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L'enseignement chrétien et le judaïsme aujourd'hui: une étude des programmes de religion
Eugene J. Fisher
Au début des années 50, le Comité Juif Américain prit l'initiative d'un effort à long terme destiné à braquer le projecteur d'une science objective sur la question délicate du traitement réservé aux relations inter-groupes dans les manuels de religion. Pour éviter tout parti-pris de la part des enquêteurs, les projets d'étude furent sagement conçus comme autonomes: catholiques, juifs et protestants étudièrent, chacun séparément, le contenu de leurs programmes de religion et suivant des méthodes de recherche adaptées à ces contenus. Ces études furent effectuées à l'Université de Saint Louis pour les catholiques, au Collège Hébraïque Dropsie pour les juifs et à l'Université de Yale pour les Protestants.
En Avril 1960, les premiers fruits de ces travaux d'étude sur soi furent exposés dans un symposium et le compte-rendu publié dans le Journal of the Religious Education Association (Vol. LV, N° 2, pp. 109-138). La thèse de doctorat de Soeur Rose Thering sur les manuels catholiques de religion d'usage courant à l'époque fait état de résultats décourageants en ce qui regarde la manière de traiter des juifs et du judaïsme. Dans tous les textes étudiés on retrouve, par exemple, l'accusation infamante de déicide qui a déchaîné tant de violence contre les juifs au cours des siècles (Voir Catechetics and Prejudice de John Pawlikowski, Paulist Press, 1973). Ces résultats, pourtant, furent communiqués aux évêques durant le Deuxième Concile du Vatican et ils eurent une grande influence sur l'élaboration de la déclaration conciliaire sur les relations de l'Eglise avec les juifs, déclaration qui enregistrait enfin la disparition de cette accusation.
Dans les années 60, le Comité Juif Américain commença à étudier les manuels catholiques romains publiés en Europe entre 1950 et 1965. Les résultats rapportés dans How Catholics Look at Jews de Claire Huchet Bishop (Paulist Press, 1974) révèlent, eux aussi, une forte proportion de jugements dépréciatifs portés sur les juifs et le judaïsme.
Ainsi donc, lorsque je me mis à étudier personnellement les textes catholiques de religion couramment en usage aux Etats-Unis, j'étais déjà en possession d'un fonds important de découvertes pouvant me servir de point de comparaison. Mon étude, terminée en 1976 et présentée sous forme de mémoire à l'Université de New York, embrasse seize collections majeures d'instruction religieuse utilisées couramment dans les écoles primaires et secondaires. Les 161 livres d'élèves et les 113 manuels de professeurs en question furent publiés entre 1967 et 1975.
En général, les résultats de mon étude américaine sont encourageants bien qu'il subsiste encore des aspects négatifs. Prenant comme critère les directives vaticanes de 1975 et les déclarations des évêques américains, je me suis rendu compte que les textes catholiques des manuels de religion de l'après-concile étaient nettement plus favorables au judaïsme que ceux de la période précédente et aussi plus positifs et plus historiquement exacts que les textes des manuels européens étudiés par Claire Huchet Bishop.
Les tableaux la) et lb) donnent les titres des livres étudiés et leur cotation d'ensemble.
La cote « préoccupation » dans la lère colonne de droite précise simplement le pourcentage des références faites aux juifs dans chaque collection. Par exemple s'il y a 100 textes dans une série et que 25 contiennent une référence aux juifs ou au judaïsme, la cote « préoccupation » sera de 25%.
La différence d'équilibre équivaut au pourcentage entre les références positives et les références négatives. Si toutes les références d'une série donnée étaient positives ou tout au moins neutres vis-à-vis des juifs, cette différence serait « + 1,0 ». (La formule est la suivante: si « p » est le nombre total des mentions positives et « n » le nombre total des mentions négatives, la différence d'équilibre est « p — n / p+n »). (D'autres types de statistiques furent aussi appliquées, mais elles ne sont pas examinées ici.)
