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Le Nouveau Testament traduit en hébreu moderne
Le Jèerusalem Post du 3 mai 1977
A la dernière Foire Internationale du Livre à Jérusalem, l'agence israélienne des Sociétés Bibliques Réunies a exposé un ouvrage qui fait date dans l'étude des Ecritures. Il s'agit de la nouvelle traduction du Nouveau Testament en hébreu moderne, oeuvre d'une équipe israélienne de spécialistes de l'hébreu, dirigée par Magne Solheim, titulaire de la chaire de langues sémitiques à l'Université Hébraïque de Jérusalem.
Jusqu'ici le texte hébreu classique avait été celui de Franz Delitzsch, publié pour la première fois en 1877 par la Société Biblique Britannique, révisé par la suite par Gustav Dolman et dont quatre éditions parurent au cours des années suivantes. Cette oeuvre était considérée, tant en Israël qu'à l'étranger, comme la pièce maîtresse des traductions. Cependant, le moment où l'hébreu antique devait reprendre vie pour devenir une langue parlée moderne, n'était pas encore venu.
Il fallait attendre l'année 1969 pour voir paraître une première traduction de la Bible — partielle — en hébreu moderne. Le mérite en revient au Dr. Robert Lindsey, théologien baptiste, qui livra alors au public sa traduction de l'Evangile de St. Marc. L'ouvrage était préfacé par David Flüsser de l'Université Hébraïque de Jérusalem avec qui Lindsey avait collaboré pendant plusieurs années.
Le but que s'était proposé Lindsey était de présenter l'Evangile dans un langage qui refléterait, à la fois, l'esprit de la langue judéo-chrétienne primitive et répondrait par sa clarté et son esthétique aux exigences du lecteur moderne. Quoique la traduction ait soulevé des problèmes dans certains milieux, curieusement aucune critique du texte hébreu ne vint de personnes parlant l'hébreu.
L'année 1977 apporta au lecteur de la Bible un ouvrage nouveau, celui qui fut exposé à la Foire Internationale du Livre: la traduction entière du Nouveau Testament en hébreu moderne.
Tout en respectant fidèlement l'original grec, le langage de cette traduction est clair est intelligible. En fait, quel est l'original? Bon nombre de théologiens se prononcent en faveur de l'hypothèse selon laquelle la traduction grecque aurait pour base des documents hébreux. Selon Lindsey, la richesse extraordinaire des récits de Luc et de Matthieu provient manifestementd'une source hébraïque. Le cheminement à partir des documents hébreux primitifs, perdus, à travers une version grecque qui a imposé son vocabulaire à tant de générations, pour aboutir à un texte rédigé en hébreu moderne suppose une progression dans la recherche d'un intérêt exceptionnel.
La nouvelle traduction comprend environ 120 citations de la Bible hébraïque. Pour ces citations, l'hébreu biblique a été retenu, celui du texte massoréthique.
Il faut admettre que de nombreux juifs éprouvent de la réticence à lire le Nouveau Testament. Cependant, depuis la publication de Jésus de Nazareth, en hébreu, de Joseph Klausner (1922, edit. anglaise 1925), on constate l'intérêt croissant du public pour l'étude d'une époque qui touche de si près le judaïsme et son histoire, celle du ler siècle de notre ère. Klausner fut rédacteur en chef de l'Encyclopedia Hebraica presque jusqu'à sa mort (1958); il était également historien, philologue et critique littéraire. David Flüsser parle de lui à peu près en ces termes: « Il connaissait de première main les sources juives et spécialement la littérature rabbinique. Ceci lui permit de dépeindre Jésus tel qu'il avait probablement été dans la réalité vécue de son époque. Il renforça la judéité de la personne de Jésus, affirmant que Jésus était fier d'être juif, qu'il n'avait jamais abandonné le judaïsme et qu'il se considérait comme le Messie juif ».
Depuis Klausner, d'autres écrivains ont reconnu l'utilité du Nouveau Testament comme source littéraire et historique pour ce qui regarde la période du Second Temple.
Les Israéliens liront-ils le Nouveau Testament? Selon l'opinion du Professeur Flüsser, le Nouveau Testament provoque dans le coeur du lecteur juif des sentiments contradictoires. C'est un livre qui reflète à la fois la sympathie des chrétiens pour le judaïsme et la tension qui existe entre les deux groupes religieux. C'est une prédication fervente adressée au monde des gentils qui jaillit de la conviction d'une secte juive et en tant que telle cette parole est une source importante pour la connaissance de la pensée juive à une époque où le Temple existait encore et où Jérusalem était la cité du Grand Roi. Dans sa présente traduction, le Nouveau Testament permettra aux lecteurs juifs de découvrir un chapitre de leur propre grandeur et de leur tragédie.