| |

SIDIC Periodical XV - 1982/3
François et le Hassidisme (Pages 14 - 16)

Other articles from this issue | Version in English | Version in French

Perspectives: L'emerveillement d'un hassid chrétien
M. Madeleine Yung

 

Le Hassid chrétien que fut François d'Assise demeura toute sa vie un émerveillé... Il ne e s'habitua » pas aux merveilles de Dieu, à la beauté de sa création, à la lumière de la vie. Comme le Seigneur devant son oeuvre, il «vit que cela était bon» et que la terre est pleine de sa gloire. Il ne fut pas l'homme des livres, le chercheur d'Idées, le docteur des dogmes. Il ressemble plutôt à ces petits au coeur transparent auxquels Jésus a donné le Royaume. Son élan était spontané, naïf, et Il a communiqué cet élan à ses disciples qui nous ont laissé le bouquet de leurs e Fioretti ». Il voulait boire l'Evanglle à sa source et non dans un vase ciselé...

Ne retrouvons-nous pas en tout cela une certaine parenté avec le mouvement hassidique du Urane siècle en Pologne qui, sous l'impulsion du Saal-Shem Tov, fit fleurir un printemps spirituel sur les âpres horizons du judaïsme? Même fraîcheur, môme souffle de libération et de joie. «Ce mouvement a rappelé la valeur de l'individu et le respect de la sensibilité propre à chacun. Il a réagi contre le danger permanent du rabbinisme, du dessèchement de la vie religieuse, du rigorisme froid, vide de toute vie véritablement spirituelle. La joie, la danse et le chant qui caractérisent le hassidisme sont le signe d'une relation à Dieu et à l'homme accomplissante et épanouissante. Hors des cadres trop étroits, Ils découvrent la spontanéité, la créativité, l'enthousiasme, la chaleur et la joie.!

Emerveillement

Rabbi Naaman de Breslav rapportait cette pensée du Baal Shem Tov: « Hélas, hélas, le monde est plein de mystères grandioses et de lumières formidables que l'homme se cache à lui-même en mettant sur les yeux sa petite main...».

François, le troubadour de Dieu, avait justement abaissé sa petite main qui lui bouchait la vue de l'univers et II demeurait un émerveillé...

Emerveillé d'abord devant son Créateur. Il aimait le contempler dans le silence des grottes, comme le Baal Shem Tov, mais il aimait aussi le louer, l'exalter avec toute son âme de poète: il chantait à pleine voix son unique amour qu'il ne pouvait renfermer en aucune parole.

Amour pour la création

On dit que les saints ressemblant à leur pays dont ils sont la plus belle fleur. Ne trouve-ton pas dans l'âme du Poverello quelque chose de la douceur joyeuse des plaines d'Ombrie, avec leurs oliviers argentés et leurs cyprès de bronze, en même temps que la flamme ardente du soleil? Le jeune François a toujours montré un sentiment très vif de la nature.

« Quelle dilatation de toute son âme lorsqu'il considérait la beauté des fleurs et respirait leur parfum! Il reportait alors sa contemplation sur cette autre Fleur printanière qui sortit de la tige de Jessé et dont le parfum rendit la vie à des milliers de morts. Quand II rencontrait des fleurs répandues par nappes, il leur prêchait comme si elles avalent été douées de raison et les invitait à louer le Seigneur. Les moissons et les vignes, les rochers et les forêts, tous les sites riants, les fontaines, le bosquets, la terre, le hW, l'air et les vents, tous, avec la plus authentique simplicité, Il les exhortait à louer Dieu et à le servir de grand coeur. Tout être recevait le nom de frère: l'Intuition pénétrante de son coeur arrivait à découvrir d'une manière extraordinaire et Inconnue d'autrui le mystère des créatures puisqu'Il jouissait dei de la glorieuse liberté des enfants de Dieu».
(I Celano 81)

En certains Hassidim e aussi, nous pouvons découvrir un amour débordant de le création. Ecoutons cette prière du Rabbi Rahman de Breslav:

« Maitre du monde, accorde-moi une solitude perpétuelle, permets-mol de sortir chaque jour dans la campagne, au milieu des arbres, des prés et des buissons, et alors le pourrai, grâce à la solitude, me plonger dans la méditation, dans la prière entre mol et mon Seigneur, M pourrai épancher là-bas tout le contenu de mon coeur. Et tous les buissons des champs, et toutes les herbes, et toutes les plantes et tous les arbres, tous s'éveilleront à mon appel et fortifieront et vivifieront les paroles de ma méditation et de ma prière jusqu'à ce que celles-cl soient parfaites, d'une totale perfection, grâce à tous les buissons des champs, de sorte que tous participent à ma prière de toute leur vitalité, jusqu'à leurs plus profondes racines ».

Et il est dit de Rabbi Zouzia a qu'Il flânait en forât, en tête à tête avec son Créateur, débordant d'émerveillement et d'extase» 2

François prêchait l'Evanglle à toute créature et les oiseaux se mettaient en rond pour l'écouter. Cette même connivence avec la nature se retrouve chez certains hassidim:

« Rabbi Plnhas de Koretz était disposé à apprendre la langue des oiseaux et des plantes au jeune Zalman qui lui faisait visite... Le disciple refusa: "L'homme n'a besoin de comprendre qu'une seule et unique chose", lui dit-il.
Cependant le même Rabbi Zalman en sa vieillesse, entendant envols et chants d'oiseaux s'écria: "Ce qu'ils parlent vite"! Puis se tournant vers son petit-fils qui était avec lui: "Ils ont leur propre alphabet; il suffit de bien écouter et de bien entendre pour comprendre ce qu'ils casent"».


Liberté et joie

Une des conditions requises pour demeurer en émerveillement devant les merveilles du Seigneur, c'est la légèreté, l'absence de toute cette lourdeur qu'entraîne la possession, c'est la pauvreté. Les noces de Francois avec Dame Pauvreté sont trop connues pour que nous nous y attardions. Retrouvons-nous cet allègement du créée chez les pauvres hassidim de Pologne? Leur vie était le plus souvent celle des indigents, souvent celle de colporteurs ambulants. Sous 'Inspiration de l'Esprit, Ils n'hésitaient à tout quitter pour aller bien loin consulter leur Tsadik, leur maitre spirituel.

« Rabbi Nahum de Tchemobel menait une vie humble et austère. J'aime la pauvreté, avec humour, elle est un cadeau que Dieu fit à l'homme, un vrai trésor et qui ne conte pas cher13
On posa à Rabbi Mlkal de Ziotchev une question embarrassante: Vous êtes pauvre, Rabbi, pourtant vous remerciez Dieu tous les loure de subvenir vos besoins; n'est-ce pas là un mentionne?
Pas du tout, pour mol le pauvreté est besoin »
.4

C'est parce qu'ils étaient légers comme la plume au vent, sans rien qui pèse en leur bourse et en leur esprit. que les hassidim comme les premiers disciples de François, pouvaient se livrer à une vivante allégresse. Leur émerveillent se changeait en joie, en exultation.

Et Ils chantaient... et Ils dansaient...

L'âme de François se trouvait ravie par une mélodie céleste. Un ange lui apparut qui tenait une viole et un archet et lorsqu'Il tira son archet, la suavité de l'harmonie enivra de douceur l'âme de François et la fit défaillir. Il écoutait en lui-même le chant des sources et il invitait toutes les créatures à chanter avec lui son Seigneur.

