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SIDIC Periodical XXXVI - 2003/1-3
Poursuivre la culture du dialogue (Pages 32-48)

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Documentation

 

VATICAN – LETTRE D’EDITH STEIN À PIE XI
12 avril 1933

L’ouverture des Archives « allemandes » du pontificat de Pie XI, le 25 février 2003, a fourni l’occasion de rendre publique la lettre adressée par Edith Stein le 12 avril 1933 à ce pape. Hitler avait obtenu les pleins pouvoirs, le 23 mars de la même année.
Edith Stein mourra neuf ans plus tard, au mois d’août 1942 à Auschwitz.(1)



Saint Père,

Comme fille du peuple juif, qui par la grâce de Dieu est devenue depuis onze ans fille de l’Eglise catholique, j’ose exprimer au Père de la chrétienté ce qui préoccupe des millions d’Allemands.

Depuis des semaines nous sommes spectateurs, en Allemagne, d’événements qui montrent un total mépris de la justice et de l’humanité, pour ne pas parler de l’amour du prochain.

Depuis des années, les chefs du national-socialisme ont prêché la haine contre les juifs. Maintenant qu’ils ont obtenu le pouvoir et armé leurs fidèles – parmi lesquels figurent des éléments criminels connus – ils recueillent le fruit de la haine qu’ils ont semée.

Les défections du parti qui détenait le gouvernement jusqu’à il y a peu, finissaient par être admises mais il est impossible de se faire une idée de leur nombre tant l’opinion publique est bâillonnée. De ce que je peux juger moi-même, sur la base de mes rapports personnels, il ne s’agit pas du tout de cas isolés.

Sous la pression des voix venues de l’extérieur, ils sont passés à des méthodes plus « douces » et ont donné l’ordre qu’on « ne touche un cheveu à aucun juif ».

Ce boycottage – qui nie aux personnes de développer une activité économique, la dignité de citoyen et la patrie – a poussé beaucoup de gens au suicide : cinq cas ont été portés à ma connaissance dans mon seul entourage.

Je suis convaincue qu’il s’agit d’un phénomène général qui provoquera beaucoup d’autres victimes. On peut penser que les malheureux n’auront pas eu assez de force morale pour supporter leur destin. Mais si la responsabilité retombe en grande partie sur ceux qui les ont poussés à un tel geste, elle retombe aussi sur ceux qui se taisent.

Tout ce qui est arrivé et ce qui arrive quotidiennement vient d’un gouvernement qui se définit « chrétien ». Non seulement les juifs, mais aussi des milliers de fidèles catholiques de l’Allemagne – et, je pense, du monde entier – attendent depuis des semaines et espèrent que l’Eglise du Christ fasse entendre sa voix contre un tel abus du nom du Christ.

L’idolâtrie de la race et du pouvoir de l’Etat, avec laquelle la radio martèle quotidiennement les masses, n’est-elle pas une hérésie ouverte ? Cette guerre d’extermination contre le sang juif n’est-elle pas un outrage à la très sainte humanité de notre Sauveur, de la bienheureuse Vierge et des apôtres ?
N’est-ce pas en opposition absolue avec le comportement de Notre-Seigneur et Rédempteur, qui, même sur la croix, priait pour ses persécuteurs ? Et n’est-ce pas une tache noire sur l’histoire de cette Année sainte qui aurait dû devenir l’année de la paix et de la réconciliation ?

Nous tous qui regardons la situation allemande actuelle comme enfants fidèles de l’Eglise, nous craignons le pire pour l’image mondiale de l’Eglise elle-même si le silence se prolonge ultérieurement. Nous sommes aussi convaincus que ce silence ne peut à la longue obtenir la paix de l’actuel gouvernement allemand.
La guerre contre le catholicisme se développe en sourdine et avec des moyens moins brutaux que contre le judaïsme, mais pas moins systématiquement. Il ne se passera pas beaucoup de temps avant qu’aucun catholique ne puisse plus avoir un emploi à moins qu’il ne se soumette sans conditions au nouveau courant.
Aux pieds de Votre Sainteté, demandant la bénédiction apostolique.


Edith Stein
Enseignante à l’Institut allemand de pédagogie scientifique au Collegium Marianum de Münster




ÉTATS-UNIS – COMITÉ ÉPISCOPAL DES AFFAIRES OECUMÉNIQUES ET INTERRELIGIEUSES ET CONSEIL NATIONAL DES SYNAGOGUES

Washington, 13 août 2002


Réflexions sur l’alliance et la mission (2)

Nous publions des extraits de ce document que l’on pourra consulter intégralement dans la revue Sens, 2003 n° 4 et sur le site web chretiens-et-juifs.org.


Introduction

Pendant plus de vingt ans, des dirigeants de communautés juive et catholique romaine aux Etats-Unis se sont réunis deux fois par an pour discuter un large éventail de sujets touchant aux relations entre catholiques et juifs. Actuellement, les participants de ces consultations régulières sont des délégués du Comité épiscopal pour les affaires oecuméniques et interreligieuses (Bishops Committee for Ecumenical and Interreligious Affairs) et du Conseil national des Synagogues (National Council of Synagogues). Le NCS représente la Conférence centrale des rabbins américains, l’Assemblée rabbinique du Judaïsme conservateur, l’Union des congrégations hébraïques américaines et la Synagogue unie du judaïsme conservateur. La consultation est co-présidée par le Cardinal Keeler, le rabbin Joël Zalman de l’Assemblée rabbinique du judaïsme conservateur et le rabbin Michaël Signer de l’Union des congrégations hébraïques américaines. Précédemment, les « Dialogues » ont mené à la publication de communiqués sur des sujets comme les Enfants, l’Environnement et les Actes de haine religieuse.

Lors de la session qui s’est tenue le 13 mars 2002 à New York City, la consultation NCS-BCEIA a examiné comment les traditions juive et catholique romaine comprennent actuellement les sujets « alliance » et « mission ». Chaque délégation a préparé des réflexions qui ont été discutées et clarifiées par la Consultation et qui peuvent être tenues comme la formulation de l’état actuel de la question dans chaque communauté. La Consultation a décidé de publier ses considérations pour encourager une réflexion sérieuse sur ces matières par les juifs et les catholiques dans tous les Etats-Unis. Après un certain délai pour perfectionner ces formulations initiales, les réflexions séparées - catholiques romaines et juives - sur les sujets « alliance » et « mission » sont présentées ci-dessous.

Les réflexions catholiques romaines décrivent le respect croissant pour la tradition juive qui s’est développé depuis le Concile Vatican II. Un approfondissement de l’appréciation catholique de l’alliance éternelle entre Dieu et le peuple juif, de même qu’une reconnaissance de la mission donnée par Dieu aux juifs de témoigner de l’amour fidèle de Dieu, conduisent à la conclusion que les campagnes qui visent à convertir des juifs au christianisme ne sont plus théologiquement acceptables dans l’Eglise catholique.

Les réflexions juives décrivent la mission des juifs et la perfection du monde. Cette mission semble revêtir trois aspects. Il y a d’abord les obligations qui résultent de l’élection aimante du peuple juif dans une alliance avec Dieu. Ensuite, il y a le témoignage de la puissance rédemptrice de Dieu dans le monde. Enfin, le peuple juif s’adresse à tous les êtres humains. Les réflexions juives concluent en pressant juifs et chrétiens d’élaborer un projet commun pour guérir le monde.

La consultation NCS-BCEIA a exprimé sa préoccupation à propos de l’ignorance et des caricatures habituelles d’autrui qui prévalent encore dans de nombreux secteurs des communautés catholique et juive. La Consultation espère que ces réflexions seront lues et discutées comme une étape d’un processus continu de compréhension mutuelle croissante.

La consultation NCS-BCEIA réaffirme son engagement à approfondir notre dialogue et à promouvoir l’amitié entre les communautés juive et catholique aux Etats-Unis.


