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Le chant du serviteur souffrant et sa suite: Une nouvelle traduction
Asher Finkel
Le Chant dans la critique et l'exégèse biblique
Le chant du Serviteur souffrant ils 52,13 - 53,12) a été l'objet d'un intérêt spécial au long de l'histoire de l'interprétation biblique, tant pour l'Enlise et la Synagogue que pour les recherches scientifiques les plus récentes. Les interprétations de ce texte étaient sans doute déjà très diverses au ter siècle de notre ère puisque l'Eunuque éthiopien, en Actes 8,34, pose la question suivante: « De qui le prophète parle-t-il? De lui-même ou de quelqu'un d'autre? n Les premiers chrétiens voyaient déjà exprimé dans ce chant le sens véritable de la souffrance et de la mort de Jésus, et c'est ce qui amena l'Enlise à privilégier une interprétation messianique et individuelle du texte. La Synagogue différait non seulement par sa conception messianique, mais par l'interprétation collective qu'elle en donnait. centrée sur l'histoire d'Israél.1
Depuis la parution du livre de Bernhard Duhm (Das Buch Jesaia iibersàtz und erklàrt, en 1892), les recherches bibliques se sont centrées sur divers passages du Deutéro-Isale où il est question du Serviteur, considérant ces chants du Serviteur comme une unité littéraire. Si les opinions diver gent quant au nombre de ces derniers, à leur sens et à leur auteur, toutes s'accordent à reconnaître que le chant du Serviteur souffrant est le dernier de ce groupe.° La science moderne s'est bornée à une étude littéraire et exégétique du sens de ce texte, cherchant à préciser si l'interprétation messianique était la plus courante dans les années précédant la naissance du christianisme.° C'est cependant le mouvement prophétique du Secont Isaïe dans son ensemble qu'il faut examiner en premier lieu, car nous y trouvons un enseignement nouveau qui influença la vie juive après la destruction du Premier Temple. On sait qu'au temps de l'Exil le Deutéro-Isaïe introduisit certaines notions nouvelles sur l'immortalité, les prosélytes, le Temple en tant que « maison de prière » (56,1-7), ainsi que sur le sens spirituel du shabbat et du jeûne et sur les actes de miséricorde corporelle (chap. 58). C'est cet enseignement qui guida la vie religieuse juive pendant la période du Second Temple, quand le monothéisme eût prévalu au sein du peuple, après que les prophètes eurent longtemps lutté contre l'idolâtrie polythéiste. Cet enseignement eut une influence profonde sur le judaïsme et sur le christianisme primitif tels qu'ils se développèrent sous l'impulsion des rabbins et de Jésus. Ce qu'il y a d'unique, dans le Serviteur, c'est le sens « theodical» (concernant la justice divine) de la souffrance « vicaire », un enseignement nouveau sur la justice. Rien d'étonnant donc à ce que le chant du Serviteur souffrant ait joué un si grand rôle chez les disciples juifs de Jésus quant ils interprétèrent le dessein messianique de leur maitre.
Approche phénoménologique et suite du Chant
L'enseignement « théodical » (concernant la justice divine) vient réaffirmer le dessein de Dieu en ce monde qui se heurte aux forces « anomiques » se manifestant constamment dans notre condition humaine. Le phénomène de la souffrance, du mal et de la mort fait partie, en effet, de l'expérience individuelle et collective et doit être légitimé face à la justice divine.° L'expérience de destruction et de mort, de souffrance et d'exil qu'il vient de vivre est ce qui préoccupe particulièrement le prophète, surtout depuis que sa vie personnelle est marquée par une expérience identique de souffrance, d'emprisonnement et de mort. L'aspect «sympathique » (au sens d'épouser la souffrance d'autrui) de la vocation prophétique consiste en ce que, dans son propre exemple, se manifeste le « pathos » divin.° Du point de vue humain, il y a convergence entre l'individuel et le collectif, et la vie exemplaire du prophète donne un sens nouveau à l'existence du peuple. Du point de vue divin, la mort du juste prophète révèle une nouvelle dimension de la justice de Dieu face au mal ambiant.
