Other articles from this issue | Version in English | Version in French
Recensions d'articles
La rédaction
Le numéro de janvier 1967 de "Bible et Terre Sainte" examine les institutions juives et chrétiennes révélées par les fouilles de Dura Euro pos dans lEst de la Syrie. Le supplément de la même revue, "La Bible dans notre vie" est consacré au judaïsme actuel. Il comprend un article d'Armand Alucorris sur la spiritualité juive et la recension, par T. Federici, de plusieurs livres qui traitent des relations judéo-chrétiennes. Le P. J. P. Lichtenberg donne quelques directives en vue d'un dialogue judéo-chrétien.
L. Frizzell
CONTENU ET PORTEE DE LA DECLARATION CONCILIAIRE SUR TES JUIFS
J. P. Lichtenberg, o. p,
Nouvelle Revue Théologique, Mars 1966 p. 225-248
Le commentaire du P. Lichtenberg, de Strasbourg, est Un des meilleurs et des plus extensifs parmi ceux qui ont paru récemment, à la suite de la promulgation de la Déclaration sur les Religions non-chrétiennes. Le fait d'avoir placé cette déclaration dans le document sur les religions non-chrétiennes "a sans doute l'avantage de l'insérer dans un cadre plus vaste, mais il a l'inconvénient de mettre la religions juive -religion révélée- sur le même' pied que lés religions non révélées" Les vicissitudes par lesquelles là déclaration a dû passer pendant le Concile "montrent la complexité du problème théologique soulevé par l'existence d'Israël et par sa situation exacte par rapport à l'Eglise."
Ces constatations énoncées dès les premiers paragraphes donnent bien le ton d'une réflexion fondée sur l'étude exhaustive des thèmes de la Déclaration. L'auteur indique un certain nombre de points qui devraient être approfondis sur le plan théologique ; puis il fournit une critique des tentatives déjà faites peur résoudre certaines questions fondamentales dans ce secteur des relations oecuméniques. Pour finir, il s'étend sur le rôle. du peuple juif dans la Crucifixion, examinant la Passion de Jésus des points de vue historique, exégétique et théologique.
"Même si le texte actuel est en léger recul sur le texte antérieur, il est finalement positif. La Déclaration constitue en effet une sorte de charte nouvelle de l'attitude chrétienne envers lés juifs qui partagent avec nous un patrimoine commun. Elle manifeste un désir : celui du dialogue et de l'estime. La portée d'un tel document est immense, mais elle ne.se mesurera:qu% la mise en oeuvre de'ses applications concrètes, aussi bien dans le domaine des consciences que dans' celui des institutions, aussi bien sur le,. terrain l'enseignement que Sur celui du dialogue réel avec l'autre, dans l'esprit d'ouverture et de charité qui fut Celui de Jean XXIII".
L'éditorial du numéro de novembre 1966 de "L'Arche" posé la question suivante
"Y a-t-il vraiment quelque chose de changé depuis Vatican II entre les catholiques et nous ?"
Ce même numéro contient deux intéressants articles au sujet du Concile.
Dans un article intitulé : "Mon Curé après le Concile"., Arnold Mendel a interviewé un prêtre de paroisse dans la région parisienne. Dans son effort pour découvrir l'attitude des catholiques au niveau "de la rue", il laisse entendre que ce prêtre a quelque peu assimilé le nouvel esprit mais qu'un grand effort de pensée reste encore à accomplir.
Paul DeMann.établit une comparaison entre le Message de Seelisberg et la Déclaration de Vatican II. Comme l'indique le titre "De Seelisberg à Vatican II", l'auteur se proposé de noter :
- des indices de l'influence de Seelisberg sur les discussions et les décisions du Concile ;
- les analogies entre le Message et la Déclaration.
Il pense que les dix Points et le "réservoir" d'où ils furent tirés (les travaux de Jules Isaac) ont joué un grand rôle pour préparer les évêques et les théologiens de Vatican II à aborder les questions délicates traitées par la Déclaration sur les Religions non-chrétiennes. Dans son en-semble, la Déclaration correspond à l'invitation : "non seulement... combattre l'antisémitisme, mais encore... encourager les bonnes relations judéo-chrétiennes".
