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Centres d'études juives
C. Hall
Vers le milieu du 19' siècle en Europe, particulièrement en Allemagne, les études juives étaient développées et reconnues comme une discipline. Avec la fondation du Wissenschaft des Judentums, les recherches scientifiques sur l'histoire, la littérature et la religion juives, les savants juifs rêvaient de leur donner assez de valeur pour obtenir une chaire d'université. Mais c'est seulement au 20° siècle que les études juives furent généralement acceptées comme une discipline académique. Durant ces quelques dernières années il y a eu des deux côtés de l'Atlantique, un étonnant développement dû, en partie, à l'impact de l'halocauste et de l'Etat d'Israël, mais aussi à ce que le judaïsme dans le monde universitaire est considéré maintenant comme intellectuellement digne de respect. Le phénomène de la croissance des études juives en est à la fois cause et effet.
Europe
Une étude des universités de l'Allemagne de l'ouest en juin 1965, a montré que sept d'entre elles offrent régulièrement des conférences sur l'histoire, la sociologie et la religion juives. Berlin avait déjà, par tradition, des études juives, car en 1883 Hermann Strack, un protestant, fonda l'Institutum Judaicum qui devint plus tard une section de la faculté de théologie. En 1965 l'un des deux maîtres de Berlin était Eva Cassirer, fille d'Ernst Cassirer, philosophe allemand bien connu et membre d'une brillante famille juive dont le salon à Berlin était un centre du monde de l'art. Un autre Institut, comme celui de Strack, fut fondé à Leipzig par Franz Delitsch; en 1966 il fut réouvert à Münster, et dirigé par K.H. Rengstorf. Delitsch et Strack, malgré leur objectif missionnaire, étaient tous les deux des savants de première classe et combattaient activement l'antisémitisme. En mai 1966 fut réouvert à Munich l'Institut catholique d'études juives, avec Franz Rodel comme directeur, un prêtre de 75 ans qui en 1964 mérita le prix Leo Baeck pour sa longue opposition à l'antisémitisme nazi. A Tübingen, l'Institut Judaicum, section de la faculté de théologie, est présidé par. Otto Michel, théologien protestant bien connu. 1966 vit aussi l'ouverture de l'Institut pour l'Histoire des juifs d'Allemagne, à Hambourg, et l'Institut Martin Buber à Cologne, une chaire d'université tenue par L.S. Maier, protestant, qui fit des études juives à Vienne sous la direction de Kurt Schubert. Sous l'influence de Schubert l'intérêt des chrétiens pour les études juives s'est beaucoup accru à la fois en Autriche et en Allemagne. Catholique, il étudia les langues orientales à Vienne et, après la guerre, fonda la faculté de judaïsme, institut indépendant depuis 1966.
Les universités françaises ont maintenant onze chaires d'hébreu moderne, résultat d'un accord culturel entre la France et Israël. Une chaire de yiddish et de littérature yiddish, à l'école des langues orientales de Paris, est tenue par Alex Dorczanski, qui est aussi professeur de philosophie dans un lycée. Mais, à part Strasbourg où André Néher a la chaire permanente d'études juives, et Nancy où vient d'être ouvert un Institut d'études sémitiques, le centre universitaire d'études juives de Paris dirigé par Léon Askenazi, a le programme le plus complet. Il offre à sessoixante-quinze étudiants des cours d'exégèse talmudique, de philologie hébraïque, de midrash, de mysticisme juif et de sociologie juive contemporaine; en outre il organise fréquemment des séminaires et des conférences à la Sorbonne, et se charge de séries de conférences dans d'autres centres universitaires. Pour une meilleure « Connaissance du Judaïsme », l'Institut supérieur d'études oecuméniques de l'Institut catholique de Paris a ajouté, pour l'année 1968-69, de nouveaux cours donnés par Kurt Hruby, prêtre catholique, qui a déjà enseigné le judaïsme à l'Institut catholique pendant de longues années (cf. K. Hruby, « Création d'une section 'Connaissance du Judaïsme' à l'Institut oecuménique de Paris ». L'ami d'Israël, Nos 5-6 1968, pp. 101-105).
En Angleterre, le centre le plus important est The Institute for Jewish Studies, fondé en 1959, qui a fusionné en 1964 avec le College Hebrew département de l'Université de Londres. Cambridge a eu longtemps un maître de conférences en Talmud et Rabbinisme. Salomon Schechter, maintenant aux Etats-Unis et président du Jewish Theological Seminary, a beaucoup enrichi les collections juives de l'Université, spécialement par le fameux Cairo Genizah, alors qu'il était maitre de conférence (1890-1903 ). Cecil Roth, historien juif bien connu, était chargé de cours aux études juives d'Oxford (1939-64) lorsqu'il émigra en Israël. L'Institut d'histoire contemporaine de Wiener library fondé à Amsterdam en 1934 et transféré à Londres en 1939 est un centre de recherches pour l'histoire européenne et juive, spécialement pour le fascisme, la question des races et des minorités, et l'antisémitisme. La Parkes Library, fondée par James Parkes, prêtre anglican, est maintenant à l'Université de Southampton et se spécialise dans l'étude des relations entre le monde juif et non-juif.