Le chant du Serviteur souffrant donne, en fait, un enseignement sur la souffrance « vicaire» (soufferte pour autrui), considérée comme une réponse à la condition pécheresse de l'humanité: il répond ainsi à la première question. Mais il y a une autre question, celle de la mort du juste Serviteur, bien accueillie de Dieu du fait que le mal prédomine partout, question qui n'est abordée que plus tard, dans un passage qui suit (56,9 - 57,2). Du point de vue phénoménologique, cette suite vient compléter la leçon: elle est cependant habituellement rejetée par la science moderne, car elle montre que les contemporains du prophète refusaient l'idée d'une récompense future et d'un sens spirituel de la vie (56.12). tandis que le Deutéro-Isaïe présente un nouvel enseignement « théodical», centré sur le sens eschatologique de la mort du juste.
Cette suite du récit s'intéresse avant tout à l'eschatologie personnelle, à la vie posthume du juste Serviteur (57,2), mais aussi à l'eschatologie historique collective face au mal toujours menaçant (57-1). Ainsi cette perspective eschatologique peut-elle être à l'origine de l'interprétation messianique du chant du Serviteur souffrant, la mort du juste Serviteur prenant une signification particulière face au mal et au péché du monde. Vers la fin de la période du Second Temple, les deux enseignements: celui de la résurrection en tant que récompense à venir et celui du sens expiatoire, purificateur, de la souffrance en ce monde avaient pris une très grande importance dans le judaïsme pharisien comme dans le christianisme primitif.6
Une lecture attentive de ces deux textes montre que l'ensemble du Chant parle d'un personnage appelé « le juste » (ha-tsaddiq) et « mon serviteur» (avdi). En Is 53,11, les deux noms se trouvent rapprochés, ce qui montre bien le lien qui existe entre le Chant et sa suite. Nous trouvons de plus dans ces deux textes, des éléments ou des traits communs: les mêmes images sous forme de paraboles ou tirées du monde animal. Le Chant présente le Serviteur comme « un plant dans une terre aride » et comme « un agneau devant le tondeur », et ses contemporains comme « des brebis égarées ». L'épilogue présente ses adversaires comme « des animaux sauvages » et des « chiens voraces ». Nous trouvons ces mêmes images pour décrire le juste et le méchant dans la littérature prophétique et apocalyptique, et donc aussi dans les enseignements des rabbins et de Jésus. Le Chant et le passage qui en est la suite parlent de ce juste dont le rôle n'est pas totalement compris. Les autres ont une réaction d'étonnement, d'incompréhension et de frayeur devant le dessein divin de mettre son Serviteur à l'épreuve. On retrouve dans les deux textes un même vocabulaire et une façon particulière de lier les idées entre elles, une même manière aussi d'amener à la fin un enseignement nouveau, extraordinaire.
Une nouvelle traduction
La traduction que nous proposons ici se fonde sur une lecture attentive du texte, en tenant compte du témoignage ancien des textes de Qumran et de la Septante ainsi que des interprétations particulières conservées par le Targum araméen, les sources du christianisme primitif et les plus anciens écrits rabbiniques. Une attention spéciale est portée à la structure poétique telle qu'elle se présente dans les divers passages de chacune des scènes. L'introduction (52,13 - 53,1) est suivie de deux scènes (53,2-6 et 7-12) et l'ensemble se termine par un épilogue (56,9 - 57,2). Le Chant commence par une sorte d'en-tête et chacune des deux scènes se termine par la même pensée. Nous prenons fidèlement en compte les versets du poème hébreu ainsi que les mètres et les parallélismes. Quelques modifications du texte seulement ont été nécessitées par notre analyse poétique du texte, et elles sont signalées dans les Notes qui accompagnent notre traduction.
PREFACE
52,13a ‘Voici que mon serviteur sert de leçon.7
52,13b-14a - Il s'élève, exalté et très haut, tandis que beaucoup s'étonnent à son sujet ,8
52,14b - son apparence n'ayant plus rien d'un homme, ni son aspect d'un fils d'Adam
52,15ª - Ainsi stupéfie-t-il bien des gens, des rois pincent-ils les lèvres à son sujet,
52,15b - car ils ont été témoins d'une chose inédite, ils ont observé une chose inouïe.
53,1 - Qui aurait cru ce que nous avons appris?
Et à qui la puissance du Seigneur a-t-elle été révélée?
SCENE A
53,2a - Comme un jeune arbre il a poussé 10 devant lui, comme une racine hors d'une terre aride.
53,2b - Il n'a ni beauté ni éclat que nous puissions voir, ni aspect qui nous le rende désirable.
