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SIDIC Periodical XII - 1979/1
L’avenir de l’homme dans la perspective du royaume, 2e partie (Pages 04 - 15)

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L'Hmme et la société - Aspects herméneutiques d'une théologie sociale selon les sources juives
Uriel Tal

 

LA THÉOLOGIE POLITIQUE

On voit s'accentuer de nos jours une tendance à unir la théologie et la réalité sociale, tendance qui prétendrait même faire de la théologie un facteur actif de cette réalité. Un des courants les plus forts est celui que l'on appelle « théologie politique »1 et qui en contient par ailleurs plusieurs autres, certains complémentaires, d'autres contradictoires.

Le terme « théologie politique », remis en usage aujourd'hui, est considéré par certains théologiens comme s'appliquant au Tiers-Monde qui s'éveille et aux mouvements de protestation contre toutes les formes de discrimination, raciales, ethniques, économiques ou de sexe: on appelle parfois cette tendance « théologie de la révolution »2. D'autres, comme Moltmann, considèrent la « théologie politique » comme l'une des leçons qu'il faut tirer de l'expérience historique du Troisième Reich en tant qu'elle est négation du régime nazi comme « religion politique », selon le nom que lui donne Eric Voegelin dès 1938-1939 3. D'autres encore considèrent la « théologie politique » dans le contexte d'une tradition américaine spéciale, selon laquelle il existe une séparation constitutionnelle entre l'Église et l'État, mais aucune séparation entre la religion et la société: ici, l'histoire et la civilisation américaines sont qualifiées de « religion civile »4. Un autre courant cherche à donner à la théologie politique le caractère d'un mouvement de libération et ceux qui le suivent critiquent certaines méthodes exégétiques comme l'historicisme et la démythologisation de Rudolf Bultmann 5. Paul Lehmann analyse les manifestations de la révolution en termes de théologie de la politique 6. De plus, un dissentiment a éclaté au sujet de l'affinité entre la théologie et la politique à propos des mouvements nationalistes au Moyen Orient en général et en particulier à propos d'Israël, de la sainteté de la Terre et des arguments bibliques utilisés pour justifier Israël comme terre, société et État'.

Ces divers systèmes ont un point commun selon lequel la politique intervient dans tous les aspects de la vie, tant individuelle que publique. Et la religion elle-même, dit-on, pénètre tous les aspects de la vie; son domaine n'est pas seulement le ciel, mais aussi, et peut-être en premier lieu, la terre; il ne s'agit pas seulement du salut des âmes mais aussi, et peut-être d'abord, de la manière de vivre de l'homme et de la société.

En conséquence, la religion doit élaborer une théologie qui témoigne de sa relation active, responsable et même radicale pour certains, avec la société. L'époque de la neutralité religieuse est révolue: l'abstention de toute activité affecte la société tout autant que l'intervention.

Un ouvrage éclairant sur la possibilité de faire revivre les concepts du « Siècle des Lumières », concepts de rationalité et de liberté comme guides de la philosophie politique et de la théologie contemporaines 8, a mis l'accent sur l'un des dilemnes principaux de la théologie politique. D'une part, la théologie doit prendre position en face de la situation politique et sociale; d'autre part, étant donné que l'autorité de la théologie est d'ordre métaphysique et, par suite, absolu, il est à craindre qu'une telle prise de position ne sacralise la politique. La religion deviendra de la politique et la politique de la religion.

Johann B. Metz, l'un des spécialistes qui ont repris le concept de théologie politique dans le contexte moderne, explique que ce concept inclut deux aspects complémentaires: 1) l'obligation pour l'Église d'être concernée par la réalité politique et celle de prendre position en raison de sa responsabilité sociale; 2) le refus de faire de la religion une religion politique. C'est ainsi que Metz écrit: « Aucune théologie qui se sent pratiquement responsable de la foi chrétienne et de sa transmission s ne peut éluder les problèmes sociaux et pratiques. Mieux encore, aucune pensée théologique sincère ne peut se permettre de s'isoler des problèmes concernant le bien public, la législation, le statut social de la liberté, etc. L'Église, en fait, est toujours active comme force politique, avant même de prendre position de façon explicite ... Au moyen d'une herméneutique pratique et critique, la théologie s'efforce d'empêcher l'Église de s'identifier aveuglément avec des idéologies politiques spécifiques. Elle cherche donc à empêcher, l'Église de dégénérer en simple religion politique I° ».

Selon Metz, cette herméneutique prend racine et se développe à partir du « message biblique de liberté », spécialement dans la christologie selon la lère Épître aux Corinthiens (1 Co. 3, 21). Ainsi, par l'appartenance au Christ, qui lui-même est à Dieu, tous les hommes ont été libérés de l'oppression des classes et des chefs politiques. Le pouvoir politique a été relativisé et transmis à la responsabilité propre de l'homme 11.

Jürgen Moltmann signale, lui aussi, les deux composantes: il s'agit 1) de s'engager de façon responsable dans la réalité sociale; 2) d'éviter de transformer la politique en religion et la religion en politique. Ainsi « la théologie politique veut éveiller la conscience politique à travers tous les traités de théologie chrétienne ... Les Églises qui s'évadent dans une neutralité a-politique, neutralité qui les met, croient-elles, au-dessus de la politique, sont néammoins engagées politiquement ...12 >>. D'autre part, dit Moltmann, « la théologie politique ne réduit pas tout en politique (C. Schmitt) et elle ne soumet pas non plus la théologie et l'Église aux conditions et aux exigences d'une politique d'État. Elle ne vise pas davantage à traiter les problèmes politiques comme des thèmes majeurs de la théologie chrétienne ... Nous concevons, par conséquent, la théologie politique comme la nouvelle perspective de toute théologie chrétienne ... 13 ».

Le cadre herméneutique de la théologie politique, dit encore Moltmann, c'est la Croix dressée contre l'idolâtrie. Il s'ensuit que le conflit mortel entre Jésus et les pouvoirs politiques de son temps s'oppose, selon Moltmann, à l'ancienne théologie qui avait développé une « métaphysique de l'État »; il devrait donc servir de base pour rechercher de manière critique et théorique le moyen de libérer l'homme de l'idolâtrie politique, du paternalisme et de l'aliénation. Cette interprétation de la Croix s'intègre chez Moltmann dans son approche exégétique du Second Commandement « qui prohibe toutes les images de Dieu ... et donne naissance à une vie politique libre de toute idolâtrie ... En interdisant la fabrication des images, ce Second Commandement arracha le monde de la nature à son origine divine et le plaça dans la sphère de la responsabilité humaine. Il libéra l'homme ... et préserva sa souveraineté et son pouvoir créateur 14 ».

L'oeuvre libératrice du Second Commandement fut continuée par les Prophètes puis par Paul (Rm. 1, 18 s.). Luther, ensuite, dans son « Grand Catéchisme », appliqua la doctrine de Paul en intériorisant le concept d'idolâtrie: « Là où vous attachez votre coeur, là est votre Dieu », dit Luther ". Moltmann, enfin, considère les prohibitions bibliques concernant les images comme le trait essentiel d'une nouvelle théologie politique, trait qui démythologise la théologie, qui désacralise toute prétention de divinité dans l'homme ou dans la nature, et qui démocratise ainsi l'État. Par conséquent, « le message eschatologique de liberté proclamé par Jésus était implicitement une attaque radicale de l'existence même d'un État religieux ... 16 ».

Un problème surgit ici: celui de la place du judaïsme et de ses sources traditionnelles dans le développement actuel de la théologie qui est essentiellement tourné vers la réalité humaine. Nous aborderons ce problème en trois étapes: a) l'expression « théologie politique » et sa place dans le judaïsme; b) la méthode herméneutique traditionnelle comme outil pour analyser la théologie juive lorsqu'elle traite de situations humaines; c) les structures herméneutiques actuelles dans la théologie sociale juive.