Réflexions catholiques romaines

Après avoir fait mémoire dans une Introduction des pas de l’Eglise catholique depuis Vatican II, et de la fécondité spirituelle du judaïsme post-biblique, le texte aborde :

La mission de l’Eglise : évangélisation

De telles réflexions et expériences de la vie d’alliance éternelle du peuple juif avec Dieu suscitent des questions sur le devoir chrétien de témoigner des dons de salut que l’Eglise reçoit par sa « nouvelle alliance » en Jésus-Christ. Le Concile Vatican Il résumait la mission de l’Eglise de la manière suivante :

« Qu’elle aide le monde ou qu’elle reçoive de lui, l’Eglise tend vers un but unique : que vienne le règne de Dieu et que s’établisse le salut du genre humain. D’ailleurs, tout le bien que le Peuple de Dieu, au temps de son pèlerinage terrestre, peut procurer à la famille humaine, découle de cette réalité que l’Eglise est le sacrement universel du salut’, manifestant et actualisant tout à la fois le mystère de l’amour de Dieu pour l’homme ».

Cette mission de l’Eglise peut se résumer en un mot : évangélisation. Le pape Paul VI a donné la définition classique : « Evangéliser, pour l’Eglise, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle- même ». L’évangélisation renvoie à une réalité complexe qui est parfois mal comprise, réduite à la seule recherche de nouveaux candidats au baptême. C’est la continuation de la mission de Jésus-Christ par I’Eglise. Comme l’a expliqué le pape Jean-Paul II :

« Le Royaume concerne les personnes humaines, la société, le monde entier. Travailler pour le Royaume signifie reconnaître et favoriser le dynamisme divin qui est présent dans l’histoire humaine et la transforme. Construire le Royaume signifie travailler pour la libération du mal dans toutes ses formes. En un mot, le Royaume de Dieu est la manifestation et la réalisation de son dessein de salut dans sa plénitude ».

Il faudrait souligner que l’évangélisation, l’oeuvre de l’Eglise pour le Royaume de Dieu, ne peut pas être séparée de sa foi en Jésus-Christ, en qui les chrétiens trouvent le Royaume « présent et accompli ». L’évangélisation comprend les activités de présence et de témoignage de l’Eglise ; l’engagement en faveur du développement social et de la libération de l’homme ; le culte chrétien, la prière et la contemplation ; le dialogue interreligieux ; et la proclamation et la catéchèse.

Cette dernière activité de proclamation et de catéchèse – « l’invitation à un engagement de foi en Jésus-Christ et à entrer par le baptême dans la communauté de croyants qu’est l’Eglise» — est parfois considérée comme synonyme d’« évangélisation ». Cependant, c’est une interprétation très étroite. Ce n’est en fait qu’un des nombreux aspects de la « mission évangélisatrice » de l’Eglise au service du Royaume de Dieu. Les catholiques qui participent au dialogue interreligieux, partage de dons mutuellement enrichissants sans aucune intention d’inviter le partenaire du dialogue au baptême, ne témoignent donc pas moins de leur propre foi dans le Royaume de Dieu incarné en Christ. C’est une forme d’évangélisation, un moyen de s’engager dans la mission de l’Eglise.


L’évangélisation et le peuple juif

Le christianisme a une relation totalement unique avec le judaïsme, puisque « nos deux communautés religieuses sont liées et étroitement apparentées au niveau de leurs identités religieuses respectives ».

L’histoire du salut clarifie notre relation spéciale avec le peuple juif. Jésus appartient au peuple juif, et il a inauguré son Eglise à l’intérieur de la nation juive. Une grande partie des Saintes Ecritures, que nous chrétiens lisons comme la parole de Dieu, constitue un patrimoine spirituel que nous partageons avec les juifs. Par conséquent, toute attitude négative à leur égard doit être évitée, puisque « pour être une bénédiction pour le monde, juifs et chrétiens doivent d’abord être une bénédiction les uns pour les autres ».
Dans le sillage de Nostra Aetate, il y a eu une appréciation catholique toujours plus profonde de nombreux aspects de notre lien spirituel unique avec les juifs. De manière spécifique, l’Eglise catholique en est venue à reconnaître que sa mission de préparer la venue du Royaume de Dieu est partagée avec le peuple juif, même si les juifs n’ont pas, de cette tâche, la même conception christologique que l’Eglise. Les Notes du Vatican (1985) observaient :

« Attentifs au même Dieu qui a parlé, suspendus à la même parole, nous avons à témoigner d’une même mémoire et d’une commune espérance en Celui qui est le Maître de l’histoire. Il faudrait ainsi que nous prenions notre responsabilité de préparer le monde à la venue du Messie en oeuvrant ensemble pour la justice sociale, le respect des droits de la personne humaine et des nations, pour la réconciliation sociale et inter nationale. A cela nous sommes poussés, juifs et chrétiens, par le précepte de l’amour du prochain, une espérance commune du Règne de Dieu et le grand héritage des Prophètes ».

Si donc l’Eglise partage une tâche centrale et déterminante avec le peuple juif, quelles sont les implications pour la proclamation chrétienne de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ? Les chrétiens devraient-ils inviter des juifs au baptême ? C’est une question complexe, pas seulement en termes d’auto-définition théologique chrétienne, mais aussi à cause de l’histoire des baptêmes forcés de juifs par les chrétiens.
Dans une étude remarquable et toujours très pertinente, présentée à la sixième rencontre du Comité de Liaison international entre catholiques et juifs, à Venise, il y a vingt-cinq ans, le Professeur Tommaso Federici examinait les implications missiologiques de Nostra Aetate. Sur des bases historiques et théologiques, il argumentait qu’il ne devrait y avoir dans l’Eglise aucune organisation, de quelque type que ce soit, vouée à la conversion de juifs. Telle a été la pratique de facto de l’Eglise catholique dans les années suivantes.
Plus récemment, le cardinal Walter Kasper, président de la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le judaïsme, expliquait cette pratique. Dans une déclaration formelle, faite d’abord à la dix-septième rencontre du Comité de Liaison international catholiques/juifs en mai 2001, et répétée plus tard, la même année, à Jérusalem, le cardinal Kasper parlait de « mission » dans un sens étroit pour signifier la « proclamation », ou l’invitation au baptême et la catéchèse. Il montrait pourquoi de telles initiatives ne s’adressaient pas de façon appropriée aux juifs :

« Au sens propre, le terme mission se réfère à la conversion des faux dieux et idoles au Dieu vrai et unique, qui s’est révélé dans l’histoire du salut avec Son peuple élu. Au sens strict, la mission ne peut donc pas être utilisée pour les juifs, qui croient au Dieu unique et vrai. Aussi, et ceci est caractéristique, il y a un dialogue, mais aucune organisation missionnaire catholique pour les juifs.

Comme nous l’avons dit précédemment, le dialogue n’est pas une simple information objective : le dialogue implique la personne tout entière. Dans le dialogue, les juifs témoignent donc de leur foi, témoignent de ce qui les a soutenus dans les périodes sombres de leur histoire et de leur vie, et les chrétiens rendent compte de l’espoir qu’ils ont en Jésus-Christ. Ce faisant, ils sont très éloignés de toute forme de prosélytisme, mais ils peuvent apprendre les uns des autres et s’enrichir les uns les autres. Nous voulons tous partager nos plus profondes inquiétudes avec un monde souvent désorienté qui a besoin de tels témoignages et les recherche ».

Du point de vue de l’Eglise catholique, le judaïsme est une religion qui découle de la révélation divine. Comme l’a noté le cardinal Kasper, « la grâce de Dieu qui, selon notre foi, est la grâce de Jésus-Christ, est accessible à tous. Aussi l’Eglise croit que le judaïsme, c’est-à-dire la réponse fidèle du peuple juif à l’alliance irrévocable de Dieu, est salvifique pour eux, parce que Dieu est fidèle à Ses promesses ».

Cette déclaration à propos de l’alliance salvatrice de Dieu est tout à fait spécifique au judaïsme. Bien que l’Eglise catholique respecte toutes les traditions religieuses, et peut, par le dialogue avec elles, discerner les actions de l’Esprit Saint, et bien que nous croyions que la grâce infinie de Dieu est certainement accessible aux croyants d’autres fois, l’Eglise ne peut parler avec la certitude du témoignage biblique que de l’alliance d’Israël. Cela est dû au fait que les Ecritures d’Israël forment une partie de notre propre canon biblique et qu’elles ont une « valeur perpétuelle... qui n’a pas été annulée par l’interprétation postérieure du Nouveau Testament ».