53,3a - Nous l'avons méprisé'« comme délaissé des hommes,12
homme des douleurs, familier de la maladie:13
53.3b - te/ celui devant qui on se voile la face,'"
nous l'avons méprisé, déconsidéré.
534e - Or, c'est nos maladies qu'il a portées»
nos douleurs qu'Il a endurées.
53,4b - tandis que nous l'estimions puni,
frappé par Dieu et humilié;
53,5a - mais lui était transpercé pour nos forfaits,
écrasé à cause de nos fautes.
53,5b - Le poldsn de notre bien-être était sur lui,
et par ses meurtrissures nous avons été guéris.
53,6a - Nous étions tous errants comme des brebis,
chacun suivant son propre chemin.
53,66 -Mais le Seigneur a fait de lui un Intercesseur"
(pour) le péché de nous tous.
SCENE B
53,7a -Maltraité, il était dans la peine,
53.7b - mais il n'a pas ouvert la bouche, tel un agneau traîné à l'abattoir:
537c - tel une brebis muette devant ses tondeurs. il n'a pas ouvert la bouche.
53,8a - Après emprisonnement et jugement, Il a été enlevé; qui peut raconter son agonien
53.8b - Car il a été retranché de la terre des vivants;
pour le forfait de mon peuple, il a été frappé à mort»
53,9e - Son tombeau a été mis avec ceux des méchants,
tandis que le riche est mis dans son sépulcre."
53,9b - Il n'a pas commis de violence,
il n'y a nulle fourberie dans ses paroles?]
53,10a - cependant le Seigneur a trouvé bon de l'humiliern en lui envoyant la maladie.
53,106 - Même si vous Imputez quelque culpabilité à sa vie,
53,10c - Il aurait pu voir un lignage, ses jours auraient pu se prolonger."
53.10d - Cependant par lui 24 la volonté de Dieu a réussi.
53,11e - A la suite de l'agonie de son âme, Il verra la lumIère25 et sera rassasié; par son affliction" H fera la justice.
53,11b - Mon serviteur est justice pour la multitude, et c'est leur faute qu'il a portée;
53,12a - aussi lui donnerai-je une part parmi la multitude,
avec les puissants il partagera le butin; 53.12b parce qu'il s'est livré lui-même à la mort
et qu'il a été compté parmi les criminels;
53,12c - mais c'est du péché de la multitude qu'Il s'est chargé
et il intercède p
EPILOGUE
56,9 - Toutes les bêtes des champs sont venues dévorer, tous les animaux de la forêt sont sortis."
56.10a - Ils sont tous aveugles, ils ne savent rien,"
56,10b, c - chiens muets, Incapables d'aboyer,
rêvant de rester couchés, aimant dormir.
56,11a, b - Les chiens sont féroces, jamais rassasiés,2°
car ils sont des méchants" qui ne savent pas discerner. 56,11c Tous ont pris leur propre chemin:
chacun de son côté est allés/ au pillage.
56,12a - « Laissez-nous prendre du vin, nous remplir de boissons fortes, car demain sera comme aujourd'hui, et encore davantage».
57,1a - Le juste a péri et personne ne s'en inquiète:32
57,1b - et les hommes aux actes répréhensibles 33 se rassemblent sans y prendre garde.
57,1c - A cause du mal (qui menace) 34 le juste a été enlevé:
57,2 - Qu'il aille (en) paix celui qui approche Sa présence," (avec) ceux qui reposent sur leurs couches funèbres.36
Le sens originel du texte et son influence
Epreuve et récompense du tsaddiq
Le Chant et sa suite avaient à l'origine comme objet central le tsaddiq humain, la manière dont par sa vie il accomplit la justice en intercédant pour la multitude et dont, par sa mort, il est le signe avant-coureur d'une grande catastrophe. Le Chant décrit l'épreuve du tsaddiq qui devient un acte suprême d'intercession en faveur de la multitude. II est le Serviteur de Dieu, terme désignant le prophète (Nb 12,7, Is 20,30) qui, tel Moise, se tient devant Dieu dans une attitude d'intercession manifestant son amour pour son peuple (Ex 32,11-14). L'épilogue parle de la suppression du tsaddiq, ce qui équivaut, dans la pensée prophétique, à l'absence de Dieu dans l'histoire, signe d'une destruction imminente (Dt 31,17). Quant au tsaddiq même. après la mort il jouit d'une vie éternelle. Cette vie posthume, dans la splendeur de la lumière, est la récompense suprême réservée au juste qui jouit sans fin, dans le royaume des cieux, de la présence divine. Cette spiritualisation de la récompense dans l'enseignement du Deutéro-Isaïe va permettre de mettre, dans le judaïsme, un accent nouveau sur l'eschatologie personnelle.