LA THÉOLOGIE POLITIQUE ET LE JUDAÏSME

a) L'histoire du judaïsme montre que l'expression « théologie sociale » est préférable à celle de « théologie politique » pour décrire la relation entre la théologie et la situation humaine 17. Selon la tradition scripturaire, le centre de l'activité politique résida tout d'abord dans une autorité tribale, puis dans la monarchie et dans l'État. Ainsi dans la péricope hebdomadaire appelée Juges (Dt. 16,18-21,9) 18 on ne discerne pas encore clairement la différence entre société et État, quoique la nécessité de désigner des « juges et des scribes » indique qu'une telle séparation était inhérente à cette réalité du passé. De même, la rébellion de Coré et de son groupe peut indiquer que le pouvoir n'était pas totalement concentré dans les mains de l'autorité politique mais qu'il était partiellement diffus dans la société 19. Ce dualisme entre État et société est démontré de la même manière dans le Midrash sur l'établissement de la monarchie selon le premier livre de Samuel, 8, 16. Rabbi Eliézer a noté deux visions de la monarchie: « Les Anciens avaient présenté une requête parfaitement correcte en disant: Donne-nous un roi pour qu'il nous rende la justice; mais la masse du peuple l'a dénaturée en disant: ... pour que nous soyons nous aussi comme les autres peuples, que notre roi nous juge et marche devant nous (T.B. Sanhedrin 30 b) ». Selon Rabbi Eliézer, la fonction principale d'un régime politique est de maintenir l'ordre social conformément à la loi et à la justice; seul le commun du peuple voit dans la puissance militaire l'objectif d'une monarchie. Sous l'impact de la situation politique d'Erez-Israël soumis à la Loi romaine, et dans l'esprit du concept rabbinique qui dénie au pouvoir royal toute valeur en soi, la légende nous fait connaître l'attitude critique de Rabbi Shimon ben Shetah envers la monarchie. Un serviteur du roi Jannée, dit-on, avait commis un meurtre et le Sanhédrin convoqua le roi pour juger l'affaire. Le roi vint et s'assit. Shimon Ben Shetah lui dit alors: « Roi Jannée, lève-toi, car ce n'est pas devant nous que tu te tiens, mais devant Celui qui a dit: Que le monde soit! » Il lui répondit: « Je n'obéirai pas à ce que tu me commandes, toi, Shimon Ben Shetah, mais je ferai comme font tes collègues ». Hélas! A droite comme à gauche tous les visages regardaient fixement à terre. Shimon Ben Shetah leur dit: « Vous êtes tous des arrivistes ... » et la légende ajoute, bien plus dans l'esprit des Pharisiens que dans celui des Sadducéens, que « l'Ange Gabriel vint aussitôt et les jeta tous à terre (T.B. Sanhedrin 19 a-b) » 20.

Les Sages souhaitaient que l'État — et pas seulement le pouvoir romain — ne soit pas un but en lui-même, mais un moyen d'assurer un mode de vie conforme à la Torah et de maintenir l'ordre public comme le dit le Midrash dans T.B. Avoda Zara 4 a, à propos du texte d'Habacuc: « Et tu traites les hommes comme les poissons de la mer » (Ha. 1, 14): de même que, parmi les poissons de la mer, les plus gros avalent les plus petits, de même les hommes feraient ainsi s'ils ne craignaient l'autorité 21.

Plus tard, dans la Mishneh Torah de Maimonide, qui comprend la Loi juive ainsi que la théologie dans son développement historique, la théologie politique se concentre particulièrement dans le livre 14 sous le titre: « Règles concernant les Rois et leurs guerres ». Dans les autres livres, l'accent est mis sur la théologie sociale, autrement dit sur l'ensemble de la vie de l'homme en société et sur sa responsabilité morale dans l'existence quotidienne (moral ici est pris au sens de religieux) 22.

Plus tard, au Moyen-Âge et pendant la période où les juifs se sont gouvernés eux-mêmes comme cela eut lieu en Allemagne, en Pologne, en Lithuanie et en Europe Centrale 23, l'influence politique joua sur deux plans; mais ici encore elle n'engloba pas la sphère de la vie sociale et n'empiéta pas sur elle. Extérieurement, le judaïsme politique était vu comme une sorte de système destiné à garantir la survie d'un groupe ethnico-religieux et socio-économique; à l'intérieur la politique constituait le champ clos des luttes pour le pouvoir entre les riches et les puissants d'une part et, d'autre part, entre eux et l'autorité rabbinique au sein de laquelle, d'ailleurs, il existait aussi de mêmes luttes. La politique servait ainsi la communauté sans s'identifier à elle, et la religion ne considérait pas la politique comme son premier objectif: elle se concentrait sur la société.

Avec le déclin de l'auto-gouvernement des juifs et sa disparition au XVIIIe siècle, on vit naître de nouvelles structures politiques. Tandis que la société traditionnelle connaissait une mutation sociologique profonde, la diffusion de la sécularisation apparut comme l'innovation majeure. Elle rendit possible la lutte pour l'émancipation légale et sociale ainsi que la participation des juifs à la politique générale, spécialement dans les mouvements libéraux, les cercles intellectuels, les organisations radicales et révolutionnaires. Malgré ces changements qui devaient avoir des conséquences lointaines dans l'histoire juive, la subordination traditionnelle de la politique à la société se maintint. Même dans les courants non religieux de la vie juive, qu'ils soient nationalistes ou non, la politique resta simplement un moyen d'atteindre certains objectifs, de réaliser certains espoirs en vue d'une nouvelle société où régneraient l'égalité, la justice et la liberté 24.

C'est pourquoi, en abordant la théologie sociale selon les sources juives, il est plus exact de ne pas remplacer le mot « sociale » par celui de « politique ». De cette façon, la théologie sociale dans le judaïsme embrasse tous les aspects de la vie, spécialement ceux que l'on appelle les « préceptes de l'homme envers l'homme », préceptes dont le but est d'organiser la réalité terrestre au plan concret. On en trouve un exemple littéraire dans une légende qui date de l'occupation romaine en Erez-Israël. On raconte que, pour avoir critiqué l'administration romaine, Rabbi Shimon Bar Yohai avait dû se cacher pour sauver sa vie. Il s'était réfugié avec son fils dans une grotte où ils demeurèrent pendant douze ans. Quand il apprit que l'empereur était mort et que toutes les peines étaient annulées, il sortit de sa cachette; il vit des hommes qui labouraient et qui semaient. Il s'écria alors: « Ils négligent la vie éternelle et s'occupent de la vie éphémère! » Et partout où lui et son fils portaient leurs regards, la terre était à l'instant même consumée par le feu. Une bath kol (écho) se fit entendre alors: « Êtes-vous sortis de votre grotte pour détruire mon univers? Retournez-y! » 25.

LA MÉTHODE HERMÉNEUTIQUE TRADITIONNELLE

Une des principales disciplines au moyen desquelles la théologie sociale du judaïsme s'est développée est l'interprétation, c'est-à-dire l'herméneutique exégétique. Ce genre d'exégèse est structuré sous forme dialectique, par une opposition constante entre deux pôles: la source et sa signification, la source étant permanente et la signification variable. Dans la pratique, toutefois, au cours de l'évolution historique, une structure dialectique spéciale a pris de l'ampleur: l'interprétation devenant à son tour une source qui acquiert un nouveau sens et réclame une nouvelle interprétation. Ces deux composantes et la dialectique qui existe entre elles reflètent le dilemme existentiel du juif: le désir de rester fidèle à la révélation en acceptant son autorité qui crée un mode de vie obligatoire, et en même temps la nécessité d'adapter la révélation aux exigences de la vie telle qu'elle se présente selon les changements et les innovations inhérents au passage du temps. Les sources nomment ces deux composantes Loi Écrite et Loi Orale, la première correspondant à la source et la seconde à son interprétation. L'autorité de la première dérive de la révélation faite à Moïse au Mont Sinaï, tandis que la seconde provient de l'interprétation qui fut donnée à la première au cours de l'histoire. Les Sages, cependant, cherchèrent à attribuer une autorité également contraignante à la

Loi Orale, c'est-à-dire aux diverses interprétations de la Loi &rite, interprétations changeantes et souvent même contradictoires entre elles. Ainsi l'exemple donné par le Midrash (T.B. Gittin 60 b) citant l'interprétation que Rabbi Yohanan propose du texte: « ces paroles sont les clauses de l'alliance que je conclus avec toi et avec Israël (Ex. 34,27) ». Selon Rabbi Yohanan, « ces paroles » (al pi) signifient la Loi Orale (toea shebeal peh) de sorte que le Très Saint, béni soit-il, établit une alliance avec Israël seulement en vue de l'enseignement oral. On trouve une interprétation linguistique analogue pour renforcer l'autorité de l'herméneutique dans T.B. Eruvin 21 b au sujet du passage: « Ses cheveux sont bouclés » (kotsotav taltalim) du Cantique des Cantiques (Ct. 5, 11); on y explique que ces mots signifient que « chaque partie d'une lettre (kots) doit être interprétée par des tas (tilei-tilim) d'explications ».

