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SIDIC Periodical V - 1972/1
La théologie chrétienne et le judaïsme (Pages 21 - 24)

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Les études juives et l'Université
C. Deutsch

 

En un temps où l'on entend beaucoup parler d'une régression dans l'oecuménisme et les relations judéo-chrétiennes, d'une retraite en deux camps séparés, il est à la fois valable et encourageant de rappeler le fait qu'un sérieux intérêt pour les études juives a été en croissance continue pendant les cinq dernières années. Bien que la plupart des Chrétiens soient encore ignorants des implications de l'Holocauste pour la compréhension du Juif par lui-même, la naissance et la survie de l'Etat d'Israël, le renouveau des études bibliques et liturgiques, et le second Concile du Vatican les ont obligés à prendre conscience de la réalité juive. Cette perception est souvent reflétée dans des études sérieuses.

France

Il y a eu un notable accroissement d'intérêt pour les études juives dans ce pays, en dépit de certaines tensions qui existent entre les communautés juives et chrétiennes.

Paris et Strasbourg sont les plus grands centres de ce développement bien qu'il y ait aussi quelque activité dans d'autres villes comme Lille et Nancy. L'étude de la vie et de la pensée juives n'est absolument pas limitée aux études bibliques et aux langues sémitiques, bien que ces deux disciplines soient de grande importance.

Les étudiants de l'Ecole des langues orientales à Paris ont la possibilité d'étudier le Yiddish,le Ladino, et le judéo-arabe aussi bien que les langues sémitiques plus familières. Des cours sont aussi offerts en sociologie, tels que l'étude de la société israélienne. A la faculté d'état de Vincennes le programme de culture juive comporte de l'histoire littéraire dans son prospectus.

A l'Institut catholique (Paris) et à l'Université de Strasbourg, l'accent est mis sur les périodes bibliques et rabbiniques. L'Institut catholique propose trois séminaires sur différents thèmes de la littérature rabbinique, tandis que l'Université de Strasbourg propose un programme de licence en hébreu biblique aussi bien que des cours d'hébreu post-biblique.

Il y a un nombre croissant d'étudiants en doctorat qui soutiennent des thèses en rapport avec le domaine des études juives. Ceci comprend plusieurs thèses sur l'histoire juive du dix-neuvième siècle, le développement du Sionisme, les Juifs et le roman contemporain, aussi bien que des études de la Massora et de Philon.

Le développement de l'intérêt pour les études juives en France est sans aucun doute lié à deux facteurs. L'accord Franco-Israélien de 1959 a reconnu l'hébreu comme une langue vivante. Dix années plus tard une licence d'hébreu a été instaurée et, en 1970, la maîtrise. Grâce au nouveau système de points les étudiants peuvent maintenant suivre des cours dans les différentes disciplines mentionnées plus haut et de nombreux non-Juifs aussi bien que des Juifs sont attirés vers ce domaine.

Belgique

Fondé en Mars 1971, « l'Institutum Judaicum » est une organisation de professeurs catholiques, protestants et juifs qui promeuvent des cours et des séminaires sur les études juives. Cet organisme publie une liste annuelle des cours donnés aux différents niveaux sur les études juives et talmudiques, ainsi qu'une bibliographie des oeuvres judaïques et talmudiques disponibles en Belgique.

Selon le rapport de 1971, les programmes de séminaires sur les études juives et bibliques sont notablement faibles dans leur présentation de l'histoire, de la littérature et de la pensée post exilique. Les cours sur les études juives, en fait, ne sont pas donnés habituellement dans les séminaires bien qu'il y ait des programmes d'exégèse biblique. Cependant, même dans les séances d'Ecriture Sainte, en général les textes ne sont pas étudiés dans l'original hébreu.

Les possibilités de poursuivre des études juives sont un peu plus variées dans les universités. Là on trouve le cours habituel de langues sémitiques, l'exégèse biblique et la théologie, ainsi qu'un bon nombre de possibilités pour le Judaïsme rabbinique. Bien que les programmes belges semblent faibles dans le domaine de l'hébreu plus tardif et de la pensée, l'Université Libre de Bruxelles présente un programme plus étendu qui comprend une étude du Judaïsme à partir du point de vue phénoménologique, philosophique, sociologique, historique et littéraire.