L'Université d'Amsterdam possède une chaire d'étude du judaïsme. Depuis 1946 M.A. Beek y enseigne les langue et littérature hébraïques, la Torah et le judaïsme post-biblique. Depuis 1963 les cours de yiddish et d'hébreu moderne y sont assurés par L. Fuks. Une autre chaire a été fondée en 1968 où M. Boertien enseigne les langue et littérature hébraïques depuis la période du 2e siècle après Jésus-Christ jusqu'à nos jours. Sous peu dans cette même université s'ouvrira un Institut= Judaicum. A l'Université d'Utrecht la chaire de judaïsme qui existe depuis 1962 a été confiée à J.W. Doeve. Dans les Universités de Groningen, de Leyden et dans la faculté catholique de rhéologie de Tilburg s'amorce un début d'enseignement sur certaines périodes ou parties du judaïsme. La Leerhuis (Bette ha-Midrash) à Amsterdam est un centre inter-religieux pour l'étude des traditions bibliques juive et chrétienne. Fondée en 1966, son directeur est Y. Aschkenazi, un homme de lettre israélien. (En janvier 1969 le Rabbin Aschkenazi a été nommé pour enseigner le judaïsme aux instituts catholiques de théologie à Amsterdam et Utrecht. Il est le premier rabbin à remplir cette fonction.) Professeurs juifs orthodoxes et libéraux y donnent des cours aussi bien que protestants et catholiques. Elle organise aussi des séries de conférences dans les provinces et les villes universitaires de Hollande.
Amérique du Nord.
En Amérique, depuis 1945, l'expansion des études juives dans les collèges d'arts libéraux et les universités a été prodigieuse. Le développement d'un programme d'études vraiment juives a commencé dans les différentes écoles de la ville de New York vers les années 1930-40 et non avec l'étude de l'hébreu, au 17e siècle, qui était alors orientée vers la théologie à Harvard, Yale et Princeton, ni à la fin du 19e siècle dans les sections des langues orientales. Cependant, entre 1886-1902, cinq professeurs de judaïsme étaient nommés, deux à Johns Hopkins, et les autres à Colombie, Pennsylvanie et Chicago. Alors qu'en 1945 six universités seulement offraient des programmes de doctorat pour quelques études du judaïsme, en 1965 il y en avait vingt-et-une.
Beaucoup d'institutions où il y a des études juives sont parmi les cinquante meilleures, cependant en 1965 les universités de haute valeur, Notre Dame et Georgetown et l'Université catholique de Washington, n'en avaient pas encore. Depuis lors toutes les trois ont commencé à offrir des cours sur le judaïsme. L'Université de Notre Dame signale qu'elle a récemment reçu un don du Rosenstiel Foundation pour accorder des bourses dans la section de théologie juive du « New Institute of advanced Religious Studies ». Le grand problème est de trouver des professeurs. Le directeur du département de théologie de Georgetown, Père William McFadden, fait remarquer qu'il y a un manque de rabbins. L'Université de Dayton a été le premier collège catholique américain à offrir un programme d'études juives. Commencé en 1965 il projette actuellement pour l'avenir la possiblité de lui accorder un statut de grades universitaires et de fonder une chaire qui amènerait d'éminents professeurs juifs sur le campus. Au Canada, l'Université de Manitoba est la seule à avoir un programme complet, alors que Toronto considère les études juives comme culturelles. L'Université Temple a développé une section de religion parfaitement équilibrée où toutes les religions sont enseignées autant qu'il est possible par des maîtres qui les professent (cf. Robert A. McDermott, « Religion as an Academie Discipline », Cross Currents, Winter 1968, pp. 11-33 ).
La première session d'été d'études juives, sous les auspices du Comité des Instituts judéo-chrétiens, s'est tenu au collège des jésuites de 'Wheeling (Ouest-Virginie) en 1967. Il y en a eu trois en 1968, à Wheeling, Marymount (Tarrytown, N.Y.) et Barat College (Chicago). Financées à la fois par les organisations juives et chrétiennes, ce sont deux semaines de travail intensif, pour 30 à 40 professeurs, des étudiants gradués, et des personnes s'occupant d'oecuménisme. Le projet pour 1969 est d'avoir six sessions — à Marymount, pour les professeurs d'écoles secondaires de l'archidiocèse de New York, à Wheeling pour ceux qui ont déjà suivi les cours précédents, à l'Université de Seton Hall pour un groupe spécialisé (peut-être des professeurs de catéchèse), à Grailville (Ohio) pour des laïques et à Kansas City (Missouri) et Mount Kisco (N.Y.) pour des groupes divers. Le Centre catholique d'éducation pour adultes de Chicago, l'un des responsables de l'Institut de Barat College, a tenu deux sessions de huit semaines en 1967-68 sur les relations judéo-chrétiennes pour les professeurs de religion. Parmi les conférenciers étaient le Rabbin Eliezer Berkovitz, conservateur, les professeurs J. Goert Rylaarsdam et André Lacocque, protestants, et le R.P. John Pawlikowski. Deux associations oecuméniques, Packard Manse de Boston et Wellsprings de Germantown (Philadelphie) profondément engagées dans les problèmes intérieurs de leurs villes, s'étaient préoccupées de donner des cours sur les questions juives. Michael Zeik, professeur juif de sa tradition religieuse au collège catholique de Marymount, dit carrément que l'instruction à tous les niveaux aidera chrétiens et juifs à dépasser le stade de simples réunions amicales. (Pour une étude analytique plus approfondie, voir Arnold J. Band, « Jewish Studies in American Liberal-Arts Colleges and Universities, 1945-65 », American Jewish Year Book, 1966.)