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Réponse de M. Buber au théologien K. L. Schmidt affirmant que le peuple juif est destiné à s'unir à l’Eglise"
Martin Buber
Je vis non loin de la ville de Worms, à laquelle me lie aussi une tradition ancestrale ; j'y vais de temps en temps, et quand j'y vais, ma première visite est toujours pour la cathédrale elle est d'une harmonie évidente en tous ses éléments, d'une perfection à laquelle rien n'échappe. Dans une joie parfaite, je fais le tour de la cathédrale et je la contemple.
Je me rends ensuite au cimetière fuit : c'est un ensemble de pierres inclinées, fissurées, sans forme, sans direction. Je me place au coeur de ce cimetière chaotique et, de là, j'élève mon regard vers cette harmonie merveilleuse, et il me semble élever vers l'Église les yeux d'Israël. Ici, en bas, pas l'ombre d'une forme : on n'a que les pierres et les cendres sous les pierres. On a les cendres, même si elles se sont déjà en grande partie volatilisées J'étais là, debout, j'étais lié à ces cendres et, à travers elles, aux patriarches. C'est le souvenir de l'événement vécu avec Dieu qui est donné à tout juif Cela, la perfection de la maison de Dieu chrétienne ne peut m'en détacher, rien ne peut m'écarter des temps
de Dieu avec Israël. J'étais là et j'ai tout vécu moim'âme, j'ai subi toute cette mort: toutes ces cendres, ces fissures, ces plaintes sans voix sont miennes, mais l'alliance avec moi n'a pas été dénoncée. La cathédrale est ce qu'elle est. Le cimetière est ce qu'il est mais l'alliance avec nous n'a pas été dénoncée.
Martin Buber
au Séminaire juif de Stuttgart, le 14 janvier 1933. (Théol. Blôtter 12, 1933, 272 et suiv.)