L'Institutum Judaicum assure aux franco-phones et aux flamingants des groupes de travail inter-universités pour l'étude de la Mishna. Ces groupes se rencontrent tous les quinze jours et rassemblent des professeurs des différentes universités. Dans la ligne de son but d'encourager l'intérêt et de promouvoir l'établissement de chaires d'études juives, l'Institutum Judaicum a donné la priorité à la création de deux cours: 1) une étude du commentaire rabbinique sur la Torah; 2) une étude de la Mishna et du Talmud et de leurs commentaires. Des projets sont en cours également pour un centre de documentation et de recherche qui pourrait assurer la recherche dans la littérature et la tradition juives, ainsi qu'un essai de collaboration plus étroite, dans les études juives et bibliques, entre les facultés de théologie et la philosophie et les lettres. L'existence d'une telle organisation augure bien de l'avenir des études juives en Belgique.

Allemagne

Des cours sur les études juives sont offerts dans dix-sept universités allemandes. Très souvent ces cours sont en rapport avec les études bibliques. Ainsi de nombreuses facultés de théologie et de philosophie offrent à leurs étudiants l'occasion d'une investigation du Judaïsme rabbinique et hellénistique. Le niveau de connaissance exigé des étudiants par ces cours est variable, et il est possible de prendre une introduction générale à la littérature rabbinique ou un cours plus spécialisé sur un sujet tel que les sentences midrachiques de Rabbi Eliézer ou le commentaire du pentateuque d'Abraham Ibn Esra. Il y a une certaine somme d'intérêt pour le Judaïsme hellénistique comme le montre à l'évidence l'existence de cours sur la pensée philosophique et les textes gnostiques.

L'intérêt des Allemands pour le Judaïsme semble s'étendre au delà des périodes bibliques et rabbiniques; et les étudiants semblent être attirés dans le sens d'une étude du Judaïsme pour lui-même. On trouve souvent des cours sur l'histoire, la liturgie et la littérature juive. Ces cours recouvrent un large éventail de sujets depuis les légendes hassidiques jusqu'à une étude sociologique du Judaïsme américain.

La présence d'une si grande variété de cours au niveau universitaire est encourageante. Cependant, on doit préciser cette présentation. Les cours sont habituellement courts (un ou deux semestres). Ils sont offerts par les facultés de théologie, de philosophie et d'histoire et sont souvent enseignés par des professeurs non-juifs et non spécialisés en études juives. Néanmoins, un certain nombre d'étudiants sont atteints par ces efforts.

Angleterre

Quoique l'on ne puisse pas dire actuellement qu'il y ait eu un accroissement dans le développement des études juives en Grande Bretagne, il y a une certaine somme d'activité significative. A quelques exceptions près, il semble qu'il y ait peu d'intérêt pour une étude du Judaïsme contemporain. Il y a, très grand cependant, un intérêt pour e Judaïsme inter-testamentaire et rabbinique.

Les étudiants anglais peuvent poursuivre leurs études dans ce domaine selon un programme d'études de l'Ancien ou du Nouveau Testament, aussi bien qu'en langues sémitiques. Dans ces programmes des cours spéciaux sont offerts sur les Apocryphes, Qumran également et la littérature rabbinique (New College-Université d'Edimbourg). Comme on peut s'y attendre le niveau d'intérêt est variable. Ainsi un étudiant note que, alors qu'il a beaucoup de travail réalisé sur le Nouveau Testament à Cambridge, parmi les étudiants il y a comparativement peu d'investigation dans le background juif. Cependant certains des professeurs qui sont là se tournent eux-mêmes explicitement vers cette question. Le programme de théologie « undergraduate » à Oxford donne une place importante aux études bibliques et quelques étudiants suivent des conférences sur le premier siècle de l'histoire juive et les commencements du Christianisme. Des étudiants diplômés ont la possibilité de séminaires sur les différentes périodes de l'histoire et de la géographie du Moyen Orient.

Les programmes de langues bibliques aussi offrent aux étudiants l'occasion d'étudier des textes de toutes les périodes et de tous les genres littéraires. Ainsi, un étudiant suivant un cours d'hébreu post-biblique devra examiner soigneusement les Pirke Aboth. Un cours de théologie biblique doit inclure une étude de textes de la Sagesse ou de la littérature apocalyptique. Le professeur de grec du Nouveau Testament, sensible à la question, traite de la même manière l'exégèse d'un texte en référence à Qumran, aux textes apocalyptiques et apocryphes, aussi bien qu'aux écrits rabbiniques.

On souhaite vivement que l'intérêt pour les études juives s'épanouisse dans un pays qui a donné R. Travers Herford, Canon George Danby et James Parkes au monde de la science.