Selon l’enseignement catholique romain, tant l’Eglise que le peuple juif se conforment à une alliance avec Dieu. Nous avons donc tous des missions devant Dieu à entreprendre dans le monde. L’Eglise croit que la mission du peuple juif ne se limite pas à son rôle comme peuple duquel Jésus est né « selon la chair » (Rom 9, 5) et d’où sont issus les apôtres. Comme l’a écrit récemment le cardinal Kasper, « la providence de Dieu... a manifestement confié à Israël une mission particulière en ce ‘temps des gentils’. Mais seul le peuple juif lui-même peut articuler sa mission ‘à la lumière de sa propre expérience religieuse’ ».

Néanmoins, l’Eglise réalise que la mission ad gentes (aux nations) du peuple juif continue. C’est une mission que l’Eglise poursuit aussi à sa façon selon sa compréhension de l’alliance. Le commandement de Jésus ressuscité en Matthieu 28, 19 de faire des disciples « de toutes les nations » (en grec : ethnê, le correspondant de l’hébreu goyim c’est-à-dire les nations autres qu’Israël) signifie que l’Eglise doit témoigner dans le monde de la Bonne Nouvelle du Christ pour préparer le monde à la plénitude du Royaume de Dieu. Cependant cette tâche évangélisatrice n’inclut plus la volonté d’absorber la foi juive dans le christianisme et de mettre ainsi fin au témoignage spécifique que les juifs rendent à Dieu dans l’histoire de l’humanité.

Ainsi, l’Eglise catholique, tout en considérant l’acte salvateur du Christ comme central dans le processus du salut humain pour tous, reconnaît que les juifs demeurent déjà dans une alliance salvatrice avec Dieu. L’Eglise catholique doit toujours évangéliser et témoignera toujours de sa foi dans la présence du Royaume de Dieu en Jésus-Christ devant les juifs et tous les autres peuples. Ce faisant, l’Eglise catholique respecte pleinement les principes de la liberté de religion et de conscience, de sorte que des conversions individuelles sincères, de toute tradition ou de tout peuple, y compris le peuple juif, seront bienvenues et acceptées.

Mais elle reconnaît maintenant que les juifs sont aussi appelés par Dieu à préparer le monde au Royaume de Dieu. Leur témoignage du Royaume, qui ne tire pas son origine de l’expérience qu’a l’Eglise du Christ crucifié et ressuscité, ne doit pas être tronqué par la recherche de la conversion du peuple juif au christianisme. Le témoignage spécifique juif doit se maintenir si les catholiques et les juifs doivent vraiment être, comme cela a été prévu, « une bénédiction les uns pour les autres ». Cela est en accord avec la promesse divine, exprimée dans le Nouveau Testament, que les juifs sont appelés à « servir Dieu sans crainte, dans la sainteté et la droiture devant Dieu tous les jours » (Luc 1, 74-75).

Avec le peuple juif, l’Eglise catholique, selon les mots de Nostra Aetate, « attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et ‘le serviront sous un même joug’ (Soph 3, 9 ; cf. Is 66, 23, Ps 65, 4 ; Rom 11, 11-32) ».


Réflexions juives

La mission des juifs et la perfection du monde

(…) La mission des juifs fait partie d’une triple mission enracinée dans l’Ecriture et développée dans les sources juives postérieures. Il y a d’abord la mission d’alliance : l’élan toujours formateur pour la vie juive qui résulte de l’alliance entre Dieu et les juifs. Ensuite, la mission de témoignage, par laquelle les juifs se voient eux-mêmes (et sont souvent vus par les autres) comme les témoins éternels devant Dieu de Son existence et de Sa force rédemptrice dans le monde. Enfin, la mission d’humanité, une mission qui comprend l’histoire biblique des juifs comme porteuse d’un message qui n’est pas destiné aux seuls juifs. Elle présuppose un message et une mission destinés à tous les êtres humains.
(…)
Après avoir exposé la mission d’alliance et la mission de témoignage du peuple juif, le texte continue par :

La mission d’humanité

Le message de la Bible n’est pas un message et une vision seulement pour les juifs mais aussi pour toute l’humanité. Isaïe parle, à deux reprises, des juifs comme « lumière des peuples » et nous avons déjà fait référence à cette citation du chapitre 49. Que veut-il dire d’autre quand il parle des juifs comme « peuple d’alliance et lumière des nations » ? Le commentateur médiéval, David Kimhi, voit dans la lumière qui s’avance la lumière qui sort de Sion. Comme le message de la Tora est paix, la lumière qui s’avance est porteuse du message de bénédiction de la paix qui devrait régner dans le monde entier. La vision messianique est : « Il annoncera la paix aux nations ». Ainsi, Isaïe note qu’en ces temps-là : « Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes».

C’est une erreur de penser, comme Jonas, que Dieu ne s’occupe que des juifs. Quand il est invité à aller à Ninive, une grande ville païenne, Jonas refuse l’ordre de Dieu de dire aux gens de Ninive de se repentir. Ce n’est que par la souffrance qu’il apprend que la parole de Dieu est aussi destinée aux Ninivites. Finalement, il y va, et les gens de Ninive proclament un jeûne. Petits et grands revêtent un sac, même le roi. Ils ne se contentèrent pas de jeûner, puisque la Bible dit qu’ « ils se détournèrent de leur conduite mauvaise ».

Alors qu’on eût pu penser que Jonas serait transporté par son succès, il est désespéré — et il y a probablement deux raisons à cela. D’abord il croyait que le péché devrait être puni et que la miséricorde de Dieu ne devrait pas enlever le châtiment. Ensuite, qui étaient les gens de Ninive ? Quel droit avaient-ils d’attendre l’intérêt intime de Dieu et son amour indulgent ?

Jonas quitte la ville et s’assied à l’est, faisant une hutte et s’asseyant à son ombre. Et le Seigneur fait pousser un ricin au-dessus de lui, pour donner de l’ombre à sa tête. Jonas était si heureux ! Jusqu’à ce qu’à l’aube du lendemain, Dieu fit qu’un ver attaqua la plante jusqu’à ce qu’elle sèche. Puis, Dieu amena un léger vent d’est, et le soleil s’abattit sur la tête de Jonas jusqu’à ce qu’il défaille. Et il voulut mourir.

Alors Dieu dit à Jonas :

« As-tu raison de te fâcher pour ce ricin ?... Toi, tu as de la peine pour ce ricin, qui ne t’a coûté aucun travail et que tu n’as pas fait grandir, qui a poussé en une nuit et en une nuit a péri. Et Moi, Je ne serais pas en peine pour Ninive, la grande ville, où il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne distinguent pas leur droite de leur gauche, ainsi qu’une foule d’animaux !»

Le Dieu de la Bible est le Dieu du monde. Ses visions sont des visions pour toute l’humanité. Son amour est un amour qui s’étend à toutes les créatures.
L’homme souffrant des Ecritures, Job, n’est nullement présenté comme un juif. Est-ce étonnant ? La souffrance de l’humanité n’est l’apanage d’aucun peuple en particulier. L’alliance peut faire, de cette question, une question particulièrement troublante pour les juifs, mais chacun de nous essaye d’arriver à un accord avec le problème du juste qui souffre. Job est un être humain universel. L’appel que Dieu lui adresse depuis la tornade est l’appel que Dieu adresse, dans le monde entier, aux justes qui essayent de comprendre le sens de leur destin.

Le Dieu qui a aimé Abraham — «Et toi, Israël, Mon serviteur, Jacob, que J’ai choisi, race d’Abraham, Mon ami » — aime tous les peuples. Car il est le Créateur du monde. Adam et Ève étaient Ses premières créatures et ils ont été créés bien avant les premiers juifs. Ils ont été créés à « l’image de Dieu », comme tous leurs enfants, pour l’éternité. Seule la créature humaine est à l’image de Dieu.

Dieu a créé le monde avec un seul être originel, dit le Talmud, pour enseigner que quiconque détruit une seule âme, détruit pour ainsi dire le monde entier. Quiconque sauve une seule âme, sauve pour ainsi dire le monde entier. Cela enseigne le concept de paix dans le monde, de sorte que nul ne devrait dire : mon père est plus grand que ton père.

