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Présentation
Les éditeurs
Dès le début du christianisme, les relations judéo-chrétiennes ont été marquées par la manière de concevoir la Torah. C'est un fait bien connu que, dans les écrits du Nouveau Testament, des auteurs comme Matthieu, Paul, Jacques ont interprété la Torah d'une manière très différente. Malgré la diversité d'approches qui caractérisait l'inter prétation primitive, une de ces traditions surtout s'est imposée et maintenue au cours des âges, celle qui prétendait la Torah abolie par le Christ et remplacée par l'enseignement de celui-là même qui l'avait accomplie parfaitement. Certains textes, d'ailleurs, continuaient à créer des difficultés aux exégètes, comme, par exemple celui de Matthieu 5, 17-19.
Quoiqu'il en soit, les livres de la Torah embrassent, on le sait, deux réalités différentes selon le sens que l'on attribue au terme. Au sens strict, la Torah correspond au Pentateuque; pris dans un sens plus large, il recouvre l'ensemble de la Bible Hébraïque. Ce qui n'est certainement pas correct c'est de traduire « Torah » par « loi ». L'ex pression « loi » suggère un corps de mesures juridiques, tandis que le mot « Torah » sous-entend d'autres concepts; les racines « J r h » sont en effet les mêmes que pour « enseignant » et « parents », et le vocable « Torah » évoque, avant toute autre chose, l'idée du maître qui enseigne à vivre, autrement dit, l'enseignement que Dieu dispense à son peuple. Or, la tradition chrétienne a fréquemment introduit une idée d'opposition entre la nouvelle loi promulguée par le Christ et la Torah, identifiant la première à l'amour et la seconde au légalisme: Les « Orientations et Suggestions pour l'Application de la Déclaration Conciliaire "Nostra Aetate" », publiées par la Commission Vaticane pour les Relations Religieuses avec le Judaïsme, le ler Décembre 1974, s'expriment ainsi: « L'Ancient Testament et la tradition juive fondée sur celui-ci ne doivent pas être opposés au Nouveau Testament de telle façon qu'ils semblent n'offrir qu'une religion de la justice seule, de la crainte et du légalisme, sans appel à l'amour de Dieu et du prochain (cf. Dt. 6,5; Lv. 19,18; Mt. 22, 34-40) ».
Dans le présent numéro, SIDIC désire offrir aux lecteurs quelques réflexions sur la Torah et sur la signification de son enseignement pour les juifs et les chrétiens aujourd'hui. La Torah échappe à toute interprétation simpliste. Elle n'est pas un livre ordinaire, elle n'est pas non plus un code juridique: c'est la parole de Dieu saisie par la parole écrite, celle-ci enrichie à son tour par l'interprétation orale; elle touche tous les aspects de la vie; c'est l'histoire dans sa réalité profonde de relation Dieu-Israël, relation qui, selon la conviction biblique, est le modèle et le miroir de la vie humaine en général. La Torah, écrite et orale, essaie d'expliquer comment la vie devrait être vécue pour qu'elle se déroule en présence de Dieu et selon son esprit. La Torah répond à un besoin qui s'exprime tout au long de la tradition juive et chrétienne, celui de chercher Dieu concrètement dans les circonstances changeantes de l'histoire. « Enseigne-moi, Seigneur, la voie de tes volontés, je la veux garder en récompense » (Ps. 119,33), dit le Psalmiste. Vivre la Torah signifie aussi vivre dans la joie et la paix, car chercher l'enseignement du Seigneur c'est créer des relations harmonieuses entre les êtres humains, avec la création, avec Dieu. C'est là que se situe le sens profond de la fête de Simhat Torah, la fête de la joie de la Torah.