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SIDIC Periodical XXIV - 1991/2-3
Le peuple de Dieu de l’Ancienne alliance qui n’a jamais été révoquée (Pages 15 - 16)

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Discussion de l’exposèe de N. Lohfink
Milton Schwantes

 

MILTON SCHWANTES, bibliste luthérien du Brésil, avait été invité à répondre à l'exposé du Professeur Lohfink. Il exprima la joie ressentie à la lecture de ce texte, mais fit remarquer que la question abordée ne concernait guère les peuples d'Amérique Latine. Leur question à eux, est celle de la survie, la survie de nations entières et particulièrement du peuple indien. Expliquant comment la Bible les stimule à tirer de nouvelles conclusions, M. Schwantes nous a montré comment le psaume 25 serait lu dans le contexte latino-américain (l'ennemi ëtant identifié à celui qui opprime le pauvre). Il nous a parlé des expériences qu'il a faites chez les Indiens Amara de Bolivie, du Pérou et de l'Equateur et du défi que représente, pour le christianisme, leur mode de vie traditionnel. Il a finalement fait référence aux Psaumes des montées (120-124) et aux textes d'Isaïe cités dans l'exposé de N. Lohfink, montrant comment ceux-ci seraient interprétés dans le contexte si différent de l'Amérique Latine.

Une bonne partie de la discussion a porté sur ce qui légitime une interprétation du texte biblique. On a fait remarquer que baser sur une seule ligne du ps. 25 une interprétation absolument diverse de la conduite de Dieu envers l'humanité, c'était ouvrir la porte à ce que Simone Weil appelle « l'intuition libre du christianisme ». La question la plus importante adressée à N. Lohfink pourrait peut-être se formuler ainsi:

« On a remarqué que vous commenciez par dire que vous n'aviez trouvé nulle part dans la Bible que l'Alliance d'Israël ait été promise aux nations. Et pourtant, vous avez fait une longue recherche et une étude compliquée pour tenter de l'y trouver. Porquoi était-ce si nécessaire pour vous de découvrir cette promesse dans le Tanakh? Le texte qui nous découvre comment Dieu agit envers l'humanité est, selon la tradition juive, celui de l'alliance avec Noé et des lois noachiques (Gn 9). Il s'agit, selon la tradition rabbinique, de la première alliance. Le texte d'Isaïe 56,6 spécifie que les peuples des nations s'unissent au peuple d'Israël lorsqu'ils observent le Shabbat qui remplace toutes les mitzvot.

En réponse, le Prof. Lohfink remercia pour toutes les remarques venues du groupe, dont il avait pu apprécier la pertinence. Il expliqua pourquoi il était intéressé à trouver une alliance avec les nations dans la première partie de la Bible:
— d'abord parce que, même si lors de la rencontre de 1989 il avait conseillé que la discussion se porte moins sur l'Alliance que sur la Torah, cette première restait partie intégrante du dialogue. En tant qu'exégète de l'Ancien Testament, il voulait savoir ce que la Bible disait réellement;

— ensuite parce que les théologiens chrétiens envisagent l'Alliance en Christ décrite dans le Nouveau Testament dans le contexte de Jérémie 31,31 (le passage sur la Nouvelle Alliance). Il lui avait fallu beaucoup de temps, à lui-même, pour réaliser qu'il n'existe aucun texte faisant le lien explicite entre l'Alliance et le pèlerinage des nations s'unissant à Israël. Cela était un problème. La question qu'il se posait maintenant était la suivante: « L'accomplissement a-t-il été plus grand que la promesse, ou alors les chrétiens n'ont-ils pas su lire correctement les textes? Avons-nous supposé des choses qui ne se trouvent pas là en réalité? S'agirait-il d'une déviation chrétienne? » De là était née sa recherche.

La véritable question n'était cependant pas de savoir pourquoi il avait été amené à chercher dans la Bible une alliance « pour les nations », mais ce que le texte contenait réellement. N. Lohfink affirmait qu'il était prêt à reconnaître que ses découvertes ne s'appuyaient pas sur des preuves assez solides — que son interprétation était conditionnée par ce qu'il voulait trouver—mais qu'il devait continuer sa recherche pour découvrir ce que dit le texte.

Une autre série de questions a porté sur l'utilisation du Psautier et sur la possibilité d'utiliser un psaume pour en expliquer un autre. On s'est demandé si la compilation des psaumes avait été faite selon des thèmes.

N. Lohfink a expliqué que la recherche actuelle en ce qui concerne le Psautier est dominée par l'école de « la critique des formes » qui analyse chaque psaume individuellement, cherchant à déterminer le genre, le cadre de vie, etc... Ce qu'on discute, semble-t-il, ce n'est pas le texte lui-même, mais la reconstruction qu'en font les savants contemporains. N. Lohfink maintient, lui, que les psaumes étaient connus de tous et utilisés pour la méditation. Le Psautier est composé de telle sorte qu'il existe des rapports étroits entre les psaumes, et l'on peut donc, dans ce contexte, étudier ensemble les psaumes 24, 25 et 26.

La compilation ne s'est pas faite nécessairement par thèmes; il ne s'agit parfois que d'associations. II arrive aussi qu'un psaume réponde à un autre en le développant. La fin de l'un annonce le suivant, et tout s'achève dans le Royaume de Dieu.

RÉPONSE DU GROUPE À MILTON SCHWANTES

Un certain malaise (exprimé parfois avec passion) s'est manifesté devant ce qui a paru à beaucoup une sorte de manipulation du texte biblique pour l'adapter à la réalité latino-américaine et servir les desseins de celui qui interprète le texte. Il semblait à certains que la réalité historique ayant donné naissance au texte avait été éludée de manière à y lire la situation politique contemporaine. Une telle pratique peut falsifier le message prophétique. Les prophètes, par exemple, ne préconisaient pas une révolution sociale, mais ils protestaient contre la négligence de l'Alliance qui créait des situations injustes pour les pauvres, les veuves et les orphelins. Même si Osée fait référence au culte de Baal et d'Astarté quand il parle de Dieu, il ne fait pas cela pour encourager les échanges entre les religions israélite et cananéenne, mais bien plutôt pour discréditer la religion des Cananéens (on a parfois utilisé cet exemple pour justifier des rapprochements entre les divinités indiennes et le Dieu de la Bible).

On a pensé qu'il était nécessaire de distinguer la critique de l'institution (de la part des prophètes) et l'appel à son abolition. Dire que le sacrifice et la justice s'excluent mutuellement (comme on a cru l'entendre affirmer par M. Schwantes), cela signifierait laisser de côté la moitié de la Bible.
On souhaite davantage de précautions dans l'interprétation. Les rabbins disent: « Vous ne pouvez faire de la Torah une bêche pour extraire tout ce que vous voulez ». Ce sont certaines interprétations médiévales erronées du texte biblique qui sont à l'origine, chez les chrétiens, de « l'enseignement du mépris » envers les juifs. La crainte s'est exprimée que cela puisse se produire de nouveau.

 

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