Ces résultats révèlent quelques faits intéressants. En 1961 le pourcentage moyen de préoccupation était de 23%. Pour les textes de niveau élémentaire (classes primaires) il est presque de 42% aujourd'hui. Ce qui signifie que, dans les leçons, environ une fois sur deux,il est fait mention, d'une manière ou d'une autre, des juifs ou du judaïsme. Depuis quelque temps, dans ces leçons, l'accent est mis sur l'Ecriture Sainte. C'est pourquoi il est question des juifs plus souvent que de n'importe quel autre groupe religieux non catholique. Il est donc d'une importance vitale que les maîtres, les parents, les professeurs et tous les chrétiens actifs aient une solide compréhension du judaïsme si l'usage croissant fait aujourd'hui de l'Ecriture doit donner naissance aux mots qui guérissent et non à ceux qui engendrent les malentendus.
Il est intéressant de noter qu'au niveau secondaire seulement 17% des leçons contenues dans les manuels font référence aux juifs et au judaïsme. L'Ecriture est moins utilisée que dans les petites classes. La raison en est sans doute que dans le second degré d'autres sujets sont à traiter: comme la morale sociale, l'histoire de l'Eglise, la personnalité humaine.
La divergence que l'on remarque dans les cotations d'équilibre intrigue encore davantage. Comme des détectives affrontés à un crime apparemment insoluble les sèches statistiques d'une étude de ce genre tout à coup prennent vie quand surgit l'inattendu. Sous l'effet de l'impact de la déclaration conciliaire de Vatican II et des plus récentes déclarations épiscopales on s'attendait à ce que les manuels d'aujourd'hui révèlent un esprit plus positif envers le judaïsme que ne l'avaient fait ceux d'avant le Concile. Cela est effectivement vrai pour les textes utilisés au niveau secondaire; leur notation moyenne est passée de + .432 à + .674. Mais les manuels du primaire, eux, surprennent par la baisse de la notation. La moyenne n'est que de +.367 avec un pourcentage plus élevé de jugements malveillants qu'en 1961. Comment cela peut-il s'expliquer?
Comme nous le verrons, le domaine critique pour les relations entre juifs et chrétiens tel qu'il est révélé dans l'étude dont nous parlons se situe dans la manière dont nous traitons les thèmes et les événements du Nouveau Testament. Quel regard portons-nous sur les Pharisiens? Sur le lien de Jésus avec son peuple? sur la Crucifixion? Etant donné que les manuels des classes primaires ont recours aux textes du Nouveau Testament plus souvent qu'avant le Concile, toutes ces zones de problèmes-clés reviennent plus fréquemment. Presque toutes les références négatives concernant les juifs et le judaïsme résultent de l'étude du Nouveau Testament. Il est naturel de trouver un plus grand nombre de jugements défavorables puisque les contextes qui font problèmes sont traités plus souvent.
De grands progrès ont été faits à partir du moment où l'on a suivi, à propos des juifs, les directives de Vatican II. Les accusations injustes, les plus criantes, portées contre eux: « assassins du Christ » par exemple, ou « déicides », ont été éliminées, mais il reste beaucoup à faire. Des vestiges des vieilles polémiques subsistent encore et, dans la pensée de l'auteur, les « livres du maître » ont échoué dans l'élaboration d'un contexte adéquat pour interpréter correctement les passages difficiles du Nouveau Testament comme ceux que l'on trouve en Matthieu et Jean. L'étude des périodes et des thèmes a constitué une tentative pour déterminer à quel endroit, dans les manuels d'aujourd'hui, les jugements négatifs étaient susceptibles de se trouver.
LES PÉRIODES
Le tableau 2 représente le pourcentage des jugements concernant une période particulière par rapport au nombre total des références aux juifs et au judaïsme. Dans des colonnes séparées pour les séries secondaires et élémentaires, il présente également une cotation de différence d'équilibre en indiquant la fréquence des jugements négatifs pour chaque période. Plus la cotation est proche de « + 1,0 », plus positif est le traitement réservé aux juifs et au judaïsme pour cette période.
Dans toutes les catégories, excepté celle qui concerne la période du Nouveau Testament, les juifs et le judaïsme sont traités de façon extrêmement positive, ce qui contraste vivement avec les études plus anciennes qui enregistraient des jugements négatifs dans toutes les périodes. Pour les collections de niveau élémentaire, cependant. le tableau montre que près de la moitié des jugements portés sur les juifs sont dépréciatifs. La différence d'équilibre n'est que très légèrement positive: + .122.