Cette mentalité conduisit à penser que Moïse sur le Mont Sinaï n'avait pas reçu seulement le Pentateuque mais aussi tout ce que les Prophètes et les Sages avaient dit ensuite au cours des siècles. « Le Très Saint, béni soit-il, ayant enseigné à Moïse les subtilités de la Torah et de l'exégèse ainsi que les interprétations des exégètes dans le futur ... » 26, la route était ouverte à un développement considérable et ramifié de l'herméneutique, étant bien entendu que l'interprétation n'est pas identique à la source mais qu'elle introduit légitimement des innovations; « ainsi pour la Mishna (Hagig 1, 8) (les règles concernant) la libération de voeux flottent dans l'air et n'ont pour ainsi dire pas de fondement, les règles concernant le Shabbat (et les sacrifices) sont comme des choses qui ne tiennent que par un cheveu puisque (les textes de) l'Écriture les concernant sont réduits et les décisions multiples ... ». En outre, ces interprétations de la Loi peuvent aller jusqu'à extraire des règlements de l'Écriture, pour autant que les exégètes et leurs disciples pensent que les innovations sont incluses en puissance et a priori dans la révélation.

Les courants théologiques modernes du judaïsme qui se soumettent à des disciplines critiques telles que l'histoire, la philologie, l'archéologie, la critique biblique, accentuent la différence entre les deux types de tradition, même lorsqu'ils sont ré-expliqués. Dès ses débuts, le judaïsme libéral versa dans les explications rationalistes; même pour Herman Cohen la source de l'autorité était la révélation, et ce concept soutint victorieusement l'épreuve de la raison, surtout au plan de l'éthique. Le judaïsme conservateur reconnaissait à la révélation et à ses développements ultérieurs une vérité historique —quoique non historiciste (c'est-à-dire pas nécessairement relativiste). Actuellement on a rapproché l'une de l'autre ces deux positions par des arguments existentiels psychosociologiques; mais la tendance à garder l'autorité de la révélation comme primordiale reste forte dans le judaïsme; ce qui a changé, ce sont les interprétations de cette autorité.

C'est ici, à propos du développement de l'interprétation de la théologie sociale dans le judaïsme, que les traditions du Midrash et de la légende prennent une plus grande importance. En principe et à première vue, seule la Loi, la Halakha, a force d'obligation; la prophétie, la poésie, la littérature de sagesse, la légende, la philosophie sociale et morale n'ont point, elles, de force contraignante. Mais dans la réalité pratique, dans l'histoire sociale du judaïsme, dans la vie familiale, dans l'éducation et dans le monde de l'expérience personnelle du juif, c'étaient pourtant ces traditions qui avaient le plus de poids, tandis qu'un bon nombre des 613 préceptes de la Loi plus tardive étaient confinés dans le domaine de la recherche ou des discussions légales. Le monde de la légende, du symbolisme, de la mémoire historique, des croyances et des opinions, des coutumes, du style parlé, de la mode, des gestes quotidiens; l'ardent désir de se libérer des contraintes publiques et économiques, de la diaspora — galut, au sens existentiel du mot, c'est-à-dire au sens de la condition humaine d'aliénation, aliénation par rapport à soi-même, au monde et à l'histoire où l'homme se trouve plongé malgré lui — tout cela devient primordial dans l'histoire de la théologie sociale. Aucun de ces éléments ne réussit jamais à obtenir une légitimation légale, autrement dit, aucun d'eux ne devint Loi; les faits de la vie quotidienne vécue selon l'esprit du Midrash et de la légende ne procuraient pas les récompenses promises à l'observation des préceptes; mais c'étaient des interprétations existentielles du judaïsme: elles tissaient l'étoffe de la vie, et la vie englobait de fait toute la réalité historique existante.

Nous avons un exemple typique de tout ceci dans l'avis donné par le Sifra à propos de la péricope hebdomadaire ekev (Dt. 7,12-11,25): « Si vous voulez savoir qui a dit: Que le monde soit, étudiez la légende car ainsi vous connaîtrez le Très Saint, béni soit-il, et vous suivrez ses chemins ». Ce désir de connaître Dieu, non comme une théologie abstraite, mais comme moyen de trouver un véritable style de vie, est aussi l'un des buts des préceptes. Dans une interprétation étymologique bien connue des mots: « La parole de Dieu est mise à l'épreuve » (Ps. 18, 31), Rav dit: « les préceptes sont donnés dans l'unique but d'éprouver, c'est-à-dire de nettoyer et de purifier l'homme; qu'importe-t-il en effet au Très Saint, béni soit-il, si l'homme tue un autre homme en l'égorgeant ou en le frappant dans le dos? ... ou encore si je mange un aliment souillé ou un aliment pur? Les préceptes furent donnés pour éprouver, autrement dit pour purifier les hommes 27 ». Et le Midrash demande quelle peut bien être l'importance de la Loi avec la multiplicité de ses petits points formels; la réponse est celle-ci: cette importance est d'ordre moral, elle réside dans la purification de l'être humain.

Au cours des siècles, cette question de l'importance de la Loi et de ses multiples significations prit une place de plus en plus grande. Si le but de la Loi est le progrès moral de l'homme, et puisque ce but peut être atteint toujours mieux par des moyens rationnels et humanistes, la nécessité des préceptes scripturaires se réduit et même disparaît complètement. Ce problème préoccupait déjà les Sages; il devint ultérieurement plus aigu, dans les périodes de contact culturel, à l'époque de la culture judéo-arabe puis dans la période moderne du rationalisme critique. Les Sages proposaient déjà une solution qui fut souvent reprise après eux, et jusque dans la pensée théologique moderne. Le Talmud de Babylone, Y oma 67 b se référant au Lévitique 18, 4 et Yalkut Shimoni se référant à la péricope aharei mot au Lévitique 16-18 (suivant en cela l'exégèse de Maimonide sur le Lévitique 19, 19) suggèrent d'établir une distinction entre « statuts » (mishpatim) et « ordonnances » (hukim): les « statuts » sont des règles qui font partie de la révélation mais que la sagesse humaine aurait pu découvrir et rendre obligatoires, les prescriptions contre le culte des idoles, contre le vol et le meurtre par exemple; les « ordonnances », elles, sont des règles tirées également de la révélation mais leur but n'est pas immédiatement perçu par l'esprit humain; ce sont des commandements qui ne dérivent pas inévitablement de la raison; telles sont les défenses de manger du porc ou de porter des vêtements tissés de fibres diverses, ou l'injonction d'épouser la veuve d'un frère, de purifier un lépreux, de chasser un bouc émissaire, de sacrifier une génisse rousse.

Jusqu'à l'époque moderne, il était admis que l'on ne doit pas obéir aux préceptes simplement parce que leurs motifs seraient évidents, connus et compris, mais parce que la source de l'autorité demeure métaphysique et transcende la raison. Avec la poussée de l'humanisme et du rationalisme critique, l'homme ayant acquis l'autonomie intellectuelle, celle-ci rendit difficile l'acceptation du joug des préceptes, qu'il s'agisse des « statuts » ou des « ordonnances ». Peut-être est-ce à cause de cela que des auteurs aussi fidèles à la tradition que Rabbi D.B. Soloveitchik font entrer de plus en plus dans leur enseignement des thèmes tirés de la pensée moderne, de l'existentialisme religieux, de la phénoménologie et même de la notion bergsonienne d'intuition 28.

LA THÉOLOGIE SOCIALE ÉLÉMENT VITAL DE L'HISTOIRE JUIVE

L'herméneutique a largement contribué à faire de la théologie sociale un élément vital de l'histoire juive. Par elle, la théologie sociale rejoint ce que la phénoménologie — surtout dans les écrits plus tardifs de Husserl — appelle Lebenswelt (le monde de la vie), autrement dit le contexte total de l'expérience vécue par l'homme. Contrairement cependant à Heidegger, qui conçoit l'existence comme un « être-dans-le-monde » (Da-sein) irréductible et englobant tout, le judaïsme rechigne à faire de l'homme une subjectivité transcendentale. Dans la théologie sociale du judaïsme, l'herméneutique ne fournit pas toutes les données ontologiques qui permettent de comprendre l'existence. Ici, en contraste avec l'existentialisme séculier de Sartre, l'homme n'est pas projeté dans l'histoire sans avoir une essence antérieure à son existence. En réalité, tout Da-sein réel est précédé d'une essence potentielle qui est révélation manifestée dans l'histoire, dans la réalité.

Prenant ceci comme fondement — un fondement de soi trans-scientifique — la théologie sociale a suscité une herméneutique multiforme qui s'étend à tous les domaines de la vie. La recherche critique actuelle peut nous permettre d'approfondir notre compréhension du rôle social de l'herméneutique, et en particulier la création d'une Lebenswelt, sphère d'expérience façonnée par la société, et aussi par l'histoire, comme le dit Van A. Harvey, exprimée en symboles, en systèmes linguistiques, en structures de sens et en communications sociales usuelles 29.

