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SIDIC Periodical XXVII - 1994/2
Le nouveau catéchisme catholique et les juifs (Pages 25 - 27)

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Ratisbonne - Un Centre Chrétien d'études Juives à Jérusalem
Pierre Lenhardt et Manreena Fritz

 

Le SIDIC nous demande de parler du Centre chrétien d'études juives où nous vivons et enseignons depuis de nombreuses années. Nous répondons très volontiers à cette demande qui nous donne l'occasion de préciser le but de ce Centre, son programme, ses difficultés et son espérance.

Le but:
Le but de notre entreprise est indiqué par son nom: Centre chrétien d'études juives — St Pierre de Sion (Ratisbonne), nom qui peut paraître trop long, mais qui se justifie, comme nous allons essayer de le montrer.
Commençons par la fin: St Pierre de Sion (Ratisbonne). Etant l'un, religieux, et l'autre, religieuse, de Notre Dame de Sion, nous voyons une bonne continuité dans le maintien du nom et du patronage d'origine. Les religieux de N.D. de Sion, aidés par les religieuses de N.D. de Sion, ont fondé la maison St Pierre de Sion qui s'est transformée en Centre d'études juives. Le maintien, entre parenthèses, du nom de Ratisbonne rappelle les fondateurs de nos congrégations, dont on sait qu'ils étaient juifs, qu'ils étaient devenus prêtres catholiques et qu'ils avaient fondé la famille religieuse de Notre Dame de Sion avec comme but apostolique la conversion des juifs. Maintenir le nom de Ratisbonne n'est pas persévérer dans l'intention de convertir les juifs. Les religieux et les religieuses ont explicitement éliminé cette finalité de leurs constitutions, et c'est précisément parce qu'ils l'ont éliminée qu'ils ne veulent ni oublier, ni dissimuler l'origine par rapport à laquelle ils ont changé et évolué. Il s'agit bien de se reconnaître comme héritiers d'un passé dont on est tenu d'assumer les conséquences pour les réparer, et dont il faut reprendre les données pour les transformer. Les données positives de ce passé doivent être main tenues: le goût de la Parole de Dieu dans l'Ecriture, l'amitié profonde pour le peuple juif, la communion à ses peines et à ses joies, la lutte contre l'antisémitisme. Il manquait l'appréciation de sa vie religieuse, de son témoignage de vie et de fidélité à l'alliance, de sa recherche authentique de Dieu dans l'étude, la prière, et la pratique des commandements, de son retour à Dieu et à Sion dans la repentance et dans l'attente messianique. Le rappel de l'origine et de la nécessité du changement par rapport à cette origine nous sont donnés par Saint Pierre de Sion (Ratisbonne). Nous préférons avoir parfois quelques difficultés avec certains amis juifs plutôt que d'oublier ou renier le passé.

La transformation dont nous venons de parler nous permet d'expliciter maintenant le but du Centre chrétien d'études juives ». Il s'agit d'études juives qui portent avant tout sur la Tradition vivante d'Israël telle que les juifs l'étudient et l'enseignent pour la vivre. Ceci suppose la médiation des maîtres juifs qui nous ont enseigné, qui nous enseignent encore et qui soutiennent notre enseignement. Un tel appui est nécessaire parce que la Tradition d'Israël, selon les maîtres pharisiens et leurs successeurs jusqu'à aujourd'hui, est Torah orale, Parole de Dieu qui se transmet de maître à élève. Dans cette relation de disciple chrétien à maître juif nous retrouvons la valeur de notre Tradition chrétienne qui, en Jésus-Christ, notre Maître, se nourrit de la Tradition d'Israël.

Nous passons ainsi au caractère chrétien de notre Centre. Ce Centre est chrétien parce que nous voulons précisément que notre Eglise retrouve un élément constitutif fondamental du patrimoine commun au peuple chrétien et au peuple juif: la Tradition comme Parole de Dieu orale, qui est une avec la Parole de Dieu écrite, avec l'Ecriture. Nous étudions en chrétiens la Tradition d'Israël parce qu'en elle nous nourrissons de l'intérieur la Tradition chrétienne dont nous sommes responsables.

Le programme

Le programme découle du but défini ci-dessus. Il se divise en programme de langue française et programme de langue anglaise, en attendant l'ouverture à d'autres langues. Il se réalise en une ou plusieurs années.

Depuis 1985, sous l'impulsion du Cardinal Lustiger, l'Institut Catholique de Paris a pris la responsabilité académique de notre Centre. Le programme de langue française est donc placé sous le patronage de la Faculté de Théologie de l'Institut Catholique de Paris, tandis que le programme de langue anglaise est attaché à la Toronto School of Theology de l'University of St Michael's College. Les étudiants que répondent aux critèresrequis par ces Facultés peuvent viser, dès la première année, les validations académiques garanties par elles.

La première année d'études, après une introduction aux fêtes juives de l'automne, Rosh haShanah, Kippur, Sukkot et Simhat Torah, comporte un Ire semestre, d'octobre à janvier, et un 2e semestre, de février à juin. Le premier semestre met l'accent sur l'apprentissage de l'hébreu et sur la connaissance du pays, mais comporte déjà des cours d'introduction au judaïsme et à la lecture du Nouveau Testament situé dans son contexte juif.

