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SIDIC Periodical XXXIII - 2000/1
Transformations par le dialogue (Pages 13-17)

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La transformation par le dialogue interreligieux. Un témoignage personnel
Solomon, Norman

 

Mon évolution personnelle

Je ne peux pas dire que j’aie jamais été personnellement transformé par le dialogue interreligieux. J’ai plutôt été formé par lui. Je suis né dans une famille qui tenait fermement à son identité juive, mais était indifférente aux rites et ignorait à peu près tout de la théologie juive. C’est pourquoi j’ai été livré à moi-même en ce qui concerne la pensée religieuse, ce qui était une situation merveilleuse dans l’ambiance tolérante et plutôt sceptique de mon pays de Galles natal. Ce n’est que lorsque j’ai atteint l’âge adulte et me suis aventuré dans le « vaste monde » que je me suis rendu compte que parler ensemble de religion, pour des chrétiens et des juifs, pouvait poser une question; en même temps, cela me paraissait être dans l’ordre des choses puisque, manifestement, nous nous heurtions tous aux mêmes problèmes sur Dieu, l’autorité de l’Ecriture, la science, l’éthique laïque, etc. On m’a envoyé, plutôt qu’accompagné à la synagogue du lieu: j’y ai entendu lire l’Ecriture, ai appris à psalmodier et ingurgité suffisamment d’hébreu pour être capable, à 12 ou 13 ans, de comprendre le texte biblique. Toutes les notions théologiques que j’ai acquises à l’époque venaient du commentaire populaire de feu le Dr Hertz, alors Grand Rabbin. Hertz avait à coeur de protéger l’Ecriture des « attaques » d’un groupe de personnes apparemment ignorantes et mal intentionnées que l’on appelait les « grands critiques », et de la concilier avec la « science contemporaine » et notamment avec l’évolution. Sa fervente apologétique m’a involontairement inculqué la notion de critique historique et inoculé quelques idées fausses sur le darwinisme que j’ai mis des années à corriger. En revanche, Hertz m’a indiscutablement convaincu que, si le christianisme est la religion dominante, le judaïsme a néanmoins quelque chose à dire pour sa défense.

C’est à peu près à cette époque que j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs familles, pour la plupart de réfugiés orthodoxes allemands, qui m’initièrent aux textes rabbiniques, comme la Mishna. Ces gens paraissaient intelligents, larges d’esprit et avaient trouvé un modus vivendi avec la culture contemporaine. Je pense que si j’étais entré en contact avec l’orthodoxie juive par le biais des Hassidim ou de l’une de ces formes de judaïsme haredi apparues ultérieurement, je m’en serais écarté. Mais la symbiose de la religion et de la culture que réalisait l’orthodoxie allemande sous la direction de Samson Raphael Hirsch (Torah im Derekh Eretz – l’analogie avec Schleiermacher saute aux yeux) était fort attirante.
Je n’ai pas fréquenté d’école juive; il n’y en avait pas dans la ville où je me trouvais et personne n’éprouvait le besoin d’en avoir une. La plupart de mes camarades de classe étaient issus de familles anglicanes ou non conformistes. Les rares élèves dotés d’une sensibilité religieuse étaient généralement, comme moi, en révolte contre l’attitude séculière de leurs parents ou de la société dans son ensemble, et faisaient donc cause commune. A 14 ou 15 ans, dans l’espoir de mieux comprendre la religion, je me suis mis à lire les Confessions de Saint Augustin et des morceaux choisis de Saint Thomas d’Aquin. Rétrospectivement, cela semble étrange de la part d’un jeune juif mais, à l’époque, ce n’était pas étrange du tout. J’ai remarqué que ces auteurs parlaient beaucoup de Jésus et semblaient ne guère connaître le judaïsme qui m’était familier, mais cela me paraissait secondaire. D’Augustin j’ai retiré le sens de la passion de la foi, tandis que Saint Thomas m’a apporté la preuve de sa probité intellectuelle; il n’était pas difficile de voir comment ces attitudes pouvaient être transposées dans le judaïsme. De fait, lorsque je me suis tourné, peu après, vers le Guide des Egarés de Maïmonide, il m’a semblé que je n’apprenais rien de bien nouveau. Néanmoins, la lecture en était fort intéressante et m’a amené à mettre sérieusement en cause l’enseignement traditionnel de mes professeurs, selon lesquels le Moyen Age était une période de confusion intellectuelle et d’obscurantisme, par opposition aux Lumières, modernes et scientifiques.