L'herméneutique représente donc, dans la théologie sociale du judaïsme, un effort en vue d'harmoniser la tradition avec l'expérience vitale toujours changeante. On y parvient en usant d'une large variété de formes d'interprétation: exploration informative, explication du sens, commentaire du texte, perception intuitive, discernement de la structure linguistique, comparaison phénoménologique, interprétation des symboles, exégèse de l'étymologie, inférence inductive et déductive, technique de découverte des sens cachés, inhérents ou attribués à des objets sacrés, à des coutumes, des démarches et des conduites socialisées.

A partir de là, et en accord avec la pensée de Hans G. Gadamer qu'en vérité l'interprétation est toujours subordonnée au moment présent qui change et liée à une ouverture structurelle capable d'accueillir l'altérité de l'expérience vitale qu'on interprète 30, la théologie sociale, en définitive, façonne le mode d'existence de l'homme. Cependant, contrairement à l'herméneutique scientifique, la théologie sociale du judaïsme est une théologie qui fait autorité: elle lie et engage ceux qui acceptent son joug. Sur ce fond de tableau, analysons et reformulons quelques-unes des structures herméneutiques de la théologie sociale du judaïsme.

a. Socialisation individualisante

Cette structure herméneutique exprime le lien qui existe entre l'individu et la société. D'un côté, l'accent est mis sur la responsabilité personnelle de l'individu dans toute sa vie: ses intentions, ses actions, leurs conséquences; de l'autre, on souligne la dépendance de l'individu envers la communauté et la signification morale de cette dépendance.

Tout homme, comme individu, est en lui-même une valeur; il est l'apogée de la création, comme il est expliqué par exemple en Sanhedrin 36 a: « Quand l'homme imprime un sceau à plusieurs reprises, toutes les images sont semblables; mais lorsque le Très Saint, béni soit-il, marque tous les hommes du même sceau, aucun ne ressemble aux autres _31 ». C'est sa responsabilité morale qui confère à l'individu sa particularité essentielle. Même si l'on admet que le foyer d'un homme, son hérédité et ce qui est son héritage déterminent en grande partie sa personnalité, il ne lui est pas loisible de récuser toute responsabilité morale sous prétexte qu'il est simplement le produit des conditions biologiques, sociales, matérielles et historiques dans lesquelles il a été élevé. Comme Rashi le dit, en commentant Sanhedrin 38 a: « Ne dites pas: nous sommes les enfants d'un homme juste; notre père fut créé juste; par conséquent nous aussi nous sommes justes; nous n'avons pas besoin d'éviter le péché car nous ne commettrons pas de péchés! » Notre responsabilité morale ne doit pas non plus nous conduire à désespérer et à dire: « Nous sommes les enfants du mal; point n'est besoin de nous repentir ou de nous purifier car cela ne servira à rien ... ! »

L'homme est unique par cette capacité qu'il a de choisir entre le bien et le mal, entre la vie et la mort (Dt. 30, 19). Le quatrième livre des Maccabées, qui s'appelle aussi « De l'Empire de la Raison » en donne une explication influencée par le stoïcisme: « L'intellect est à même de gouverner les désirs et les instincts, d'en diriger certains dans une 'voie bonne et de supprimer les autres »32. Beaucoup plus tard et dans le même esprit Maimonide déclare: « Tout homme a le droit de se tourner vers le bien, s'il le veut ... cela est entre ses mains; et s'il veut se tourner vers le mal, cela aussi est entre ses mains ... car l'espèce humaine est unique au monde et aucune autre ne lui ressemble, en ce sens que, par sa propre raison, l'homme connaît le bien et le mal ... et il n'est au pouvoir de personne de l'empêcher ... N'imaginez pas que le Très Saint, béni soit-il, détermine dès qu'il crée un homme s'il sera juste ou méchant: c'est l'homme lui-même qui penche dans le sens qu'il désire " ».

Du fait de sa création, d'autre part, l'individu est responsable envers la société; son existence entière est comme tissée avec celle de la société. Le Talmud, tout en offrant des considérations nettement techniques sur la récitation des grâces, pose un principe que les générations suivantes interpréteront dans des contextes très larges: « L'homme ne doit jamais s'exclure de la communauté totale 34 ». Dans le même esprit, le Midrash dit (T.B. Taanith 11 a): « Quand la communauté est dans la peine, personne ne doit dire: Je vais chez moi, manger, boire et m'amuser ... , mais il doit être dans la peine avec le groupe comme le fut Moïse, car il est écrit (Ex. 17, 12): Mais, les bras de Moïse étant fatigués, ils prirent une pierre qu'ils disposèrent sous lui, et il s'assit dessus; Moïse n'avait-il donc aucun autre coussin ou siège pour s'asseoir? Mais Moïse dit: Puisqu'Israël est dans le malheur, je le serai avec lui, et quiconque souffre avec la communauté aura le privilège de la voir réconfortée; et pour qu'un homme ne dise pas: Qui me verra? les pierres de sa maison et les poutres de sa maison verront; car il est dit: les pierres du mur crieront ... ».

Ce n'est pas seulement aux heures de tristesse que la tradition juive exige que l'individu ait conscience de son appartenance au groupe. Bien au contraire. La tradition englobe une vue positive, optimiste et constructive d'une structure sociale facilitée par le partage du travail et par une moralité sociale qui rende efficace ce partage. Ceci est exposé, par exemple, dans la Tosephta à Berakoth 7,2 et dans le Talmud de Babylone, Berakoth 58 a, par Ben-Zoma, qui dit, en contemplant la société: « Quel immense effort le premier homme n'a-t-il pas dû fournir avant d'avoir du pain à manger! — Il a dû labourer, semer, moissonner, lier les gerbes, battre le grain, le vanner, le tamiser, le moudre, pétrir la pâte et

b. Structure de la réalité

En général, on entend par « symbole » un objet matériel qui signifie quelque chose d'autre et qui suggère, indique, rappelle cette autre chose qui ne peut pas, ou ne doit pas emprunter une forme matérielle. Dans ce cas, l'objet lui-même, pour autant qu'il est un symbole authentique, n'est pas l'essence de la chose, mais une sorte de substitut, l'essence elle-même restant cachée 35. Cependant, selon l'outil herméneutique que nous appelons ici « structure de la réalité », certains symboles n'opèrent pas ainsi: l'objet matériel peut être tout à la fois symbole et substance. Le symbole indique quelque chose de spirituel, d'immatériel; mais en même temps il signifie quelque chose en lui-même, dans sa matérialité, dans sa substantialité. Il agit donc à deux niveaux: au niveau de ce qu'il est et au niveau de ce qu'il indique et représente.

Nous avons un exemple de cette structure exégétique dans le précepte concernant les années sabbatiques et les années jubilaires, les premières ayant lieu tous les sept ans et les secondes après sept années sabbatiques (Lv. 25). Ce précepte sur le repos de la terre comportait les points suivants:
— que la terre soit laissée en jachère: « La terre observera le Shabbat en l'honneur du Seigneur »;
— qu'aucun travail n'y soit effectué: « Tu ne sèmeras pas ton champ »;
— qu'aucun travail ne soit non plus effectué dans le verger: « Tu n'émonderas pas ta vigne »;
— qu'aucun regain ne soit ramassé: « Ce qui poussera de soi-même après la moisson, tu ne le récolteras pas »;
— qu'aucun fruit ne soit cueilli: « Tu ne cueilleras pas les grains de ta vigne non émondée »;
qu'il y ait repos pour tous les produits du sol: « La septième année, tu laisseras et abandonneras ces fruits »;
— que les dettes soient remises car il est écrit (Dt. 15,
2): « Tout créancier remettra ce qu'il a prêté »;
— qu'on n'exige pas le remboursement d'un emprunt dépassant les sept années: « Tu n'exigeras pas de paiement »;
— qu'on ne refuse pas d'allonger la durée des emprunts avant l'année sabbatique de peur que le paiement ne soit retardé et la dette remise car il est dit (Dt. 15, 9): « Veillez à ce qu'il n'y ait pas de vils calculs dans votre coeur » (cf. T.B. Moed Gatan 2 b).