Le Daniel des apocalypses (au 2e siècle avant notre ère), qui est nettement influencé par l'enseignement des prophètes qui l'ont précédé," partage cette conception nouvelle avec les maskilim, ceux qui discernent ces nouveaux points de vue. Ces maskilim sont comparés à ceux qui, par leur vie. « accomplissent la justice pour le grand nombre», et ils sont récompensés dans le ciel par l'illumination, avec la promesse de la résurrection (12,2-3h Justement, le Chant d'Isaïe se présente comme un maskil, un poème contemplatif qui vient nous éclairer; le mot maskil pouvant désigner en hébreu à la fois l'objet et la personne. Ces justes (maskilim) suivent dans leur vie l'exemple du Serviteur souffrant et, à la période pré-macchabéenne, on les appellera des hassidim, c'est-à-dire ceux qui veulent souffrir et mourir pour Dieu en martyrs, sûrs d'obtenir par là une récompense éternelle (1M 1,29-37 et 45; 2M 6,18-7,42).
La notion de martyre
En fait, voilà qu'émerge à cette époque un nouveau phénomène religieux, celui du martyre, que nous trouvons décrit pour la première fois en Dn 3 (Les trois enfants dans la fournaise) et en Dn 6 )Daniel dans la fosse aux lions). C'est sur ces exemples héroïques que se modèleront plus tard dans l'histoire les actes des martyrs, tant dans le judaïsme que dans le christianisme primitif. Il semble que le Livre de Daniel ait été influencé par l'enseignement nouveau du Deutérolsale concernant la souffrance et sa récompense dans le ciel, et cette oeuvre est pour nous le premier témoignage d'une interprétation du Chant d'Isaïe et de son épilogue qui se soit concrétisée dans la vie.
Le rouleau d'Isaïe trouvé à Qumran parle du Serviteur qui « voit la lumière » (53,11) après avoir, par son épreuve. accompli la justice. Il s'agit là de la récompense spéciale réservée aux enfants de lumière (105 4,2-8; 11.3). Selon la tradition tannaitique," le juste aussi jouit après la mort de l'illumination, et les rabbins mentionnent la salutation spéciale qui leur est adressée par les troupes angéliques, avec la citation d'Isaïe 57,2: « Qu'il aille en paix». D'après eux, cette salutation a été prononcée par une voix céleste au moment de la mort de Rabbi Judah le patriarche (en 218 de notre ère): De tels justes jouissent non seulement de la lumière de l'immortalité, mais aussi du don même de la résurrection. Cette récompense est mentionnée en le 26,19 (et plus tard en Dn 12.2 et 13) et elle est promise 33 spécialement aux martyrs qui ont été crucifiés, brûlés ou décapités à l'époque d'Hadrien. En fait, les Tanner)" mentionnent des apparitions de Rabbi Judah le patriarche, la veille du shabbat qui suivit sa mort.
La mort du juste... annonce de catastrophe
La mort du tsaddiq n'est pas seulement pour ce dernier la préparation en vue d'une récompense particulière, ce que l'attribut divin de justice nous oblige à reconnaître; elle doit aussi alerter la communauté sur la signification de ce martyre en fonction du mal ambiant. Sa disparition est le signe d'une catastrophe imminente, d'un malheur qui va fondre sur la génération qui vient. Ainsi, en 70 de notre ère, le martyre de Rabbi Shim'on ben Gamaliel, arrière grand-père de Rabbi Judah, a-t-il été décrit comme la mort du juste annonçant les catastrophes du temps d'Hadrien. Aussi Rabbi Akiba cite-t-il Is 57,1 devant ses disciples," prévoyant une persécution religieuse après la défaite de Bar Kochba. Les judéo-chrétiens de l'Eglise primitive de Jérusalem, après que leur évêque, Jacques, eût été martyrisé, partagèrent eux aussi ces vues prophétiques et considérèrent sa disparition comme celle d'un juste. Ils quittèrent Jérusalem," sentant venir la catastrophe à laquelle allait conduire la guerre contre les Romains.