« N’êtes-vous pas pour Moi comme des Kushites, enfants d’Israël ? — oracle de YHVH — N’ai-je pas fait monter Israël du pays d’Égypte, et les Philistins de Kaphtor et les Araméens de Qir ? »

Tous sont le peuple de Dieu.

Quand Abraham soulève devant Dieu la question de la justice divine et de la pitié, il prend la défense des gens de Sodome, un groupe mauvais. Abraham conçoit son défi à Dieu en termes d’action juste de Dieu. L’innocent ne devrait pas souffrir. Et le défi ne résulte d’aucune relation spéciale qui découle de l’alliance de Dieu avec les juifs. La Bible considère plutôt qu’il y a une justice et une pitié divines qui l’emportent dans le monde entier.

Quand Amos demande « que le droit coule comme de l’eau, et la justice, comme un torrent qui ne tarit pas », c’est parce qu’il y a un Dieu du monde entier qui l’appelle à la justice. Quand Isaïe demande, de manière rhétorique, quelle est la signification du jeûne religieux, il répond que Dieu souhaite que les êtres humains « défassent les chaînes injustes, délient les liens du joug, renvoient libres les opprimés et brisent tous les jougs. [En quoi consiste le jeûne, si ce n’est à] partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ».

Le judaïsme considère que tous les peuples sont obligés d’observer une loi universelle. Cette loi, appelée les Sept Commandements de Noé, s’applique à tous les êtres humains. Ces lois sont : 1/ l’établissement de cours de justice de sorte que la loi gouverne la société, et la prohibition 2/ du blasphème, 3/ de l’idolâtrie, 4/ de l’inceste, 5/ de l’effusion de sang, 6/ du vol et 7/ de manger la chair d’un animal vivant.

Malgré le fait de l’alliance, Maïmonide et les décideurs postérieurs affirment que « les hommes pieux de toutes les nations du monde ont une place dans le monde à venir ».

Aussi, dans le judaïsme, la valeur absolue des êtres humains, leur création à l’image de Dieu, de même que la préoccupation primordiale de Dieu pour la justice et la pitié sont à la base d’une communauté universelle d’êtres créés, une communauté appelée à répondre à l’amour de Dieu en aimant les autres êtres humains, en mettant en place des structures sociales qui maximalisent la pratique de la justice et de la pitié, en s’engageant sans fin dans la quête religieuse de la guérison du monde brisé.

Une des prières centrales du judaïsme l’exprime comme suit :

« Nous espérons en Toi, Seigneur notre Dieu, pour voir rapidement la beauté de Ta puissance, pour que les idoles disparaissent de la terre et que les faux dieux soient détruits, pour parfaire le monde et en faire le Royaume du Tout-Puissant, où toute chair invoquera Ton nom, où tous les méchants de la terre seront tournés vers Toi ».

L’taken olam b’malkhut Shaddai, « parfaire le monde et en faire le Royaume du Tout-Puissant ». Tikkoun ha-olam, parfaire ou « réparer le monde » est une tâche commune des juifs et de toute l’humanité. Bien que les juifs se considèrent comme vivants dans un monde qui n’est pas encore racheté, Dieu veut que ses créatures participent à la réparation du monde.


Chrétiens et juifs

Après l’examen de la triple notion de « mission » dans le judaïsme classique, il y a quelques conclusions pratiques qui en découlent, conclusions qui suggèrent aussi un programme d’action commune pour les chrétiens et pour les juifs.
Il devrait être évident que toute mission des chrétiens dirigée vers les juifs est en opposition directe avec la notion juive suivant laquelle l’alliance elle-même est cette mission. En même temps, il est important de souligner que malgré l’alliance, les nations du monde n’ont pas besoin d’embrasser le judaïsme. Tandis qu’il y a des vérités théologiques comme la foi en l’unicité de Dieu, et des vertus sociales pratiques qui mènent à la création d’une société bonne, qu’il est possible à l’humanité toute entière de saisir, le judaïsme n’est pas indispensable pour racheter l’individu ou la société. Les hommes pieux de toutes les nations du monde ont une place dans le monde à venir.

Cependant l’idée que le monde a besoin de perfection est importante également. Alors que chrétiens et juifs comprennent l’espoir messianique impliqué dans cette perfection de façon très différente, que nous attendions encore le Messie — comme le croient les juifs — ou la seconde venue du Messie — comme le croient les chrétiens — nous partageons la foi selon laquelle nous vivons dans un monde non encore racheté qui rêve de réparation.

Pourquoi ne pas mettre au point un programme commun ? Pourquoi ne pas unir nos forces spirituelles pour affirmer et agir en nous appuyant sur les valeurs qui nous sont communes et qui mènent à la réparation du monde non racheté ? Nous avons collaboré, dans le passé, en faisant avancer la cause de la justice sociale ; nous avons marché ensemble pour les droits civils ; nous nous sommes faits les champions de la cause des travailleurs et des ouvriers agricoles ; nous avons adressé des pétitions à notre gouvernement pour qu’il subvienne aux besoins des pauvres et des sans-abri ; et nous avons appelé le dirigeant de notre pays à rechercher le désarmement nucléaire. Ce ne sont que quelques-unes des questions que nous avons traitées en accord les uns avec les autres, juifs et chrétiens.

Pour indiquer ce que nous pourrions encore faire ensemble, regardons de quelles manières concrètes le judaïsme classique prend des idées théologiques et les transforme en manières de vivre. Et si elles peuvent constituer des pierres d’un pavement sur lequel nous pouvons marcher ensemble, alors nous serons capables de construire une grande route que nous partagerons et qui mène à la réparation du monde et sa perfection.


Quelques pensées talmudiques sur la réparation du monde

Même si le souci prophétique pour le nécessiteux est bien connu, il faut souligner que c’est dans le Talmud que les détails de la bonne action sont exposés de telle façon qu’ils deviennent les pierres angulaires de la vie.
Tzedaka (charité) et les actes de bonté pèsent dans la balance aussi lourd que tous les commandements de la Tora. L’obligation de la charité est dirigée vers le pauvre et les actes de bonté concernent le pauvre et le riche. La charité concerne les vivants, et les actes de bonté concernent les vivants et les morts. La charité fait appel à notre argent, tandis que les actes de bonté font appel à notre argent mais aussi à notre être.

Déjà, à l’époque du Talmud, des institutions charitables pour s’occuper des pauvres étaient une partie établie et essentielle de la vie de la communauté. Quand, par exemple, la Mishna enseigne qu’un juif doit célébrer le seder de Pâque avec quatre coupes de vin, elle note que l’allocation publique (tamhui) doit fournir ce vin au pauvre. Le pauvre doit célébrer et ressentir la dignité d’être un peuple libre et c’est la responsabilité de la communauté. Mais même si les institutions charitables sont un élément central de la vie de la communauté, Maïmonide affirme que la forme la plus élevée de la charité est de permettre à quelqu’un de gagner sa vie.

L’énorme section du Talmud qui traite de la loi civile et criminelle, Nezikin ou les « Dommages », stipule et protège la compensation des ouvriers. Elle donne une forme concrète aux interdits de la Tora contre l’usure et étend les lois qui interdisent l’usure pour y inclure de nombreux types de trans- actions financières qui semblent être de l’usure même si elles ne le sont pas. Tout cela veut créer une économie où les gens sont encouragés à s’aider les uns les autres financièrement, comme expression de leur communauté, plutôt que d’indiquer une façon de gagner de l’argent. Des instruments financiers sont créés pour permettre aux désargentés de devenir partenaires des autres plutôt qu’emprunteurs — une autre manière de protéger la dignité humaine et d’encourager le développement d’une société où cette dignité se manifeste dans la vie de tous les jours.

Les actes de bonté requis et développés en détail par la Loi comprennent les obligations de visiter les malades et de réconforter les gens en deuil. Les juifs doivent racheter les captifs et fournir des dots, enterrer les morts et accueillir les gens à leur table. Le Talmud détaille l’obligation faite aux juifs de respecter les personnes âgées. Se lever et manifester des signes particuliers de respect sont des réponses aux problèmes physiques de l’âge. Quand le sentiment de dignité d’une personne diminue, la communauté est invitée à renforcer la dignité de l’individu.