Dès l'époque de la Mishna et du Talmud ce précepte a longuement préoccupé les exégètes; et les changements intervenus dans l'herméneutique, y compris l'apparition d'interprétations mystiques et même économiques et réalistes, n'ont pas supprimé cette double valeur d'une structure à la fois réaliste et symbolique 38. Déjà les Sages déclaraient que l'année du repos de la terra avait un double but: un but agricole et socio-économique, d'un côté, un but éducatif à base de symbole de l'autre: « Et le Très Saint, béni soit-il, dit à Israel: sème pendant six ans, mais laisse la terre en jachère la septième année, et tu sauras que la terre est à moi »; et Rashi ajoute: « et vos coeurs ne s'enorgueilliront pas de votre terre; ils n'oublieront pas le joug de Sa Royauté " ». On retrouve une interprétation du même genre chez Rabbi Aaron Halevy dans son oeuvre populaire bien connue, Se fer Ha-Hinuch; « le précepte du repos de la terre a pour but, dit-il, de rappeler ceci à l'homme: bien que la terre produise ses fruits chaque année, ce n'est pas à elle-même qu'elle le doit, ni à sa propre puissance, car elle a un Maître qui surpasse tous ses maîtres ... 38 ». En liaison avec la lutte contre les néo-Aristotéliciens, Rabbi Halevy ajoute que ce précepte vise foncièrement à fixer dans nos coeurs et à imprimer clairement dans nos esprits l'idée de la création ex-nihilo: car les six années de travail représentent les six jours de la création tandis que la septième représente le Shabbat; le statut agricole met ainsi en valeur la conception cosmogonique du judaïsme en contraste avec la conception hellénistique sur l'origine du monde. Les exégètes ajoutent que le renoncement au revenu un an sur sept, puis durant toute l'année jubilaire, enseigne à l'homme à se passer des choses, à se montrer généreux envers les pauvres et à se contenter de peu. La même pensée se retrouve, accentuée encore, chez Samuel David Luzzatto, savant bibliste du début du 19è siècle, à la fois moderne et traditionnel: « Le fait que le grain soit abandonné durant un an égalise pauvres et riches; il rabaisse l'orgueil des riches et leur rappelle que tous les hommes sont égaux >Y'. Rabbi Zvi Hirsch Kalischer, l'un des pionniers du sionisme religieux, expliquait de la même façon l'année du repos de la terre. Rabbi Kook ajoutait une considération mystique, poux ne pas dire mythique, sur la double signification de l'être, l'unité organique de l'esprit et de la matière, de la terre et de la morale, du réel et du spirituel 39.

Cette convergence du symbole et du symbolisé, ou du symbole et de la substance, devient encore plus complexe dans le thème du sang. D'un côté, le sang est présenté dans la Bible d'une manière très directe et concrète: « Vous ne mangerez de sang d'aucune façon, que ce soit le sang d'un oiseau ou d'une bête (Lv. 7, 26) ». Et de même en beaucoup d'autres passages. Mais en même temps, le sang est vu aussi de manière symbolique, tout en restant lié à l'idée de la substance sang; c'est ce qu'expose Nachmanide: « On sait que ce qui est mangé réapparaît dans le corps de celui qui mange et que, s'il mange du sang, son âme deviendra pesante et vulgaire, étant donné que l'âme d'un animal est pesante et grossière ... il ne convient pas qu l'âme absorbe l'âme ... 40 ».

Dans un autre contexte, le concept du sang prend une signification éthico-sociale. Dans la même ligne que le Lévitique 19, 16: « Tu ne resteras pas inactif près du sang de ton frère », le Talmud (T.B. Sanhedrin 73 a) explique: « Pourquoi celui qui voit son compagnon se noyer dans la rivière, emporté par une bête sauvage ou attaqué par des voleurs doit-il aller à son secours, en risquant sa vie s'il le faut? Parce qu'il est dit: Tu ne resteras pas inactif près du sang de ton frère. » Et les Sages (Sifra sur le Lévitique) vont encore plus loin dans leur interprétation: « Pourquoi donc un homme qui est témoin de quelque chose ne doit-il pas rester silencieux à ce sujet? — Parce qu'il est dit: Tu ne resteras pas inactif près du sang de ton voisin 41 ».

c. Rationalisation justificative

La rationalisation justificative est, elle aussi, une structure herméneutique dans le domaine de la théologie sociale. Elle sert à expliquer, interpréter et justifier des expériences personnelles actuelles que l'homme a du mal à accepter mais qu'il est bien obligé d'admettre dans son existence quotidienne, simplement pour pouvoir vivre. Cette structure sert, en premier lieu, à justifier la souffrance et à expliquer la douleur, ce qui permet de les supporter. L'une des explications les plus répandues de la souffrance est celle des Proverbes 3, 12: « Quand le Seigneur aime quelqu'un, il le corrige ». Et les Sages vont jusqu'à dire: « celui qu'il aime, le Très Saint, béni soit-il, le broie par la souffrance, car il est dit (Is. 53, 10): Cependant, il a plu au Seigneur de le broyer par la maladie (T.B. Berakoth 5 a) ». Et, dans la même ligne, les Sages exposent une méthode éducative selon laquelle la souffrance peut devenir une force purificatrice, constructive et stimulante: « Si un homme voit la souffrance s'approcher de lui, qu'il scrute ses actions car il est dit: Examinons nos chemins et retournons vers le Seigneur (Lm. 3, 40). Et s'il cherche et ne trouve rien, qu'il se reproche sa négligence de la Torah, car il est dit: Heureux l'homme que tu instruis, Seigneur, et à qui tu enseignes ta Loi (Ps. 94, 12). Et s'il fait ainsi et ne trouve rien, il saura que sa souffrance vient de l'amour ... (T.B. Berakoth 5 a) ». De même le Midrash (Exode Raba 1) explique les épreuves comme celles du Psalmiste: « Seigneur, comme mes ennemis sont nombreux! Nombreux ceux qui s'élèvent contre moi (Ps. 3, 2) », comme un signe de l'amour de Dieu; elles sont donc une bénédiction et un élément constructif dans l'existence.

Parmi les interprétations données couramment aux événements historiques, les diverses significations attribuées à la destruction du Temple présentent encore une autre manière d'éclairer le problème de la souffrance. La structure interne de cette exégèse inclut des formes de projection et de rationalisation et en même temps les expressions de certaines expériences personnelles avec l'espoir d'un avenir meilleur. Parmi les motifs expliquant la destruction du Temple, les Sages mentionnent la profanation du Shabbat, l'omission de la prière « Shema » matin et soir, la négligence apportée à l'étude de la Torah, le manque de respect mutuel, les moqueries à l'égard des hommes instruits, la disparition des hommes de foi (T.B. Shabbat 119 b). Selon une autre version (T.B. Yoma 9 b) le premier Temple fut détruit à cause des transgressions contre les lois les plus élémentaires regardant la vie humaine et le monothéisme: culte des idoles, inceste, meurtre. Le second Temple, lui, fut détruit encore pour d'autres raisons, spécialement la haine, la jalousie et la mesquinerie dans les relations entre les hommes. (Voir la légende sur Kamza et Bar Kamza en T.B. Gittin 55 b-56 a).

d. Structure de transfert

S'ajoutant aux structures herméneutiques précédentes, la structure de transfert intervient, dans la théologie sociale du judaïsme, afin d'organiser les relations humaines. Son dessein est de transformer en facteurs constructifs les instincts, besoins et faiblesses de l'homme. Cela se fait parfois par une sublimation des instincts, parfois par une transformation des forces dépressives en forces vitales. Cette structure s'exprime souvent sous la forme d'une métaphore. En voici un exemple: « L'instinct mauvais se présente d'abord comme un passant, puis il devient un locataire et finalement il s'impose comme le maître de la maison (T.B. Sukkah 52 b). On trouve un exemple courant de cette structure de transfert à propos de la « conquête des instincts ». Sur le texte d'Isaie (32, 20) « Heureux êtes-vous qui semez le long des eaux », les Sages disent (T.B. Avoda Zara 5 b): « Heureux est Israël, chaque fois qu'il suit la Torah et la philanthropie, car alors il tient ses instincts bien en main et ce ne sont pas eux qui le tiennent, car il est dit: Heureux êtes-vous qui semez le long des eaux; or, il n'existe point de semailles qui ne soient semailles de droiture, car il est dit (Os. 10, 12): Faites vos semailles en justice; et l'eau c'est la Torah, car il est écrit (Is. 15, 1): Ô vous qui avez soif, venez aux eaux ... ! ». La tradition fit preuve d'une grande compréhension de la nature humaine et de ses besoins affectifs; elle affirmait, en effet: « Plus noble est le coeur d'une personne, plus fortes sont ses passions (T.B. Sukkah 52 a) ». Et les Sages ajoutaient dans la Mishna (Traité Avot, ch. 2) que la récompense de l'homme est proportionnée à la difficulté qu'il éprouve à se vaincre. La force et l'intégrité intérieures de la personne sont mises à l'épreuve, particulièrement lorsqu'il s'agit de préceptes non-évidents en eux-mêmes ou qui ne sont pas des « statuts » (voir ci-dessus) mais des préceptes révélés, comme l'explique Sandia Gaon, des « ordonnances » ou « commandements » auxquels on ne peut obéir sans une foi totale et sans le sacrifice d'une certaine autonomie. Selon les Sages, ce sont là des préceptes contre lesquels la « mauvaise nature » se rebelle et qui incitent Israël à dire que « la Torah n'est pas vraie, car à quoi tout cela sert-il (T.B. Yoma 67 b) 42 ».