Foi en la résurrection
Le nouvel enseignement donné par le DeutéroIsaïe explique le lien vital qui existe entre l'enseignement des pharisiens sur la résurrection au temps des Macchabées et celui de Daniel à l'époque qui précède Les magnalia Dei comportaient maintenant l'espérance d'une résurrection, et la prière juive de la synagogue mentionnait la résurrection lorsqu'elle célébrait les manifestations de la puissance divine." La croyance des pharisiens en la résurrection est caractéristique de ce mouvement: elle est à la base de la formulation juive (de la foi) en une récompense éternelle." Cette foi, partagée par l'ensemble du peuple, a servi de fond phénoménologique à la foi des premiers chrétiens, car le témoignage qu'ils rendaient à la résurrection de Jésus est lié à la manière dont ils interprétaient, dans leur kérygme, sa passion et sa mort. Ils voyaient en lui le tsaddiq (ho dikaios) 45 qui avait subi, par son épreuve, le sort du Serviteur souffrant. L'interprétation du Chant sous forme de « pesher » (de projection sur une personne) était centrée sur la signification christologique du ministère terrestre de Jésus.
C'est seulement après la rupture avec le judaïsme survenue à propos du rôle du Messie disparu, à la suite de la défaite de Bar Kochba, que les rabbins répondirent à l'interprétation messianique des chrétiens, comme l'attestent le Dialogue avec Tryphon de Justin (13,37) et le Contra Celsum d'Origène (1.55). Cette exégèse polémique du Chant d'Isaïe a prévalu chaque fois que les commentateurs juifs durent affronter une interprétation christologique dirigée contre eux, au cours de confrontations publiques ou du fait d'activités missionnaires. Cela ne signifie pas, cependant, que l'interprétation collective n'ait pas été déterminante dans l'intention originelle: dans la vision prophétique," l'individuel et le collectif se fondent. Cependant le judaïsme lui-même, à l'époque ancienne, reconnaissait l'interprétation individuelle comme nécessaire à une compréhension exacte de la justice divine. Dans la tradition ancienne, l'intérêt était concentré sur le tsaddiq dont l'exemple était, pour les juifs comme pour Ms chrétiens, un vivant témoignage rendu à la présence divine, à la fois par la souffrance « vicaire » subie avec amour et par sa récompense finale: la résurrection après la mort.
Le Rabbin Dr Asher Finkel est actuellement professeur au Département d'Etudes judéo-chrétiennes de Seton Hall University, à New Jersey. ll a publié de nombreux articles dans des revues de haut niveau, et son livre: a The Pharisees and the Teacher of Nazareth » a été réédité chez Brill en 1974, Rabbi A. Finkel apporte depuis plusieurs années une précieuse contribution à la revue SIDIC. Cet article est traduit de l'anglais. Certains mots difficiles à traduire en français ont été conservés entre guillemets.
1. Voir Ch.18. North: The Solferino Servant in DeuteroIsaiah, 2e édit. Oxford 1956, et consulter l'oeuvre de S.R. Driver et A. Neubauer: The 53rd Charger of (sala), according to the Jewish Interpreters, Oxford, vol. I, 1876: vol. 2, 1877.
2. Voir l'étude de S. Mowinckel: He that Cometh. Oxford 1956, et le commentaire de John L. McKenzie: Second !salait (Anchor Bible). 1968.
3. Voir les études récentes de H. Haag: «Der Gottesknecht bei Deutero Jasais im Verstàndnis des Mentums », in Judarca 41. (1984), pp. 23-26; et de Sydney H.D. Page: « The Suffering Servant Between the Testaments », in New Testament Studies, 31, (1985), pp. 481-487.
4. I Voir Peter Berger: The Sacred Canopy, New York 1962, chap. 3.
5. Consulter à ce sujet Abraham Heschel: The Proches, New York 1962, et comparer avec l'expérience « sympathique » d'Osée, de par son mariage.
6. Consulter E.P. Sanders: Jesus and Judaism, Philadelphie 1985.
7. Cette ligne introductive alerte le lecteur sur le sens de la leçon que nous donne l'épreuve du Serviteur, sous une forme poétique appelée rnaskil. Comparer avec Ps. 32,1; 47,1; 78,1. Yaskil signifie: « il deviendra une leçon ».
8. Le texte massorétique lit: « à ton sujet », mais le Targum: « à son sujet ».
9. Littéralement: « bras ». Is 52,10 associe la manifestation du bras de Dieu avec la rédemption. Le récit devient une annonce de rédemption (Targum: Besoratha, N.T.: Evangelion), qui proclame le Règne de Dieu.