Bien sûr, la Loi juive concerne les juifs et son premier souci est d’encourager l’expression de l’amour envers les membres de la communauté. Elle ne traite pas de sentiments mais principalement d’actions. Mais il est important de noter que beaucoup de ces actions sont obligatoires envers tous les hommes. Ainsi le Talmud dit :

« Il faut subvenir aux besoins du pauvre non juif comme du pauvre juif. Il faut visiter le malade non juif comme on visite le malade juif. Il faut s’occuper de l’enterrement d’un non juif comme il faut s’occuper de l’enterrement d’un juif. [Ces obligations sont universelles] parce qu’elles sont les voies de la paix ».

Les voies de la paix de la Tora manifestent une réponse pratique à la création sacrée de l’humanité à l’image de Dieu. Elles aident à parfaire le monde pour en faire le Royaume du Tout-Puissant.
L’humanité n’a-t-elle pas besoin d’un chemin commun qui cherche les voies de la paix ? L’humanité n’a-t-elle pas besoin d’une vision commune de la nature sacrée de notre existence humaine que nous puissions enseigner à nos enfants et que nous puissions encourager dans nos communautés pour servir les voies de la paix ? L’humanité n’a-t-elle pas besoin d’un engagement de ses dirigeants religieux, dans chaque religion et au-delà de chaque religion, pour se donner la main et créer des liens qui inspireront et guideront l’humanité vers sa promesse sacrée ? Pour les juifs et les chrétiens qui ont entendu l’appel de Dieu à être une bénédiction et une lumière pour le monde, le défi et la mission sont clairs.

Ce qui est exigé de nous n’est rien moins que cela — et c’est le vrai sens de la mission à laquelle nous devons tous participer.




ÉTATS-UNIS – UNE DÉCLARATION DU CHRISTIAN SCHOLARS GROUP POUR LES RELATIONS ENTRE JUIFS ET CHRÉTIENS

1er septembre 2002


21 personnalités chrétiennes des Etats-Unis, formant le Christian Scholars Group, ont rendu public un texte qu’ils « soumettent à la réflexion de leurs coreligionnaires chrétiens ».


Une obligation sacrée
Repenser la foi chrétienne en relation avec le judaïsme et le peuple juif (3)


Introduction

Depuis ses débuts en 1969, le Christian Scholars Group a cherché à développer de plus justes théologies chrétiennes de la relation de l’Eglise au judaïsme et au peuple juif. Travaillant dans ce but depuis trois décennies sous différents parrainages, les membres de notre association de biblistes, d’historiens et de théologiens protestants et catholiques ont publié de nombreux volumes sur les relations entre juifs et chrétiens.

Notre travail se situe dans un contexte historique. Pendant la plus grande partie des deux derniers millénaires, les chrétiens ont présenté un portrait erroné des juifs en les déclarant infidèles, les tenant pour collectivement responsables de la mort de Jésus et donc maudits par Dieu. En accord avec de nombreuses déclarations officielles, nous rejetons cette accusation comme historiquement fausse et théologiquement erronée. Elle suggère que Dieu peut être infidèle à l’alliance éternelle avec le peuple juif. Nous prenons acte, dans la honte, de la souffrance que ce portrait déformé a provoqué chez le peuple juif. Nous nous repentons de cet enseignement du mépris. Notre repentance exige que nous mettions au point un nouvel enseignement du respect. Cette tâche est importante à n’importe quelle période de l’histoire, mais la crise mortelle au Moyen-Orient et l’effroyable résurrection de l’antisémitisme lui donnent un caractère d’urgence particulier.

Nous croyons que la révision de l’enseignement chrétien sur le judaïsme et le peuple juif est une obligation centrale et indispensable pour la théologie de notre temps. Il est essentiel que le christianisme comprenne et représente le judaïsme de façon juste, non seulement pour rendre justice au peuple juif mais aussi pour l’intégrité de la foi chrétienne, que nous ne pouvons proclamer sans faire référence au judaïsme. En outre, étant donné le lien unique entre christianisme et judaïsme, revivifier notre appréciation de la vie religieuse juive nous amènera à approfondir notre foi chrétienne. Nous exprimons ces convictions en nous basant sur les recherches actuelles des spécialistes et sur les déclarations officielles de nombreuses confessions chrétiennes au cours des cinquante dernières années.

Nous sommes reconnaissants aux nombreux juifs qui ont accepté de dialoguer et d’étudier avec nous. Nous nous sommes réjouis quand, le 10 septembre 2000, des personnalités et des universitaires juifs ont, avec le soutien de l’Institut d’Etudes Chrétiennes et Juives, rendu public une déclaration historique, Dabru Emet : A Jewish Statement on Christians and Christianity [Dabru Emet : Une déclaration juive sur les chrétiens et le christianisme] (4). Ce document, approuvé par d’éminents rabbins et des personnalités juives, appelait les juifs à réexaminer leur compréhension de la religion chrétienne.

Encouragés par le travail de collègues juifs et chrétiens, nous soumettons les dix déclarations suivantes à la réflexion de nos coreligionnaires chrétiens. Nous incitons tous les chrétiens à réfléchir à leur foi à la lumière de ces déclarations. Pour nous, c’est une obligation sacrée.

1) L’alliance de Dieu avec le peuple juif dure toujours

Pendant des siècles, les chrétiens ont prétendu que leur alliance avec Dieu remplaçait ou supplantait et annulait l’alliance juive. Nous renonçons à revendiquer cela. Nous croyons que Dieu ne révoque pas ses propres promesses. Nous affirmons que Dieu a contracté alliance avec les juifs et avec les chrétiens. D’une manière tragique, la théologie de la substitution, cantonnée dans ses convictions, et bien qu’elle ait été rejetée par de nombreuses confessions chrétiennes et de nombreux chrétiens qui ne l’acceptent plus, continue d’avoir une influence sur la foi, le culte et la pratique des chrétiens. Notre reconnaissance de l’éternelle validité du judaïsme a des implications dans tous les aspects de la vie chrétienne.

2) Jésus de Nazareth a vécu et est mort en juif fidèle

Les chrétiens adorent le Dieu d’Israël en Jésus-Christ et à travers lui. Toutefois, la théologie de la substitution a pendant des siècles poussé les chrétiens à parler de Jésus comme d’un adversaire du judaïsme, ce qui est historiquement faux. Le culte juif, l’éthique et la pratique juives ont formé la vie et l’enseignement de Jésus. Les Ecritures de son peuple l’ont inspiré et nourri. La prédication et l’enseignement chrétiens doivent aujourd’hui décrire la vie terrestre de Jésus comme insérée dans la quête juive toujours actuelle d’une manière de vivre pleinement l’alliance avec Dieu dans la vie quotidienne.

3) Les anciennes rivalités ne doivent pas définir aujourd’hui les relations entre juifs et chrétiens

Bien que nous connaissions aujourd’hui le christianisme et le judaïsme comme des religions séparées, ce qui devient l’Eglise a été un mouvement à l’intérieur de la communauté juive pendant des décennies après le ministère et la résurrection de Jésus. La destruction du Temple de Jérusalem par les armées romaines en 70 de notre ère provoqua une crise au sein du peuple juif. De nombreux groupes, y compris les chrétiens et le judaïsme rabbinique à ses débuts, se disputaient le leadership de la communauté juive en prétendant qu’ils étaient les véritables héritiers de l’Israël biblique. Les évangiles reflètent cette rivalité où les parties en litige se lançaient mutuellement diverses accusations. Les accusations chrétiennes d’hypocrisie et de légalisme donnent du judaïsme une image déformée et constituent une base indigne pour la compréhension que le christianisme a de lui-même.

