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SIDIC Periodical VII - 1974/1
Saint Thomas d'Aquin à l'écoute de Maimonide (Pages 29 - 30)

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Note bibliographique
C.M.K. Macleod

 

La Rassegna di letteratura Tomista est un outil bibliographique indispensable à la connaissance de la littérature actuelle concernant Thomas d'Aquin. Publié d'abord en France, le Bulletin Thomiste paraît depuis plusieurs années en Italie sous son nouveau titre. On note dans cette revue (très utile pour rassembler les éléments d'une première bibliographie au sujet des rapports de Thomas avec la pensée juive) une rubrique, « sources juives et arabes », qui fournit des indications précieuses pour une connaissance de l'arrière-fond de la doctrine de l'Aquinate. On y trouve également quelques références à l'un ou l'autre auteur juif, et surtout à Maïmonide, que Thomas cite avec grand respect, en l'appelant « Rabbi Moyses ». Il faut nécessairement compter un certain laps de temps entre la publication des ouvrages recensés et la parution de la Rassegna, de sorte que le numéro le plus récent a paru en 1973; il concerne les travaux venus à la lumière jusqu'en 1970.

Le Bulletin a le grand mérite de citer des ouvrages sans lien strict avec Thomas mais qui peuvent nous aider à mieux comprendre son travail, ainsi: l'Introduction à la pensée juive du moyen-âge de G. Vajda (Paris, Vrin, 1947) avec son chapitre sur Maïmonide; et A. Cohen, The Teachings of Maimonides (New York, Ktav, 1968).

Le terrain commun, dans le cas de Maïmonide et Thomas, est un effort d'intégration du meilleur de la philosophie d'Aristote, si riche dans sa pensée métaphysique et psychologique, avec les données de la révélation divine. (On peut cependant, déplorer que ceux qui connaissent Thomas seulement à travers les manuels scolastiques risquent de l'ignorer, parce que dans ces « bouquins » ladensité et la chaleur de la vraie pensée thomiste, toute imprégnée de la Bible, ne se voit pas). Parce qu'il s'agit d'une interprétation d'Aristote, on trouve assez souvent, réunies dans le même article, des réflexions sur des écrivains arabes et juifs aussi bien que sur Thomas d'Aquin.

Citons entre autres:

M. Fakhry, « The 'antinomy' of the world in Averroes, Maimonides and Aquinas », Museon 66 (1953) 139-155.

E. Garin, « Avicenne, Averroès, Maïmonide, S. Thomas, Siger de Brabant » dans La filosofia medievale, Bari, Laterza, 1963.

Quant à Maïmonide, on peut citer plusieurs articles qui étudient l'influence que ce grand penseur juif a exercée, en traduction latine, sur le monde médiéval européen:

W. Kluxen, « Literargeschichtliches zum lateinischen Moses Maimonides », Recherches de Théologie Ancienne et Médiévale 21 (1954) 2350; et du même auteur, « Maimonides und die Hochscholastik », Philosophisches Jahrbuch 63 (1955) 151-165 et « Die Geschichte des Maimonides im lateinischen Abendland als Beispiel einer Christlich-Jiidischen Begegnung », Judentum im Mittelalter (herausgegeben y. P. Wilpert, Miscellanea Mediaevalia 4), Berlin, De Gruyter 1966, 146-166.

On trouve ensuite des travaux sur la relation entre Thomas et Maïmonide. Intéressants, dans cette catégorie, sont K. Harasta, « Die Bedeutung Maimuns für Thomas von Aquin », Judaica 11 (1955) 65-83; K. Schubert, « Die Bedeutung des Maimonides für die Hochscholastik », Kairos 10 (1968) 2-18.

De nos jours, tout le monde accepte la dépendance de Thomas vis-à-vis de Maïmonide en ce qui concerne la « Tertia via », ou la preuve de l'existence de Dieu à partir d'une considération de la contingence et de la nécessité, de sorte que, ces dernières années, personne n'a senti le besoin d'en parler! On trouve, par contre, et bien que ce lien soit également reconnu depuis longtemps, l'un ou l'autre article qui explique la façon dont Thomas dépend du Rambam pour sa doctrine de la prophétie:

J. M. Casciaro, « Contribuci6n al estudio de las fuentes arabes y rabinicas en la doctrina de S. Tomàs sobre la profecia », Estudios Biblwos 18 (1959) 117-148; C. Touati, « Le problème de l'inerrance prophétique dans la philosophie juive du Moyen-Age », Revue d'histoire des religions 174 (1968) 169-187.