Peu avant d’entrer à l’université, j’ai fait une autre expérience « interreligieuse » qui a eu sur moi un effet durable. Comme j’avais l’intention d’entamer à Cambridge des études de philosophie (on parlait alors de « sciences morales »), je me suis dit qu’il serait peut-être bon de m’y préparer en participant à un stage de philosophie qui devait avoir lieu cette année-là à l’université de Fribourg. Or – première erreur – l’agence de voyage me donna un billet pour Fribourg en Brisgau (Allemagne) et non pour Fribourg (Suisse) et je ne m’en aperçus qu’au moment de changer de train à Bâle. La seconde erreur est que j’avais indiqué sur le formulaire d’inscription que je souhaitais être hébergé dans une « maison religieuse », pensant que l’on me mettrait dans une famille juive orthodoxe et non, comme ce fut le cas, dans un monastère.

J’arrivai dans la bonne ville et fus logé au monastère où je me rappelle avoir vécu sur du fromage cacher que j’avais emporté et qui dégageait une odeur pestilentielle. J’attirai immédiatement l’attention de prêtres sud-américains qui me firent lire avec eux le Sermon sur la Montagne. Lorsque je leur fis observer que, contrairement à ce qu’affirme Matthieu, le Lévitique ne dit pas d’ « aimer ses amis et de haïr ses ennemis », ils m’expédièrent chez le professeur d’hébreu, un homme affable, d’une certain âge, qui était en train de faire la sieste. Les prêtres réussirent à le réveiller mais furent atterrés de l’entendre confirmer mon interprétation du Lévitique, la nuançant seulement un peu en ajoutant que l’expression « haïr ses ennemis » était peut-être une glose courante. On se hâta alors de m’envoyer à Rome, pour rencontrer le pape. Mais cette initiative fut tout aussi vaine, car le pauvre homme avait un rhume et n’accordait pas d’audiences; je trouvai néanmoins la Garde suisse charmante et la chapelle Sixtine éblouissante. Qui n’est pas impressionné par sa première visite au Vatican ? Ce qui m’impressionnait, en réalité, c’était moins l’Eglise romaine en tant que telle que le fait que la religion en général semblait avoir droit de cité, alors qu’elle était si marginale chez moi.

Une fois de retour dans l’espace sain de l’école elle-même, je tombai sous le charme de Frère Bochenski dont j’ai gardé pendant des années l’excellent ouvrage sur la philosophie du 20e siècle, tout en me battant avec son allemand que je ne comprenais qu’imparfaitement. Il était bon qu’avant d’entrer à Cambridge j’aie une idée des « autres » philosophies, depuis le thomisme jusqu’à l’existentialisme, et que je voie qu’il existait des gens assez rétrogrades pour croire à l’importance de Hegel. A Cambridge, tout ce qui ne procédait pas de la philosophie analytique et, en particulier, tout ce qui n’appartenait pas à la tradition empirique britannique, était évincé; Kant et Hegel, classés dans l’ « Histoire de la philosophie », n’avaient guère d’intérêt; l’existentialisme – suprême injure – était simplement qualifié de « littérature ». Je suis assez en accord avec la position de Cambridge, qui n’a pas beaucoup changé : ainsi, Jacques Derrida a été, voici peu, littéralement tourné en dérision et traité de charlatan par la faculté de philosophie de Cambridge, au moment où l’université se proposait de lui décerner le titre de docteur honoris causa. Cela étant, il était bon de savoir que, pour d’autres, notamment sur le continent, il existait bien des manières légitimes d’aborder la philosophie; cette notion m’a permis de placer mes études à Cambridge dans une perspective plus vaste. Sans elle, la plupart des champs de recherche de la théologie contemporaine, aussi bien juive que chrétienne, m’auraient certainement été fermés. En fait, la religion dans son ensemble serait peut-être restée un livre scellé, malgré les rumeurs selon lesquelles Wittgenstein s’en était un peu mêlé. Le résultat de tout cela est que je ne me suis jamais senti décalé ni désavantagé dans le dialogue avec les membres des autres confessions religieuses, puisqu’il me paraissait évident que la théologie ou, du moins, la philosophie de la religion, était une entreprise dans laquelle tous pouvaient s’engager à armes égales. Lorsque j’ai été nommé à la Faculté de Théologie d’Oxford en décembre 1995, j’ai bien précisé que je tenais à être considéré non pas comme une simple personne ressource en matière de judaïsme, mais comme un chercheur engagé sur le vaste chantier de la théologie. C’est pourquoi, par exemple, s’ils empruntent à des sources diverses – juives, chrétiennes et autres – mes cours sur les questions que posent la science et la religion abordent aussi les problèmes que nous avons en commun. J’en évoquerai quelques conséquences dans la dernière partie de mon exposé.
Bien que je ne me sente pas transformé par mon expérience du dialogue interreligieux à l’âge adulte, je peux dresser la liste des éléments de ma formation antérieure qui m’y ont préparé:

– la capacité et le désir de reconnaître la vérité, où qu’elle soit;

– un certain scepticisme à l’égard de l’exclusivisme de toutes les religions, y compris de la mienne;

– la conscience de la diversité qui existe au sein de toutes les traditions religieuses.

Il se peut que ces notions paraissent étranges à un grand nombre de ceux, chrétiens ou juifs, qui ont reçu une éducation religieuse traditionnelle. Il est possible qu’en les adoptant ils se sentent transformés, pour ainsi dire libérés de l’emprise d’une tradition étriquée et amenés à s’ouvrir davantage, à découvrir la présence de la vérité et de la beauté là où leurs yeux, auparavant, ne voyaient qu’ombre et mal. Ma chance a été de grandir dans un milieu où c’étaient ces idées qui avaient cours. Il serait rassurant de penser qu’elles émanaient de ma tradition religieuse. Mais tel n’était pas le cas. Elles me sont venues dans le cadre de ma formation humaniste et scientifique.


Les communautés

Les communautés religieuses sont-elles transformées par le dialogue avec les membres des autres confessions? Un exemple classique de ce phénomène est la transformation bien attestée de la congrégation catholique de Sion, qui a cessé de chercher à convertir les juifs et de venir en aide à ceux qui se convertissaient et s’est mise à soutenir et à faire comprendre les juifs et le judaïsme tels qu’ils sont. En général, les juifs considèrent cette transformation comme un passage du statut d’ennemi à celui d’ami mais, du point de vue catholique, c’est à tort que l’on qualifierait la Congrégation d’ « ennemie » des juifs, même avant sa transformation. Si ce changement a pu s’opérer, c’est parce que la théologie catholique de Vatican II à l’égard des juifs, que la Congrégation a contribué à élaborer, a incité à être plus attentifs à ce que les juifs contemporains croient et font réellement et invité l’Eglise à reconsidérer sa relation avec les juifs et le judaïsme.

Il n’existe pas d’exemple comparable de la transformation d’une communauté juive, parce qu’il n’existe pas de communauté religieuse de ce type dans le judaïsme. Il faut regarder ailleurs dans le monde juif pour repérer des transformations. Les exemples les plus saisissants sont nés de considérations plus sociales que théologiques. Ainsi, la guerre rapproche parfois les membres de nombreuses familles religieuses. L’un des rares effets positifs de la guerre américaine au Vietnam a été d’amener les aumôniers de l’armée à traverser les frontières confessionnelles; face aux questions ultimes de la vie et de la mort, juifs et chrétiens ont trouvé des réponses communes et on a vu à maintes reprises des soldats mourants trouver réconfort auprès d’un prêtre ou d’un rabbin compatissant, appartenant à une religion qui n’était pas la leur.

