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Discussion après la conférence de Rabbi Marcus
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Cette discussion a porté essentiellement sur les renouvellements de l'Alliance, la Nouvelle Alliance et, dans un contexte plus large, sur la Création, l'Alliance et la Mission. En voici les points saillants:
Renouvellement de l'alliance et Nouvelle alliance
1. Le pardon des péchés (cf Jérémie 31,31) est très important dans la compréhension chrétienne de la Nouvelle alliance. On s'est demandé si le fait que l'alliance du Sinaï ait été renouvelée après l'épisode du veau d'or (Ex 32-34) impliquait, pour le judaïsme, que la « nouvelle alliance » soit liée au pardon des péchés; et si le peuple juif vivait sous l'alliance du Sinaï ou sous cette alliance renouvelée qui est liée au pardon des péchés.
— Rabbi Marcus cita une tradition juive décrivant les désastres qui accompagnèrent l'épisode du Veau d'or et la rupture des tables de l'alliance, mais ne parlant nullement d'une rupture de l'alliance et de l'instauration d'une autre, de moindre importance. Il y a eu certes un renouvellement de l'alliance, mais ce fut une réaffirmation qui permit de mieux comprendre la signification de celle-ci. Il devint clair que l'alliance impliquait nécessairement le pardon. Chacun des renouvellements a ouvert de nouvelles perspectives, mais l'essentiel de l'alliance consiste dans la Torah et la Tehuva qui inclut une réponse divine: le pardon. Celle-ci a été établie avant même la création du monde, et ce dernier ne peut subsister en dehors d'elle.
2. On s'est demandé aussi s'il n'y avait pas, dans la vie juive, des époques (des moments de crise peut-être) où l'expérience faite par le peuple était exprimée en termes de renouvellement d'alliance — en Néhémie 8-10 par exemple. Esdras, tel un nouveau Moïse, renouvelle là l'alliance et l'élargit: on y lit une longue priére de confession des péchés et le rappel des événements historiques. Le peuple s'engage à vivre selon la Loi de Dieu; suit alors l'affirmation que « Israël n'avait pas fait cela depuis les jours de Josué ». De même, dans le récit de révélation apocalyptique qui se trouve en Esdras IV, une voix se fait entendre venant d'un buisson: « Esdras, Esdras », et la réponse est: « Me voici, Seigneur! » La voix continue: « Je me suis révélé dans un buisson et j'ai parlé d Moïse... » La révélation apocalyptique est présentée comme une continuation de la révélation du Sinaï, comme un midrash de l'Exode.
— Dans sa réponse, M. Marcus fit référence à Ben Sira (ch. 44) qui présente les grandes figures d'Israël dans un contexte d'alliance. Si Israël n'observe pas la Torah, nous dit-il, il souffrira, mais cela n'annule pas l'alliance: peut-être va-t-elle rester en suspens, mais il est toujours possible de revenir à Dieu (cf. le 2ème paragraphe du Shema). Les portes de la Teshuva ne sont jamais closes; il est toujours possible de recommencer, et le renouvellement se fera.
Création, Alliance et Mission
1. La remarque de M. Marcus: « L'Alliance est la structure extérieure, la Torah est le coeur » rappelle celle de Karl Barth: « La Création est le cadre extérieur; l'Alliance est le coeur » (Dogmatique de l'Eglise). Cela pose la question du lien entre Alliance et Création dans le judaïsme.
— M. Marcus confirme qu'il existe un lien entre Création, Alliance et Torah, et cite deux maximes de la tradition juive: « La Torah est préexistante à la Création » et « la Création existe en vue de la Torah ». Mais comme de telles formules risquent d'exclure une grande partie de l'humanité, M. Marcus préfère voir la création comme le cadre de diverses alliances dont l'une (celle du judaïsme) s'accomplit dans la Torah.
2. Cela nous a amenés à observer que si la Bible conçoit l'expérience de l'Exode comme pouvant être vécue par d'autres peuples (Amos 9, 7), il n'en est pas de même pour l'alliance. Et pourtant, si l'on considère les textes ayant trait au Pèlerinage
des nations à Sion à la fin des temps, ce que Dieu fait avec le peuple d'Israël est important pour toute l'humanité.
3. La question a été posée de savoir si la Torah comportait le devoir de faire connaître l'alliance et si elle impliquait une mission envers l'humanité. Si les souffrances et les injustices viennent du fait que les mitzvot n'ont pas été observées, qu'est-ce que cela suppose en ce qui concerne la mission et la tâche commune des juifs et des chrétiens dans le monde?
— Rabbi Marcus dit encore une fois que si Israël n'observe pas la Torah, il lui faut souffrir, mais que l'alliance n'est pas pour autant abolie. Il lui semble très probable qu'il existe d'autres alliances qui ne sont pas mentionnées dans la Bible: il y est question aussi bien de l'alliance conclue pour l'humanité avec les fils de Noé que de l'alliance avec Israël. Peut-être existe-t-il, dans le cadre de l'alliance avec Noé, une responsabilité envers la création et un devoir de contribuer à l'instauration des temps messianiques.
En ce qui concerne la mission, les juifs ont conscience d'être une lumière pour les nations; cela peut se réaliser soit en amenant les autres à réfléchir et à trouver leur chemin vers Dieu, soit par la montée des nations au Mont Sion selon la vision d'Isaïe, soit encore parce que l'exemple du peuple juif dans sa relation à Dieu peut pousser les autres à découvrir une relation à Dieu qui leur soit propre.
4. Rabbi Norman Salomon intervint pour faire remarquer que peut-être notre discussion sur l'alliance masquait un problème différent que nous nous efforcions de traiter dans ces discussions. C'est sans doute parce que nous sommes mal à l'aise, malheureux du fait des revendications excessives exprimées de part et d'autre et aussi de la tendance qu'ont nos religions à affirmer qu'elles possèdent seules la vérité, que nous cherchons des chemins permettant de nous embrasser mutuellement... Il nous faut donc essayer de découvrir l'objet réel de cette discussion.
Nous pourrions examiner attentivement la manière dont est utilisé le mot ainsi que le concept d'alliance dans nos deux traditions; et peut-être ne devrions-nous pas nous en tenir trop strictement au terme d'alliance, mais examiner d'autres termes sous lesquels s'exprime la même réalité, c'est-à-dire nous attacher au concept plutôt qu'au mot lui-même.