Le chant appelle la danse. S'Il ne nous l'est pas dit expressément. Il est sûr que le jeune François aimait danser, et ses compagnons de prière furent aussi de joyeux compagnons:

« Quel amour de la vie en fraternité! Lorsque plusieurs se trouvaient réunis ou bien lorsqu'ils se rencontraient au hasard de la route, quelle explosion d'amour spirituel, le seul amour capable de fonder une authentique fraternité! Ils s'ombras-salent alors, conversaient et riaient ensemble, épanouis, bienveillants, attentionnés, doux et calmes, unanimes dans leur Idéal, prompts et Infatigables à se rendre service».
(I Celano 38)

Les hassidim forment de joyeuses rondes lorsqu'ils se retrouvent auprès de leur Tsadik. Une fois, « emportés par leur mystique Iole, toujours dansant, Ils entrèrent dans la pièce où se tenait le Baal Shem Tov (tourmenté intérieurement ce jour-là). Débordants de lubilatfon, Ils prennent par la main le Maitre, au plus sombre de son humeur, et Ils l'entrainent dans leur ronde loyeuse». Et le Seigneur envoya un signe qui lui rendit sa sérénité.

Cette danse sacrée leur semble môme avoir une efficacité. Rabbi Moshe Lelb de Sassov se lamentait de n'avoir pas d'argent pour alder les bonnes oeuvres de son ami, M Rabbi de Strelisk. (J'aimerais faire quelque chose pour toi, l'ignore quoi, attends. J'ai trouvé! Je sais quoi faire, le sais comment t'aider: Ouri, mon ami, le vals danser pour toi»! 5

De nos Murs encore, il faut voir les hassidim de Mea-Shearim danser avec exaltation en serrant dans leurs bras les rouleaux de la Torah, pour la fête de a Simbel Torah» (ka MM de la Torah)!

Jusque dans la souffrance

Cependant, les uns et les autres ne se contentent pas d'une allégresse qui provient d'une libération intérieure, certes, mais qui s'exprime dans les temps favorables. Il leur faut la garder, la rechercher jusque dans la tribulation parce que c'est là qu'elle atteint sa perfection. Ecoutons François:

«Si nous arrivons à Ste Marie des Anges... et que le Portier refuse de nous ouvrir; si nous le supplions pour l'amour de Dieu, avec le grands gémissements, de nous ouvrir et de nous faire entrer, et qu'il dise, plus irrité encore: "Ceux-là sont des vauriens importuns, et N vals les payer comme ils N méritent" et s'Il sort avec un bâton noueux et qu'il nous saississe par le capuchon et qu'Il nous lette à terre et nous roule dans la neige et nous frappe de tous les noeuds de son bâton, si tout cela nous le supportons patiemment et avec allégresse en pensant aux souffrances du Christ Béni... Frère Léon; écris qu'en cela est la Iole parfaite».
(Floretti 8)

Ne trouvons-nous pas un écho, bien franciscain aussi, dans ce comportement d'un hassid?

« Rabbi Zouzia arrive dans une auberge et volt des oiseaux dans une cage. Naturellement II les libère: les oiseaux sont faits pour voler. Naturellement l'aubergiste qui n'est pas du même avis, se rêche et lui Inflige une correction; et revoilà Zouzla sur la route, Insouciant et dirigent de joie. L'homme est fait pour être heureux, même si son corps endolori ne demande qu'à gémir ». 6

L'émerveillement du Poverello, ou l'émerveillement des hassidim, remonte à Dieu à travers la dureté de l'existence. François sait d'expérience quo y par la croix la joie est entrée dans le monde».


Sr M. Madeleine Vung est une religieuse dominicaine qui vit à Jérusalem depuis plus de 10 ans. Elle est l'initiatrice de « l'Association oecuménique de la Jérusalem invisible», et elle a écrit plusieurs poèmes sur Jérusalem où vibre son fervent amour pour la Ville.

1. Voir dans le beau numéro de la revue «Arbre» (de la fraternité franciscaine) No 96, févr. 1980 intitulé «Ferveur messianique», l'article d'Armand Abécassis pp. 1516: «La voie hassidique ».
2. Voir Célébration hassidique de Elle Wiesel, éd. du a Célébration hassidique de E. Wiesel. p. 59. Sevil p. 1.
3. Céléebration hassidique de E. Wiesel, p. 59.
4. Id. p. 59
5. Céléebration hassidique de E. Wiesel, p. 172.
6. Id., p. 158.

 

Home | Who we are | What we do | Resources | Join us | News | Contact us | Site map

Copyright Sisters of Our Lady of Sion - General House, Rome - 2011