Les groupes de rencontre judéo-chrétiens, comme le Conseil des Chrétiens et des Juifs, offrent un espace moins spectaculaire où l’on peut changer de mentalité. On se joint souvent à ces groupes pour des raisons aberrantes, les chrétiens pour propager l’Evangile, les juifs pour assurer leur autodéfense. Sur cette toile de fond, il est facile de discerner le chemin de transformation parcouru par de nombreux membres. En se réunissant et en échangeant des propos aussi bien sociaux que religieux, ils apprennent à écouter l’autre et à le considérer comme une personne réelle, au lieu de le regarder à travers le prisme déformant des conflits religieux du passé. C’est alors que se fait la constatation que nous sommes tous des êtres humains, tous à la recherche de la vérité et que, s’il se peut qu’il existe une vérité « absolue », aucun individu ni aucune confession religieuse ne peut prétendre avoir de droits exclusifs sur sa propriété ou son expression. Cette transformation génère une nouvelle humilité spirituelle, conduit à reconnaître que Dieu est trop grand pour pouvoir être totalement contenu dans une seule tradition. La propagation de cette prise de conscience de l’individu à sa famille religieuse dépend du statut de ce dernier au sein de cette famille. Un rabbin libéral encourageant sa communauté à s’ouvrir à la vérité contenue dans les autres religions a plus de chances d’obtenir une transformation qu’un individu isolé en marge d’une communauté orthodoxe, bien que ce dernier cas se soit vu ici ou là.

Voilà qui m’amène à dire un mot de la grande diversité des attitudes que l’on peut observer dans les communautés juives à l’égard des autres religions, en particulier chez les orthodoxes qui ont tendance à avoir des théologies plus exclusives. Parmi les ashkenazes, par exemple, ceux qui se conforment aux principes établis en Europe occidentale (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Pays-Bas) entre le 17e et le 19e siècles ont une attitude assez ouverte; ceux qui appliquent les règles adoptées en Europe centrale ou orientale sont moins ouverts. Toutefois, cette simplification ne saurait nous cacher les changements intervenus ces dernières années, c’est-à-dire ni les réactions négatives à l’Holocauste, ni les réactions positives nées à la fois de la reconnaissance de l’évolution des Eglises et de l’impact des idéologies démocratiques libérales.

Les responsables des communautés les moins ouvertes craignent de voir le gros de leurs troupes se laisser ébranler dans sa foi en s’exposant au dialogue. Or, j’ai rarement vu cette crainte se matérialiser. La plupart du temps, les gens se sentent raffermis dans leur propre foi par le dialogue. Ils sont contraints de prendre leur propre tradition plus au sérieux, de combler leurs lacunes et de trouver des réponses à des questions qui les travaillaient peut-être depuis longtemps sans pour autant s’imposer à eux. Ils parviennent à regarder autrement leur propre religion et se sentent encouragés lorsqu’ils découvrent que des « étrangers » attachent de l’importance à des aspects qu’ils tenaient pour insignifiants, voire méprisables.
Dans les sociétés sécularisées, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, le « problème » de ma relation à mon voisin chrétien ne se pose que si je me considère comme le membre d’une confession religieuse. Si je me considère comme un musicien, un joueur de golf ou un chef d’entreprise, je n’ai apparemment pas de problème, je n’ai pas besoin de « transformation ». Ce phénomène devrait profondément préoccuper les chefs de file des différentes religions. Qui crée le problème ? Qui, en fait, dresse les communautés les unes contre les autres pour qu’on soit obligé de procéder à des « transformations » pour aboutir à la compréhension et à l’harmonie sociale ?