Sur ce fond de tableau, la tradition cherche à développer des formes constructives qui répondent aux exigences matérielles et affectives de l'homme, à ses inclinations, à ses faiblesses, aux tentations auxquelles il est sujet, à son besoin de respect et de considération de la part de son milieu social. En interprétant ces paroles de l'Exode (22, 24): « Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un des miens, même à un pauvre qui vit avec toi, ne te comporte pas envers lui comme un prêteur à gages », la tradition affirme que « le précepte ordonnant de prêter est plus fort que celui de faire la charité », car recevoir la charité affaiblit tandis que recevoir un prêt peut stimuler de façon constructive et aider l'emprunteur à reprendre sa vie en mains 43 ». Quant à la fin du verset du Midrash « Tu ne te comporteras pas avec lui comme un prêteur à gages (T.B. Baba Metsia 45 b) », de même que des enseignements moraux plus tardifs, dit que le créancier ne doit pas passer devant la maison de son débiteur, ni même être vu par lui, pour ne pas donner l'impression « que le paiement d'une dette est exigé d'un pauvre homme qui n'a pas le moyen de la rembourser ». Et les exégètes disent de leur côté qu'il est défendu de s'apitoyer sur un pauvre cité en jugement, « mais qu'il faut étudier son cas dans la vérité et le juger non par compassion mais en justice, équitablement, pour les pauvres comme pour les riches ». Dans le même sens, les commentateurs soulignent la nécessité de ne jamais humilier l'autre personne dans l'estime qu'elle a d'elle-même. Au sujet du précepte bien connu: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv. 19, 18) », Ben Azai explique combien cet amour est grand en raison de la ressemblance de l'homme avec Dieu: « Il le fit à sa ressemblance (Gn. 5, 1) ». « Ne dites pas par conséquent: Puisque je suis méprisé, que mon voisin le soit avec moi; et puisque je suis maudit, que mon voisin soit maudit avec moi » dit Rabbi Tanhuma qui ajoute: « Si tu le fais, sache qui tu méprises, car Dieu l'a créé à sa ressemblance 44 ». On retrouve la même structure dans l'exégèse de Mekhilta sur Exode 20, 26: « Vous ne monterez pas à mon autel par des marches » — qui utilise une des lois bien connues de la logique au moyen desquelles on peut expliquer la Torah 45 en inférant le plus du moins et vice versa —: « De même qu'à propos de pierres qui ne connaissent ni le bien ni le mal le Très Saint, béni soit-il, dit: Ne les traitez pas avec mépris, de même il dit pour votre frère humain qui est fait à la ressemblance de celui qui a dit: Que le monde soit!: ne le traitez pas avec mépris ...46 ».

La nécessité de refréner le ressentiment et la soif de vengeance est exposée, par exemple, dans l'exégèse de Lv. 19, 18: « Tu ne tireras pas vengeance et tu ne garderas aucune rancune ». Les Sages expliquent (T.B. Yoma 23 a): « Qu'est-ce que tirer vengeance et qu'est-ce que garder rancune? La vengeance? Voici: si quelqu'un te demande: Prête-moi ta faucille, tu lui réponds: Non. Le lendemain, tu dis à cet homme: Prête-moi ta hache; et l'autre répond: Non, car hier tu n'as rien voulu me prêter. Et la rancune? Quelqu'un dit: Prête-moi ta hache; il répond: Non. Le lendemain, le second dit au premier: Prête-moi ton manteau; il répond: Vois donc, je ne suis pas comme toi, toi qui n'as pas voulu me prêter. C'est cela garder rancune ». Et les exégètes ajoutent: « La rancune, c'est quand l'hostilité demeure dans le coeur même si l'on ne tire pas vengeance » et Rashi emploie une métaphore typique: « et la rancune, c'est l'hostilité comme un serpent dans le coeur ...47 ».

Cette structure exégétique, dont l'essence est de transformer les instincts destructifs en forces constructives, est résumée dans cette idée qu'avaient les Sages que les instincts mauvais sont aussi légitimes que les bons, étant donné que « si le mauvais yetzer n'existait pas, l'homme ne bâtirait jamais de maison, il n'épouserait pas de femme, n'engendrerait pas de fils et ne s'engagerait pas dans les affaires 49 ». Tout dépend par conséquent du désir et de la force que possède la personne pour transformer ses instincts en forces bénéfiques, comme l'explique T.B. Berakoth 66 b: « Les hommes justes tiennent leurs désirs en leur pouvoir, les méchants sont au pouvoir de leurs désirs ... »

e. Modèle pour l'action

Cette structure herméneutique rappelle le principe théologique connu sous le nom de Imitatio Dei; mais dans la théologie sociale du judaïsme l'accent est mis sur un style de vie façonné d'après les vertus et les oeuvres de Dieu. Cela ne veut pas dire qu'il faille imiter Dieu lui-même 99, ni, comme l'entend le Nouveau Testament (Rm. 6, 5-11), qu'il s'agisse d'une identification totale avec le Fils de Dieu dans sa vie, sa mort et sa résurrection.

Les vertus et les oeuvres de Dieu servent de modèle dans le sens qu'en donne le commentateur Ovadia de Sforno dans son interprétation d'Exode 20, 2: ... « au moyen de la réflexion, de la connaissance et de l'exercice de la volonté libre ». Le modèle principal est tracé en Exode 34, 6-7 qui énumère les 13 vertus qu'il y a dans les oeuvres du Très Saint, béni soit-il, et dans l'interprétation des paroles: « Soyez saints, parce que moi, votre Dieu, Je suis saint (Lv. 19, 2)50 ». Au sujet de « Voici mon Dieu et je le glorifierai (Ex. 15, 2) », Aba Shaul explique: « Le glorifier, c'est être comme lui, c'est l'imiter: il est miséricordieux et bienveillant, soyez miséricordieux et bienveillants ... etc. 51 ». Et Rashi s'exprime ainsi: « Glorifiez-le (anvehu) est équivalent à « Je suis lui » (anihu); je me ferai semblable à lui pour suivre ses sentiers ... ayant l'intention d'être ou plutôt d'agir comme lui (T.B. Shabbat 133 a) ». Suivant la même ligne, nous trouvons l'interprétation de T.B. Sota 14 a du passage: « Vous suivrez votre Dieu et vous attacherez à lui » (Dt. 13, 5): « Comment l'homme peut-il suivre Celui qui est un feu dévorant? ... L'homme doit modeler sa vie sur les attributs de Dieu ou sur ses oeuvres ... Comme lui, il doit vêtir ceux qui sont nus, visiter les malades, réconforter les délaissés... » Tout cela a été très clairement exposé par Rabbi Shabtai Donolo dans son exégèse de « Faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance » (Gn. 1, 26): « L'image et la ressemblance dont parle le Très Saint, béni soit-il, n'est pas une ressemblance selon les apparences, mais une ressemblance entre les oeuvres de Dieu et celles du monde ... de même que Dieu seul est l'Être Suprême et qu'il gouverne l'homme et le monde entier, ... ainsi l'homme, dans la pensée et la connaissance de Dieu, a reçu la sagesse et la connaissance. Et de même que Dieu pourvoit à tout et donne du pain à toute chair, ainsi l'homme nourrit sa famille, ses serviteurs, son bétail. Et de même que le Créateur a construit le monde et les éléments de la terre, et la voûte des cieux, et le rassemblement des eaux, ... ainsi l'homme, lui aussi, en bien des façons, ressemblera à Dieu avec les faibles forces et la vie brève qu'il lui a données 52 ».

CONCLUSION

Nous avons étudié certains aspects de la relation entre l'homme et la société selon les sources juives. Nous avons constaté que cette inter-relation s'est cristallisée dans le cadre d'une théologie sociale. Nous avons analysé cette théologie en reconstruisant des formes de l'herméneutique traditionnelle à la lumière de l'herméneutique existentielle moderne.

L'analyse des formes herméneutiques montre que la théologie sociale juive agit comme un instrument permettant d'adapter la tradition aux situations toujours changeantes de la vie dans la réalité historique existante. En conséquence, il s'exerce constamment une tension dialectique entre « source » et « interprétation », entre « origine » et « signification ». Cette dialectique sert de cadre structurel à l'important débat concernant ce qui a été appelé « théologie politique »; c'est-à-dire au dilemme entre la responsabilité publique de la religion d'une part et la non-sacralisation de la politique de l'autre.

