » (Dt 6,5). Tous les commentaires du Siddur, de l'époque talmudique comme du Moyen Age, posent immédiatement la question: « Comment peut-on commander l'amour? ». L'amour ne se commande pas. Comment « aimer Dieu ». alors que l'amour est un sentiment qui doit s'approfondir peu à peu mais ne peut se commander? La réponse nous est donnée dans les Bénédictions qui précèdent le Shema: elles nous disent l'amour de Dieu pour nous, un amour qui se manifeste par la création et par la révélation, un amour qui appelle l'amour. «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... »; il ne s'agit pas là d'un commandement, il s'agit d'une réponse aux actes concrets de l'amour divin.
Dieu est Un avec nous
Je voudrais vous proposer une autre explication du mot ehad, explication peut-être homilétique mais certainement vraie et bien dans la ligne de la tradition juive. Puisqu'il y a tant d'interprétations de ce ehad, pourquoi ne pas donner aussi la mienne? Ce qui est merveilleux dans le Midrash, c'est qu'il reste toujours ouvert, qu'on peut toujours y ajouter quelque chose. Vous pouvez toujours le continuer; mais vous devez être très attentif à bien rester dans la ligne de l'interprétation originelle, celle des sources. Sinon, vous déformez le Midrash: Vous inventez un midrash à vous, et c'est une erreur. L'interprétation que je suggère, c'est: «Le Seigneur est Un » dans le sens de « Il est Un avec nous ». Le destin de Dieu et celui de l'homme sont liés en ce monde. L'homme et Dieu sont continuellement associés pour les trois dimensions de l'action divine qui nous sont révélées: la création, l'enseignement et la rédemption. Il nous faut ici ajouter une autre dimension. Le Dieu qui nous est présenté dans la littérature rabbinique et dans la liturgie comme Créateur, Maître et Rédempteur n'est pas, si j'ose dire, omnipotent, ni même omniscient. Il est un Dieu qui a besoin de l'homme. Je sais qu'il s'agit là d'une affirmation audacieuse, mais laissez-moi l'expliquer à la lumière de cette triple dimension de la liturgie (Créateur, Maître, Rédempteur) qui se retrouve ailleurs que dans le Shema. Si nous prenons, par exemple, l'Office du Shabbat, nous voyons que le vendredi soir on intercale (dans la troisième Bénédiction de la Amida) un passage de la Genèse (2,1-3) sur la création -Vayekhulu; le samedi matin, on y insère l'éloge de Moïse avec le rappel de la révélation -Ysmakh Moshé, et le samedi après-midi, un rappel de la rédemption dans la prière: « Tu es Un» -Atah chef. C'est un thème fréquent dans la liturgie juive et dans la pensée rabbinique que Dieu, le Créateur, est incomplet. 11 attend d'être complété. Lui, le Maître, attend l'aide de l'homme pour répandre Son enseignement; Lui, le Rédempteur, attend l'aide de l'homme pour rédimer le monde.
Considérant Dieu comme Créateur, je voudrais vous amener à reconnaître que cette conviction en moi que « Dieu a besoin des hommes » découle bien directement de l'interprétation des rabbins et de la conception juive de l'Unicité de Dieu. Cette Unicité, contrairement à l'opinion des philosophes juifs du Moyen Age, plus poussés à considérer en Lui la perfection, est une Unicité incomplète en ce monde. Dieu est parfait en son Essence, peut-être, mais lorsqu'Il se révèle à nous, Il est ouvert comme un midrash. Il est Lui-même un Midrash grand ouvert. Il laisse ouverte cette part de Sa création qu'Il nous donne de compléter. Un midrash bien connu raconte que Dieu n'a créé que trois côtés de ce monde, qu'Il a laissé ouvert le quatrième. Oui, ce monde est incomplet, et nous pouvons en témoigner tous!