10. Littéralement: « il s'est élevé ». Ce verset commence par un jussif indiquant que ce qui est arrivé est conforme au bon plaisir de Dieu. Noter: « devant Lui ».
11. Rattacher le waw de wahadal à nibhzeh, comme suffixe pronominal. C'est le cas pour le second nibhzeh dans le rouleau de Qumran.
12. Littéralement, ce qui est rejeté par les hommes».
13. Littéralement: «connu de» ou «faisant l'expérience de».
14. C'est l'attitude prise effectivement envers un lépreux; la référence au fléau se trouve en 53,4b.
15. Littéralement: « il a porté ». Le verbe nasa' est employé aussi dans le sens de «enlever» les péchés (Ex 34,7). Le péché est une maladie: Is 6,10; 1,6.
16. Muser signifie littéralement « liens® (Job 12,18) qui sont imposés.
17. Le verbe page' à la forme causative est à mettre en relation avec le participe matgi'a, qui décrit le rôle du prophète sous forme d'intercession (Is 59,16).
18. Lire: dewatho au lieu de: dom (cf. deweh», souffrance).
19. Lire: lamaweth au lieu de: lamo, comme le fait la Septante.
20. Lire: bomatho au lieu de: bemotaw, comme dans le texte de Qumran. Bomah signifie un lieu élevé, désignant un tertre funéraire (Ez 43,7).
21. Littéralement:
22. Comparer dakka en Is 57,15, synonyme de: « humble d'esprit ».
23. Ces deux lignes sont une insertion, une réflexion sur la causalité dans la iustice divine. Cette conception populaire de la récompense et du châtiment se présente entre 10a et 10d. Ce qui est contredit par le nouvel enseignement du Serviteur souffrant.
24. Littéralement: e par sa main E
25. C'est la lecture du texte de Qumran, sans doute une addition tendancieuse. «Lumière» signifie, en effet, révélation ou élection divine dans les écrits de Qumran, ainsi que l'esprit cosmique ou individuel de bonté, de droiture et de bénédiction divine.
26. Lire: bera'atho au lieu de: beda'atho.
27. Rattacher à cette ligne le premier mot du verset suivant tsafu.
28. Lire: kellum au lieu de: kullam.
29. Le texte de Qumran lit: shem'ah au lieu de: shobhe'ait, ce qui signifie: « récit », «annonce », comme en is 53,1.
30. Lire: reim au lieu de: ro'im, comme le fait la Septante.
31. Rattacher à cette ligne le premier mot du verset suivant: etheyu.
32. Littéralement: a mettre au coeur ».
33. Hesed signifie: a acte honteux » en Lv 20.17, ou « reproche» en Pr 14,34. Ces actes sont décrits de façon métaphorique. Comme des a chiens voraces», ils cherchent sans cesse le plaisir, sans se soucier des autres. Leur vie est à l'opposé de celle du Serviteur souffrant.
34. La mort du juste est le signal d'une période de malheurs pour un futur Immédiat. C'est une leçon eschatologique pour la communauté.
35. Littéralement: e être en face de». Dieu n'est pas mentionné, car il est caché Os 45,15).
36. On trouve par euphémisme: «dans leurs lits».
37. Voir en Dn 9.2 comment, dans sa recherche expérimentale d'un sens eschatologique, Il cherche à comprendre les paroles de Jérémie. Dans le jeûne et la prière. il médite l'enseignement du prophète.
38. Voir Talm. Bab. Kethuboth 104a et Midrash sur les Psaumes 149,5.
39. Voir l'animale (éd. Buber), Gn 228, p. 69b.
40. Talm. Bab. Kethuboth 103e: témoignage rendu par sa servante.
41. Voir Mekhilta R. Ishmaél sur Ex 22,22.
43. Voir Hertz (éd.): Daily Frayer Book, p. 133, et se rapporter eu Talm. Palest. Berakhoth 9c.
44. Voir Mishna Sanhedrin 10,1. Voir A. Finkel: « Vavneh's Llturgy and Early Christlanity ln Journal of Ecumenical Studies, 18 (1981).
45. Voir Ac 7,52: Lc 23,47. Il s'agit là d'un titre christologique significatif.
46. Voir A. Johnson: The Vitality of the Individus! in the Thought of Ancient Israel, Cardiff, 1949, ainsi que les autres oeuvres de Johnson.