Le judaïsme apporte une solution à ce problème: l'autorité de la société, qui vient de la révélation, l'emporte sur la politique. Ainsi, les objectifs et l'action politiques restent sous le contrôle de la société; quant à la société elle-même, à la communauté, au groupe, et par eux chaque individu, c'est directement et sans intermédiaire qu'ils rendent compte à leur Créateur.



Le Professeur Uriel Tal nous demande d'insérer dans ce bulletin les expressions qu'il suggère pour une traduction plus correcte de certains passages de son article sur la Torah publié en 1977 (SIDIC N° 3). Nous nous excusons auprès de l'Auteur des inexactitudes qui s'y sont glissées.
Remplacer:
p. 5, col. 2, 2, 1. 28 « s'enfuyaient » par « quittaient »;
p. 6, col. 1, 2, 1. 11 « récent » par « tardif et arriéré »;
p. 6, col. 2, 5 4, 1. 3 « Merkaz » par « Merkaz Harav »;
p. 6, col. 2, 5 4, 1. 4 « émigrants » par « ceux qui se sont établis dans les territoires »;
p. 7, col. 1, 5 1, 1. 1-2 « les mouvements de jeunesse et les écoles religieuses nationales » par « les mouvements de jeunesse religieux nationaux et les écoles de même tendance (religieuses et nationales);
p. 7, col. 1, 5 1, 1. 10 « toute guerre défensive d'Israël » par « toute guerre défensive du peuple d'Israël »;
p. 8, col. 1-2, « Rabbi Cohen » par « Rabbi Goren »;
p. 8, col. 1, 5 2, 1. 20 « sans intérêt » (not relevant) par « pas applicable »;
p. 8, col. 2, 5 1, 1. 13 « sans parler de » par « ne font pas allusion à des »;
p. 10, col. 2, 5 1, 1. 22-28 « occupation de la terre » par « s'établir, s'installer sur la terre »;
p. 13, col. 2, 5 2, 1. 14 « persécution religieuse » par « édit de conversion forcée » (gezeirat shmad);
p. 13, col. 2, 5 3, 1. 7 « (guidée par) le Sabbat » par « (guidée par) le médecin »;
p. 14, col. 1, 1, 1. 4-5 « pour la plupart » par « en partie »;
p. 14, col. 1, 2, 1. 4-10 et 5 3, 1. 2 « éloignement »
par « aliénation »;
p. 14, col. 2, 5 2, 1. 26-27 « une éducation sioniste et travailliste » par « une éducation du mouvement travailliste-sioniste ».

