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SIDIC Periodical XVI - 1983/1
Le Cantique des Cantiques: diverses interprétations (Pages 14 - 15)

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Florilege - L'Interpretation du Cantique dans le Targum
Les editeurs

 

Dans une excellente brochure intitulée: II Cantico dei Cantici, antica interpretazione ebraica, et éditée à Rome par Città Nuova en 1976, Umberto Neri fait une présentation à la fois bien documentée et agréable à lire du Targum du Cantique des Cantiques. Il s'agit d'un texte araméen difficile à dater, mis par écrit sans doute entre le 5e et le 8e siècle de notre ère, mais qui a conservé bien des éléments certainement antérieurs à cette date. Il est intéressant pour nous de connaître les Targums, selon U. Neri, non seulement parce qu'ils sont témoins de traditions vénérables et de l'enseignement le plus généralement répandu dans le judaïsme post-biblique, mais parce qu'ils peuvent nous aider, nous aussi, à mieux comprendre le texte révélé dans son message et dans la maniere dont il nous est transmis (cf. pp. 30 et 34).

L'interprétation que fait le Targum du texte biblique peut nous paraître déroutante. Nous serons mieux en mesure de l'apprécier si nous nous rappelons qu'un Targum ne vise pas à donner une traduction au sens moderne du mot; il est plutôt une explication. une explication du texte adaptée à un certain public et visant à l'édification.

Se fondant sur l'infinie richesse de la Parole inspirée, la méthode du Targum, bien que se tenant toujours dans la ligne de la tradition vivante, laisse une grande liberté à son auteur: il n'hésite pas à amplifier le texte (en ajoutant des mots ou des phrases entières), à en donner une interprétation allégorique ou à en interpréter les mots dans un sens rare ou inusuel. De plus, chaque détail de la révélation scripturaire est mis en lien avec l'Histoire du salut, car l'amour de Dieu pour son peuple se manifeste toujours en des gestes concrets, des interventions salvifiques qui se succèdent au long du temps. Ainsi, dans le Cantique des Cantiques, l'auteur du Targum retrouve toutes les étapes du cheminement du peuple de Dieu, depuis l'Egypte et l'entrée en Terre promise jusqu'à la venue du Messie et la résurrection des morts. Le passage que nous citons ci-dessous (Cent. 2, 10-14) évoque, selon le Targum, la fin de l'esclavage en Egypte et le passage de la Mer Rouge.

Nous donnons ici, parallèlement au texte biblique, traduit par A. Chouraqui, la version (revue) du Targum qui est celle de P. Vulliaud dans: Le Cantique des Cantiques d'après la tradition juive (Paris 1925). Nous avons signalé par une graphie différente les mots qui restent textuellement ceux de la Bible, faisant ressortir ainsi ce qui est la méthode du Targum: transcrire les paroles bibliques en y ajoutant toutes sortes de précisions, le texte scripturaire se trouvant de ce fait à la fois englobé et éclairé. On trouvera entre parenthèses les nombreuses références à d'autres textes de la Bible, à l'Exode surtout, qui forment comme la toile de fond du récit.

Texte Biblique: Ct 2,10-14

V. 10
Mon amant m'a répondu et m'a dit: a Lève-toi, mon amie, ma belle, et va vers toi-même.

TargumV. 10
A l'heure du matin (cf. Ex 12,22), mon amant m'a répondu et m'a dit: « Lève-toi, assemblée d'Israël, mon aimée dès l'origine, belle par tes oeuvres. Va-t-en*, sors de l'esclavage d'Egypte.
* Va-t-en: le mot hébreu, le plus souvent traduit de nos jours par « viens a, a été nettement interprété par le Targum dans le sens de « pars », « va-t-en ». C'est la même expression: « lekh lekha » qui est employée pour l'appel d'Abraham en Gn 12,1.