U. S. A.

L'intérêt pour les études juives s'est accru à un niveau d'envergure nationale, cela est évident si l'on parcourt d'un rapide coup d'oeil la liste de plus de cent quatre vingt cinq universités, collèges et séminaires qui proposent des cours sur les études juives.

Certaines universités de ce pays ont été longtemps remarquées pour leurs contributions dans ce domaine (Colombia, Harvard, l'Université de Chicago). Ces dernières années, cet intérêt s'est répandu davantage. Les universités d'état telles que l'Université de New York ou U.C.L.A. (L'Université de Californie à Los Angeles) aussi bien que des institutions privées plus petites, offrent à leurs étudiants l'occasion d'approfondir leurs connaissances du Judaïsme. Dans quelques cas, les étudiants peuvent suivre un ou deux cours. D'autres institutions accordent aux étudiants la possibilité de se spécialiser dans ce domaine.

Un développement connexe ce sont les nombreux séminaires et ateliers proposés durant les vacances d'été aussi bien que pendant l'année académique. La ligue anti-diffamation B'nai B'rith a été particulièrement active dans ce domaine, en prenant en co-responsabilité, avec les collèges catholiques et les universités, les Instituts Menorah aussi bien que des sessions d'étude plus courtes.

Il y a un point important à noter. Les professeurs de religion deviennent de plus en plus conscients du fait que la connaissance de la vie et de la pensée juives est essentielle pour une étude du Nouveau Testament et pour la compréhension de l'Eglise par elle-même. Ils sont aussi devenus plus sensibles à la valeur du Judaïsme en soi. Cette intelligence plus profonde est illustrée par le fait que des étudiants ont la possibilité d'étudier non seulement le Judaïsme normatif des Orthodoxes mais aussi les autres aspects de la constitution de la vie et de la pensée juives: le Talmud, la langue hébraïque, les différents courants de la pensée juive à travers les âges.

Il y a de nombreux facteurs à l'oeuvre dans cet éveil croissant. Il y a, naturellement, la reviviscence parmi les jeunes de l'intérêt pour les valeurs spirituelles explicites, un intérêt qui peut se traduire par des études sérieuses. Il y a aussi une conscience croissante parmi les Américains de la richesse de l'héritage des nombreux groupes ethniques de ce pays. En dépit de tensions et de confrontations — et parfois de régressions — de nombreux Américains ont été sensibilisés à la présence des différents groupes minoritaires. Ainsi un intérêt croissant pour les choses juives. Le second Concile du Vatican et le renouveau des études bibliques ont joué un rôle majeur dans l'éveil des Catholiques pour une reconnaissance des valeurs de la Tradition Juive.

En face des promesses contenues dans ce développement, il y a un certain nombre de problèmes. Parmi ceux-ci, surtout, le manque de personnel suffisamment formé. Pour beaucoup d'étudiants,l'intérêt pour le Judaïsme et les rapports judéo-chrétiens est passé au second plan à cause des grands problèmes sociaux. La crise économique du pays a abouti à une diminution des fonds pour les projets éducatifs, et les étudiants et les professeurs de quelques universités d'Etat ont trouvé difficile de persuader les administrateurs que de tels cours sont parmi les priorités quant à l'aide financière gouvernementale nécessaire pour l'établissement d'une chaire d'université sur le campus de l'Etat. Des institutions privées ont trouvé difficile, sinon impossible, de payer des professeurs en plus ou d'organiser des bibliothèques pour les cours d'études juives.

On ne peut absolument pas trouver des secteurs d'études juives et des chaires d'enseignement dans la majorité des collèges et universités de ce pays (moins de 8%). Cependant, l'intérêt en cours est un signe plein d'espérance que les étudiants atteints à travers ces programmes puissent acquérir une base solide pour une plus profonde sensibilité aux valeurs de la vie et de la pensée juives qui influencent toute la société occidentale, même si cela est seulement implicite.

Conclusion

Si la dernière moitié du vingtième siècle est un temps marqué par la confrontation et la lutte, elle est aussi caractérisée par un désir angoissé de paix et de compréhension parmi tous les hommes de bonne volonté. L'université reflète le climat de la société qu'elle sert, aussi bien qu'elle agit comme catalyseur. Ainsi un intérêt croissant pour les études juives reflète ce désir de rapprochement et d'unité dans une culture obsédée par les problèmes de la guerre, de la pauvreté et de l'inquiétude sociale. On peut espérer, que d'une manière modeste, cette sensibilité qui s'approfondit porte avec elle les semences de la réconciliation dans un âge de tension et de conflit.

 

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