Le tableau révèle un autre fait significatif. Il n'y a pour ainsi dire aucune référence aux juifs et au judaïsme entre la fin de la période du Nouveau Testament et le 20e siècle. Une telle lacune est fâcheuse car elle renforce chez les élèves l'idée que le judaïsme a perdu toute vitalité religieuse après la venue du Christ. Comme nous l'avons vu, les directives vaticanes de 1975 repoussent catégoriquement cette façon de voir. Des leçons qui traitent de l'histoire des juifs durant les périodes rabbinique et médiévale sont donc nécessaires. Une source excellente pour ces leçons est constituée par A History of the Jews de l'historien catholique Frédérick M. Schweitzer (Macmillan, 1971).
LES THÈMES
Ils forment dix catégories qui comprennent les domaines critiques des rapports chrétiens et juifs aujourd'hui. Combien de fois apparaissent-ils dans notre catéchèse? Comment sont-ils traités? Le tableau 3 expose les résultats pour les manuels des classes secondaires et primaires. Chacune de ces catégories mérite un commentaire à part.
Jésus comme juif
Ce domaine est l'un de ceux où l'amélioration à été la plus grande. Il faut noter que la cotation sur la différence d'équilibre montre que, aux deux niveaux, secondaire et primaire, presque tous les jugements sont positifs ou neutres. Les seize collections ne comportent pas moins de 109 références à Jésus en sa qualité de juif. Par contraste, des études américaines antérieures et les études européennes n'offraient pour ainsi dire aucune référence de ce type. Le changement reflète, nous l'avons vu, l'enseignement récent de l'Eglise. La phrase suivante, pour ne donner qu'un exemple, eût été inconcevable il y a seulement quelques années:
Jésus a fait l'expérience de la vie et il s'est exprimé comme l'homme qu'il était, un juif viril, très brillant, très charismatique, très énergique et conditionné culturellement (Wm. C. Brown Co, The Jesus Book, p. 52).
Le châtiment divin
L'étude faite a heureusement montré que, dans notre enseignement aujourd'hui, nous avons entièrement éliminé la fausse notion que les souffrances des juifs étaient le résultat d'une punition divine pour le crime de déicide dont on les chargeait. Avant Vatican II, de telles affirmations pouvaient occasionnellement se trouver aux Etats-Unis dans les manuels catholiques d'enseigne-ment; elles existent encore dans quelques manuels européens. Mais la seule référence à cette idée dans les textes américains aujourd'hui est une condamnation de cette notion.
L'Holocauste
La tentative nazi d'extermination du peuple juif est, dans presque toutes les collections, traitée avec beaucoup de sensibilité. Et ceci contraste avec le matériel américain antérieur et le matériel européen d'enseignement où l'on n'en parlait absolument pas. L'histoire de l'anti-sémitisme est très bien traitée dans une série vivement recommandée de Allyn and Bacon: The Pearl and the Seed, Booklet 4, au chapitre sur « Les actes de Monseigneur Sheil contre l'anti-sémitisme ». Une autre preuve de ce que l'on peut faire se trouve dans un chapitre du livret World Religions dans la collection Concern de Silver Burdett (pp. 28-30).
Croisades, Inquisition
On ne trouve que trois références à la violence exercée contre les juifs lors des Croisades et au temps de l'Inquisition dans les seize séries étudiées. Deux condamnent explicitement les méfaits des chrétiens mais la trosième tente d'expliquer les faits.
C'était le but de l'Inquisition de protéger le pays récemment unifié contre les intrigues des Musulmans (les Mores) et celles des juifs clandestins, mais qui se prétendaient chrétiens, les uns et les autres voulant renverser le gouvernement et détruire la foi chrétienne (Daughters of St. Paul, The Church's Amazing Story, p. 77).
Cette façon d'en parler dénature plutôt sérieusement un fait historique fort complexe. Pédagogiquement il vaut mieux traiter l'Inquisition de façon honnête plutôt que d'essayer d'en dissimuler les fautes et de laisser aux enfants le soin de découvrir plus tard la vérité par eux-mêmes.