Notes1. H. PEUKERT, éd., Diskussion zur politischen Theologie, Matthias-Grünewald Verlag Mainz, Chr. Kaiser Verlag München, 1969, p. 317 (abrégé: Peukert). Sur l'origine de l'expression « théologie politique » dans les enseignements de Carl Schmitt, cf. SCHWAB GEORGE: The Challenge of the Exception — An Introduction to the Political Ideas of Carl Schmitt between 1921-1936, Duncker and Humblot, Berlin, 1970. Carl Schmitt a traité de façon assez critique des développements actuels de cette expression dans son ouvrage: Politische Theologie II — die Legende von der Erledigung jeder politischen Theologie, Duncker et Humblot, Berlin, 1970,
p. 126.
2. H. MATER, « Politische Theologie » dans Stimmen der Zeit, n° 94, Février 1969, p. 75-91 (réimprimé en Peukert, p. 1 s.).
3. Cf. la collection d'essais: Totaler Staat und christliche Freiheit, paru auparavant et publié par la « Forschungsabteilung des Oekumenischen Rates für praktisches Christentum », vol. VII, Genf, 1937. Voir spécialement K. BARTH, « Der Totalitâtsanspruch des heutigen Staates etc. » p. 20 s. Quant à la structure de « transformation » et au processus de sacralisation de la politique à l'époque nazie, voir U. TAL, « Formes of Pseudoreligion in Germany prior to the Holocaust » dans Immanuel, Jérusalem 1973-74, n° 3, p. 68 s. (publié par: The Ecumenical Theological Research Fraternity, Jerusalem). Voir la remarquable étude de J. CONWAY, Die Nationalsozialistische Kirchenpolitik 1933-1945, Chr. Kaiser, München ch. 6, p. 160 s. (traduit de l'anglais par C. Nicolaisen).
4. D.M. BRYANT, « America as God's Kingdom » et H.W. RICHARDSON, « What makes a Society Political? » dans Religion and Political Society, Harper and Row, New York, 1974 (indiqué désormais comme Religion and Political Society), p. 49-120. Ce volume inclut des contributions faites par J.B. METZ, J. MOLTMANN, W. OELMULLER, traduites de: Kirche im Prozess der Aufklârung, Chr. Kaiser, München, et Matthias Grünewald, Berlin, 1970.
5. D. SOELLE, Political Theology, Fortress Press, Philadelphia, 1974, p. 107, Cf. H. HÜBNER, Politische Theologie und existentiale Interpretation, Luther, Witten, 1973, p. 126 s. (Reihe, Glaube und Lehre, vol. IX).
6. P. LEHMANN, The Transfiguration of Politics, Harper and Row, New York, 1975, le et IIIe parties.
7. U. TAL, « The Land and the State of Israel in Israeli Religious Life » dans Proceedings of the Rabbinical Assembly, vol. XXXVIII, New York, 1976, p. 1-40. (Voir édition française: SIDIC, vol. X, n° 3, 1977, p. 4-16). Idem: « Jewish Self-Understanding and the Land and State of Israel » dans Union Seminary Quarterly Review, vol. XXVI, n° 4, été 1971, p. 376-381.
8. Religion and Political Society, p. IX.
9. Ibid. Metz n'explique pas ce qu'implique « la transmission de la foi chrétienne ».
10. Ibid.
11. Ibid., p. 186-187.
12. Ibid., p. 18-19.
13. Ibid.
14. Ibid., p. 36.
15. Ibid., p. 32.
16. Ibid., p. 34 (cf. p. 35-36). Il semble que Metz et Moltmann se rendent parfaitement compte que l'expression « théologie politique » peut créer de sérieux malentendus. Alors que leur théologie est très instructive, très utile, l'expression elle-même, comme d'ailleurs Hans Maier l'a bien souligné, est plutôt mal choisie. Cf. « Ein Versuch am untauglichen Begriff » dans Peukert, p. 4 s. Voir aussi D. KELLY, « Introduction » dans Religion and Political Society, p. 173-176. Et aussi H. MATER, « Theologie der Revolution und politische Theologiekritische Anmerkungen », dans « Essener Gesprache », n° 4, éd. par J. Krautscheidt et H. Harre, AschendorfMünster, 1970, p. 68 s. Sur le scepticisme des anciens juifs au sujet des mouvements politico-messianiques, voir J. NEUSNER, First Century Judaism in Crisis, Abingdon Press, Nashville - New York, 1975, p. 156 s.
17. BARON, The Jewish Community: Its History and Structure to the American Revolution, 3 vol., JPS, Philadelphia, 1942 (3e éd., 1948) p. 374, 366, 572.
18. Y. JAKOBSOFIN, Understanding the Bible (hébreu), 5e éd., Sinai Publ. House, Tel-Aviv, 1963, p. 197-200.
19. Cf. La péricope hebdomadaire « Kerah » (Nm. 16, 1-18, 32).
20. Voir aussi T.B. Kiddushin 66 a.
21. EPHRAÏM E., On Judaism and Education (Judaïsme et Education) publié en hébreu, Université hébraïque de Jérusalem, 1966, p. 104-139.
22. BARON, A social and religions Histor'y of the Jews, Columbia University Press, New York et Londres, et JPS, Philadelphia, 1965 (4e édition) p. 71 s.
23. Cf. U. TAL, « Structures of Fellowship and Community in Judaism » in Conservative Judaism, vol. XXVIII, n° 2, New York, 1974, p. 3.
24. BARON, « Jewish Ethnicism » dans Modern Nationalism and Religion, Meridian Books, New York et JPS, Philadelphia, 1960, p. 213 s. Cf. ROTENSTREICH, NATHAN, « National Revival and Traditional Values » dans Traditional and Reality — The impact of History
on Modem Jewish Thought, Random House, New York, 1972, p. 77 s. Voir aussi M. BUBER, « Zwischen Gesellschaft und Staat » dans Der Utopische Sozialismus, Jakob Hegner, Kôln, 1967, p. 249-270.
25. T.B. Shabbat, 53 b.
26. T.B. Megilla 19 b. Cf. B. COHEN, Law and Tradition in Judaism, JTS, New York, 1959, ch. 2, 3, 9.
27. Genesis Rabba, 44, 1 et Tanhuma pour la portion hebdomadaire « Shmini » (Lv. 9, 1-13, 59).
28. P.H. PELI, « On the image of the Repenter » dans On Repentance d'après les discours oraux de Rabbi Joseph B. Soloveitchik (hébreu), rédigés et édités par H.P. Pinhas et publiés par le Torah Education Department, WZO, Jérusalem, 1974, p. 315-352.
29. A. SCHUTZ, « Concept and Theory Formation » dans Collected Papers, Nijhof, La Hague, 1976, vol. I, p. 57 s.; P.D. BERGER et T. LUCKMANN, The Social Construction of Reality, Allen Lane, Londres, 1967; V.A. HARVEY, « The Alienated Theologian » dans Mc. Cormick Quarterly, vol. XXII, mai 1970, n° 4, p. 254 s.; Idem, « Die Gottesfrage in der amerikanischen Theologie » dans Zeitschrift für Theologie und Kirche, vol. LXIV, Tübingen, 1976, n° 3: « ... die Begriffe und Symbole ... ergeben sich aus unserer lebendigen geschichtlichen Erfahrung. Man kann sie so verstehen, dass sie einerseits seine objektive Ordnung voraussetzen, anderseits selbst interpretierende Antwort im Licht eines vorherrschenden Interesses... », p. 351 s. Harvey, dans son « A Christology for Barabasses » cite une critique de grande portée de John Gager au sujet de la validité de l'histoire orale comme source historique lorsque la tradition a été transmise par des institutions sociales; voir dans Perkins Journal, Dallas Texas, vol. XXIX du printemps 1976, n° 3, p. 1 s.; Z.R.J. WERBLOWSKY, « Das Gewissen in judischer Sicht » dans Das Gewissen, Studien aus dem C.G. Jung Institut, Zürich, VII, Rasher Verlag, Zürich et Stuttgart, 1958, p. 89-117; Idem, « Faith, Hope and Trust: A study in the concept of `Bittahons » dans Annual of Jewish Studies, University College, Londres, p. 95-139; P.M. VAN BUREN, « Affirmation of the Jewish People: A Condition of Theological Coherence », dans JAAR vol. XLV n° 3, supplément, septembre 1977, p. 1075-1100. Van Buren développe de façon extrêmement instructive une méthode par laquelle les traditions théologiques se trouvent réinterprétées à la lumière des événements historiques. Cf. J. NEUSNER, Judaism in the Secular Age, M. Vallentine, Londres, 1970, spécialement les parties 1, 2 et 5. Neusner analyse quatre structures de modernisation et jette ainsi une nouvelle lumière sur l'histoire herméneutique du judaïsme à l'époque moderne.
30. H.G. GADAMER, Wahrheit und Methode — Grandzüge einer philosophischen Hermeneutik, 2e éd., JCB Mohr (P. Siebeck), Tübingen, 1965, « Erhebung der Geschichtlichkeit des Verstehens zum hermeneutischen Prinzip », p. 250 s. Cf. la critique au sujet de la confusion entre le sens verbal intrinsèque du texte et le sens subjectif de ce même texte pour celui qui l'interprète; thème développé par Emilio Betti, E.D. Hirsch et Richard E. Palmer. Palmer suggère de préparer une synthèse entre l'analyse philologique du texte et l'herméneutique en termes d'une rencontre existentielle et d'une expérience significative: cela semble devoir être très utile pour l'étude de la dialectique « source-interprétation » dans la théologie sociale du judaïsme. Cf. Hermeneutics — Interpretation Theory in Schleiermacher, Dilthey, Heidegger and Gadamer, Northwestern University Studies in Phenomenology and Existential Philosophy, Northwestern, Press, Evanston, 1969, p. 371; p. 194 s.
31. Le contexte historique et halakhique de ce passage est celui des cas pouvant entraîner la peine de mort. On rappelle aux témoins qu'il doivent se souvenir de la différence entre ceux-ci et les procès civils. Dans un procès civil, si une personne porte un faux témoignage, elle peut réparer en payant une amende ou une compensation. Si peine capitale il y a, le témoin est responsable du sang de tout prévenu qui serait condamné injustement et aussi du sang des descendants qui lui seraient nés jusqu'à la fin des temps; car contrairement aux pièces de monnaie, chaque être humain individuel est unique. (Mishna, Sanhedrin 4, 5).
32. Apocrypha, éd. par Abraham Cahana (hébreu), Massada, Tel Aviv, 1956, vol. II, ch. 2, 6-18; ch. 3, 2-5; ch. 7, 20.
33. Maimonide, Hilchot Teshuva, ch. 5, 1-3.
34. T.B. Berakoth 49 b.la cuire et enfin manger; et moi, je me lève et je trouve tout prêt devant moi. Et quel effort le premier homme n'a-t-il pas fourni avant d'avoir un vêtement à mettre! Il a tondu, blanchi, battu, filé et tissé et il eut ensuite un vêtement à porter; et moi je me lève et trouve mes habits tout prêts devant moi ... »
35. P. TILLICH, « The Religious Symbol » dans R. May, éd. Symbolism in Religion and Literature, George Braziller, New York, 1960, p. 75-98. Cf. D.H. DUNCAN, Symbols in Society, Oxford University Press, Londres, 1968, ch. 5 « Methodological Propositions », p. 151 s.
36.M.Y. TUKETSHINSKY, The Book of the Sabbatical (hébreu), 2e édition, Rav Kook Institute, Jérusalem, 1958, 126 p.; S. ISRAELI, éd. Torah et Etat (hébreu) Vol. 4, Tel Aviv, 1952, 2e p., « La Sainteté de la Terre », p. 136-192; T. ADMONITH, éd. Sabbatical (hébreu), Ammana, Tel Aviv, 1959, p. 62.
37. Voir aussi le commentaire de Rashi sur Genèse, 1, 1 s. « Toute la terre appartient au Très Saint ... ».
38. A. HALEVY, DE BARCELONE, Sepher Ha-Hinuch sur les 613 Commandements (le éd., Venise 1523), Eshkol, Jérusalem, 1946 (indiqué désormais comme HaHinuch) p. 38 s.
39. A.Y.H. KooK, Le Shabbat de la Terre (hébreu), 2e éd., Jérusalem, 1937, « La Sainteté de la Terre et des Commandements », p. 61 s.
40. Ha-Hinuch, p. 97-98 s. Cf. Lv. 17, 11.
41. Ha-Hinuch, p. 134. Cf. Lv. 19, 11; 16-18. Voir aussi Gn. 4, 10-11; 9, 6; Ex. 24, 8; He. 9, 20. Sur les lois, les traditions et les tabous regardant la pureté des femmes, la menstruation, etc., cf. T.B. Nidda, 31 b; 57 b; Sur le cadre mythologique, voir P. RICOEUR, Le Symbolisme du Mal (The Symbolism of Evil), traduit par E. Buchanan, Beacon Press, Boston, 1970, ch. 1, p. 25 s.; Sur le cadre biblique, cf. L. MORRIS, « The Biblical Use of the term `Blood' », dans Journal of Theological Studies, Oxford, 1953, n° 3, p. 216-227.
42. Cf. Mishna, Berakoth, 9, 8; T.B. Berakoth, 5 a17 a; T.B. Kiddushin, 30 b.
43. Ha-Hinuch, p. 37; Cf. Lv. 19, 19.
44.Genèse Rabba, 24, 7.
45. Les règles qui permettaient d'expliquer les Ecritures étaient attribuées par la tradition a) set t règles à Hillel, b) treize règles à Yishmaël, c) trente-deux règles à Eliezer ben José ha Gelili (cf. Baraita au début de Sifra et Aboth de Rabbi Nathan, 37).
46. Mechilta sur Exode, ch. 20 (Portion hebdomadaire « Yithro »).
47. Selon un certain nombre de Sages et de commentateurs tardifs comme Nahmanide, en cas de dommages faits à la propriété, de vol, de chapardage, il n'est pas défendu de se venger. Et du meurtre, il faut se venger, mais seulement conformément aux lois des tribunaux. Certains Sages disaient qu'un homme instruit (Talmid Hakam) qui n'en veut à personne d'une façon quelconque n'est pas vraiment un savant; Cf. T.B. Yoma 22 b-23 a.
48. Genèse Rabba 9, 7.
49. T.B. Rosh Hashana, 17 b; Cf. Soloveitchik, JOSEPH B., « The lonely Man of Faith » in Tradition, New York, été 1965. Vol. 7, n° 2.
50. Nahmanide sur Lv. 19, 2.
51. T.B. Shabbat 135 b.
52. A. JELLINEK, éd., « Commentaire sur: faisons l'homme à notre image » dans Tahkemoni (hébreu), édition de Leipzig, 1854, p. 8.

 

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