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Enseignement et éducation - Le Cinquième Evangile?
Mary Travers
L'enseignement chrétien a longtemps donné au 4e chant du Serviteur ou chant du Serviteur souffrant (le 52,13 - 53,12) le nom de « Cinquième Evangile». On s'est représenté souvent le prophète comme contemplant de loin Jésus, par delà les siècles (et tout ce qui allait s'y passer!), et ce dernier devant Pilate, couvert des blessures de sa flagellation, puis agonisant sur la croix, mis au tombeau et ressuscitant finalement, vainqueur du péché et de la mort. Comme tout cela était merveilleux et simple! mais comme trop d'approches simplistes, tout cela était bien loin de la vérité!
Ce passage d'Isaïe est le premier texte lu au cours de la célébration de la Passion du Seigneur, le Vendredi Saint. Comme il n'est séparé de la lecture de la Passion selon St Jean que par le psaume 31 (l'un de ceux que Jésus a priés sur la croix) et par la Lettre aux Hébreux (4,14-16 et 5,7-9) qui fait en quelque sorte écho au chant d'Isaïe, on peut être tenté de prendre les deux lectures principales comme de simples exemples de prophéties et de leur accomplissement. Voilà encore ce mot simple! La Parole divine est simple au sens où elle nous dit quelque chose de la simplicité, de l'unité divine; mais elle nous dit aussi son infinie richesse et sa complexité: « elle est vivante et efficace, plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants; elle pénètre jusqu'au point de division de l'âme et de l'esprit, des articulations et des moelles; elle peut juger les sentiments et les pensées du coeur » (Hé 4,12).
Les chrétiens partagent la Bible hébraïque (Ancien Testament) avec les juifs. Mais il y a, pour les prophéties, des niveaux d'accomplissement et d'interprétations autres que l'accomplissement en Christ, et le précédant dans le temps: les derniers ne se comprennent qu'à la lumière des premiers. La tradition la plus courante chez les juifs voit dans le Serviteur souffrant à la fois le prophète-martyr du DeutéroIsaïe (cf. P. Merendino) et le peuple d'Israël tout entier (cf. M. Flemaud). Commentant le 4e chant, Michel Remaud remarque que le Serviteur « ne cesse pas de prier, de louer son Dieu du fond même de la mort», que «Jésus est mort en priant » et que « dans la Shoah (génocide nazi) le coeur d'Israël n'a jamais cessé d'affirmer sa foi». Une étude attentive des trois articles principaux de cette revue sera des plus utiles aux professeurs et aux parents désireux d'aider les autres à entrer dans la liturgie du Vendredi Saint avec une compréhension plus profonde et plus vraie de la Parole de Dieu.
Nous avons parcouru un long chemin depuis que le Pape Jean XXIII a supprimé l'adjectif « perfides » de le liturgie du Vendredi Saint... et cependant nous n'avons guère avancé si nous considérons encore ta relation entre l'Ancien et le Nouveau Testament simplement en termes de prophétie et d'accomplissement. Le Livre d'Isaïe n'est un Evangile que dans la mesure où le mot signifie une «Bonne nouvelle » ils 439) à la fois pour les juifs et pour les chrétiens: il nous faut reconnaître la validité des interprétations et des accomplissements selon la tradition juive aussi bien que la tradition chrétienne... mais de cela nous parlerons davantage dans le numéro de juin!
Mary Travers
Responsable de la catéchèse à SIDIC-Rome