L'Israël moderne
Edward Flannery, ex-président du Secrétariat des Evêques pour les relations judéo-chrétiennes à Washington, D.C., fait remarquer ceci: « Les juifs considèrent l'Israël moderne comme étant au coeur du judaïsme lui-même. Israël est essentiel non seulement à la survivance des Israéliens mais aussi à celle des juifs; et c'est pourquoi la question d'Israël devrait être incluse dans le dialogue comme objet d'une considération oecuménique et religieuse ». Le problème est donc ici de savoir si les catholiques sont adéquatement préparés à un tel dialogue et non si Israël est bien ou mal jugé. Quatre seulement des dix collections du niveau secondaire mentionnent Israël ou le Sionisme et l'une d'elles, To Live is Christ de Wm.C. Brown, compte à elle seule neuf sur seize de l'ensemble des références pour ce niveau. De plus, quatorze leçons seulement du niveau élémentaire parlent de l'Etat moderne d'Israël. Etant donné la place de plus en plus importante que les relations entre Israël et les Arabes prennent dans la presse contemporaine, on pourrait en tirer parti pour une approche équilibrée du sujet, spécialement dans les cours au niveau secondaire.
Le judaïsme aujourd'hui
La plupart des 235 jugements portés sur le judaïsme en général se révèlent soit favorables, soit neutres. Il y a ici encore une preuve du grand progrès accompli depuis le Concile. Beaucoup de ces jugements sont spécifiquement destinés dans leur formulation à corriger les malentendus antérieurs, ce qui montre la bonne volonté des éditeurs de manuels. Un exemple:
La Torah est souvent mal comprise par les chrétiens... Mais voici que nous entendons les rabbis exprimer leur conviction que l'accomplissement parfait du moindre commandement assure le salut. Dans cette perspective, Dieu n'est pas un oppresseur mais bien plutôt un bienfaiteur lorsqu'il « multiplie » les commandements. Ce faisant il multiplie les possibilités pour un pauvre être humain qui se débat dans la vie, de trouver quelque précepte qu'il puisse accomplir avec une totale pureté de coeur. ... Redisons-le, le juif devait avoir pour la Torah la tendresse même qu'un jeune homme éprouve pour sa nouvelle épouse... Une Torah ainsi conçue n'est assurément pas un fléau; elle est plutôt une joie suprême (Paulist Press, Came to the Father, 7e année scolaire, p. 22).
Jésus, les juifs et la Crucifixion
Plusieurs de ces mêmes collections, qui présentent des vues du judaïsme si hautement positives — voit l'exemple ci-dessus, rencontrent certaines difficultés quand il s'agit des relations entre Jésus et son peuple ou des événements de la Passion du Christ. Sur l'un de ces points par exemple, New Life de Sadlier dit:
L'Avent est également un Temps favorable pour parler des juifs aux enfants, pour leur apprendre à estimer et à aimer ce peuple comme Dieu l'estime et l'aime. Les préjugés anti-sémites devraient être combattus en attirant l'attention sur l'amour de Dieu pour les juifs... Expliquer (aux élèves) que Jésus est un juif. (2e année de catéchisme, Manual CCD, p. 105).
Un manuel ultérieur de la même série comporte pourtant ces lignes:
Pilate savait à présent la vraie raison pour laquelle le peuple voulait la mort de Jésus — parce que Jésus s'était proclamé Fils de Dieu... Les juifs ne voulaient pas d'autre roi que César. En cela con siste leur apostasie finale, leur rejet définitif de Dieu. (3e année de catéchisme, Manual CCD, pp. 92-93).
Les souffrances de Jésus durant sa Passion sont souvent décrites sans nécessité, en termes trop vifs, spécialement dans les petites classes. Outre qu'il est malsain, pédagogiquement, de présenter à de jeunes enfants des scènes de violence aussi vives, il est imprudent de lire, en relation avec ces événements, « le peuple », « les juifs », ou même « les chefs du peuple » d'une telle façon que le rôle de Pilate et de Rome en soit obnubilé.