4) Le judaïsme est une foi que de nombreux siècles de développement ont enrichie

De nombreux chrétiens assimilent le judaïsme à l’ancien Israël. Le judaïsme cependant, comme le christianisme, a développé de nouveaux modes de croire et de pratiquer au cours des siècles qui ont suivi la destruction du Temple. La tradition rabbinique a donné une intensité et une compréhension nouvelles aux pratiques existantes comme la prière en communauté, l’étude de la Tora et les actes de bonté et d’amour. Les juifs pouvaient vivre ainsi dans le monde l’alliance sans le Temple. Avec le temps, ils ont développé un vaste ensemble de littérature interprétative qui continue d’enrichir la vie et la foi des juifs et la compréhension qu’ils ont d’eux-mêmes. Les chrétiens ne peuvent comprendre entièrement le judaïsme sans son développement post-biblique, développement qui peut aussi enrichir et intensifier la foi chrétienne.

5) La Bible lie et sépare en même temps les juifs et les chrétiens

Certains juifs et chrétiens aujourd’hui, en étudiant la Bible ensemble, découvrent de nouvelles façons de la lire qui amènent à une plus profonde appréciation des deux traditions. Alors que les deux communautés puisent dans les mêmes textes bibliques de l’ancien Israël, ils ont développé différentes traditions d’interprétation. Les chrétiens lisent ces textes à travers les lunettes du Nouveau Testament tandis que les juifs comprennent ces écritures à travers les traditions du commentaire rabbinique.
Se référer à la première partie de la Bible chrétienne comme à « l’Ancien Testament » peut suggérer à tort que ces textes soient obsolètes. Des expressions alternatives – « Bible hébraïque », « Premier Testament », ou « Testament partagé » - pourraient, bien qu’également problématiques, exprimer mieux la nouvelle appréciation, par l’Eglise, de la force toujours actuelle de ces textes pour les juifs comme pour les chrétiens.

6) Affirmer l’alliance toujours valable de Dieu avec le peuple juif a des conséquences pour la compréhension chrétienne du salut

Les chrétiens rencontrent la puissance salvatrice de Dieu dans la personne de Jésus-Christ et croient que cette force est accessible à tous en lui. Les chrétiens ont, en conséquence, enseigné pendant des siècles que le salut n’était accessible qu’à travers Jésus-Christ. En prenant conscience récemment que l’alliance de Dieu avec le peuple juif est éternelle, les chrétiens peuvent reconnaître maintenant la force de Dieu à l’œuvre dans la tradition juive. Si les juifs, qui ne partagent pas notre foi en Christ, se trouvent dans une alliance rédemptrice avec Dieu, alors les chrétiens ont besoin de nouveaux moyens de comprendre la signification universelle du Christ.

7) Les chrétiens ne doivent pas chercher à convertir les juifs

Convaincus que les juifs se trouvent dans une alliance éternelle avec Dieu, nous renonçons aux efforts missionnaires tendant à convertir les juifs. En même temps, nous saluons les occasions qu’ont les juifs et les chrétiens de témoigner de leurs expériences respectives des voies salvatrices de Dieu. Aucun des deux ne peut vraiment prétendre posséder entièrement et exclusivement la connaissance de Dieu.

8) Le culte chrétien qui enseigne le mépris des juifs déshonore Dieu

Le Nouveau Testament contient des passages qui ont souvent donné naissance à des attitudes négatives envers les juifs et le judaïsme. L’utilisation de ces textes dans le contexte du culte augmente la probabilité d’hostilité à l’égard des juifs. La théologie chrétienne antijuive a façonné le culte dans des formes qui dénigrent le judaïsme et entretiennent le mépris des juifs. Nous appelons les responsables de l’Eglise à examiner les lectures des Ecritures, la structure des lectionnaires, la prédication et les hymnes et à retirer ces images déformées du judaïsme. Une vie liturgique chrétienne amendée pourrait exprimer une relation nouvelle aux juifs et ainsi honorer Dieu.

9) Nous affirmons l’importance de la terre d’Israël pour la vie du peuple juif

La terre d’Israël a toujours été d’une importance capitale pour le peuple juif. La théologie chrétienne a cependant toujours alléguée que les juifs s’étaient condamnés eux-mêmes à l’absence d’une patrie en rejetant le Messie de Dieu. Une telle théologie de la substitution supprimait d’emblée toute possibilité d’une compréhension par les chrétiens de l’attachement des juifs à la terre d’Israël. Les théologiens chrétiens ne peuvent plus éviter ce problème crucial, en particulier à la lumière du conflit complexe et persistant au sujet de cette terre. Reconnaissant que les Israéliens et les Palestiniens ont tous deux le droit de vivre en paix et en sécurité dans un pays à eux, nous appelons à des efforts qui contribuent à une paix juste parmi les peuples de cette terre.

10) Les chrétiens doivent travailler avec les juifs pour la réparation du monde

Pendant presque un siècle, les juifs et les chrétiens aux Etats-Unis ont travaillé ensemble sur les principales questions de société, comme le droit des travailleurs et les droits civiques. Etant donné que la violence et le terrorisme s’intensifient actuellement, nous devons renforcer nos efforts communs pour la justice et la paix auxquelles nous convient à la fois les prophètes d’Israël et Jésus. Ces efforts communs des juifs et des chrétiens offrent une vision de solidarité humaine et fournissent un modèle de collaboration avec les peuples professant une foi différente et se référant à d’autres traditions.

Signé par les membres du Christian Scholars Group pour les relations entre juifs et chrétiens .(5)



FRANCE – DÉCLARATION DES ÉVÊQUES FRANÇAIS À AUSCHWITZ-BIRKENAU
Paris, 16 octobre 2002

Au moment où, le 16 octobre 2002, l’on commémorait en France le 60e anniversaire des premières rafles de juifs, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Jean Pierre Ricard, accompagné de plusieurs évêques dont Mgr Francis Deniau, président du Comité épiscopal des relations avec le judaïsme, de Mgr G. Poulain, membre de ce Comité, du prof. Pezzetti, directeur du Centre de la mémoire de la Shoa de Milan et du docteur Prasquier, directeur de Yad Vashem France, s’est rendu à Auschwitz–Birkenau.


Il y a 60 ans, le Reich nazi a voulu imposer par la violence une Europe païenne, en éliminant toute référence à la Loi transmise au peuple juif au Sinaï.

Aujourd’hui, conscients de nos responsabilités, nous ne pouvons que nous recueillir humblement et dans le silence de la prière, en pensant aux millions de victimes juives, enfants, adultes, vieillards, qui furent exterminés pour le seul fait d’être nés juifs.

Nous n’oublions pas non plus tous ceux qui, victimes de l’idéologie raciale hitlérienne, furent tués ou persécutés.

A Auschwitz-Birkenau, nous voulons rappeler que l’Europe aujourd’hui ne serait pas ce qu’elle est sans ses racines juives, chrétiennes et humanistes :

Tout homme a été créé à l’image de Dieu,

le racisme et l’antisémitisme sont des péchés contre l’homme, contre le Créateur,

péchés que rien ne peut justifier.



VATICAN – SYMPOSIUM INTERNATIONAL INTERRELIGIEUX
Rome, 18 janvier 2003


A l’initiative du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, un symposium international interreligieux a eu lieu à Rome du 16 - au 18 janvier 2003. A son issue, la déclaration suivante a été publiée.


Ressources spirituelles des religions pour la paix

A une époque où des conflits divisent les voisins et les nations et où la menace de guerre plane au-dessus de nous comme un ombre, trop de gens voient et utilisent la religion comme une force de division et de violence plutôt que d’unité et de paix. Du 16 au 18 janvier 2003 à Rome, le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux a organisé un symposium sur les « Ressources spirituelles des religions pour la paix ». A ce symposium, 35 participants venant de 15 pays se sont consacrés à explorer les riches ressources des religions (bouddhisme, christianisme, hindouisme, islam, jainisme, judaïsme, sikhisme, zoroastrisme) pour la paix. Cette rencontre faisait suite à l’Assemblée Interreligieuse qui avait eu lieu au Vatican du 25 au 28 octobre 1999 [cf. Sidic Vol. XXXIII, n̊1, 2000. NDLR], à la Journée pour la Paix à Assise le 24 janvier 2002, et au Forum pour la Paix qui l’a précédée.
Au cours des derniers mois, les conversations concernant la guerre se sont intensifiées, mais on ne peut pas constater une grande augmentation de conversations sur la paix. Il faut des efforts sérieux pour examiner comment dans un monde de plus en plus interconnecté, nous pouvons trouver de nouvelles voies pour respecter nos différences religieuses en créant des liens de paix basés sur notre humanité commune.

