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SIDIC Periodical XXX - 1997/1
Le Séder pascal (Pages 14 - 16)

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Jésus et le Séder
J. Frank Henderson

 

Nous pouvons imaginer que Jésus a célébré le Séder tout au long de sa vie: comme enfant ou adolescent en accompagnant ses parents; comme jeune homme, puis au cours de son ministère public comme adulte en pleine maturité. Sauf en ce qui concerne les dernières années de sa vie, nous n'avons aucune preuve explicite sur ce point ou sur d'autres aspects de sa vie religieuse, mais célébrer le Séder était le fait de tout juif. La dernière Cène de Jésus peut avoir été ou n'avoir pas été un Séder: de cela nous n'avons pas de preuve décisive; mais elle a certainement eu lieu à un moment très proche de la Pâque, et elle est toute imprégnée de l'esprit de cette fête; les auteurs des Évangiles ont certainement interprété les derniers jours de Jésus en relation avec la Pâque.

Jésus a célébré et vécu la Pâque juive
Nous pouvons nous demander ce que le Séder, et la célébration de cette fête, a signifié pour Jésus, et de quelle manière, celui-ci a pu influencer sa vie. Il nous faut signaler immédiatement ici certaines réserves: tout d'abord, la célébration de la Pâque au temps de Jésus n'était pas exactement telle que nous la connaissons actuellement. La Pâque était une fête de pèlerinage durant laquelle les gens montaient à Jérusalem et l'agneau pascal était immolé dans le Temple. En outre, les savants ne sont pas d'accord sur la forme et le contenu du Séder au temps de Jésus: celui-ci s'est amplifié et développé au cours des siècles, et on ne sait pas à quoi il ressemblait exactement au premier siècle de notre ère. Les remarques qui suivent prennent néanmoins comme point de départ le Séder actuel, car sa forme fondamentale ne peut être par trop différente de son expression primitive. Il est de plus difficile, sinon impossible, de distinguer clairement le Séder et ses influences possibles de celles qu'ont pu avoir bien d'autres aspects de la vie juive. On devra donc considérer ce qui suit comme une réflexion spirituelle plutôt que comme une étude historique.
En tant que mémorial liturgique de l'Exode, le Séder a joué un rôle essentiel dans la vie religieuse de Jésus et dans son identité religieuse. En célébrant le Séder, Jésus affirmait l'Exode comme fondamental et formatif pour le peuple juif; il exprimait sa fidélité au précepte divin (Ex 12,1-20) de célébrer une des fêtes les plus importantes; il renouvelait son engagement en tant que membre du peuple juif, car ne pas célébrer le Séder équivalait à se couper du peuple. En célébrant la Pâque, Jésus renouvelait - avec la communauté - l'alliance entre Dieu et Israël conclue autrefois au temps de l'Exode.