Les Pharisiens
Dans toutes les collections les Pharisiens sont dépeints en teintes sombres, comme des gens mauvais, au mépris de l'histoire, et c'est là un premier danger. Il en est un autre plus grave, venant du fait que la perversité attribuée aux Pharisiens risque d'être imputée à tous les juifs sans distinction, par le lecteur ou le maître dépourvus de sens critique. Les juifs sont légalistes, hypocrites, rusés: autant de clichés qui doivent leur origine à un portrait déformé des Pharisiens.
Il y a parfois des essais de corrections. Le manuel de Benziger, pour la 6e année primaire, introduit par exemple les Pharisiens de la façon suivante:
Il y avait parmi les juifs des gens qui ne s'intéressaient pas au pouvoir politique... Ils se souciaient bien plus de garder la Loi de Dieu...
de bien servir Dieu... On appelait ces gens les Pharisiens (pp. 189-190).
Le même texte poursuit cependant:
Ils étaient exigeants pour le peuple mais souvent ils ne vivaient pas selon les lois de Dieu dans leur propre coeur. Aussi le peuple faisait-il semblant de pratiquer sa religion... Ils portaient le nom de peuple de Dieu. Mais beaucoup n'étaient pas le peuple de Dieu dans leurs coeurs (p. 190).
Tout comme le sexisme et le racisme, les stéréotypes insultants sur les juifs semblent si profondément ancrés dans notre culture qu'il faut une extrême attention pour les détecter et les extirper. Le livre du Maître de Corne to the Father, 7e année, (Paulist Press), par exemple, fournit aux enseignants une base excellente pour la connaissance des Pharisiens (p. 145). La caricature des Pharisiens communément acceptée il y a peu de temps encore, s'y trouve corrigée. Le texte souligne, comme nous l'avons fait, « la nature rabbinique de l'oeuvre de Jésus »; il montre comment Jésus dans ses croyances, ses pratiques et ses enseignements était en accord avec « la grande majorité des Pharisiens ».
Le Rapport entre les deux Alliances
Les différentes approches de ce point crucial recouvrent tout l'éventail de la pensée catholique actuelle, depuis ses expressions les plus négatives jusqu'aux plus positives. Certaines sont remarquablement avancées:
Comme disciples de Jésus, nous croyons que nous avons avec Dieu une nouvelle alliance en Christ, alliance proclamée par Jésus à la dernière cène (Wm.C. Brown Co., Understanding Christian Worship, p. 64).
Saint Paul... nous rappelle que le Peuple juif est toujours demeuré très cher à Dieu. Car, dit-il, Dieu ne retire jamais ses promesses et les juifs sont toujours le peuple choisi que Dieu aime (Paulist Press, Corne to the Father, 6e année, p. 81).
Ces textes suivent les directives vaticanes de 1975 et s'accordent avec la position des évêques américains. Il en est d'autres qui doivent être classés à l'opposé de ces critères, par exemple:
Cette Alliance a duré jusqu'à la venue du Christ... Ce qu'il y a de nouveau dans sa loi, c'est que l'amour a remplacé la crainte (Sadlier, New Life, 6e année, manuel des écoles, p. 151).
Quelques textes adoptent même la tactique de prendre dans les cultures hébraïques des dogmes juifs fondamentaux, de les reconsidérer dans une optique chrétienne et de les utiliser ensuite pour « prouver » quele christianisme est supérieur au judaïsme qui a donné naissance à ces idées. Ainsi:
Pour tel homme, à tel endroit, dans tel environnement, le judaïsme put être à tel moment la meilleure religion... Le christianisme, cependant, reste la meilleure objectivement pour trois raisons: 1) le christianisme est bâti sur l'amour, non sur la crainte; 2) le christianisme prêche que l'homme tout entier est bon, esprit et corps; 3) le christianisme enseigne que chaque homme est libre d'être uniquement lui-même (Winston, collection Conscience and Concern, « Who cares? » p. 3).
La première idée vient de la Bible hébraïque: Dt. 6,5; la seconde de Gn. 1, et la 3e de Gn. 4,7, Jos. 24, 15 et de bien d'autres endroits encore.