Nos Ecritures et nos traditions sont les ressources spirituelles les plus importantes que chacun de nous possède. Nous croyons que les Ecritures de chaque religion enseignent le chemin vers la paix, mais nous reconnaissons que nos différents écrits sacrés ont souvent été et continuent à être utilisés pour justifier la violence, la guerre et l’exclusion. Nos différentes communautés ne peuvent pas ignorer les passages qui souvent ont été mal interprétés ou manipulés en vue de buts indignes comme le pouvoir, la richesse ou la vengeance, mais nous devons tous reconnaître le besoin de nouvelles études contextuelles et d’une compréhension approfondie de nos différentes Ecritures qui diront clairement le message et la valeur de la paix pour toute l’humanité.
Les croyants doivent étudier les passages d’Ecriture représentatifs de ceux qui ont une autre religion, avec des manières de faire en conflit avec notre propre manière de nous comprendre. Ceci demande un effort renouvelé pour bien éduquer nos propres adhérents aux valeurs et aux croyances des autres. Une éducation interreligieuse qui prend au sérieux la compréhension des autres traditions religieuses est essentielle pour communiquer le message de la paix aux nouvelles générations. C’est le défi de rester fidèle à notre propre foi sans déprécier ou déformer celle des autres.

Les ressources spirituelles de la paix ne comportent pas seulement nos propres bases scripturaires, mais aussi l’exemple de nos co-croyants qui, tout au long de l’histoire, ont enseigné la paix et ont agi comme bâtisseurs de paix. Ceux-ci comportent des saints, des poètes et des martyrs qui ont souffert et donné leur vie dans un engagement non-violent pour la vérité, la justice, la communion, fondements du progrès humain. Ils comptent d’innombrables personnes de toute religion, dont les noms ne sont pas enregistrés par l’histoire, mais qui ont agi avec courage pour empêcher des conflits et des guerres, qui ont aidé les victimes de la violence sans regarder leur appartenance à une religion ou à une nation, et qui ont travaillé pour la justice et la réconciliation comme base pour établir la paix. Par leurs actions, ils ont témoigné d’une manière concrète de la mission de chaque communauté religieuse d’être des agents de paix au sein des dures réalités d’injustice, d’agression, de terrorisme et de guerre.

Les ressources spirituelles de la paix comportent aussi des rencontres interreligieuses qui ont aidé beaucoup à se réunir pour apprendre de la foi de l’autre et des valeurs communes, et de travailler ensemble pour construire des sociétés de justice et de paix. De telles rencontres cherchent à inculquer un esprit de respect mutuel et de vraie compréhension les uns pour les autres, et elles nous ont aidés à voir nos religions comme une force pour le bien. Le respect mutuel et la valorisation des différences ne sont pas simplement des buts élevés mais une réalité qu’il est possible d’atteindre.

Une option pour la paix ne veut pas dire un assentiment passif au mal ou un compromis en ce qui concerne les principes. Elle exige une lutte active contre la haine, l’oppression et la désunion, sans utiliser des méthodes de violence. Construire la paix exige une action créative et courageuse. Un engagement pour la paix est un travail de patience et de persévérance. Il comporte aussi la volonté d’examiner d’une manière auto-critique la relation entre nos traditions et les structures sociales, économiques et politiques qui sont souvent des agents de violence et d’injustice.

Nous reconnaissons que, dans le contexte de nos vies contemporaines, la collaboration interreligieuse n’est plus une option mais une nécessité. On pourrait dire qu’être religieux aujourd’hui c’est être interreligieux. La religion prospérera au cours de ce siècle seulement dans la mesure où nous maintiendrons le sens de la communauté parmi les personnes de différentes religions qui travaillent ensemble comme une famille humaine pour atteindre un monde de paix.



GROTTAFERRATA-ROME – RENCONTRE ENTRE LA COMMISSION DU SAINT-SIÈGE POUR LES RELATIONS RELIGIEUSES AVEC LE JUDAÏSME ET LE GRAND RABBINAT D’ISRAËL
26 février 2003


1. Après un meeting préliminaire le 5 juin 2002, la délégation des hauts responsables de la Commission du Saint-Siège pour les Relations avec les Juifs, et celle des hauts responsables du Grand Rabbinat d’Israël se sont réunies Villa Cavalletti (Grottaferrata – Rome) du 23 au 27 Février 2003.
Les discussions, qui se sont déroulées dans une atmosphère amicale et chaleureuse, ont été centrées sur les moyens de faire avancer la paix, l’harmonie et les valeurs religieuses dans les sociétés contemporaines.

2. Nous avons reconnu que la base de notre dialogue en cours devait être la vérité, et l’honnêteté, dans le respect de nos différentes identités religieuses. Nous dialoguons en tant que membres de religions ayant en commun les mêmes racines et le même patrimoine spirituel. Le dialogue est une valeur en soi et exclut toute intention de convertir l’autre. Suivant les enseignements du Concile Vatican II et du pape Jean-Paul II, l’Eglise catholique reconnaît que « les juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu dont les dons et l’appel sont sans repentance » (Nostra Aetate, n̊ 4 ; cf. aussi Rm 11, 28-29). Nous reconnaissons nos différentes traditions et nous nous respectons les uns les autres dans notre altérité. Nous ressentons l’appel à témoigner au monde du Dieu Unique et nous sommes prêts à coopérer pour promouvoir nos valeurs religieuses communes, la paix dans la justice, la vérité et l’amour.

3. Les sujets de discussion et de coopération suivants ont été choisis

a) l’inviolabilité de la vie humaine

b) les valeurs de la famille.


4. L’inviolabilité de la vie humaine

4.1. La valeur de la vie humaine est la plus haute valeur de notre monde ; elle est unique. Toute atteinte à la vie humaine doit être repoussée et tous les efforts devraient tendre à promouvoir les droits de la personne humaine, la solidarité entre êtres humains et le respect de la liberté de conscience.

4.2. Notre commune motivation religieuse pour cette affirmation centrale est basée sur le principe biblique que tout être humain est créé à l’image du Dieu vivant, à Sa ressemblance (cf. Gn 1, 26). Le Dieu Saint est le Créateur de la vie humaine, et l’être humain est béni et sanctifié par Sa Sainteté. Par conséquent, toute vie humaine est sainte, sanctifiée et inviolable. Selon le Lévitique 19, 2 la sainteté de Dieu constitue un impératif essentiel pour le respect de la morale : « Vous serez saints parce que Je suis Saint, Moi le Seigneur votre Dieu! ».

4.3. Protéger la vie humaine est une conséquence éthique évidente de cette conviction. Tout croyant, en particulier les chefs religieux, devraient coopérer dans la défense de la vie humaine. Toute attaque envers un être humain va à l’encontre de la volonté de Dieu, est une profanation du Nom de Dieu, s’oppose directement à l’enseignement des prophètes. Détruire une vie humaine, y compris la sienne propre, même au nom de Dieu, est un sacrilège.
Ainsi que le pape Jean Paul II l’a souligné maintes fois dans son message pour la Journée mondiale de la paix 2002, aucun responsable religieux ne peut tolérer le terrorisme nulle part au monde. C’est une profanation de la religion de s’appointer terroriste au nom de Dieu, de commettre des actes de violence en Son nom. Le terrorisme, n’importe où dans le monde est en contradiction flagrante avec la foi en Dieu, le Créateur de l’homme qu’il aime et protège.

4.4. En tant que responsables religieux de nos communautés de foi, nous portons une extraordinaire responsabilité dans l’éducation de nos communautés et particulièrement celle de la plus jeune génération en ce qui concerne le respect de la sainteté de la vie humaine. Nous ne devrions admettre aucun meurtre commis au nom du Seigneur qui ordonne : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13, Dt 5, 17) ; nous devrions éviter tout abus et fanatisme religieux ainsi que les responsables juifs, chrétiens et musulmans l’ont proclamé dans le communiqué commun de la Déclaration d’Alexandrie (Janvier 2002).(6) Nous devrions tous unir nos forces pour bâtir un monde meilleur de fraternité, de justice de paix et d’amour pour tous.