Le Côté positif de la Déclaration, comparé au ton, négatif du Message de Seelisberg, peut être considéré comme:: le résultat de 18:années d'effort, d'évolution et de progrès.
Le numéro d'octobre 1966 de "Concilium" (sur le Droit Canon) est consacré à la "Liberté Religieuse" et contient un exposé du Rabbin Arthur Gilbert intitulé : "La Liberté Religieuse dans la Tradition et l'Expé rience juives".
Le Rabbin Gilbert présente d'abord les réponses des Rabbins de la période talmudique à ce paradoxe qu'il faut servir Dieu enrayant cepen dant le droit de le faire librement.
Avant de donner un bref aperçu de la pensée et de l'expérience juives au Moyen Age et dans les Temps Modernes, le Rabbin Gilbert reconnaît que "la tradition juive ne peut offrir que des réponses partielles à de telles questions (relations entre l'Eglise et l'Etat), vu que l'expérience Juive a été très limitée':. (p. 14 b)
Après avoir souligné certains points de la Déclaration conciliaire auxquels les juifs peuvent souscrire ou non, il s'exprime en ces termes :
"La Déelaration de l'Eglise catholique sur la Liberté religieuse offre, à mon avis, la solution la plus constructive pour résoudre la tension due à trois facteurs
-. d'abord le droit absolu à la liberté de conscience_
- ensuite le devoir de l'Etat de légiférer sur des questions morales affectant le bon ordre général,
enfin le rôle de chaque religion de rallier tous les hommes à sa révélation particulière."
L. Frizzell
Dans un discours adressé à la Conférence Internationale : "Les conclusions théologiques de Vatican II", tenue à l'Université Notre Dame, U. S. A., du 19 au 26 mars 1966, le Père Thomas Stransky C. S. P., a mis en relief les fondements historiques et théologiques de la Déclaration sur les relations de l'Eglise avec les religions non-chrétiennes".
La Déclaration reconnaît que tous les hommes sont unis par des. aspirations religieuses qui s'expriment au sein de multiples "confessions". L'affirmation que les valeurs spirituelles et morales des autres religions fournissent. un terrain fertile au dialogue constitue un trait saillant de la ,Déclaration.
"L'Eglise rend hommage à l'oeuvre de la Grâce de Dieu parmi tous les hommes en tous lieuxet en tous temps. Elle ne se ,contente pasde:tolérer, elle respecte, tous les hommes qui, hors des murs del'Eglise, dans • leur recherche de la Vérité absolue 'élèvent leurs coeurs vers le Dieu vivant".
En ce qui concerne le chapitre 1 de la Déclaration il a fallu plusieurs amendement pour éclaircir et mettre en relief d'une part les prémices théologiques sur lesquels se base la Déclaration et d'autre part les conclusions que l'on on peut tirer, même au stade actuel encore embryonnaire de la question.
Pour terminer, le conférencier propose quelques "problèmes" qui _peuvent être mieux compris, grâce .à une étude plus approfondie de la part de théologiens compétents susceptibles de s'y intéresser :
"Quelle est la destinée eschatologique des juifs par rapport à la nature de leur élection permanente ? (la nature de cette permanence ? la valeur des dons irrévocables de Dieu et par conséquent, la valeur des juifs en eux-mêmes ?) et par rapport à l'universalité de l'Eglise, incomplète et blessée tant que le "proto-schisme" n'est pas cicatrisé ?
Quelle est la nature de cette espérance messianique et eschatologique commune aux juifs et aux chrétiens, malgré la manière profondément' différente dont se réalise pour eux le grand Evenement ?"
Tt ... Quelle différence y .a-t-il entre l'antisémitisme idéologique et la polémique des Evangélistes : Mathieu et Jean surtout tendent à justifier les disciples, en accusant de plus en plus les juifs à mesure qu'ils excusent de plus en plus les Romains ? Qui sont "les juifs" accusés par les Evangélistes et qui représentent--ils ? Quelle est, par exemple, la typologie des "juifs" dans l'Evangile de Jean ?"