CONCLUSION
Les changements positifs enregistrés depuis le Concile Vatican II sont pour ainsi dire écrasants d'honnêteté et d'intégrité de vision. L'Esprit est vraiment venu parmi nous pour nous ouvrir à de nouvelles relations, à une compréhension neuve en ce qui regarde le judaïsme, religion qui est mère de la nôtre.
Beaucoup a été fait, mais il reste encore beaucoup à faire. La déclaration du Concile, les directives du Vatican de 1975, et celles des évêques américains ont pour but de nous conduire à un dialogue toujours renouvelé avec le judaïsme. Jésus était un juif et ses enseignements supposent un auditoire familier des doctrines juives. Si nous voulons pouvoir lire le Nouveau Testament avec intelligence, si nous voulons être ouverts à la Parole de Dieu qui nous atteint à travers le peuple juif dans les Saintes Ecritures et aujourd'hui dans le dialogue, il nous faut rester toujours dociles à l'esprit de vérité. Jésus dit à la Samaritaine: « le salut vient des juifs ». Ceci est aussi vrai aujourd'hui qu'alors. Nous devons être ouverts à ce salut même si le dialogue sauveur doit nous pousser dans des directions que nous ne pouvons prévoir maintenant. Nous sommes appelés à ce voyage en union avec toute la Communauté chrétienne.
APPENDICE:
Orientations pour évaluer les jugements portés sur les juifs et le judaïsme dans le matériel catéchétique. (Extraits)
I. SOURCES OFFICIELLES DES CRITÈRES INDIQUÉS CI-APRÈS1. « Déclaration sur les relations de l'Eglise avec les religions non chrétiennes » (Nostra Aetate, section 4), Deuxième Concile du Vatican, 28 octobre 1965.
2. « Orientations pour les relations entre catholiques et juifs », Secrétariat pour les relations entre catholiques et juifs de la Conférence nationale des évêques catholiques des Etats-Unis, 1967.
3. « Attitude des chrétiens à l'égard du judaïsme », Orientations pastorales du Comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme, avril 1973.
4. « Declaration de la Conférence nationale des évêques catholiques des Etats-Unis sur le Moyen Orient », 13 novembre 1973.
5. « Orientations et suggestions pour l'application de la Dédaration conciliaire Nostra Aetate », Commission du Vatican pour les relations religieuses avec le judaïsme, 1 décembre 1974, publié le 2 janvier 1975.
6. « L'Eglise et la Synagogue », message pastoral de la Conférence épiscopale des Etats-Unis, 20 novembre 1975.
II. CRITÈRES
A. Les Ecritures Hébraïques1. La catéchèse affirme-t-elle la valeur de toute la Bible? Montre-t-elle que, loin d'être annulée par le Nouveau Testament, l'Alliance Hébraïque demeure en fait la racine, la source, le fondement et la promesse de la Nouvelle Alliance?
2. L'inspiration et la validité des Ecritures Hébraïques sont-elles reconnues avec leurs droits propres?
3. La catéchèse présente-t-elle la Bible Hébraïque comme source d'inspiration pour Jésus, pour les auteurs du Nouveau Testament et pour les écrivains chrétiens ultérieurs? Le matériel en usage montre-t-il que les Ecritures Hébraïques sont l'unique fondement scripturaire de l'Eglise du Nouveau Testament?
4. Dans les cours, n'oppose-t-on pas à tort les Ecritures Hébraïques et la tradition juive au Nouveau Testament? Autrement dit, les Ecritures Hébraïques ne sont-elles pas présentées comme constituant une religion faite seulement de justice, de crainte et de légalisme sans aucun appel à l'amour de Dieu et du prochain? (cf. Dt. 6,5 et Lv. 19,18 comme source de « la loi d'amour » de Jésus).
B. Le judaïsme à l'époque du Nouveau Testament1. Le matériel des leçons indique-t-il que le judaïsme qui a donné naissance au christianisme était dynamique et plein de vie? Ou bien est-il faussement présenté comme dégénéré, légaliste et matérialiste?
2. Fait-on attention à la multitude des sectes et des groupes internes au judaïsme à l'époque de Jésus? Ces groupes sont-ils étudiés de façon complète ou montrés seulement selon des stéréotypes négatifs?
