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SIDIC Periodical XVII - 1984/1
Dieu et sa Présence (Pages 15 - 17)

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Okumene in Jerusalem
Rudolf Pfisterer

 

un résumé de M.A. De Baillehache

L'article du Dr Rudolf Pfisterer, dont nous ne publions ici qu'un résumé, a été publié dans Theologie der Gegenwart, Vol. 25, N. 2 (1982). R. Pfisterer est un théologien qui réside à Schwabisch Hall, en Allemagne de l'Ouest; il a écrit de nombreux articles concernant les relations entre juifs et chrétiens. Dans l'article ci-dessous, il analyse la situation actuelle de Jérusalem et cherche à quelles conditions cette dernière pourrait devenir la « Cité de paix » que son nom indique.


Pour Sion, je ne me tairai pas

L'auteur cite d'abord la Bible, lieu où pour la première fois dans l'histoire apparaît le nom de Jérusalem. Il prend comme point de départ de ses réflexions deux passages du prophète Isaïe:
« Pour Sion je ne me tairai pas,
je ne me lasserai pas au sujet de Jérusalem jusqu'à ce que sa justice jaillisse comme l'aurore, et que son salut flambe comme une torche. »
(Is 62,1) et
« Parlez au coeur de Jérusalem... » (Is 40,1),
le premier texte invitant à parler pour Jérusalem, et le second à parler « à Jérusalem », à son coeur.

Avant d'en venir au sujet proprement dit, l'auteur évoque les divisions qui déchirent la Ville, rappe¬lant d'abord le souvenir d'horreur qu'a laissé dans la mémoire des juifs et des musulmans la prise de Jérusalem par les Croisés, avec toutes ses atrocités. Le premier pas à franchir est bien de rétablir la confiance entre chrétiens, juifs et musulmans, mais aussi entre chrétiens de différentes Eglises qui s'af¬frontent, notamment au Saint Sépulcre, depuis des siècles.

Caractère unique de Jérusalem

L'auteur rappelle ensuite que le Dieu Vivant est entré dans l'histoire du monde au sein du peuple d'Israël et que, de ce fait, le pays d'Israël centré autour de Jérusalem-Sion, coeur du peuple juif, n'est pas sans importance pour ceux qui pensent et qui aspirent à une rencontre de tous les membres du peuple de Dieu.

Dans un long paragraphe intitulé: « Le caractère irremplaçable de Jérusalem », l'A. considère ensuite ce que cette ville représente pour les juifs du mondeentier: « L'Oekumené à Jérusalem doit tenir compte du fait que cette ville, pour le judaïsme et pour le peuple juif, n'est pas interchangeable ». « Si l'on ne considère pas ce que cela signifie et sans l'examen approfondi de ce qui en découle, on se laisse aller à juger trop vite et souvent sur erficiellement les déclarations qui proviennent de ce centre du judaïsme »

R. Pfisterer rappelle alors la place que tient Jéru¬salem dans la liturgie de la Pâque juive, avec le souhait plusieurs fois millénaire: « l'An prochain à Jérusalem! », souhait qui évoque la nostalgie de la Ville sainte conservée tout au long de l'Exil, souhait si souvent répété qu'il a marqué et orienté l'histoire.

Il s'agit, en effet, de l'histoire de Dieu avec nous, avec le genre humain. Aussi le lien qui rattache Dieu à cette ville ne peut se reporter sur aucun autre lieu. Le peuple juif s'est attaché à ce choix divin de façon inébranlable, comme à un enseigne¬ment de foi et à une « communauté de destin ».

Cette conviction, cette espérance, il les a portées au long des siècles de son exil, de sa diaspora; et cette conviction l'a porté aussi jusqu'à ce jour où il a pu rentrer chez lui, dans un Etat souverain de sa création dont le point central, le coeur, est Sion. Aussi les deux aspects, le religieux et le national, qui font que cette ville n'est pas « interchangeable » doivent-ils être pris en considération. Ils sont en effet si étroitement liés et imbriqués qu'on ne saurait les opposer.