Considérations théologiques

J’ai indiqué plus haut que « la théologie ou, du moins, la ‘philosophie de la religion’ est une entreprise où tous peuvent s’engager à armes égales ». Cette remarque soulève la question, délibérément éludée jusqu’à présent, du rapport entre la théologie et la philosophie de la religion. La différence est liée au point de départ de chaque démarche. Le(la) théologien(ne) commence par les textes sacrés dans lesquels il(elle) voit, soit la substance de la révélation divine, soit les indices de cette révélation. Le(la) philosophe de la religion, lui(elle), commence par un raisonnement logique qui l’engage, puis soumet à la critique de sa raison les conclusions que, selon lui(elle), on peut légitimement tirer des textes. Si le théologien n’interprétait pas d’abord les textes, le philosophe n’aurait pas de quoi travailler; ainsi, tant que le théologien n’a pas attribué de signification au mot « Dieu » qui apparaît dans les textes sacrés, le philosophe n’est en mesure de se prononcer ni pour ni contre le théisme, du moins dans la mesure où cette notion fait partie de toute religion. Naturellement, un philosophe païen, Platon par exemple, peut forger le terme « dieu » – mais se pose alors le problème, dont la formulation a rendu célèbres Juda Halevi puis Blaise Pascal, de savoir si le « dieu des philosophes » est le même que le « Dieu d’Abraham ».
En pratique, le théologien et le philosophe de la religion sont souvent une seule et même personne. Thomas d’Aquin et Maïmonide, par exemple, étaient l’un et l’autre. En tant que philosophes de la religion, ils ont le même point de départ, mais non en tant que théologiens. Le point de départ théologique de Maïmonide, c’est la Bible hébraïque, telle que l’interprètent les rabbins; celui de Thomas d’Aquin, c’est la Bible latine de Jérôme telle que l’interprète l’Eglise catholique.

Lorsque j’emploie l’expression hésitante de « théologie ou du moins philosophie de la religion », je montre que l’idée qu’on puisse séparer les deux autrement qu’à un niveau théorique ne me satisfait pas. Dans la vie, lorsque je pense à la religion, je ne partage pas mon esprit en deux. En fait, je prends au sérieux tous les écrits reflétant les rapports de l’homme avec Dieu ou l’Absolu et les considère comme le matériau de ma recherche théologique, même si j’accorde un statut « privilégié » aux textes de ma propre tradition, puisque ce sont ceux qui constituent mon langage, ma « fenêtre » personnelle sur le monde.
Tout théologien qui a été exposé au dialogue interreligieux est amené à se demander jusqu’à quel point sa propre religion est exclusive. Laisse-t-elle un « espace théologique » à l’autre ? Les apologistes juifs s’appuient sur l’affirmation de Rabbi Joshua, un rabbin du deuxième siècle de notre ère, selon laquelle « les croyants de toutes les nations ont part au monde à venir » (Tosephta Sanhedrin 13, 2) pour montrer que le judaïsme laisse leur place aux autres religions. Historiquement, il n’est pas dit que Joshua entendait inclure ceux qui contestaient la vérité de la Tora révélée à Moïse et interprétée par les rabbins; ce qu’il appelait « nations » ne signifiait pas « religions ». Toutefois, s’il prend soin d’éviter les inexactitudes historiques, il n’y a pas de raison pour que le théologien ne trouve pas dans des assertions comme celle de Rabbi Joshua les ferments d’une nouvelle théologie plus accueillante.
Enfin, j’ai l’audace de soutenir que c’est précisément le dialogue interreligieux et interculturel qui fait progresser la théologie. Sans la stimulation que constitue le contact avec le monde extérieur, le religion tourne en rond, se répète, se perd dans les détails, devient stérile. La rencontre l’oblige à affronter un monde en constante évolution, d’autres perspectives, à s’adapter à la situation contemporaine, à trouver les moyens de formuler ses vérités fondamentales, de dégager de nouvelles priorités.

Si on le fait remonter à Abraham, le judaïsme approche de son cinquième millénaire. Pourtant, à chaque moment significatif de son évolution, il s’est frotté aux cultures environnantes et en a tiré des enseignements, tout en rejetant les éléments qui lui paraissaient incompatibles avec son message fondamental. Il n’y a pas de raison pour qu’il n’en soit plus ainsi aujourd’hui.


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* Norman Solomon est membre du Centre for Hebrew and Jewish Studies et du Wolfson College, à Oxford, il enseigne également la théologie à Oxford University. Il a été rabbin de communautés orthodoxes à Manchester, Liverpool, Londres et Birmingham. Il est l’auteur de nombreux livres et articles. Il s’est engagé activement dans le dialogue interreligieux, et a reçu en 1993 le prix Sir Sigmund Sternberg pour les relations entre juifs et chrétiens. [Traduit de l’anglais par C. Le Paire]

 

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