3. Fait-on mention des réussites du judaïsme à l'époque du Nouveau Testament? Le développement de la synagogue, par exemple, la littérature de cette période, Qumran, les travaux des rabbins?
C. Les Pharisiens1. Les Pharisiens sont-ils présentés de façon honnête ou seulement selon des clichés négatifs? Comme légalistes? Comme étant tous semblables? A noter, par exemple, les différents mouvements pharisaïques, tels ceux qui constituent les écoles de Hillel et de Shammaï.
2. Parle-t-on des relations positives entre Jésus et les Pharisiens (voir Lc. 11, 37-44; 13, 31; Jn. 9, 13; 3, 1-21) et entre les Pharisiens et l'Eglise primitive (voir Ac. 5, 34-39; 23, 6-9)?
D. Jésus et les juifs1. La qualité de juif en Jésus est-elle clairement déclarée? Est-elle mise en avant quand il se doit pour expliquer sa conduite? Souligne-t-on sa connaissance de la loi juive et l'adhésion qu'il lui donna? Montre-t-on qu'il se considérait lui-même comme un juif fidèle?
E. La Crucifixion1. Apparaît-il clairement que « ce qui a été commis durant la Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps »? (cf. Vatican II, Déclaration sur les relations de l'Eglise avec les religions non chrétiennes).
2. Les résultats des récentes études bibliques qui montrent les complexités historiques des récits du Nouveau Testament sur le jugement du Christ et la Crucifixion sont-ils utilisés dans les manuels, surtout dans les livres du maître?
3. Théologiquement la culpabilité de la Crucifixion est le fait de toute l'humanité. Cela est-il affirmé avec conviction, ou bien, dans la description concrète de la Passion, blâme-t-on de fait les chefs juifs?
4. L'idée que les souffrances des juifs sont un châtiment divin encouru pour leur prétendu rejet du Christ est-elle explicitement condamnée? Est-elle au moins omise et jamais sous-entendue?
F. Judaïsme rabbinique et médiéval1. Cesse-t-on de parler du judaïsme après la période du Nouveau Testament?
2. Parle-t-on de l'extrême importance religieuse de la Mishnah et du Talmud? Des Communautés juives de l'Europe médiévale? Du rôle de la Juiverie espagnole dans le développement de la philosophie scolastique médiévale et de la pensée arabe au bénéfice de l'Europe chrétienne?
3. L'histoire européenne n'est-elle que l'histoire de la chrétienté? Montre-t-on l'influence de la pensée juive intellectuelle et théologique sur la pensée chrétienne, par exemple de Maïmonides sur S. Thomas d'Aquin, de Spinoza sur Pascal, de la linguistique juive et des études bibliques sur Erasme? Parle-t-on du mysticisme juif?
4. La vie dans les ghettos juifs du Moyen-Age est-elle considérée avec toute sa vitalité et toute sa créativité? Voit-on l'émancipation juive commencer en 1790 dans la France du « Siècle des Lumières »?
G. Du temps de la Réforme au XXe siècle1. Parle-t-on de la contribution de la pensée et de la culture juives aux deux Réformes protestante et catholique et au Siècle des Lumières?
2. Y-a-t-il une présentation quelconque des profonds mouvements religieux juifs comme le Hassidisme? De la philosophie et de la poésie juives qui exercèrent une influence importante sur la pensée moderne, d'un Heinrich Heine, d'un Martin Buber, d'un Franz Rosenzweig? Freud et Einstein et d'autres savants éminents sont-ils reconnus comme juifs?
3. Essaie-t-on d'apprécier, avec leurs différences, le développement des divers types de communautés juives réformées, orthodoxes et conservatrices, spécialement aux Etats-Unis? Parle-t-on du développement du Sionisme en ce pays? (Brandeis et d'autres).
H. Persécution chrétienne des juifs1. Les textes relatifs à l'histoire de l'Eglise admettent-ils honnêtement que les chrétiens ont maltraité les juifs durant des périodes variées de l'histoire? Ces textes invitent-ils au repentir?
