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Présentation
Les Editeurs
Souvent, de nos jours, les gens ont une vue négative de la loi... de toute loi: des lois humaines d'abord qui leur semblent contraignantes, restrictives pour leur liberté, et même de la Loi divine qui n'apparaît plus que comme un cancan, un ensemble de pratiques rigides lorsqu'elle est coupée de sa force vita-le. Dans ce numéro de ~la revue, nous nous proposons de faire ressortir la grandeur, l'importance d'une loi morale pour l'humanisation du monde, et la contribution singulière du judaïsme en ce domaine de l'éthique, qui gouverne les relations des êtres humains avec leur Créateur et entre eux.
Il est bon de rappeler que le judaïsme ne parle pas tant de Loi que de Torah: un terme qui, comme le dit bien Danièle Fischer (en « Sens » 7-1985) « n'est pas compris comme un impératif despotique, mais camme une invitation, un appel bienveillant à la vie» (Dt 30,19). Etymologiquement, ce mot hébreu a le sens de « chemin, voie, mise en route, enfantement ». La traduction de ce mot en grec par ~le terme de nomos sera à d'origine d'une vision tronquée, inexacte, de la Loi juive, une vision qui s'est ~perpétuée à travers les siècles jusqu'à nos jours.
En réalité, comme le montre bien l'article de Michael Wyschograd, la Loi est pour le juif un don de Dieu, -pour le bonheur de son peuple et de l'humanité: elle est la composante essentielle de la participation à l'Alliance. La foi juive s'exprime beaucoup plus par des acte (l'observance des mitsvot) que par une adhésion à des vérités révélées; elle n'est pas spéculative, elle est une manière de vivre, d'agir: « Nous ferons et nous écouterons » (Ex 20,7). Les chrétiens aussi ont une Loi. Même si l'Egli se naissante a été amenée à « élaborer une théologie de la Loi, nouvelle et différente de celle du judaïsme», comme l'écrit Fr. Muissner (p. 21), Ps 119 même si elle a dû affronter le difficile problème de la « fai » et des « oeuvres », jamais en fait les commandements éthiques n'ont été séparés de ceux du culte: il y a les commandements de Dieu et ceux de I'Eglise. Dans la tradition judéo-chrétienne, la loi morale est inextricablement liée à la révélation divine. L'expérience du monde actuel montre avec évidence qu'il n'y a pas d'ordre ni de liberté sans loi: si l'homme ne se reconnaît plus créature, s'il se prend pour le centre de l'univers et rejette toute loi extérieure à lui-même, il se retrouve assez vite seuil, « isolé », dans le chaos, comme le dit Laurence Frizzell (p. 5). S'il reconnaît au contraire la création toute entière comme un donné dont il n'est pas le maître, dont il doit user selon certaines règles, se conduisant envers elle à l'image et à la ressemblance du Créateur, ü atteindra, pour lui et pour le monde, à cette a justice qui est aussi « justesse », bon ordre, vérité, harmonie, bienveillance et paix.
Pendant des siècles, les chrétiens n'ont trop souvent vu dans la Loi juive qu'un joug pesant dont Jésus serait venu heureusement les délivrer... mais ils ont oublié peut-être qu'il existe aussi une Loi chrétienne, qui, comme le montre bien Jacques Galdstain (p. 18), est différente, moins explicite que celle du Sinaï et qui consiste à suivre la personne du Christ, une loi exigeante cependant, qui doit orienter toute la vie; et ils oublient aussi parfois qu'il existe plus d'un chrétien léga1iste (cf. Mary Travers p. 26). Ce numéro de la revue pourrait nous aider à nuancer le jugement que nous portons sur les lois, et sur la Loi juive en particulier.
Que nous soyons juifs, chrétiens ou même musulmans, notre foi en Dieu se manifeste dans l'obéissance à une Loi, la référence constante de nos volontés à ce-Ile du Créateur, l'engagement à modeler nos comportements sur tes Siens qui sont empreints de miséricorde, pour refléter en quelque sorte dans le monde son image et sa ressemblance.
A propos de la Loi juive
C'est sous-estimer les préceptes du judaïsme que de n'y voir que des pratiques contraignantes. Ses rites sont des gestes
qui rompent la quotidienneté de l'existence et rappellent à ceux qui les observent
la Seigneurie de Dieu.
Les juifs fidèles reçoivent comme un don de Dieu le Sabbat et les rites
qui ont pour but de sanctifier l'agir humain.
Au-delà de leur littéralité, ceux-ci sont pour les juifs lumière et joie sur !e chemin de la vie (Ps 119).
Ils sont une manière de a bâtir le temps a
et de rendre grâce pour la création tout entière. C'est en effet toute l'existence
qui doit être référée à Dieu,
comme saint Paul le rappelait à ses frères (1 Co 10,30-31).
(Orientations Pastorales du Comité Episcopal Français pour les relations avec le judaïsme, 16 avr. 73 (D.C. - N. 1631, pp. 419-422))
Au moment de mettre ce numéro sous presse, nous avons la douleur de vous annoncer le décès d'un membre de l'Equipe du Centre SIDIC, Sr. MADELEINE MORAWSKA, rappelée à Dieu subitement le 15 novembre 1986. La prochaine revue vous parlera d'elle avec plus de détails.