"Jusqu'à quel point l'antisémitisme idéologique est-il une hérésie ? Quelle est la nature de la culpabilité spécifique des chrétiens (et de l'Eglise) pour la manière dont elle e traité les juifs dans le passé ?"
JEWISH CHRONICLE
Quand on parle des réactions juives il faut donner une place particulière au Jewish Chronicle de Londres. Cet hebdomadaire a suivi de très près la marche du Concile et de la pensée catholique. On trouve des exemples de ces réactions à la Déclaration, juste avant ou après sa promulgation, dans les articles qui y ont paru périodiquement entre janvier et décembre 1965. Dès le mois d'avril, y apparatt le pressentiment qu'il y aurait une révision drastique du document en faveur de ceux qui désiraient en voir la suppression complète ou du moins l'affaiblissement.
"Des bruits selon lesquels le schéma du Concile oecuménique sûr les rapports entre l'Eglise catholique et les juifs a rencontré de nouvelles et sérieuses oppositions à l'intérieur de l'Eglise ont provoqué l'expression du regret, de la déception et de la tristesse des représentants du judarsme" (3/4/65) *Débats Orageux attendus à propos du document" (3/4/65). "Cha pitre juif sujet à de fortes pressions" (17/9/65).
Ces pressentiments semblaient fondés par des faits tels que le sermon du Pape au dimanche de la Passion, la visite au Vatican du Président du Liban, Ch. Hélou (17/9/65) et une déclaration équivoque du Cardinal DUpfner, en septembre, selon laquelle "la nouvelle formulation supprimerait toute incertitude aussi bien quant à la substance doctrinale qu'à la signification de la Déclaration pour le monde, en particulier pour le monde arabe". (19/9/65)
Plusieurs articles attirèrent l'attention sur la forte pression arabe pour faire supprimer complètement la Déclaration ou du moins, pour la faire considérablement modifier.
A mesure qu'approchait le mois d'octobre la tension montait : "pression arabe pour stopper le schéma" (4/6/65)
"Le Pape recherche l'unanimité" (22/10/65, avant le vote final du Concile) > "Le Vatican divisé jusqu'à la dernière minute" (15/10/65) "Regrets juifs pour le manque de précision du texte" (8/10/65)/
Plusieurs articles mentionnèrent avec crainte Mgr Carli, Evêque de Segni, et d'autres prélats du Vatican dits "dé droite", comme responsables de ce que serait la formulation finale. L'optimisme rayonnant du Cardinal Heenan avant le vote ("Je nP petik que dire qu'il s'agit d'un document magnifique et qu'il sera accepté par une majorité écrasante") n'agissai• qu'assez faiblement comme catalyseur.
Après la Déclaration le public se montra déçu et assez réservé : "... Les réactions des juifs surtout furent tièdes..." (Zachariah Schuster, 12/11/65). Pour tirer le meilleur parti possible de la situation, les aspects positifs furent soulignés. Bien que la rédaction finale eût perdu la chaleur des schémas précédents, l'opinion publique la considéra cependant comme un pas en avant, une porte ouverte, une invitation à continuer les efforts. Sa valeur finale résiderait dans ses effets pratiques sur la catéchèse, l'exégèse scriptuaire et la formation morale. Ces pensées furent résumées dans un court éditorial daté du 3 novembre 1965 "... Les opinions au sujet de la Déclaration sur les non 'chrétiens, juifs compris, seront évidemment diverses ° mais aucun observateur objectif ne peut nier que l'Eglise catholique, dans son ensemble, ne regarde avec sévérité et ses rapports passés, et son attitude future à l'égard des juifs. C'est cepen dant sur son efficacité dans le domaine essentiel de l'application que sera jugée la hiérarchie catholique". Et plus loin : "Reste à voir quelle sera l'efficience de l'esprit du Concile et de son initiateur; le Pape Jean, et de l'influence du Vatican. C'est ce qui constituera la. pierre de touche".