Il est mon Dieu
Ce que nous oublions quelquefois, c'est que l'affirmation de l'Unicité de Dieu commence par Shema Israël. Pourqui Israël? Pourquoi cela s'adresse-t-il seulement à lui? Parce qu'Israël est une image de l'Unicité de Dieu: Il est un peuple qui souffre, un peuple appelé à créer, à perfectionner la création, appelé à transmettre l'amour par l'enseignement, un peuple qui vit dans l'espérance de la rédemption. Les trois dimensions de Dieu se retrouvent dans la vie d'Israël comme peuple. Ce qui peut nous éclairer aussi, c'est cette instruction donnée par les rabbins dans le Talmud: « Lorsque tu écris les paroles du Shema sur le rouleau de la Thora, sur le parchemin. deux lettres doivent être écrites en plus gros: le ayin qui termine le mot Shema' et le daletb qui termine lemot ehad. Ces deux lettres forment un mot hébreu, 'ed, qui signifie « témoin ». Israël, de par son existence même, est un témoin ou, si vous le voulez, un « martyr » de ces trois dimensions de Dieu: Il témoigne de Dieu Créateur, c'est-à-dire qu'il prend soin de Sa création, qu'il collabore avec Son Créateur, qu'il ne laisse pas Sa création toute seule, qu'il renouvelle chaque jour l'acte de la création -mekhadesb l'khol yom ma'assei bereshitb. Israël remplit aussi le rôle de maître et maintient présente dans le monde la dimension rédemptrice de Dieu.
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Je voudrais conclure comme j'ai commencé, par l'interprétation rabbinique de ce verset du Cantique de la Mer Rouge (Ex 15,2): « Il est mon Dieu et je Le glorifie, le Dieu de mon père et je l'exalte » -Zeh Eh valanvehu, Elobé avi va'aromemehu. Le mot va'anevehu est interprété par les rabbins comme ani vehu = moi et lui. « Tel est mon Dieu ». On peut ne voir dans cette interprétation qu'un jeu de mots amusant; mais il y a plus que cela: une percée ouverte sur la véritable notion de l'Unicité divine: « Dieu Un» «Un avec nous», Ma famille compte vingt huit générations de rabbins, Je puis vous assurer que ni mon père, ni assurément mon grand-père, ne se sont perdus dans des spéculations philosophiques sur l'Essence divine, l'Unicité de Dieu, les preuves de l'existence divine; ils ne se sont pas non plus occupés de théologie; mais ils savaient une chose, ils en avaient fait l'expérience et ils nous l'enseignaient: que Dieu est Un, que Dieu est « Un avec nous » et que, comme créatures humaines, nous avons été créés pour être libres et donc responsables, et que nous devons être prêts à répondre à la voix nous demandant: « Où es-tu? » -Ayekha? (Gen 3,9) par les mots d'Abraham lui-même: «Me voici » (Gen 22,1). Quand Dieu appelle Abraham, celui-ci ne répond pas: « J'ai entendu ta voix... et je me suis caché » (Gn 3,4) mais: « Me voici! » -Hineni (Gn 22,1). A ce moment précis c'est le juif qui apparaît. Il répond à l'appel de Dieu: « Me voici! ». Pour bien comprendre l'Unicité de Dieu, on a besoin de ce témoin appelé Israël. Quiconque veut devenir Israël doit accepter de souffrir et d'espérer, essayer de changer l'état du Inonde, non en le laissant continuer mais en transformant la souffrance en espérance. Tel est, en effet, le rôle d'Israël. Celui qui est prêt à agir ainsi, prêt à écouter, peut se joindre aussi à Israël pour proclamer: « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est Un ». Comme le disait mon maître, Abraham Heschel: « Maintenant l'homme découvre que Dieu dans les cieux est son meilleur Ami sur terre ».
* Rabbi Peli habite à Jérusalem et donne des cours à l'Université Ben Gourion, à Bersheva. Depuis plusieurs années, il est engagé en Israël dans le dialogue entre juifs et chrétiens.