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Ouvrir les portes à une ère de paix et de solidarité - Cette inoubliable halte de prière au mur occidental…
Michael Melchior
Le pape Jean Paul II s’est approché du Mur occidental tenant à la main le texte d’une prière qui reconnaît l’alliance ininterrompue entre le peuple juif et Dieu, et implore le pardon de Dieu pour les souffrances que les chrétiens ont infligées à son peuple.
Cela a été un moment d’émotion.
Le pape s’est approché du Mur et il l’a touché. De l’endroit où je me trouvais, quelques mètres à peine en arrière, je pouvais sentir qu’il arrivait quelque chose d’inattendu.
Tout en marchant vers le Mur pour raccompagner le pape à l’intérieur jusqu’à l’estrade, le sentiment qu’il était arrivé quelque chose d’extraordinaire se renforçait parce que la force du Mur agissait sur le pape pour ainsi dire comme un aimant.
Quand le pape a touché le Mur, je me rappelle avoir pensé que le Mur lui-même s’approchait de lui et le touchait.
C’était comme si une porte fermée depuis des siècles, une porte donnant sur la réconciliation et la paix entre juifs et chrétiens, commençait finalement à s’ouvrir.
Les chaînes de télévision ont transmis les images de cet événement à un demi-milliard de personnes dans le monde, et moi je ne pouvais pas ne pas penser aux autres portes que les juifs, en courant de grands dangers, ont ouvert au long des siècles.
Quelques minutes auparavant j’avais parlé au pape au nom du gouvernement d’Israël et je lui avais rappelé que « des milliers d’années d’histoire nous regardaient, nous en bas, … du haut de la cime de cette montagne ».
Je sentais qu’il était juste d’invoquer notre mémoire collective des souffrances subies par le peuple juif.
J’ai voulu affirmer que les persécutions du passé peuvent et doivent être le prélude d’un nouveau type de rapports entre les religions et les peuples.
Nous ne devons plus pervertir les valeurs sublimes de la religion pour justifier la guerre, ai-je dit. Nous ne devons plus invoquer le nom de Dieu tout en frappant ceux qui sont créés à son image. Aujourd’hui commence une nouvelle ère, pendant laquelle nous nous engageons à parcourir les anciens chemins et à construire de nouvelles routes qui porteront la paix à toutes les religions, des routes sur lesquelles la foi en Dieu sera le symbole de la paix et de la fraternité entre les créatures de Dieu qui souffrent.
Je sais que tous ne partagent pas ma conviction que la religion peut être une force pour promouvoir la paix entre des nations en guerre depuis longtemps…
Tout en comprenant l’amertume qu’inspire à certains d’entre nous l’intolérance que peuvent produire les croyances religieuses, nous avons besoin de la participation des chefs religieux au processus de paix au Moyen-Orient.
Au sein de chacun des deux camps en présence, il y a une partie substantielle de la population qui est religieuse, et le conflit lui-même a une connotation religieuse. La réconciliation et le dialogue interreligieux peuvent créer un langage tel qu’il prépare la voie à la paix réelle.
Près du Mur occidental, en parlant au pape, je l’ai prié de promouvoir un dialogue interreligieux de haut niveau avec les représentants des trois grandes religions monothéistes pour que vienne la paix entre les religions sur cette terre sainte, dans cette région et dans le monde entier.
J’espère que pendant la Pâque qui vient, temps où les juifs du monde entier ouvrent les portes à Élie le prophète, nous nous souviendrons du courage qu’il a fallu au cours des siècles de persécution et d’exil pour accomplir cet acte. J’espère que ces souvenirs, au lieu de nous rendre amers, nous donneront le courage d’ouvrir nos portes à une nouvelle ère, dans laquelle nos aspirations religieuses et notre désir de paix s’uniront en une seule flamme d’inspiration et de lumière.
Le rabbin Michael Melchior est membre de la Knesset et ministre de la société israélienne et de la communauté juive mondiale. Il a été le seul rabbin présent au Mur occidental pour accueillir Jean Paul II. Le Grand Rabbin R. Samuel Sirat (France) s’y était rendu à titre personnel. [Traduit de l’italien par B. Brumelot].
Ces lignes ont paru dans l’Osservatore Romano le 22 avril 2000, qui a bien voulu nous autoriser à les reproduire.