Si la théologie implique l'effort de l'intelligence humaine pour comprendre, dans la mesure du possible, Dieu et ses oeuvres, nous pouvons, avec profit, étudier les positions des grands maîtres médiévaux à propos de l'essence et de l'existence de Dieu, l'éternité du monde, la création, etc. Citons, par exemple, l'étude d'E. Gilson, « Maïmonide et la philosophie de l'Exode », Medieval Studies 13 (1951) 223-225; E. Behler, Die Ewigkeit der Welt. Problemsgeschichtliche Untersuchung zu den Kontroversen um Weltanfang und Weltunendlichkeit im Mittelalter. I. Die Problemstellung in der arabischen und jiidischen Philosophie des Mittelalters, Munich - Paderborn, 1965; L. H. Kenzierski, « Maimonides' Interpretation of the 8th Book of Aristotle's Physics », New Scholasticism 30 (1956) 37-48; J. Stallmach, « Der Einfluss des Moses Maimonides auf das Denken Thomas von Aquins », Akten des XIV Internationalen Kongresses für Philosophie (Wien 1968), V, Vienne, Herder 1970, 491-492 (qui parle de l'origine du monde). Un autre thème traité par nos deux auteurs et non dépourvu d'importance aujourd'hui, est celui de la loi: cf l'article de J. Faur, « La doctrina de la ley natural en el pensamiento Judio del Medioevo ». Sefarad 27 (1967) 239-268.

D'autre part, si nous commençons à connaître certaines sources juives de la pensée des chrétiens médiévaux, on regrette de ne pas trouver citésdans la Rassegna davantage d'ouvrages qui dèmontrent l'influence réciproque des grands maîtres latins sur les écrivains hébraïques de l'époque. 11 y a ici encore tout un travail à faire.

Avant de clore ces remarques, nous voudrions signaler trois auteurs qui ont contribué de façon particulière à éclairer les relations entre le Rambam et le Docteur Angélique. On ne peut pas s'empêcher de remonter jusqu'à J. Guttmann, le pionnier qui a défriché le chemin par ses ouvrages: Das V erhâltnis des Thomas von Aquino zum Judentum und zum jüdischen Literatur, gen 1891; Die Scholastik des 13. Jahrhunderts in ihr Beziehungen zum Judentum und zur jüdischen Literatur, Breslau 1902; « Der Einfluss der maimonidischen Philosophie auf das christliche Abendland », Moses ben Maimon: Sein Le-ben, seine W erke und sein Einfluss, hg. durch W. Bacher etc. 2 Bde, Leipzig 1908 - 1914, I, 135230. Une étude très pratique a été faite par C. Vansteenkiste, « Autori Arabi e Giudei nell'opera di San Tommaso » Angelicum 37 (1960) 336-401. L'auteur donne une liste de toutes les citations explicites faites par Thomas de ces auteurs; ce travail de valeur demande à être prolongé par une recherche des influences reconnaissables là même où le source n'est pas citée (pensons à la « Tertia Via », Somme Théologique, Ia, 2, 3 et au passage parallèle dans la Somme contre les Gentils). Finalement, nous signalons avec grande joie le livre de G. Sermoneta, Un glossario filosofwo ebraico-italiano del XIII secolo, Ed. dell'Ateneo, Roma 1969. Cet ouvrage de l'éminent professeur de l'Université Hébraïque de Jérusalem cache sous son titre un peu rébarbatif non seulement une mine d'information sur le vocabulaire des écoles de cette époque mais aussi des indications précieuses sur les relations très positives entre juifs et chrétiens surtout dominicains, à Naples, au temps de Thomas. Espérons que ce travail de recherche de la vérité poursuivie au moyen-âge puisse continuer de nos jours de façon irénique et constructive: seule la collaboration de juifs et de chrétiens qui connaissent leur propre héritage permettra d'avancer sur ce chemin.

 

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