Jésus a été marqué par l'expérience pascale, dans sa spiritualité et dans son enseignement
Dans les récits qu'ils font de la vie et du ministère de Jésus, les Évangiles mentionnent bon nombre de repas, car ils furent pour celui-ci des occasions d'enseigner, de guérir et de partager sa nourriture avec d'autres. Jésus, en cela, était influencé par le repas du Séder, mais aussi par le souper du Sabbat et même par les repas ordinaires - car, dans le judaïsme, tout repas est un acte religieux. Au cours du Séder, Jésus a fait l'expérience des festivités et de la joie, et il s'est uni aux autres pour chanter les Psaumes. Au cours de ce repas spécial, il a fait l'expérience de la communauté, des relations, de l'hospitalité et des échanges avec ceux qui partageaient entre eux les fruits de la création de Dieu et qui célébraient la libération de l'Exode. Il a connu la vie commune avec sa famille, ses amis, ses compagnons, ses disciples, ceux qui le questionnaient ou qui restaient indifférents à son message, ceux même qui désapprouvaient ses paroles et ses actes. Il a appris aussi à rejoindre, prendre dans sa sollicitude, embrasser les pauvres, les bannis, les marginaux, ceux qui étaient exclus de la société.
Au cours du Séder, le repas lui-même est précédé et suivi par le récit historique: le grand événement, l'expérience de l'Exode y est proclamée du début à la fin. L'histoire est racontée de manières diverses: sous forme de questions, de commentaires bibliques, de chants et de symboles, de manière à ce que tous les participants puissent en saisir le sens aussi profondément que possible. L'histoire est racontée particulièrement de manière à ce que les enfants puissent connaître et apprécier leur héritage. Raconter des histoires a été aussi l'une des formes essentielles du ministère de Jésus: il a raconté des histoires pour se faire comprendre des enfants et lancer un défi aux adultes, pour redonner courage et pour s'opposer, pour expliquer et poser des questions, pour éclairer et parfois obscurcir. Il a prêché une bonne nouvelle - et c'est en quoi consiste aussi le récit pascal.
Au centre du Séder se trouvent les prières du repas: la simple bénédiction sur le vin et le pain azyme au début, et la longue prière plus élaborée sur le vin à la fin. Ces prières, et d'autres du même genre ont donné à Jésus l'habitude de la prière et une certaine manière de l'aborder. En bénissant Dieu, Jésus reconnaissait sa bonté et le remerciait, et il reconnaissait aussi non seulement le don de la nourriture, mais aussi celui de la vie qui vient de Dieu. Dans ces prières il racontait - avec l'ensemble de la communauté réunie autour de la table - les actes de bonté de Dieu dans la création et tout au long de l’histoire d'Israël, et il était dans l'attente de l'accomplissement parfait du plan divin.
Le Séder communique son message non seulement par des mots, mais aussi et particulièrement par des aliments symboliques essentiels: un agneau, du pain azyme et du vin. Dans le récit de la dernière Cène particulièrement, nous apprenons comment Jésus prit du pain, puis du vin, récita la bénédiction, rompit le pain et le donna, ainsi que le vin à la communauté. Au cours de la célébration, ces aliments symboliques sont interprétés de manières diverses et frappantes. Ils ne sont par seulement nourriture et breuvage pour le corps, ils transmettent l’histoire de l'Exode sous des signes que le corps peut toucher, goûter et sentir. Jésus connaissait la valeur du vin, du pain et d'un agneau: il est fait mention de ces réalités dans les Évangiles. Dans le récit de la dernière Cène spécialement nous apprenons comment il les interprète et comment il les met en relation avec lui-même et avec sa mission.
Le Séder célèbre l'Exode non pas seulement comme un événement du passé, mais aussi comme une expérience propre à tous les participants; il est orienté aussi vers un Exode parfait et définitif dans l'avenir, lorsque le plan de Dieu sera parfaitement accompli. L'Exode est central pour l'histoire biblique entière, et non pas seulement pour la phase la plus ancienne de l’histoire d'Israël: presque chacun des actes de miséricorde et de délivrance de Dieu a été interprété en termes d'Exode. Au cours de son ministère, Jésus a agi de manière à célébrer et à transformer en une expérience actuelle les événements libérateurs de l'Exode. Il a étendu la libération de l'Exode à ceux qui étaient sous le joug de la lèpre, de la cécité, de la paralysie, des hémorragies et d'autres maladies, d'une possession (démoniaque) et de l'ignorance. Il a vécu dans la fidélité à l’alliance et dans l'attente de son parachèvement final.

Comment les chrétiens vivent l'expérience pascale
Pour les chrétiens, de nos jours, la fête de Pâques mais aussi le dimanche expriment des valeurs similaires à celles mentionnées ci-dessus. Pâques est la fête centrale dont la célébration manifeste qu'on est membre de la communauté du Christ: en l'observant, les chrétiens sont fidèles au commandement fait par Jésus de célébrer cette fête qui est son mémorial. C'est un repas rituel, célébré de manière festive, dans la joie et les chants; c'est une occasion où la communauté, dans son ensemble, devient visible. La Vigile pascale surtout est un moment consacré au récit de la grande histoire, depuis la création jusqu'à la première fête de Pâques, et cette histoire est pour tous. Nous reconnaissons actuellement que la grande prière d'action de grâce, au centre de notre Eucharistie, a des racines juives, mêmes si son histoire primitive reste un sujet très débattu par les savants: nous y remercions Dieu pour la création et pour ses nombreux dons, y compris celui de Jésus. A Pâques et à chaque Eucharistie, nous utilisons du pain et du vin pour la célébration, nous reprenons les gestes juifs de prendre, bénir, rompre et partager. Nous interprétons des aliments symboliques en relation avec Jésus, mais en nous rappelant aussi qu'ils ont leurs racines dans la Pâque juive.


*J. Frank Henderson est spécialisé dans le domaine de la liturgie. II est l'éditeur du National bulletin Liturgy du Canada. II est aussi un ami de longue date du Centre SllDIC. Cet article est traduit de l'anglais.

 

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