Caractère particulier de la Ville sainte

Selon André Neher, la Ville est désormais plus qu'un symbole de caractère irremplaçable, elle est comme le cristal dont les mille feux aident à expri¬mer ce qui, une fois existant, ne peut être remplacé par rien d'autre. Quant au Professeur Werblowski, de l'Université Hébraïque, il ne craint pas de dire que Jérusalem et Sion, termes géographiques, dépassent cependant de beaucoup la géographie, car ils sont le lieu de la Demeure et du Nom qui président à une existence historique et à sa continuité; une existence qui, pour le juif religieux, a une dimension religieuse et qui, pour le juif sécularisé, présente une possibilité de formulation séculière... Aussi « le mouvement national juif moderne a-t-il tiré son nom non pas d'un pays, d'un peuple, mais d'une ville, Sion. L'hymne de ce mouvement, devenu à la renais¬sance de l'Etat d'Israël, l'hymne national israélien, parle « des yeux tournés vers Sion » et de l'espérance millénaire d'un retour en terre de Sion, à Jérusalem.

Il devient alors manifeste que foi et communauté de destin sont liés et qu'il est impossible à Israel, avec son centre à Jérusalem, de devenir simplement une nation comme les autres.

Ce lien entre foi et peuple n'est pas une création a posteriori, celle d'un peuple qui voudrait se sin¬gulariser; c'est le Dieu Vivant lui-même, en effet, qui a choisi et le peuple et Jérusalem comme lieu de sa demeure, confiant à Israël la mission d'être, parmi les nations, le témoin et le messager de sa sollicitude pour tous les peuples. Aussi, en 1975, Itzak Rabin, alors Premier ministre d'Israël, pouvait-il af¬firmer, s'adressant à des délégués du judaïsme mon¬dial: « Tout ce que nous sommes, tout ce que le judaïsme a entrepris, se résume en un seul nom qui est à la fois réalité matérielle et croyance mo¬rale: Jérusalem-Sion..., c'est le coeur spirituel de notre existence en tant que juifs ».

Ville sainte, Lieux saints

L'A. étudie ensuite de façon détaillée la distinction entre Ville sainte et Lieux saints. Voilà comment il la présente: L'intéret que porte le peuple juif à la ville de Jérusalem va avant tout à ce signe vivant qu'elle est de l'unité d'un peuple et à ce symbole qu'elle représente du rassemblement des exilés, des dispersés. La perspective messianique qui s'y décèle inclut explicitement que cette Ville sainte est tout ensemble le lieu d'habitation des hommes et le lieu de leur rencontre. Le christianisme et l'Islam, au contraire, sont avant tout intéressés par les Lieux saints, avec des nuances qui varient d'ailleurs selon les diverses confessions chrétiennes. Or, se rendre en pèlerinage aux Lieux saints, c'est essentiellement regarder en arrière, ce qui présente le danger de faire des Lieux saints une sorte de musée sacré. La Ville sainte, par contre, avec Jérusalem en son cen¬tre, oriente le regard vers l'avenir, vers la procla¬mation qui est faite en ce lieu d'un enseignement destiné à tous les peuples. (Is 2,2-4)

A cela s'ajoute le fait que jamais Jérusalem, dans son ensemble, n'a été choisie comme siège d'une administration supérieure, ni dans l'Antiquité ni à l'époque de la domination arabe. Ce sont Antioche, Damas, Ramleh. qui ont été les résidences des gouver¬neurs. En 1948, alors que la Jordanie était encore en possession de la Vieille Ville de Jérusalem, c'était cependant Amman qui était la capitale du royaume.

Comment donc en finir avec les brandons de dis¬corde et les haines séculaires qui empêchent Jéru¬salem de devenir une « Ville de la paix »? N'y aurait-il pas une chance d'y parvenir en distinguant net¬tement les liens qui rattachent à la Ville sainte les trois communautés de foi qui se réclament d'Abraham?

