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Enseignement et éducation - Qu'est-il advenu de la Loi d'Amour?
Mary Travers
Nous lisons en Dt 6,4-5:
«Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est le seul Seigneur; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir ».
Et quelques siècles plus tard, en Mc 1,28-31. Jésus répond au scribe qui l'interroge sur les plus grand commandement:
«Le premier, c'est: Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur, et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même».
Mais 2000 ans environ plus tard, voici la réaction de bien des jeunes:
«La religion... ce sont des choses à faire ou ne pas faire... Ce sont surtout des interdictions! »
Devant une telle réaction, trop courante chez les 'jeunes élevés dans le christianisme (ou dans d'autres refluions?), parents et éducateurs devraient se poser deux questions:
* Comment est-il possible que des chrétiens (mon fils, ma fille, mes élèves, ou mokmême) acceptent un tel travestissement de la vérité?
* Comment le message chrétien est-il transmis, vécu, dans nos écoles ou dans nos foyers pour donner une telle impression aux jeunes?
Le moralisme
Tendance naturelle dans toutes les religions, le moralisme peut être défini comme le fait « d'identifier totalement la religion à la morale». Il s'agit là d'une fausse identification, ne serait-ce que parce que l'expérience religieuse ne se traduit pas toujours en une conduite morale, et que les personnes de haute moralité peuvent ne pas croire en Dieu. C'est dans les religions révélées seulement que la conduite morale apparaît comme la réponse libre et aimante au don gratuit de l'amour divin. Il y a cependant toujours, dans la nature humaine, cette tendance à ne voir dans la religion qu'une morale, et nous avons à en tenir compte dès la première initiation à une religion, quelle qu'elle soit. Mais cette tendance n'est malheureusement pas seulement innée, elle est aussi inculquée, renforcée chez l'enfant dès ses premières années par l'enseignement et l'exemple des adultes.
Il est bon de noter ici que si la conscience, en tant que capacité à distinguer entre le bien et le mal, est innée, le contenu de cette conscience, ce qui la forme, nous vient de l'éducation et peut différer totalement d'un groupe à un autre, et mémo parmi des individus appartenant à un même groupe. Les grandes religions monothéistes, par exemple, considèrent toutes trois qu'il est juste de réserver un certain temps au culte communautaire rendu à Dieu, mais le comment et le quand sont radicalement différents. Et selon qu'un individu répondra ou non à cette invitation, il éprouvera un sentiment de satisfaction ou de culpabilité, selon sa manière propre de sentir. J'ai choisi à dessein cet exemple, parce que bien souvent c'est là que commencent nos difficultés en milieu chrétien, mais sans doute cela est –Il vrai aussi dans d'autres religions. SI souvent les adultes moralisent et disent aux enfants (qui seront à leur tour !moralisants) qu'ils doivent, sous peine de péché, aller à la Messe le dimanche; et ces enfants se sentent alors coupables chaque fois qu'ils manquent la Messe, quelle qu'en soit la raison. C'est quand ils sont très jeunes que l'on sème chez les enfants des germes de rébellion! Et ce n'est là qu'un simple exemple...
Un autre domaine piégé est celui de la morale sexuelle. Des parents libérés de tout sentiment de culpabilité ont mis au monde des enfants «libérés» qui, à la suite de ce qu'on appelle la « révolution sexuelle», découvrent que la réponse à leurs problèmes ne se trouve pas dans la licence totale. Ils ont échoué dans leur tentative de se débarrasser du poids de !culpabilité que leur ont imposé des parents moralisants en niant l'existence de Dieu et, du même coup, la loi morale; mais qu'avons-nous à leur offrir en échange?
Une réponse chrétienne
Les parents et éducateurs chrétiens auraient beaucoup à apprendre de la manière juive de considérer la « Loi», c'est-à-dire comme l'expression de l'amour inépuisable de Dieu. Certains articles de cette revue pourraient aider les adultes à revoir leur propre comportement, et les aider peut-être aussi à se libérer de leurs sentiments de culpabilité sans les faire peser sur les épaules d'enfants ou de jeunes qui attendent d'eux leur orientation. Il pourrait être bon aussi de retire l'aréole de M.H. Fournier dans la revue de juin dernier: « Les dix Paroles et leur indicatif oublié».
Nous sommes tous pécheurs devant Dieu, mais des pécheurs qui sont pardonnés avant même de l'avoir demandé! La parabole du Père prompt à pardonner (Lc 10,5-37) est importante à ce sujet. C'est vrai que le fils revient, après être rentré en lui-mème, mais son père le voit venir de loin, il court à sa rencontre et le serre dans ses bras sans lui permettre de prononcer les mots de repentir qu'il a préparés. Le Psaume 25 (24) est aussi un bon exemple de véritable contrition: le psalmiste admet tout simplement sa culpabilité et en demande pardon. On !pourrait trouver dans les Psaumes bien d'autres prières admirables de regret pour son péché et de confiance dans le pardon et la miséricorde de Dieu.
Finalement
Juifs et chrétiens, nous reconnaissons l'initiative d'un Dieu plein d'amour qui attend une réponse de ses enfants: leur volonté de « marcher selon la Loi du Seigneur » par amour; mais la tendance naturelle au moralisme est très forte, et il nous faut être très attentifs à ses manifestations, à sa force de destruction. La Loi et les commandements ne nous condamnent pas à la crainte et à la mort, ils nous invitent au contraire à l'amour et à la vie.
Mary Travers
Responsable de la catéchèse à SIDIC-Rome