Le 2e semestre propose surtout des études de textes faites à partir de l'original dans les domaines principaux où s'exprime la Tradition d'Israël: Prière, Rashi (commentaire de l'Ecriture), Midrash et Talmud. Des conférences, le plus souvent données par des maîtres juifs, éclairent certains aspects de la Tradition et de l'histoire d'Israël, font rencontrer l'insondable réalité de la Shoah, permettent de suivre l'actualité politique, sociale et religieuse du peuple juif en Terre d'Israël.

Ces études juives sont situées dans le cadre d'une réflexion chrétienne. Celle-ci est organiquement soutenue par des cours et séminaires de théologie biblique et de théologie dogmatique donnés par des professeurs chrétiens compétents, résidant à Jérusalem ou invités.

La première année n'est qu'un début. Nous souhaitons qu'elle soit suivie d'une et de plusieurs autres années sans lesquelles nous ne pourrions espérer de relève pour notre Centre. De ce point de vue, les quelques étudiants qui sont en 2e, 3e, 4e, voire en 5e ou 6e année, et qui commencent déjà à enseigner, constituent déjà l'avenir du Centre.

Les difficultés et l'espérance

Nos études se font en pleine conformité avec les orientations de l'Eglise et elles sont soutenues par des facultés de théologie dont le nombre s'accroît. Elles reçoivent donc déjà de bons encouragements. Il faut cependant faire mieux encore et propager davantage les études juives dans les facultés de théologie, dans les séminaires, dans les congrégations religieuses et dans les diocèses. Ces études ne sont pas seulement bonnes pour quelques spécialistes, elles sont nourrissantes pour tous les chrétiens. La bataille est bien engagée, niais elle n'est pas gagnée.

Nous devons aussi parler de la difficulté fondamentale qui reste attachée à ces études juives faites par des chrétiens. Comment écouter, de maîtres juifs, la Tradition d'Israël et comment la recevoir en chrétiens sans la déformer, sans la transformer, sans la « récupérer »? Cette difficulté est très précisément la nôtre, à nous, maîtres chrétiens du Centre, chargés de faciliter et de soutenir les études juives de nos étudiants chrétiens.

La solution n'est pas de se réfugier dans une « neutralité académique », selon laquelle nos maîtres juifs et nos étudiants chrétiens ne s'occuperaient que d'une certaine « science du judaïsme » telle qu'on la proposait, au siècle dernier, dans certains milieux « scientifiques » en Allemagne.

En réalité, il n'y a pas de solution toute faite. La relation entre juifs et chrétiens est complexe. Elle n'est pas symétrique. Elle demande une mutuelle, — non symétrique —, connaissance et confiance. La confiance, toujours nécessaire, mais particulièrement nécessaire quand il s'agit de Torah orale, s'établit dans le temps et s'approfondit dans une pratique qui n'est pas toujours facile. Il nous est arrivé, au début de la vie du Centre, de demander à nos maîtres juifs l'autorisation d'enseigner la Tradition d'Israël à des chrétiens. Une telle autorisation nous a toujours été donnée. Nous ne la considérons cependant pas comme générale et automatique, et nous nous regardons comme toujours tenus de la mériter. Ce souci concerne surtout la première année de notre programme dans laquelle, nous l'avons vu, l'enseignement des maîtres chrétiens est prépondérant.

Pour les années suivantes, l'enseignement étant reçu principalement de maîtres juifs, la difficultéest moins grande, mais elle ne disparaît pas. La vigilance et la critique demeurent donc nécessaires.

L'exigence dont nous venons de parler ne doit pas freiner notre travail, mais plutôt stimuler notre créativité. Nous devons en effet, par l'étude et par l'enseignement, contribuer activement à un progrès qui se poursuit et dont fait état le récent accord conclu entre le Saint Siège et l'Etat d'Israël. Dans le préambule de cet accord, signé les 30 et 31 décembre 1993, les parties mentionnent « le processus historique de réconciliation et de croissance dans la compréhension et l'amitié mutuelles entre les catholiques et les juifs ».

Nous voulons que cette croissance soit réelle, irréversible. Nous nous réjouissons que les autorités de l'Eglise non seulement invitent à connaître le judaïsme, mais entrent dans une relation qui accepte l'existence réelle du peuple juif en Terre d'Israël, dans le cadre d'un Etat qui est reconnu comme représentatif de ce peuple.

Cette nouvelle relation soutient en profondeur des études faites à Jérusalem de laquelle « vient la Parole du Seigneur » (Is 2,3). De manière concrète, Ratisbonne a reçu, au début de mars 1994, la visite du Cardinal Ratzinger et de Mgr Sabbah, Patriarche Latin de Jérusalem. Les encouragements reçus à cette occasion ont été complétés par ceux du Cardinal Martini, venu lui aussi à Jérusalem pour une conférence internationale qui réunissait des autorités spirituelles juives et chrétiennes.

Notre Centre bénéficie donc d'un concours de circonstances que nous interprétons comme un « signe des temps ». Les encouragements reçus se transforment déjà en réalité. Une de ces réalités est la nomination, effective depuis janvier 1994, de Monseigneur Pier Francesco Fumagalli, du diocèse de Milan, comme Directeur académique du Centre. Nous savons l'amour du Cardinal Martini pour Jérusalem et pour le peuple juif. Nous lui sommes reconnaissants d'avoir rendu Monseigneur Fumagalli disponible pour Ratisbonne. Nous portons avec lui l'espérance d'une juste paix entre arabes et juifs.

 

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