V. 11 (Gant.)
Car voici: l'hiver est passé, la pluie a pris fin, elle est partie.

V. 11 (Targum)
Car voici que le temps de l'esclavage, semblable à l'hiver, est passé, et les années dont j'ai parlé à Abraham (cf. Gn 15,10-12) dans la division • sont abrégées. La domination de l'Egypte, comparable à une pluie continue est passée, elle est partie. Vous ne la reverrez jamais plus (ct. Ex 14,13).
" Littéralement: y entre les morceaux » (ou sacrifices). Il s'agit de la division des victimes (sans doute un ancien rite d'Alliance) par Abraham au moment où Dieu va « conclure une alliance » avec lui.

V. 12
Les fleurs ont apparu sur la terre, l'instant du chant arrive, la voix de la tourterelle s'entend en notre terre.

V. 12 (Targ.)
Moïse et Aaron, comparés aux rameaux du palmier, ont apparu pour opérer des prodiges sur la terre d'Egypte (cf. Ex 4,17 et 4,30...). Le temps de couper* les prémices arrive, et déjà vous entendez la voix de l'Esprit Saint et de la délivrance (cf. Ex 11,4-8) que j'ai fait entendre à Abraham votre père (cf. Gn 15,14). J'ai dit: «Je jugerai aussi le peuple auquel ils (les Israélites) seront assujettis, et ils sortiront avec de grandes richesses ». Maintenant je veux accomplir ce que j'ai juré par ma Parole.
* Le verbe signifie: ir tailler, émonder » L'expression est comprise par le Targum comme: a le temps, pour les Egyptiens, d'être taillés ».

V. 13
Le figuier embaume ses pousses, les vignes en fleurs ont donné leur fragrance. Lève-toi, mon amie, ma belle, et va vers toi-même.

V. 13 (Targ.)
L'assemblée d'Israël, semblable aux premières figues, ouvrit la bouche et chanta un cantique sur la Mer Rouge (cf. Ex 15,1), même les enfants et les nourrissons* louèrent le Maître de l'univers, en leur langage. Aussitôt, le Maître du monde leur dit: « Lève-toi, assemblée d'Israël, mon aimée, ma belle, et va d'ici vers le pays que j'ai promis à tes pères » (cf. Ex 33,1L
• Le thème de la louange des petits enfants au moment du passage de la Mer Rouge est très ancien dans la tradition juive. On le trouve déjà en Sg 10,20 Ps 8,3. Voir aussi Mekhilta Is 15,1, Talm. Jerus. Sota V 4 et Targum Ex 15,2. Même thème en Mt 21,15-16.

V. 14
Ma colombe aux fentes du roc, au secret de l'ascension, découvre-moi ton apparence, fais-moi entendre ta voix. Car ta voix est suave, ton apparence splendide ».

V. 14 (Targ.)
Quand l'impie Pharaon poursuivit le peuple d'Israël (cf. Ex. 14.8...), la communauté d'Israël était semblable à la colombe qui est cachée dans les fentes de la roche: le serpent la presse au-dedans et le faucon au dehors. De même Israël était enfermé dans les quatre directions. Car, devant eux, il y avait la mer; derrière eux, l'ennemi (les) poursuivait; des deux autres côtés il y avait des déserts remplis de serpents de feu, mordant et tuant les hommes par leur venin. Aussitôt, cependant, (Israël) ouvrit la bouche et pria devant l'Eternel (cf. Ex 14,10), et une voix céleste (litt. a la fille de la voix ») descendit du haut des cieux et parla ainsi: « Toi, Israël, qui es semblable à la colombe pure, tu es cachée dans les fentes de la roche et dans les endroits secrets des ravins; fais-moi voir ton apparence et tes oeuvres bonnes; fais-mois entendre ta voix, car ta voix est suave quand tu pries dans le petit e sanctuaire, et ton apparence splendide par tes oeuvres bonnes ».
• Ct. Ez 11,16; y miqdash méat » peut être traduit par rc petit » ou par a pour un peu de temps » Allusion ici peut-être au Tabernacle ou à la Synagogue.

 

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