4.5. Il y a des implications culturelles et pédagogiques en ce qui concerne notre coopération à ce sujet. Tous les éducateurs devraient accroître leurs efforts pour préparer des programmes qui enseignent aux jeunes le respect de la très haute valeur de la vie humaine. Pour lutter contre la tendance actuelle de violence et de mort dans nos sociétés, nous devrions chercher à coopérer avec les croyants de toutes les religions et avec tous les hommes de bonne volonté pour promouvoir une « culture de la vie ».

5. Les valeurs de la famille

5.1 L’institution de la famille prend sa source dans la volonté du Tout-Puissant qui a créé l’être humain à l’image de Dieu ; « homme et femme Il les a créés » (Gn 1, 27). Le mariage dans une perspective religieuse a une grande valeur parce que Dieu bénit cette union et la sanctifie.

5.2. La famille et le foyer familial procurent un environnement chaleureux et protecteur qui permet le développement des enfants et assure leur éducation par la transmission de la foi et des traditions. La cellule familiale est la base d’une société saine.

5.3 La révolution des médias et de l’électronique a apporté beaucoup de changements positifs dans la société. Cependant, trop souvent ces changements ont eu aussi une influence négative sur les comportements sociaux. Les adultes, de même que les jeunes sont exposés à certains aspects dénaturés et pervertis de la vie, tels que la violence et la pornographie. En tant que responsables religieux nous sommes interpellés par ces changements destructeurs.

5.4. Plus que jamais, nous avons le devoir d’enseigner à la maison et à l’école les valeurs familiales, en accord avec nos riches traditions religieuses. Les parents devraient consacrer plus de temps à leurs enfants pour leur montrer leur amour et les guider vers des attitudes positives. Parmi les autres valeurs familiales importantes nous devrions mettre l’accent sur l’amour, le souci de l’autre, l’importance de la vie et la mutuelle responsabilité des parents et des enfants (cf. Ex 20, 12 ; Dt 5, 16). Dans cette perspective, nous ne pouvons envisager d’autres modèles de couple ou de famille.

« Car je l’[Abraham] ai distingué, pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie du Seigneur, en accomplissant la justice et le droit ; de la sorte, le Seigneur réalisera pour Abraham ce qu’il lui a promis » (Gn 18, 19).


Grottaferrata – Roma (Villa Cavalletti),
26 février 2003

Rabbi Shar Yishuv Cohen (Président de la délégation juive).
Cardinal Jorge Mejia (Président de la délégation catholique).
Rabbi Ratzon Arrusi
SE. Mgr Giacinto-Boulos Marcurso
Rabbi David Brodman
P. Georges Cottier op
Mr Oded Wiener
P. Elias Shacour
Mgr Pier Francesco Fumagalli
P. Norbert Hofmann sdb
SE Mr Shmuel Hadas
SE Mgr Pietro Sambi

Traduit pour SIDIC par Anne Charlon (www.sidic.org)



ROME – AUDIENCE DE LA DÉLÉGATION DU CONGRÈS JUIF MONDIAL ET DU COMITÉ JUIF INTERNATIONAL POUR LES CONCERTATIONS INTERRELIGIEUSES
22 mai 2003

Le 22 mai, le Pape Jean Paul II a reçu en audience les membres de la délégation du Congrès juif mondial et du Comité juif international pour les concertations interreligieuses, qui s’engagent en Argentine dans un projet en faveur de l’enfance en péril. Il leur a adressé ces mots :


Chers amis,

C’est pour moi un grand plaisir d’accueillir au Vatican les honorables représentants du Congrès juif mondial et du Comité juif international pour les entretiens interreligieux. Votre visite rappelle les liens d’amitié tissés depuis que la Déclaration Nostra Aetate publiée par le Concile Vatican II a renoué des relations positives entre juifs et catholiques.
La Parole de Dieu éclaire nos pas de sa lumière; elle nous garde en vie et nous vivifie (Ps 119, 105,109). Nos frères et soeurs juifs reçoivent la Parole de Dieu surtout à travers la Tora. Pour les chrétiens la Parole de Dieu s’est accomplie en Jésus-Christ. Bien que nous tenions et interprétions cet héritage différemment, nous nous sentons responsables de porter témoignage de l’amour paternel de Dieu pour ses créatures.

Même si le monde contemporain est souvent marqué par la violence, la répression et l’exploitation, ces réalités ne représentent pas l’achèvement de notre destinée humaine. Dieu a promis des « Cieux nouveaux et une Terre nouvelle » (Is 65, 17 ; Ap 21, 1). Nous savons que « Dieu essuiera les larmes de tous les visages » (Is 25, 8) et qu’ « il n’y aura plus ni deuil, ni souffrance » (Ap. 21, 4). Nous, juifs et chrétiens, croyons que notre vie est un cheminement vers l’accomplissement des promesses de Dieu.

A la lumière de notre riche héritage commun, nous pouvons considérer que le présent nous met au défi de joindre nos efforts pour apporter la paix et la justice au monde. La défense de la dignité de tout être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, est une cause que doivent défendre tous les croyants. Cette sorte de coopération pratique demande du courage et des idées, autant que la foi en Dieu qui valorise nos efforts : « si Dieu ne bâtit la maison, les maçons peinent en vain » (Ps 127, 1).

Chers amis, je voudrais vous exprimer mes encouragements pour votre engagement à aider l’enfance en péril en Argentine. J’espère de tout coeur et prie avec ferveur pour que le Tout-Puissant bénisse vos projets et vos plans. Puisse-t-Il vous accompagner et vous guider sur le chemin de la paix (Lc 1, 79).

Traduit pour SIDIC par Anne Charlon (www.sidic.org)


__________________

1. Publiée en italien par le Corriere della Sera (19 février 2003), traduite et publiée par la Croix, le 24 février 2003.
2. Traduction française de Claude Detienne pour CJE et reinfo-israel.com, mise en ligne le 6 octobre 2002.
3. Traduit de l’américain par Jacqueline Rastoin pour la revue Sens, 2003, n°4 qui nous a aimablement autorisés à reproduire cette traduction.
4. Cf. Sidic, Vol. XXXIII, n°3 (2000) [NDLR]
5. Dr Norman Beck (Texas Lutheran University, Seguin, TX); Dr Mary C. Boys snjm (Union Theological Seminary, NYC); Dr Rosann Catalano (Institute for Christian & Jewish Studies, Baltimore, MD); Dr Philip A. Cunningham (Center for Christian-Jewish Learning, Boston College, Chestnut Hill, MA); Dr Celia Deutsch nds (Barnard College/Columbia University, NYC); Dr Alice L. Eckardt (Lehigh University, Bethlehem, PA); Dr Eugene J. Fisher (Washington, DC); Dr Eva Fleischner (Montclair NJ State University, Claremont, CA); Dr Deirdre Good (General Theological Seminary of the Episcopal Church, NYC); Dr Walter Harrelson (Vanderbilt University, Nashville, TN); Rev. Michael McGarry csp (Tantur Ecumenical Institute, Jerusalem); Dr John C. Merkle (College of St Benedict, St Joseph, MN); Dr John T. Pawlikowski osm (Catholic Theological Union, Chicago); Dr Peter A. Pettit (Institute for Christian-Jewish Understanding Muhlenberg College, Allentown PA); Dr Peter C. Phan (Catholic University of America, Washington, DC); Dr Jean-Pierre Ruiz (Dept. of Theology and Religious Studies, St. John’s University, NYC); Dr Franklin Sherman (Evangelical Lutheran Church in America); Dr Joann Spillman (Dept. of Theology and Religious Studies, Rockhurst University, Kansas City, MO); Dr John T. Townsend (Harward Divinity School, Cambridge, MA); Dr Joseph Tyson (Southern Methodist University, Dallas, TX); Dr Clark Williamson (Christian Theological Seminary, Indianapolis, IN).
6. Cfr. Sidic, Vol. XXXV, n° 2-3 (2002)[NDLR]




 

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