2. L'histoire de l'anti-sémitisme chrétien est-elle clairement tracée, avec ses suites: pogroms, ghettos, et autres?
I. L'Holocauste1. Traite-t-on explicitement de cet événement, au moins dans les classes supérieures, en soulignant ses implications pour la pensée chrétienne traditionnelle?
2. Le fait que six millions de juifs ont été exterminés dans des pays dits chrétiens est-il admis?
3. Dans des circonstances appropriées, les liturgies par exemple, utilise-t-on la littérature sur l'Holocauste, oeuvre des juifs qui ont survécu aux camps de la mort? Les auteurs en sont-ils présentés comme juifs: Anna Frank, Eli Weisel, Viktor Frankl?
J. L'Etat moderne d'Israël1. Le concept juif d'appartenance à un peuple est-il pleinement expliqué? Autrement dit « un peuple... ne se caractérise pas seulement par la race, l'ethnie ou la religion, mais, en un sens, par la conjonction de tous ces éléments » (C.N.E.C. des Etats-Unis, novembre 1975).
2. Les textes aident-ils les élèves à comprendre « le lien qui existe entre la terre et le peuple, et que, durant deux millénaires, les juifs ont exprimé à travers leursécrits ou leur culte comme une nostalgie de leur patrie, la Sainte Sion » (C.N.E.C. des Etats-Unis, novembre 1975)?
3. Reconnaît-on de façon claire la validité de l'existence d'un Etat juif d'Israël en même temps que l'on affirme les droits des Palestiniens? (cf. C.N.E.C. des Etats-Unis, novembre, 1975).
K. Le Rapport entre les Deux Alliances1. Montre-t-on clairement que l'Alliance juive avec Dieu n'a pas été abrogée par l'établissement de l'Alliance chrétienne en Christ? Dit-on bien que nous sommes « le rameau d'olivier sauvage » qui a été « greffé » sur Israël (Rm. 11, 17)?
2. Souligne-t-on de façon nette que, aujourd'hui encore, « les juifs restent... très chers à Dieu, dont les dons et l'appel restent sans repentance (Nostra Aetate, 4; cf. Rm. 11, 28-29)? L'élection durable, permanente du peuple juif, autrement dit le rôle permanent du judaïsme dans le plan divin, sont-ils clairement vus comme un aspect essentiel d'une compréhension théologique chrétienne du judaïsme qui soit valable? (cf. Attitude des Chrétiens, Comité épiscopal français, avril 1973, op. cit.; Vatican II, Lumen Gentium, 16).
3. Essaie-t-on de considérer ce rôle permanent et salvifique du judaïsme dans le monde en termes juifs aussi bien qu'en termes chrétiens, comme, par exemple, « la sanctification du Nom »? (cf. Attitude des Chrétiens, Comité épiscopal français, avril 1973).
4. Essaie-t-on, ne fût-ce qu'imparfaitement, d'élaborer pour aujourd'hui une compréhension théologique positive des relations judéo-chrétiennes, compréhension basée sur les sources bibliques et officielles déjà citées, tout en évitant l'indifférentisme?
5. Existe-t-il des activités d'information et d'approche adaptées à chaque niveau d'âge qui permettent aux chrétiens, comme les directives vaticanes le stipulent, d'apprendre « par quels traits essentiels les juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité religieuse vécue » (Orientations, Commission vaticane, janvier 1975, op. cit.)?
Eugene J. Fisher, Docteur en Culture Hébraïque de l'Université de New York est Secrétaire Exécutif du Secrétariat pour les Relations Catholiques-Juives de la Conférence Nationale des Evêques des Etats-Unis. Il a enseigné l'hébreu biblique au Séminaire St. Jean de Plymouth, Michigan et a été Consulteur Pédagogique à l'Archevêché de Détroit. Son étude sur l'esprit de la catéchèse aux Etats-Unis, en ce qui concerne les juifs, a été récemment publiée par la Paulist Press, New York, 1977, sous le titre Faith Without Prejudice. L'article publié ci-dessous a été traduit en français avec l'autorisation de l'Auteur et constitue le chapitre VII de ce livre. Titre original du chapitre: « Christian Teaching and Judaism Today: A Study of Religion Texts ».