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Enseignement et Education: C'est comme Fantomas!
Mary Travers
« C'est comme Fantornes!» s'exclamait avec enthousiasme un enfant de neuf ans qui venait d'entendre, de la bouche de sa maîtresse, le récit du miracle de Jésus marchant sur les eaux (Mt 14,22-32). Ce n'était certes pas la réponse qu'elle attendait.. mais quelle avait été son erreur?
« Quand vous rentrez chez vous, après le spectacle, n'essayez pas de voler, vous aussi, en vous jetant par la fenêtre de votre chambre! ». tel est l'avertissement que l'on donne habituellement aux enfants après la présentation de Peter Pan /de J.M. Barries). Les producteurs de films peuvent ne pas comprendre la nécessité d'une telle mise en garde; mais ils la comprennent mieux à la suite de tristes expériences! Rappelez-vous quand vous étiez enfants... l'âge où vous étiez passionnés de contes de fées... le temps où vous étiez secrètement sùrs que des formules comme « Abracadabra » (ou «Sésame, ouvre-toi ») produisaient réellement leur effet et que, si vous n'arriviez jamais à un résultat, c'était sans doute parce que vous n'aviez pas fait extactement ce qu'il fallait!
Pourquoi l'enfant de neuf ans réagit-il ainsi devant le miracle? Pour quel motif est-il nécessaire de le mettre en garde après la représentation de Peter Pan? A quel âge vivions-nous donc avec la conviction qu'une puissance magique était à portée de notre main, et que nous n'avions qu'à découvrir les mots qui nous permettraient de la mettre en branle? Nous ne pourrons répondre à cette question qu'en nous rappelant les diverses étapes du développement naturel de la foi, ce dont nous avons déjà parlé dans cette revue (SIDIC, vol. XVIII, N. 2 - 1985). C'est l'étape de la « mentalité magique », le temps où l'on cherche à contraindre Dieu par l'usage de formules ou de rites appropriés, où l'on considère Celui-ci comme le Magicien ou le Prestidigitateur suprême, capable d'accomplir des miracles en un clin d'oeil. Cette mentalité, dominante au cours de l'enfance, disparaît (en principe) pendant l'adolescence ou, plus exactement, est alors reconnue pour ce qu'elle est, et traitée en conséquence. L'expérience prouve cependant que cela ne peut se faire sans une aide extérieure active et positive: La frontière est étroite, en effet, entre le sens religieux véritable et la simple superstition, et bien des croyants font des incursions dans les domaines brumeux de cette dernière, souvent presque inconsciemment et sous couvert de dévotion. C'est regrettable, et cela peut amener certains à perdre leur foi en Dieu (parce que les formules n'ont pas « marché » et que le miracle n'a pas eu lieu), ou conduire d'autres à l'obsession des gestes et des mots dans leur relation avec le Tout-puissant. Ceux-là mêmes dont la foi n'est pas marquée par cette tendance naturelle à la magie doivent rester attentifs au fait qu'elle peut exister, cela particulièrement s'ils ont la responsabilité d'éduquer des enfants à la foi.
Dans le domaine du miracle, il nous faut veiller particulièrement à cette tendance qui pourrait nous amener à donner de celui-ci une idée trop étroite. « A la vérité, tout est miracle », lisons-nous dans un récit hassidique: Cela peut être un bon point de départ. Les chrétiens doivent connaître les miracles qui, dans les Ecritures, ont précédé ceux des Evangiles, et ceux qui ont marqué aussi la tradition juive postérieure; les juifs peuvent trouver, eux aussi, quelque lumière dans l'approche chrétienne de ce sujet. Les articles de cette revue faciliteront éventuellement une telle étude.
Il y a en chacun de nous, croyant ou non, une tendance à la magie. Aussi devons-nous veiller dans notre enseignement, au moment où prédomine chez l'enfant une telle mentalité, à ne pas mettre trop l'accent sur les phénomènes miraculeux. Un peu plus tard, quand nous les aborderons, nous le ferons de manière positive, en en donnant un sens large, qu'il s'agisse des miracles de la Bible (A.T. et NT.) ou de phénomènes miraculeux plus récents.
Nous lisons dans le récit des Nombres (22,6) que Balaq, roi de Moab, envoya Balaam maudire le peupie d'Israël en lui disant: «Je le sais: celui que tu bénis est béni, celui que tu maudis est maudit», ce qui signifie: « Tu connais le mot juste, la formule magique ». Mais dans son dernier dialogue avec le roi (23,26), Balaam affirme: « Ne t'avais-je pas dit: Tout ce que le Seigneur dira, je le ferai», ce qui signifie; «Je ne peux rien faire de moi-même; à Dieu seul appartient la puissance ». Nous sommes tous des Balaq de naissance mais, si nous sommes croyants, nous nous efforçons, tout au long de notre vie, de devenir des Balaam, reconnaissant notre dépendance totale du Créateur. le Dieu de l'univers.