Pour les juifs, comme nous l'avons déjà dit, c'est la Ville entière qui est au coeur de leur existence; et cela remonte bien au-delà de la naissance du christianisme et de l'Islam. A l'époque de la capti¬vité de Babylone, cinq cents ans avant notre ère, le Psalmiste n'affirmait-il pas déjà: « Que ma langue s'attache à mon palais si je t'oublie, Jérusalem... » (Ps 137,6).

Un défi pour les chrétiens

L'intérêt des chrétiens se porte surtout vers les Lieux saints. Notons toutefois qu'un nombre crois¬sant de voix s'élèvent, et pas seulement du côté protestant, pour demander qu'on relativise leur im¬portance, une insistance exagérée sur ce point ris¬quant de faire perdre de vue la Jérusalem d'en-haut, celle que nous présente l'Apocalypse de St Jean. Le Dr Douglas Young, fondateur de l'American Ins¬titute for Holyland Studies, ne disait-il pas: « Dans notre tradition, nous ne regardons pas les Lieux saints comme sacrés en eux-mêmes; ce sont les évé¬nements qui s'y sont déroulés qui sont saints; aussi, selon notre conception, Jérusalem n'est-elle pas une Ville sainte »... Et le Père Bernard Dupuy, secrétaire de la Commission Episcopale de France pour les relations avec le judaïsme, parle dans le même sens lorsqu'il critique l'importance exagérée donnée aux Lieux saints: « Jérusalem, c'est la rencontre avec une ville, et pas seulement avec des Lieux saints.,. Les Lieux saints chrétiens sont une création de l'im¬pératrice Hélène, et leur localisation n'a à nos yeux qu'un caractère de rappel »... Et, ajoute-t-il, « la dé¬votion chrétienne doit dépasser les Lieux saints, car il est à craindre que ceux-ci ne deviennent de plus en plus un écran, liés comme ils le sont à la présence historique chrétienne au long des âges, présence pro¬pre plutôt à obscurcir les origines du christianisme sur ce sol qu'à les éclairer ».

Jérusalem et l'Islam

Pour ce qui est des revendications de l'Islam sur Jérusalem, elles semblent être de date assez récente. Les musulmans qui prient sur l'esplanade du Temple ne se tournent-ils pas d'ailleurs vers la Mecque? Le Coran, pour sa part, ne mentionne pas une seule fois Jérusalem et, selon la tradition, le seul lien de l'Islam avec la Ville est l'Ascension de Moham¬med vers le ciel à partir de l'esplanade du Temple. Ce qui n'empêche pas la famille royale d'Arabie Séoudite de proclamer: « Jérusalem, c'est une ques¬tion de vie ou de mort. Quand la reconquête néces¬siterait des martyrs, nous n'hésiterions pas! »

N'oublions pas cependant que sous la domination hachémite tout le quartier juif de la Vieille Ville a été systématiquement démoli, ses synagogues sé¬culaires réduites en décombres.

Il faut se rappeler que l'hostilité arabe contre les juifs remonte loin. Sous la domination de l'Islam, les « gens du Livre » (juifs et chrétiens), bénéficiaient du statut de « dhimmis (protégés), ne pouvant sous aucun prétexte prétendre à l'égalité avec les adeptes de l'Islam.

Signes d'espérance

En dépit de toutes ces difficultés, R. Pfisterer veut espérer en la possibilité de faire quelques pro-grès vers la compréhension mutuelle, et il voit des lueurs d'espoir dans les groupes actuellement actifs dans cette ligne à Jérusalem comme le Rainbow, la Fraternité Théologique Oecuménique de Recherche, des Centres comme la Maison d'Isaïe, les maisons des pères et des soeurs de Sion et d'autres.
Ces tentatives de compréhension mutuelle au ni¬veau de la vie quotidienne, pense R. Pfisterer, sont une véritable chance pour le Proche Orient, et elles peuvent devenir des modèles pour bien d'autres. Il termine son article sur une note d'espérance en citant le Père Marcel Dubois, 0.P.: « Le statut de Jérusa¬lem est visiblement, de façon symbolique et en réali¬té, la clé de l'équilibre au Proche Orient, et peut-être dans le monde entier ».

 

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